Un Vide de Vérité

Chapitre 24 : Prisonnières

2368 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 05/12/2020 18:48

L’eau clapotait doucement contre la coque du bateau, ils s’étaient éloigné des côtes et avaient jeté l’ancre, au large, loin des regards indiscrets, loin des oreilles indiscrètes. Arendelle leur appartenait pourtant, mais Derlock se montrait toujours prudent. Au beau milieu de l’océan, vous pouviez toujours voir arriver vos ennemies de loin. Et il avait besoin de calme pour ce qu’il préparait ensuite. Les deux derniers esprits anciens en sa possession, plus rien ne pourrait l’arrêter. Il lui tardait de se sentir aussi puissant. Le rituel demandait du temps et de la précision, il n’avait aucune intention d’en confier la planification à Lenjo ou Laceli. Non, il n’avait confiance qu’en lui pour un tel travail. Derlock réunit les différents ingrédients et talismans nécessaire. Une question demeurait cependant, par laquelle des deux devait-il commencer ? Elsa était sans aucun doute la plus dangereuse, mais celle qui lui demanderai le plus de temps. Anna lui poserait moins de problème à gérer en captivité, en revanche, le rituel serait beaucoup plus rapide. Il avait encore quelques heures devant lui pour régler ce dilemme. La nuit et la lune étaient deux éléments nécessaires à l’accomplissement du sortilège et pour le moment, le soleil brillait encore un peu trop fort à son goût.


Sur un bateau, le problème était souvent le manque d’espace, mais puisqu’il ne transportait aucune marchandise, l’équipage s’entassait sous le pont, lui laissant la possibilité d’une cabine plus spacieuse. Elle était organisée en 4 espaces bien distinctes : l’espace nuit accueillait un lit d’une taille raisonnable, un édredon confortable. Les draps et les couvertures étaient tirés au carré, une petite étagère au mur contenait quelques livres et de quoi éclairer. Son espace de recherche se trouvait non loin d’une petite fenêtre, la seule de la cabine. Il y avait un bureau parfaitement rangé, une armoire à l’intérieure de laquelle tout était trié par ordre alphabétique, étiqueté, classé. Une carte accrochée au mur sur laquelle Derlock avait annoté les contrées qu’il avait visité. Le troisième espace était dédié à son habillement, il était assez petit mais efficacement agencé, uniquement avec des rangements fermés pour pallier au roulis du bateau, en particulier les jours de tempête. On y trouvait ses costumes par couleur, chaussures, chausses, boutonnière, une quantité impressionnante de monocles et un miroir en pied. Le dernier espace était celui dont il était le plus fier. Des vitrines dans lesquelles étaient agencés des objets exotiques qu’il avait glanés lors de ses voyages ou de ses recherches, chacun d’entre eux était exposé avec une courte note explicative. Il ne se passait pas une journée sans que Derlock prenne le temps d’y flâner, il plongeait avec délectation dans les souvenirs et se flattait d’être un homme si brillant et si intelligent.


Derlock ouvrit l’un des tiroirs de son bureau, il en sortit une boite qu’il ouvrit avec soin, il attrapa une pièce enroulée de tissu qu’il déballa délicatement pour révéler une longue vue. Il la déplia et observa la côte depuis la fenêtre de sa cabine. Comme il l’avait demandé, il n’y avait aucune activité sur le port, tous les bateaux à quai avaient reçu l’ordre de retourner au large, à l’opposé de l’endroit où se trouvait son propre navire. Ainsi, si quelqu’un envisageait de l’appareiller, cela ne pourrait pas venir de sa propre flotte. Et personne ne pourrait prendre le contrôle d’une embarcation depuis le port, puisqu’il n’y en avait plus. Un génie, il était un génie. Satisfait de sa surveillance, il remit l’objet dans son emballage de tissu, puis le paquet dans sa boite, et la boite dans le tiroir de son bureau. Tout était à sa place, Derlock était comblé. Il prit une longue inspiration, humant l’air marin à plein nez puis quitta sa cabine, les bras chargés de ce dont il avait besoin pour les préparatifs de cette nuit.


A peine quelques secondes après son départ, une mouette se percha sur le rebord de la fenêtre. Un coup d’œil à gauche, un coup d’œil à droite et d’un saut elle fut à l’intérieur pour se matérialiser sous la forme de Metiger. Il frissonna et se secoua en reprenant sa forme humaine. Les transformations lui faisaient toujours un drôle d’effet mais il n’avait pas le temps de s’attarder sur ses états d’âmes. Comme prévu, il s’était initialement rendu au château durant la rencontre. Et grâce aux explications d’Anna et d’Elsa, il avait pu trouver la fameuse pièce secrète sans difficulté. Ses connaissances du monde des esprits lui avait permis de sélectionner les ouvrages qu’il pensait être les plus pertinent et surtout, il n’avait pas oublié les carnets d’Iduna. Sa visite s’était déroulée sans encombre, il s’était même autorisé à déambuler dans les couloirs déserts du château à la recherche d’autres indices. Mais leurs adversaires ne semblaient pas y avoir établi leur quartier. Il était prêt à rentrer lorsque le vent s’était levé, brusquement, brutalement. Et là, au milieu de la cours du palais, 4 personnes venaient d’atterrir, ou plutôt 5 maintenant qu’il reconnaissait Anna, jetée comme un sac de patates sur l’épaule d’un homme. Evidemment, il avait reconnu Elsa dont les poignets étaient entravés. Metiger n’avait jamais croisé le fameux Derlock, mais il n’avait pas besoin de plus d’explications pour savoir qu’il s’agissait des trois personnes dont Mattias avait parlé. Il n’avait pas eu besoin de réfléchir longtemps pour choisir de dissimuler son butin dans les fourrées et de suivre la troupe.


Et maintenant qu’il était là, Metiger s’en félicitait. Mais sans personne pour lui servir de guet, il faudrait qu’il soit efficace dans ses recherches. Il ouvrit en grand l’armoire qui se trouvait juste à côté du bureau et sourit franchement. Tout était si parfaitement ordonné que ses recherches venaient de devenir extrêmement faciles. Il se retint d’éclater de rire et sélectionna des notes dont le titre l’intriguait. La joie qu’il avait éprouvée quelques minutes auparavant disparut au fur et à mesure qu’il lisait. Metiger parcourut les pages fébrilement. Il avait besoin de ses informations et il ne pourrait pas tout retenir de mémoire. S’il prenait quelque chose, ce maniaque de Derlock s’en apercevrai tout de suite, et surtout… Une mouette n’avait pas de poches. Après quelques hésitations qui lui donnèrent des sueurs, Metiger déchira une moitié de page, il la plia jusqu’à ce qu’elle soit la plus petite possible puis rangea le tout avec autant de soin que Derlock lui-même. Il était dans la cabine depuis déjà trop longtemps. Pas question de se faire surprendre maintenant, le sorcier se concentra, quelques secondes plus tard, il était sous la forme d’un rat. Il prit la page déchirée dans sa gueule et chercha les tunnels de ses congénères, sur tous les bateaux du monde, il y avait toujours de la vermine.


Les prisonniers étaient souvent détenus dans une partie de la cale, il n’y avait pas de raison qu’Elsa et Anna fassent exception à la règle. Metiger se servit des vibrisses de sa forme animal pour se repérer, il se faufila en prenant bien garde à ne pas se faire repérer, ni par l’équipage, ni par les autres rats du navire. L’atmosphère sous le pont était étouffante, sans grande surprise, et aussi beaucoup plus bruyante. Il se détourna de l’odeur alléchante de la nourriture et se faufila derrière des caisses. Il attendit qu’un homme finisse de jeter ses restes de repas par un sabord et repéra un trou dans le plancher qui lui permit d’atteindre la cale. Ses yeux s’accoutumèrent à l’obscurité et il repéra bien vite les deux sœurs. Chacune des deux étaient menottées, Anna était allongée à même le sol, sa tête sur les genoux de l’ainée, il y avait du sang séché sur la partie gauche de son visage et Metiger n’aimait pas ça du tout. Elsa n’avait pas l’air d’être blessée, plutôt, anéantie. Elle caressait doucement les cheveux de sa cadette. Le rat s’avança de manière à être aussi visible que possible. Le peu de lumière provenait d’une lampe à huile accrochée au plafond, non loin de la trappe ouverte qui menait au pont. Cheminer en pleine lumière était sans doute risqué, mais il ne voulait pas faire peur à Elsa et prendre le risque qu’elle le chasse. Metiger s’arrêta lorsqu’elle le repéra. Il se mit debout sur ses pattes arrière, la page déchirée toujours dans la gueule. La blonde pencha légèrement la tête en l’observant. Son regard se porta sur la trappe avant de revenir sur lui.


