Un Vide de Vérité

Chapitre 28 : Echange

4343 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 28/12/2020 12:04

La nuit était calme, c’était presque déconcertant, elle vivait sur un bateau depuis si longtemps que le bruit des vagues lui manquait. Laceli entendait quelques mouvements autour d’elle, mais elle préférait garder les yeux fermés pour le moment. Lorsqu’elle les rouvrirait, elle devrait faire face à une réalité qui ne lui plaisait pas du tout. Une réalité où elle était prisonnière, mais surtout où elle était l’ennemie. Qu’elle soit emmitouflée dans des couvertures à même le sol dans la chambre d’un palais, ou endormie dans son lit étroit et humide sur un bateau, elle était toujours prisonnière et elle était toujours l’ennemie. Laceli s’était résignée il y a plusieurs années, après avoir lutté pendant tout aussi longtemps pour arriver toujours au même résultat : c’était douloureux.


Derlock ne tolérait aucune erreur, aucune faiblesse et ne souffrait aucune contestation. Quand il ordonnait, vous deviez exécuter, point final. Elle paierait cher pour avoir laissé s’enfuir Elsa. Laceli ferma les yeux un peu plus forts pour faire taire la petite voix dans sa tête : « Je ne l’ai pas juste laissée s’échapper, je l’ai aidée ». Elle retint un soupir pour éviter d’attirer l’attention sur elle. Ce qu’elle avait fait été complètement stupide. A croire qu’elle ne parviendrait jamais à apprendre cette leçon, combien de fois avait-elle essayé d’échapper à Derlock ? De nuire à ses plans ? De se retourner contre lui ? Et qu’avait-elle gagné à chaque fois ? Simplement plus de cruauté. Il l’avait forcé à brûler des villages entiers, à se battre contre des hommes et des femmes qui n’avaient rien fait d’autre que de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Laceli devait comprendre : elle lui appartenait.


« Ce que la vie ne t’a pas donné, prends-le »


Elle haïssait cette phrase, elle le haïssait lui, elle haïssait ses parents pour avoir accepté l’argent que Derlock avait posé sur la table. Il s’était présenté chez eux alors qu’elle venait tout juste de fêter ses 16 ans. Pour sa famille, ses pouvoirs étaient une source de malédiction, Laceli avait brûlé plusieurs maisons, le mobilier était carbonisé, même ses parents portaient les stigmates de sa magie. Alors quand Derlock avait offert de payer pour les débarrasser de leur enfant maudit, ils l’avaient vu comme un cadeau du ciel. Les adieux avaient été aussi rapides qu’une bourse qui passe de mains en mains, le bonheur de la richesse en moins. Elle n’avait même pas eu le temps de faire ses valises, Derlock avait posé sur son bras une poigne rude et ferme et l’avait pratiquement trainée jusqu’au bateau.


« Ce que la vie ne t’a pas donné, prends-le »


Et quelques nuits plus tard, il achevait de lui prendre ses pouvoirs. Son cœur manqua un battement, une angoisse sourde lui tordit l’estomac : ses pouvoirs. Laceli se concentra mais la réponse était évidente, elle ne les avait plus. D’une façon ou d’une autre, ses nouveaux amis avaient réussi à les neutraliser. Elle sentait toujours la magie qui brûlait en elle mais impossible de la canaliser. Quel que soit l’endroit où elle se trouvait, les personnes qu’elle rencontrait, finalement, il était toujours question de la contrôler. Elle ferma les yeux un peu plus forts pour faire refluer ses peurs. Qu’est ce qui lui avait pris d’aider cette femme dont elle ne connaissait rien ? Elle avait fait la même erreur avec Lenjo. Derlock l’avait faite souffrir pendant des jours et des nuits entières pour s’assurer qu’elle ne recommencerait plus jamais. Après ça, effectivement, elle avait sagement pris la place qu’il lui destinait. Il était plus simple d’assumer être le pire plutôt que de voir les gens l’implorer pour qu’elle leur vienne en aide. Plus simple d’essuyer leurs insultes plutôt que leurs suppliques.


