Le commencement
Chapitre 3 : Le conseil !
C’est à l’aube que j’ouvre les yeux, sortant difficilement de mes songes. Malgré mon envie de rester couché, je sais que je ne peux pas traîner : je tiens absolument à voir les coureurs avant leur départ dans le labyrinthe. Enfin, surtout Minho… J’ai tellement peur de ne pas le voir revenir que je veux lui dire au revoir chaque matin. Et puis… j’ai besoin de lui parler de ce qui se passe au Bloc. Entre les histoires de Gally, de Fry et, surtout, la proposition dérangeante d’Alby, j’ai besoin de son avis et de me sentir soutenu. Je quitte donc mon lit et passe rapidement aux douches communes avant de rejoindre les coureurs dans la salle des cartes. Comme prévu, Akira n’est pas là, et j’attends que Minho donne ses consignes à tout le monde avant de me montrer. C’est seulement à la fin de son discours, tandis que les autres terminent leurs préparatifs, que l’Asiatique me rejoint à l’extérieur de la salle. Seuls, à l’abri des regards, Minho pose sa main sur ma joue et soulève doucement mon visage vers lui pour m’embrasser à pleine bouche. Je reste un instant surpris par cet élan de tendresse qui ne lui ressemble pas, mais il m’en révèle vite la raison en murmurant entre deux baisers :
- C’était pas assez hier soir…
- Minho… attends… souffle-je, fébrile, en posant mes mains sur ses épaules.
- Newt, reprend-il en se reculant un peu, je suis désolé encore pour hier de t’avoir crié dessus… mais je t’avoue que je suis fatigué en ce moment, grimace-t-il légèrement.
- Ne t’en fais pas, le rassure-je en posant ma main sur sa joue. Je ne t’en veux pas.
S’il se plaint d’être fatigué, c’est que vraiment il doit arriver à saturation, car ce n’est pas son genre… Je décide donc de garder mes problèmes pour moi, je ne voudrais pas alourdir ses épaules déjà chargées…
- Ça devient… difficile… souffle-t-il en baissant les yeux.
- Peut-être que tu devrais faire une pause quelques jours ? suggéré-je en caressant doucement sa joue.
- Ce n’est pas le moment, au vu de ce qu’il s’est passé avec Akira. Je vais attendre que les choses se calment… et puis les gars comptent sur moi.
- Oui, tu as raison… moi aussi, murmuré-je en m’agrippant à sa nuque, collant mon corps au sien.
- Newt… Tu me donnes trop envie… murmure-t-il avant de m’embrasser avec désir.
Je sens sa main se poser sur mes fesses et les pincer avec force, tandis qu’il cherche à me défaire de mon pantalon. Je le repousse un peu, tenant son poignet musclé :
- C’est impossible ici… tes coureurs vont sortir d’une minute à l’autre… Ce soir, lui souris-je d’un air malicieux.
- Ok… Ce soir, accepte-t-il avec un petit sourire.
- Bon courage pour aujourd’hui… et surtout, reviens… grimacé-je, inquiet.
- T’inquiète pas, vu ce qui m’attend ce soir, tu peux être sûr que je serai là, répond-il en me lâchant délicatement.
- