Le Hobbit : A la reconquête de soi

Chapitre 10 : Perdus au milieu des bois

1966 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 02/11/2020 20:50

« Oui, tout est très sombre et étouffant [...] Mais c’est sans rapport avec la vieillesse qu’on sent dans ce bois. Regarde-moi ce lichen, toutes ces barbes pleureuses et ces moustaches traînantes ! Et la plupart des arbres semblent à demi recouverts de feuilles déchiquetées et racornies qui ne sont jamais tombées. Ça fait désordre. Je ne vois pas du tout à quoi ressemblerait le printemps, ici, à supposer qu’il y en ait un - encore moins un nettoyage de printemps », Pippin, Le seigneur des Anneaux : Les deux Tours, Chapitre IV.

 

 

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Thorïn Ecu-de-Chêne était incapable de trouver le sommeil cette nuit-là. Il ne cessait de réfléchir à ces derniers jours et au voyage qui leur restait à faire pour arriver jusqu’à Erébor. Le jour de Durïn approchait et l’angoisse de ne pas être devant la porte au bon moment ne faisait qu’augmenter son anxiété.

Le Nain enleva la couverture et se leva pour se diriger vers l’une des fenêtres, faisant attention à ne pas marcher sur les pieds de ses compagnons. Il s’accouda sur le bord de celle-ci et observa les branches se balancer comme de vulgaires pantins. Il baissa la tête vers son manteau et en sortit la clé que lui avait donné Gandalf chez leur Maître Cambrioleur. Il la regarda dans ses moindres détails, sentant le poids de l’avenir de son peuple sur ses épaules. Bien des choses avaient changé depuis son départ des Montagnes Bleues et toutes ses certitudes s’étaient envolées, déchirées en petits morceaux et piétinées. Si la quête ne semblait au début non pas simple, mais faisable, Thorïn n’était plus sûr de rien désormais. Les Orques étaient à leur trousse, Gandalf les avait quitté sans réelle explication et Azog était toujours vivant. Le Nain serra sa poigne sur la clé. Il ne cessait de se dire qu’il aurait dû lui trancher la gorge lors de la Bataille de la Moria, comme cet Orque l’avait fait à son grand-père Thror.

Ecu-de-Chêne se retourna lorsqu’il entendit un grognement. Son regard se posa sur le visage d’Alyson, profondément endormie et emmitouflée sous sa couverture, comme une tortue dans sa carapace. Thorïn pencha la tête de côté et fronça les sourcils. Il repensa alors à la discussion qu’il avait entendu entre elle et Gandalf. Tant de mystères l’entouraient. Et ce sont ces mystères qui ne permettaient pas à Thorïn de lui faire confiance. Elle restait toujours taciturne, et ne semblait ressentir aucune émotion, comme si la vie était un fardeau. Plus le Nain la regardait, plus les questions se multipliaient dans sa tête.

 

« Et maintenant, qu’est-ce que je suis ? ».

 

Cette phrase qu’avait prononcé leur guide résonnait dans sa tête, comme si cette simple question pouvait lui donner la réponse. Thorïn posa ses pupilles sur la blessure qui taillait la joue d’Alyson pendant de longues secondes.

Il écarquilla les yeux.

Il se souvint lorsque la Bête s’était jetée sur le Ouarque face à Bilbo. L’Orque qui le montait lui avait donné plusieurs coups d’épée sur son museau avant que le Loup ne le démembre. Peut-être n’était-ce qu’une coïncidence, mais le Nain n’y croyait pas tellement. En tant que futur Roi sous la Montagne, il devait se baser sur les faits, et non sur des suppositions. Thorïn s’approcha d’Alyson et s’agenouilla face à elle, essayant de ne pas faire de bruit. Il approcha ses doigts de son visage et caressa la blessure avant de reculer sa main. Ecu-de-Chêne était désormais certain d’une chose : leur guide était la Bête.

 

 

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La première impression que Bilbo ressentit lorsqu’il arriva devant le sentier de la forêt fut qu’il allait manquer d’air. L’entrée était décorée par deux troncs d’arbres sculptés et penchés l’un vers l’autre, recouvert par une épaisse couche de lichen et de lierre. Le chemin, trop étroit, était encadré par de la végétation, désormais indomptable et dangereuse. Le sentier, tapi dans l’obscurité, semblait s’enfoncer dans les entrailles de la terre.

- Cette forêt a l’air malade, commenta le Hobbit.

- Elle l’est, se contenta de répondre Alyson en le dépassant.

- Elle semble être possédée par une force maléfique, ajouta Oïn, observant les hauts arbres, une grimace sur le visage.

Leur guide s’arrêta devant le sentier et observa l’entrée avant de se tourner vers la compagnie. A l’avant, Thorïn trépignait d’impatience d’entrer dans ces bois et il ne cessait de piétiner le sol.

- Nous ne devons en aucun cas quitter le sentier, expliqua Alyson.

- Qu’est-ce qui se passerait si nous nous en éloignons ? Demanda Bilbo.

- Nous ne retrouverions jamais le sentier. Ça vous va comme réponse ou je dois être plus explicite ?

Le semi-homme bafouilla avant de reporter son regard vers l’obscurité de la forêt.

- Allons-y, assez perdu de temps, déclara Thorïn en empruntant le chemin.

La compagnie le suivit, commentant les consignes de leur guide. Alyson se contenta de rester à l’arrière de la file pour surveiller les Nains et le Hobbit. La plupart observait les alentours tandis que le chef des Nains et Dwalïn surveillaient la présence du sentier, ce dernier tapant le sol du bout de sa lourde hache. Le temps s’écoulait, mais aucun d’eux ne saurait dire depuis combien de temps ils étaient entrés dans cette forêt. Lorsque le chef de la compagnie regardait l’abondante végétation autour d’eux, il avait l’impression que le temps s’était arrêté. Hormis eux, rien ne bougeait, comme si la faune et la flore étaient mortes dans cette immense forêt.