Et pourtant, elle recommençait avec Elsa. Il y avait quelque chose de magnétique chez elle, une attirance inexorable au point d’être assez stupide pour plonger dans une eau glaciale. Elle pouvait se féliciter de sa lucidité, elle avait failli mourir, et maintenant elle se trouvait ligotée sans pouvoirs. Et Derlock… Derlock devait être très en colère. Il fallait qu’elle choisisse son camps une bonne fois pour toute, il n’était pas encore trop tard pour réparer les choses. La voix d’Elsa qui s’éleva dans le calme de l’aurore la fit frissonner.


« Metiger, allez-vous reposer, je vais prendre la relève.

-Je peux veiller encore un peu.

-Si même moi j’ai pu trouver un peu de temps pour dormir, je pense que vous pouvez le faire aussi. »


Il y eut d’autres mouvements autour d’elle puis le bruit d’une porte qui se referme doucement et le calme de nouveau. L’odeur de la nourriture vint lui chatouiller les narines et contre toute attente, son estomac gargouilla.


« Je crois que cela veut dire que vous êtes réveillée. »


Laceli maudit son appétit en silence puis elle se redressa en position assise, prenant bien soin d’emmener les couvertures avec elle. Elle ouvrit les yeux et découvrit pour la première fois l’endroit où elle était captive. Aucun doute, c’était plus spacieux et plus agréable que le bateau sur lequel elle logeait. Le feu chauffait toujours dans la cheminée, elle s’appuya tout contre pour savourer la chaleur. Son regard se promena sur les tentures et le mobilier, elle railla :


« Donc au Royaume d’Arendelle, les gens sont si gentils que vous enfermez vos prisonniers dans les chambres du palais ?

-Seulement ceux qui me sauvent la vie. »


Laceli se sentit transpercée par le regard d’Elsa, elle refusa de le croiser.


« Ne te fais pas d’idée Chaton, c’est juste parce que j’allais y passer. »


Au lieu de répondre, l’ancienne reine disposa la nourriture sur la table et l’invita à se joindre à elle d’un geste de la main. Laceli sortit ses mains liées de sous les couvertures.


« Je suppose que tu les aimes soumises, ligotées et nues mais j’aimerai autant m’habiller. »


Elsa rougit brusquement sous l’œil amusé de l’esprit du feu. Ainsi donc, elle n’était pas de glace, c’était intéressant.


« Vous pouvez prendre une de mes robes, dans la penderie.

-J’espère que tu as du rouge. »


La blonde ne répondit pas et se contenta de défaire les liens avec l’aide de sa magie. Aussi simplement que ça, c’était dire à quel point Laceli n’était pas perçue comme une menace. Et comment le pourrait-elle, sans pouvoir, elle était complètement à la merci du groupe. Elle sélectionna une robe à manches longues parce qu’il y avait définitivement trop de glace dans les environs. Ce n’était pas rouge, évidemment, mais d’un violet sombre qui ferait l’affaire. Laceli prit une longue inspiration derrière le paravent, il ne fallait pas qu’elle se laisse déconcentrer par les grands yeux bleus d’Elsa et qu’elle trouve une solution pour s’échapper et rejoindre Derlock.


« Qu’est-ce que… Les serpents ! Sur mes bras ! Qu’est-ce que c’est ?

-Ce qui nous permet de neutraliser vos pouvoirs, pour le moment.

-Pour le moment… J’ai le droit de dormir sur le sol d’une chambre, mais te sauver la vie limite quand même mes privilèges.

-C’est ce qu’on récolte pour avoir contribué à nous enfermer, ma sœur et moi, au fond d’une cale d’un bateau, en nous privant également de nos pouvoirs. Mais si vous insistez, je dois pouvoir trouver une place dans un cachot. »


Laceli grogna et quitta l’abri du paravent. Elsa la fixa du regard.


« Et puis, je pensais que vous ne m’aviez pas sauvée la vie ? »


La brune réprima un frisson et s’installa à la table.


« Il faut toujours essayer de négocier, pas vrai Chaton ? »


Elle se servit quelques fruits et commença à manger avec appétit.


« D’ailleurs, je suppose que c’est ce que tu vas faire, non ? Négocier avec Derlock pour m’échanger contre Anna.

-Non. »


Laceli s’arrêta au milieu d’une bouchée de poire.


« Pardon ?

-C’était mon intention au début, mais plus maintenant. Je ne rendrai personne à cet homme. »


Le ton était tranchant, sans appel. La brune était toujours sidérée.


« Je ne comprends pas.

-Je trouverai un autre moyen de sauver ma sœur mais je ne vous livre pas à lui.

-Me livrer ? Tu te souviens que lui et moi nous sommes dans le même camp ?

-Vraiment ? »


Laceli frémit. Il fallait qu’elle choisisse un camp, et les souffrances que Derlock lui avait infligées hantaient encore ses nuits. Il n’était pas question de répéter les mêmes erreurs, mais bon sang, elle devait admettre qu’Elsa était convaincante.


« Je ne sais pas ce que tu t’imagines, Chaton, mais oui, vraiment. 

-J’ai eu une discussion intéressante avec Kecen. »


La brune eut un rire mauvais.


« Cet imbécile de jumeau de R ? Je ne sais pas ce qu’il a pu te raconter comme idiotie, mais Kecen ne me connait pas. Et je suis désolée de te l’apprendre, Chaton, mais tout le monde ne vient pas d’un monde où les bonhommes de neige se mettent à chanter. Derlock n’a pas eu besoin de me convaincre de quoique ce soit, c’est le premier et le seul à m’avoir tendu la main, même mes parents ne voulaient pas de moi. »


Elsa reposa la tasse de thé à laquelle elle n’avait pas touchée, pas plus qu’elle n’avait mangé. Savoir Anna emprisonnée avec Derlock lui avait durablement coupé l’appétit. Elle posa son regard sur l’énigme brune qui lui faisait face, ainsi donc, elle s’était trompée. Pourtant, elle pouvait le sentir, Laceli n’était pas comme elle le disait. Elle n’avait aucune explication, ni aucune preuve mais sa magie pouvait le deviner et Elsa lui faisait confiance.


« Vous vous donnez beaucoup de mal pour me convaincre de vous jeter dans un cachot. Nous allons vous retirer la marque qui lui permet d’utiliser vos pouvoirs.

-La… La marque maitre-esclave ? »


Laceli éclata de rire.


« Tu penses que j’ai une marque ? Que Derlock me maitrise ? Oh Chaton… C’est vraiment trop mignon. Je suis à ses côtés, volontairement. »


Elsa continuait de l’observer sans se départir de son calme, à croire que rien ne pouvait l’atteindre. La brune préféra quitter sa place pour se soustraire au regard intense.


« Ca fait quel effet de savoir que tu as sauvé une planche pourrie au lieu de venir en aide à Anna ? »


La chute brutale de température fut une excellente indication. La blonde se leva pour la confronter, Laceli recula jusqu’à sentir le mur dans son dos, Elsa était si proche qu’elle pouvait distinguer les très discrètes tâches de rousseurs sur sa peau. Ses poings étaient serrés et de la glace se forma sur les murs. La brune n’osait plus bouger, bien, elle avait trouvé le sujet sensible. La diversion avait le mérite d’être efficace, quoiqu’un peu dangereuse à son goût. Elles respirèrent le même air pendant des secondes qui lui semblèrent de longues et interminables minutes. Elsa rompit le contact aussi soudainement et quitta la chambre sans un mot.


La blonde prit du temps pour se calmer dans le couloir. Les deux mains à plat sur une console, elle fixa son regard dans le miroir. Laceli lui faisait perdre ses moyens, pire, elle réussissait à la faire douter d’elle-même. Mais sa magie ne l’avait jamais trompée alors à quel jeu jouait l’esprit du feu ? Elle secoua la tête et prit la direction de la bibliothèque.


Metiger et Honeymaren avaient établi leur base de recherche dans le coin gauche, juste à côté de la pièce secrète qui était maintenant grande ouverte, et finalement plus si secrète. C’était actuellement l’endroit le plus calme du château, les habitants comme les soldats avaient décidé de respecter le caractère silencieux de la bibliothèque en évitant d’investir les lieux.