« Approche »


C’était à peine un murmure et pourtant c’était si fort à ses oreilles. Il quitta la lumière et avança vers Elsa, elle lui tendit la main pour l’accueillir et il grimpa dans sa paume. Elle le porta à hauteur de ses yeux et le rat déposa doucement le papier qu’il tenait dans sa gueule.


« C’est pour moi ? »


Elsa n’était pas certaine de ce qu’elle était en train de faire, mais puisqu’elle avait sympathisé avec une salamandre il n’y avait pas si longtemps, pourquoi pas un rat. L’animal quitta ses mains pour regagner le sol. Les menottes rendaient les manœuvres un peu compliqués mais elle déplia le papier. Quoique ce soit, elle était incapable de lire, la langue lui était inconnue. Son regard se posa de nouveau sur le rat.


« Je dois le garder ? »


Elle n’avait pas rêvé, l’animal venait de faire oui de la tête.


« Metiger ? »


Un nouveau oui. C’était rassurant de savoir qu’elle n’était pas folle et que tout ce qui venait de se passer avait tout à coup un sens. Elsa replia le papier et le rangea à l’intérieur de sa tenue.


« Je ne sais pas ce qu’ils préparent. Derlock nous veut pour le rejoindre. »


Elle réfléchissait à toute vitesse, il fallait qu’elle donne un maximum d’informations au sorcier.


« Je crois qu’il se fiche du reste, il n’y a que nos pouvoirs qui l’intéressent mais je ne sais pas ce qu’il compte faire. Et ces menottes… me limitent, nous limitent. Je peux à peine me servir de ma magie.

Lenjo est celui qui maitrise le vent, Laceli, le feu. Anna a été blessée pendant le combat mais je crois que ça va aller. »


Du bruit à l’étage l’interrompit dans son monologue. Elsa porta de nouveau son regard sur la trappe ouverte. Quand on parlait de la louve… Metiger se terra contre la cloison, il fila dans les ombres bien avant que Laceli pose le pied au fond de la cale. Elle s’avança vers les deux sœurs et déposa un sceau avec une louche et un linge propre.


« De l’eau. »


Comme elle ne reçut pas de réponse, elle plongea la louche dans le liquide clair et la présenta à Elsa.


« Je te promets qu’elle n’est pas empoisonnée, Chaton. »


Et pour le prouver, elle en prit une gorgée. Elles se défièrent du regard quelques instants, mais la blonde n’était toujours pas en position de négocier, et refuser de l’eau alors que sa gorge était sèche n’était pas une bonne idée. Elle se saisit de la louche et but avec retenu. Ce n’était pas l’envie qui lui manquait de congeler Laceli et son sourire satisfait. Elsa s’était attendue à une remarque perfide et moqueuse, au lieu de ça, elle reçut une deuxième louche d’eau fraiche qu’elle vida également. Les deux femmes s’observèrent de nouveau, l’animosité était si palpable que l’air semblait s’être épaissi. Laceli trempa le linge dans l’eau et s’approcha pour nettoyer le visage d’Anna. Elsa lui saisit le poignet et pendant un instant, la seule chose à laquelle elle put penser était le contact de cette peau si froide sur la sienne. Elle recula et tendit le linge pour que la blonde puisse le faire elle-même.


« La blessure de Coquelicot est légère, elle va se réveiller avec une bonne migraine. Personnellement, je préfère quand c’est lié à l’alcool. »


Elsa nota que tout le monde avait droit à un surnom. Elle ne comprenait pas ce que Laceli était en train de faire. Peut-être se montrait-elle amicale pour mieux les convaincre de se joindre à Derlock ? Elle nettoya délicatement le sang séché sur le visage de sa cadette qui gémit doucement, mais ne s’éveilla pas. Laceli secoua la tête.


« Mais j’imagine que les Chatons et les Coquelicots, ça ne boit pas d’alcool. Ca vit une vie parfaite dans un château parfait. »


Ah ! Elle avait mis un peu de temps, mais la perfidie était bien présente. Quand elle releva la tête après avoir terminé de nettoyer la blessure d’Anna, Laceli n’était plus là.

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