Le Hobbit : A la reconquête de soi

Chapitre 5 : Une oreille indiscrète

1732 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 23/10/2020 14:47

« Les lettres lunaires sont des rune comme les autres [...], mais elles sont invisibles si l’on se contente de les regarder. Elles ne peuvent être vues que lorsque la lune brille derrières elles, et qui plus est, dans le cas des plus ingénieuses, il faut que la lune soit de la même forme et de la même saison que le jour où elles ont été écrites. Les Nains les ont inventées, et ils les traçaient avec des plumes d’argent [...]. Celles-ci ont dû être écrites à la veille de la Mi-Été sous un croissant de lune, il y a longtemps », Elrond, Le Hobbit, Chapitre III.

 

 

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Après un repas frugal durant lequel les Nains avaient cherché la présence de viande dans leurs assiettes, Thorïn était resté silencieux, ses pensées tournées vers la suite de leur voyage. Bien que Gandalf ait une confiance absolue en leur hôte inhospitalière, Ecu-de-Chêne se méfiait d’elle comme de la peste. Son air hautain lui été insupportable et, il devait bien l’avouer, il n’avait toujours pas digéré d’avoir été suspendu au sol, la tête en bas et rabaissé à un vulgaire Nain. Tous assis autour de la table, ils devaient jouer des coudes pour réussir à avoir un minimum de place pour mener leur fourchette jusqu’à leur bouche. C’était loin d’être reposant, comme un repas devrait l’être, mais ils avaient tous connus pire ; hormis Bilbo, qui avait toujours eu l’habitude de manger dans le calme de sa maison à Cul-de-Sac jusqu’à l’arrivée subite des Nains dans sa demeure. En y repensant, le visage du Hobbit s’éclaira d’un mince sourire, le cœur serré par ce souvenir si réconfortant.

De son côté, Alyson ne desserrait pas les lèvres, trop occupée à observer ses invités se plaindre du manque de viande face à eux. Elle sursauta lorsqu’un morceau de pain, lancé par Bofur, atterrit dans son assiette. La jeune femme le fixa de longues secondes avant de repousser l’objet face à elle, l’appétit désormais disparu. Les éclats de rire fusèrent autour de la table et des chansons joyeuses s’élevèrent dans la pièce.

- Vous devriez peut-être lui laisser une chance.

- Pardon ?

Bilbo reposa son verre de vin sur la table et regarda Ecu-de-Chêne.

- Vous devriez laisser une chance à Alyson.

- Je n’ai aucune confiance en elle, bougonna le Nain en se levant pour se diriger vers l’une des fenêtres de la pièce.

Le Hobbit soupira avant de se lever à son tour pour le rejoindre.

- Vous vous méfiiez de moi au début. Et regardez maintenant ! Nous sommes amis désormais.

- C’est différent, s’entêta le Nain.

- Je ne vois pas en quoi. Il est vrai qu’Alyson n’est pas la personne la plus sympathique que je connaisse, mais Gandalf lui fait confiance. C’est une excellente raison pour faire de même.

Cette fois, Thorïn ne répliqua rien. Il se contenta d’écouter les conseils avisés de Bilbo, répétant que tout le monde n’était pas mauvais en Terre du Milieu et qu’il fallait apprendre à faire confiance à autrui. Ecu-de-Chêne ne partageait pas cette philosophie, qu’il jugeait enfantine ; mais il choisit néanmoins de prendre sur lui. Au levé du jour demain matin, cette mystérieuse Alyson ne serait plus un problème.

 

 

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La lune était haute dans le ciel lorsqu’Alyson sortit de sa maison, suivie de Gandalf, Thorïn, Baliïn et Bilbo. La jeune femme les conduisit dans un coin isolé, où la lumière lunaire était la plus puissante et où se trouver une grosse pierre taillée. Elle s’arrêta juste devant avant de tendre la main vers Ecu-de-Chêne. Ce dernier lança un dernier regard vers Gandalf avant de donner son bien. Alyson la déplia et la posa à plat sur la pierre face à elle. Impatient d’avoir sa traduction, Thorïn tapait du pied, faisant abstraction des soupirs de frustration de leur hôte. De longues secondes s’écoulèrent lorsque les runes lunaires apparurent sous les yeux d’Alyson. Elle caressa les lettres de son doigt, hochant la tête à chaque mot.

- Qu’est-ce que cela donne ? Demanda Gandalf en s’approchant de la pierre.

- « Tenez-vous près de la pierre grise quand frappera la grive, et le soleil couchant, aux dernières lueurs du Jour de Durïn, brillera dans la serrure », lut Alyson.

Cette dernière vérifia une dernière fois sa traduction avant de replier la carte et de la rendre à son propriétaire.

- Le jour de Durïn ? Qu’est-ce que c’est ? Intervint Bilbo, les sourcils froncés.

- C’est le dernier jour de l’été, expliqua Alyson.

- C’est très fâcheux, s’inquiéta Thorïn en rangeant la carte dans son manteau. Le jour approche à grand pas.