 Si le sorcier était parti se reposer, en revanche, elle trouva son amie très occupée le nez dans un livre. Elle était si concentrée qu’elle n’entendit même pas l’arrivée de l’ancienne reine.


« Bonjour, Maren. 

-Oh ! Elsa.

-Je peux te déranger un instant ?

-Oui bien sûr, prends une chaise. »


La blonde s’installa, elle jeta un œil au livre que lisait Honeymaren, mais elle était toujours incapable de déchiffrer la langue.


« Avez-vous découvert plus d’informations, Metiger et toi ?

-Oui, ce livre en particulier est une mine d’or. Je crois que ta mère commençait tout juste à l’étudier quand tes parents sont partis pour… »


Maren suspendit sa phrase en se rendant compte de son indélicatesse.


« Je suis désolée.

-Ça ne fait rien. As-tu pu en apprendre plus sur la fameuse marque ? Je crois qu’ils appellent ça une marque Maitre-esclave. »


La jeune femme hocha la tête, elle fouilla dans ses notes et revint quelques pages en arrière.


« Oui, le livre en parle ici. Regarde, voici la marque en question. »


Sur une partie de la page était tracé un hexagramme qu’elle montra à Elsa.



« C’est le même dessin qu’on retrouve sur le drapeau de Derlock, non ?

-Exactement, et à l’intérieur, à l’endroit où se croisent les lignes, tu y imposes le symbole de la magie que tu veux contrôler.

-D’accord, et qu’est-ce que ça permet exactement ?

-Pour le porteur Maitre, cela lui permet de maitriser la magie en question. Par exemple, si tu avais la marque Esclave et que j’avais la marque Maitre, je pourrais maitriser la glace comme tu le fais.

-Aussi bien que moi ?

-Je l’ignore.

-D’accord. Donc tu pourrais te servir de ma magie indéfiniment ?

-Oui et non, j’ai besoin de siphonner ta magie pour m’en servir. »


Elsa grimaça.


« Ca n’a pas l’air très agréable.

-Ca ne l’est pas. Et ce n’est pas la seule chose qui soit désagréable. Je pourrais également te forcer à faire des choses.

-Comment ça ?

-Par exemple, je pourrais te forcer à créer une patinoire à l’intérieur de la bibliothèque.

-A n’importe quel moment ? »


Elle pensait tout à coup à Laceli seule dans la chambre.


« Si j’ai bien compris, ce sort là nécessite que les porteurs des marques soient à proximité l’un de l’autre.

-La marque me priverait-elle de ma magie ?

-Non, tu pourrais toujours t’en servir comme bon te semble, sauf si je décide que tu dois en faire autre chose.

-Je vois… Si je suis privée de mes pouvoirs comme avec la marque de serpent de Metiger, tu penses que tu pourrais toujours siphonner ma magie ?

-Aucune idée. Metiger pourra peut-être te répondre. »


Elsa frémit à l’idée que ce genre de marque soit imposée à sa sœur. L’envie de se précipiter sur le bateau de Derlock pour la sauver était toujours terrible et bien présente, mais elle ne ferait que se jeter dans la gueule du loup. Elle en avait parfaitement conscience.


« Laceli disait que le rituel était douloureux. »


Honeymaren hocha légèrement la tête.


« La marque s’inscrit dans la chair. Il faut plusieurs heures, souvent plusieurs jours si le porteur de magie est puissant. J’ai bien peur que ce soit épuisant et douloureux oui.

-Et pour la retirer ? Metiger pense que c’était assez rapide.

-C’est vrai mais je crois que ça reste pénible. »


Elsa souffla, à croire qu’il n’y avait que de la souffrance dans l’utilisation de cette magie.


« Maren, tu penses que Derlock pourrait utiliser le feu s’il n’avait pas posé de marque sur Laceli ?

-Je ne suis pas experte, il y a peut-être d’autres solutions, mais honnêtement, j’en doute. Voler la magie d’un esprit ancien n’est pas une chose facile.

-D’accord, merci. Quand pensez-vous être prêt pour le rituel qui permettra de l’enlever ?