- De l’air. J’ai besoin d’air, se plaignit Dori.

- J’ai la tête qui tourne, ajouta Oïn en se massant les tempes.

La compagnie continuait à suivre le sentier, recouverts de feuilles mortes et de branches brisées. 

- On a trouvé le pont ! S’exclama Bofur. Ou plutôt ce qu’il en reste...

Le pont de pierre qui se présentait à eux n’était plus praticable. Détruit en son milieu, il était désormais infranchissable.

- Oh non... Commenta Bilbo en observant les ruines.

- On pourrait traverser à la nage, proposa Bofur.

- Cette forêt en pleine de maléfices. L’air lui-même est nocif, fit Thorïn. Il faut trouver un autre moyen de traverser.

Alyson regarda autour d’elle avant de se diriger vers des branchages noueux frôlant la rivière de quelques centimètres.

- Ici, déclara-t-elle en désignant le passage du doigt. Je passe la première.

- Le plus léger d’abord, contredit Ecu-de-Chêne en s’approchant d’elle.

- Vous préférez mettre la vie de votre Maître Cambrioleur en danger plutôt que la mienne ?

Bilbo déglutit. Thorïn serra les dents, puis hocha la tête.

- C’est bien ce que je pensais, dit Alyson.

La jeune femme testa la première branche avant de s’engager. Elle tentait de garder l’équilibre, se tenant aux branchages au-dessus d’elle. Alyson avançait lentement pour être sûr du chemin à emprunter. Connaissant les Nains, elle savait qu’ils se jetteraient sur ces branches en un seul bloc. Elle faillit tomber plusieurs fois, mais réussit à rejoindre l’autre côté de la rive. Elle resta accroupie quelques instants et ferma les yeux, inspira avant de rouvrir ses paupière pour découvrir Bilbo faisant la planche à quelques centimètres de la rivière. Il prit de l’élan et sauta pour rejoindre leur guide. A son tour, il ferma les yeux et tourna la tête.

- Quelque chose ne va pas, murmura-t-il. Ça ne va pas du tout.

Il se retourna pour s’adresser à la compagnie pour les prévenir de rester là où ils étaient, mais sa bouche forma un « O » en découvrant les Nains traverser l’amas de branches tous en même temps.

- Personne ne peut résonner un Nain, commenta Alyson en aidant le semi-homme à se relever.

Au milieu des Nains, Bombur laissa échapper un bâillement avant de s’effondrer sur l’une des branches. Bilbo pencha la tête avant de poser son regard sur Thorïn, qui venait de les rejoindre sur la rive. Le trio regarda les alentours lorsqu’ils aperçurent un cerf aussi blanc que du cristal tourner la tête vers eux. Thorïn attrapa son arc, bandit lentement une flèche et visa l’animal.

- Que faites-vous ? Demanda le Hobbit d’une voix endormie.

Le chef des Nains observait le cerf droit dans les yeux sans cligner des yeux, comme hypnotisé. Puis, dans un geste rapide, il décocha sa flèche, qui frôla l’animal juste au-dessus de sa tête. Celui-ci s’éloigna en courant avant de disparaître entre les arbres.

- Vous n’auriez pas dû, fit Bilbo d’une même voix monotone. La chance va tourner.

- Je ne crois pas à la chance. La chance, on se la crée, répliqua Thorïn, le regard toujours rivé vers l’endroit où se trouvait le cerf.

- Le Nain a raison. Vous êtes bien trop naïf monsieur Sacquet, approuva Alyson.

Le trio se retourna vers la rivière lorsqu’ils entendirent Bombur tomber dans la rivière, profondément endormi. Après plusieurs tentatives, la compagnie réussit à sortir le gros Nain des eaux enchantées. Ils construisirent quelque chose pour le porter et chacun le porta à tour de rôle.

La forêt devenait plus obscure encore. Plus d’une journée s’était écoulée depuis que la compagnie était entrée dans cette forêt, et pourtant, aucun des voyageurs avait l’impression d’avancer. Plusieurs d’entre eux demandaient une pause tandis que d’autres voulaient continuer pour sortir le plus vite possible de cet obscure labyrinthe. Incapable de faire un pas de plus, Bilbo s’assit sur une souche d’arbre, essoufflé, puis fronça les sourcils lorsqu’il crut entendre des voix non loin de là. A côté, les Nains s’arrêtèrent, vidés de toutes leurs forces. Thorïn avait l’impression de perdre pied et il se rattrapa de justesse à une branche d’arbre pour ne pas tomber.

- Vous entendez ? Demanda le Hobbit.

- Je n’entends rien, bafouilla Thorïn, le dos voûté. Ni vent. Ni chant d’oiseaux. Quelle heure est-il ?

- Je n’en sais rien, lui répondit Dwalïn. Je ne sais même pas quel jour nous sommes.

Leur voix semblait se répercuter dans toute la forêt. Leur vision se doublait, comme s’ils étaient sous l’emprise d’une plante hallucinogène puissante.

- Ca prend trop de temps ! Cette maudite forêt n’a-t-elle donc pas de fin ! Aboya Ecu-de-Chêne.

- Que des arbres, toujours des arbres ! S’énerva Gloïn.

Tandis que les Nains se lamentaient, soumis au maléfice de Grand’Peur, Bilbo regarda autour de lui, presque endormi lorsqu’il s’aperçut que leur guide avait disparu. 

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