- Ne soyons pas pessimistes, tenta de le rassurer Balïn. Nous avons encore le temps de trouver la porte.

- Pas tellement, lâcha leur hôte d’un ton nonchalant.

Un silence s’installa durant lequel les deux Nains lancèrent un regard noir vers la jeune femme. De leur côté, Bilbo se racla la gorge et Gandalf regarda le sol, les yeux dans le vague, l’esprit toujours aussi tourmenté. Alyson haussa les épaules avant de rejoindre le petit groupe, discutant de la direction à prendre dès lendemain matin.

- La Forêt Noire semble être la meilleure solution, fit Balïn.

- On ne peut pas la contourner ? Demanda Bilbo en s’approchant d’eux.

- Si. Mais ça rallongerait de 200 milles par le Sud. C’est inenvisageable, répondit Thorïn.

Alyson se tourna vers le magicien, resté en retrait depuis qu’ils étaient sortis de la maison. Il n’était pas dans ses habitudes de ne pas donner son avis sur un quelconque sujet, surtout quand ça le concernait.

- Je vous trouve bien silencieux Gandalf.

Le vieil homme se tourna vers son amie, la bouche ouverte.

- La Forêt Noire est la seule alternative que nous avons, se contenta-t-il de dire.

- C’est en effet la meilleure. Non pas que je m’inquiète pour vous, mais cette forêt n’est plus le vert bois d’antan. L’air lui-même est nocif.

- Nous emprunterons la route des Elfes, contredit le magicien.

- Les Elfes de la Forêt Noire ne sont pas comme leurs semblables. Le Roi Thranduil n’est pas du genre à aimer la présence d’intrus dans son royaume. Et ne parlons pas des créatures malfaisantes qui hantent cet endroit. Et de l’eau ensorcelée de la rivière qui traverse la forêt. 

Bilbo déglutit.

- Vous êtes sûr que c’est une bonne idée ? Fit-il, penaud.

- Absolument ! Répondit Ecu-de-Chêne, ravi d’avoir une direction à prendre pour le lendemain.

Le Hobbit fit la grimace, pas réellement convaincu par l’idée de traverser la Forêt Noire. Allez savoir quel genre de créatures ils pouvaient rencontrer à l’intérieur. Bilbo soupira avant de suivre le groupe jusqu’à la maison.

 

 

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La compagnie avait réussi à s’étaler dans la pièce principale. Au fond, Bombur émettait des ronflements stridents, qui n’empêchaient pas la plupart de dormir. Couché au milieu des siens, à même le sol et avec une couverture sur lui, Thorïn n’arrivait pas à trouver le sommeil. Ses pensées ne tournaient qu’autour de leur quête et d’Erébor. Les yeux grands ouverts, ses pupilles observaient sans vraiment le voir le mur face à lui. Le Nain tentait de trouver un plan d’attaque si par malheur la situation devait dégénérer dans la Forêt Noire. L’idée d’avoir Gandalf à leur côté le rassurait un peu ; son savoir sur les territoires qu’ils traversaient était un véritable atout.

Alors qu’il retenait un bâillement, Thorïn perçut des voix dans la pièce située derrière un épais rideau, non loin de l’entrée. Le Nain tenta de les ignorer, mais sa curiosité l’emporta. Sans faire de bruit et sans bousculer Ori d’un coup de pied en pleine tête, il se retourna pour apercevoir deux formes derrière le tissu. Il reconnut Gandalf et Alyson en pleine discussion. Thorïn se concentra sur leurs voix, les yeux rivés sur le rideau.

- Vous n’auriez pas dû amener vos compagnons avec vous jusqu’ici Gandalf. Connaissant les Nains, il ne cesseront pas de vous poser des questions jusqu’à avoir des réponses.

- Je sais que c’est difficile pour vous d’accepter ce que vous êtes. Mais vous ne pourrez pas rester cacher ici éternellement. Aucun d’eux ne vous veut du mal.

Thorïn haussa les sourcils.

- C’est facile à dire pour vous. Vous savez exactement qui vous êtes et ce que vous êtes. Je suis un monstre pour la plupart des gens. Et ils ont raison.

- Les gens ont peur de ce qu’ils ne comprennent pas, fit Gandalf. N’écoutez pas les mauvaises langues.

Le Nain entendit un reniflement de l’autre côté du rideau.

- Alors, dîtes-moi ce que je suis Gandalf. Jadis, j’étais humaine. Et maintenant, qu’est-ce que je suis ?

Un silence s’installa dans la pièce d’à côté. De longues secondes s’écoulèrent avant que le vieil homme reprenne la parole, toujours sur un ton calme.

- Vous êtes ce que vous êtes Alyson. Cessez de vivre dans le passé.

La petite silhouette se pencha vers la grande. Le Nain ferma les yeux lorsque le rideau s’ouvrit quelques minutes plus tard sur Gandalf pour rejoindre l’endroit où il pourrait essayer de dormir. Lorsque la petite pièce s’éteignit, Ecu-de-Chêne rouvrit ses paupières, ses pensées désormais tournées vers cette mystérieuse conversation.

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