-D’ici quelques heures tout au plus. »


D’un signe de tête, elle indiqua un flacon qui contenait un étrange liquide de couleur bleue.


« Quand la potion passera au vert, d’après Metiger. Moi je fais surtout la traduction. »


Elsa lui sourit doucement.


« Merci beaucoup pour ton aide. Je ne sais pas comment nous aurions fait sans toi.

-Metiger est parfaitement capable de traduire.

-Mais pas moi et je suis certaine qu’à deux vous allez beaucoup plus vite.

-C’est vrai. »


Elle serra la main de son amie dans la sienne.


« Je te laisse poursuivre, merci pour les explications, j’y vois plus clair.

-A ton service. »


Elsa sortit dans la fraicheur du petit matin. Elle prit une grande inspiration pour essayer d’évacuer l’angoisse qui lui tordait l’estomac. Hélas, pas plus l’air frais que le chant des oiseaux matinaux ne parvinrent à la relaxer. Laceli avait menti, elle en était quasi certaine, mais pourquoi ? Si tout ce que lui avait dit Kecen était vrai, cela pouvait être par peur. Mais Derlock n’était pas ici, même s’il restait une menace, il n’était pas physiquement avec eux, il ne pouvait pas l’intimider. Elle devait en avoir le cœur net. Elsa regagna sa chambre d’un pas déterminé, c’est tout juste si elle remarqua les habitants qu’elle croisait et qui la saluait. Elle ouvrit sa porte à la volée et la referma d’un claquement de doigt. Laceli se tenait debout, devant le feu, sûre d’elle, élégante, et pourtant, elle sursauta à son arrivée.


« Pourquoi avoir dit que tu ne portais pas de marque. Nous savons toi et moi que c’est faux.

-Ah ! On est enfin passé au tutoiement, Chaton.

-Réponds-moi.

-Parce que c’est plus simple. »


Plus simple de cesser de lutter contre Derlock après des années à avoir tout tenté, des années de torture et de souffrance.


« Nous allons te l’enlever.

-Comme tu veux, Chaton, mais ne t’attends pas à ce que ça change quoique ce soit. »


Laceli se tourna, un sourire charmeur au coin des lèvres. Elle délassa la ceinture de sa robe avec des gestes lents et calculés puis elle découvrit une épaule. Elsa déglutit.


« Qu’est-ce que tu fais !

-Tu ne viens pas de me dire que vous alliez enlever la marque ?

-Si…

-Alors il faut bien que je te montre où elle se trouve, non ?

-Je suppose.

-Tu supposes. »


Laceli sourit.


« Bien. »


La robe tomba à ses chevilles dans un bruit de tissus froissés. Elsa fit de son mieux pour rester de glace. Cette femme avait un don pour l’atteindre et la déstabiliser. Elle planta son regard dans les pupilles rouges sombres et s’approcha d’un pas résolu.


« Où ? »


Laceli se lécha les lèvres.


« Cherche. »


Les deux femmes s’affrontèrent du regard. Elsa serra les poings, des flocons commencèrent à tomber du plafond. Ceux qui, par mégarde, tombaient sur la peau de Laceli fondaient instantanément. Ils formaient une légère goutte d’eau qui s’évaporait presque aussi vite.


« Oh. Il neige.

-Ca suffit ! »


La brune prit la main d’Elsa dans la sienne, la chaleur du feu sous la peau, contre la glace. Elle posa sa main sur ses côtes et la fit descendre doucement, lentement jusqu’au creux des reins, à la naissance des fesses. Leurs regards ne s’étaient pas quittés, la tension toujours palpable entre les deux avait pris une nouvelle dimension. Elsa sentit l’accélération de son rythme cardiaque, elle était certaine d’avoir les joues rouges et pourquoi est-ce que sa bouche était si sèche tout à coup ? Cette femme n’avait aucune retenue, elle aurait dû la détester pour le simple fait d’avoir combattu aux côtés de Derlock, et pourtant… Et pourtant une partie d’elle-même était absolument convaincue que cette image n’était qu’une carapace, quand à l’autre partie, elle était indubitablement, inexorablement attirée par elle.


« Là. »


La voix de Laceli la ramena à la réalité, sous ses doigts, elle sentait effectivement une boursouflure dans la chair. Elsa s’écarta avant de perdre le peu de contrôle qu’elle avait encore et se détourna pour regarder par la fenêtre.


« Rhabille-toi.

-Quelle autorité… Si tu n’étais pas aussi grognon, ce serait excitant.

-Ma sœur est toujours prisonnière, tout ceci est peut-être un jeu pour toi, mais pas pour moi. »


Laceli devait reconnaitre que la douche était froide. Mais après tout, elle l’avait bien cherché. Elle enfila la robe en silence. Tout envie de provocation l’avait complètement quittée parce que oui, elle savait ce que c’était que d’être la prisonnière de Derlock. La brune ferma les yeux, elle devait choisir un camp. Elle tendit les mains vers le feu.


« Tu penses vraiment pouvoir retirer la marque ?

-Je n’ai aucun doute. Tout sera bientôt prêt.

-Comment ? Tu veux dire que… Tu as déjà la solution.

-Oui, tu n’avais pas compris ? »


Elles se retournèrent pour se faire face en même temps, chacune d’un côté de la pièce. Laceli semblait sincèrement sous le choc. La bulle d’angoisse qu’elle avait réussi à gérer jusqu’à maintenant venait d’exploser dans sa poitrine.


« Non je… Non. Derlock a toujours dit que ce n’était pas possible que…

-Il mentait, est-ce si surprenant ?

-Tu… Vous ? »


L’air lui manquait tout à coup, elle s’appuya contre le rebord de la cheminée.


« Laceli ? »


Elle avait chaud, ou froid, elle ne savait plus très bien. Et ce poids qui lui écrasait la poitrine, d’où venait-il ?


« Il le saura… Il le sentira… »


Et alors quand il remettrait la main sur elle… Ses propres hurlements de douleur explosèrent dans son crâne.


« Non… Il ne faut pas…

-Laceli. »


Elsa l’attrapa par la taille alors qu’elle vacillait.


« Il… Derlock ! Il ne faut pas !

-Il ne faut pas quoi ? De quoi parles-tu ? »


Elle la guida vers le lit pour qu’elle s’y assoit et lui servit un verre d’eau mais la brune tremblait trop pour réussir à le boire. Elle la poussa doucement à s’allonger.


« Derlock !

-Il n’est pas ici, Laceli. »


Elle s’accrocha au bras d’Elsa.


« Il ne faut pas enlever la marque. Il le saura !

-Mais il ne pourra plus te contrôler.

-Il trouvera une solution, il trouve toujours une solution ! »


La blonde lui caressa doucement les cheveux pour essayer de l’apaiser, mais chaque fois qu’elle fermait les yeux, elle revivait les scènes de torture.


« S’il… Elsa… Il va me faire du mal, encore, je ne veux plus avoir mal. »


Les yeux agrandis par la panique, Laceli cherchait toujours son souffle.


« Derlock ne pourra plus t’atteindre.

-Je sais que si… J’ai perdu à chaque fois. A chaque fois… 

-Je te promets que je ne le laisserai pas gagner, pas cette fois-ci. »


Elsa se mordit doucement la lèvre, si Anna avait été à ses côtés, elle aurait probablement protesté contre cette nouvelle promesse qu’elle faisait sans même en mesurer les conséquences. Mais que pouvait-elle faire d’autre ? Il y avait encore quelques minutes, Laceli était provocante, nue, devant elle, et maintenant elle était tremblante et terrorisée à l’idée de retrouver sa liberté. Elsa lui prit la main et se mit à fredonner « Je te cherche », doucement. Laceli ferma les yeux, elle se concentra sur sa respiration pour tenter de retrouver son calme. C’était son propre corps qui venait de la trahir, ou de trahir Derlock pour son propre bien, question de point de vue. Elle se focalisa sur la voix d’Elsa pour éloigner les souvenirs qui continuaient de s’accrocher à elle comme autant de mains tendues pour la tirer vers les ténèbres.

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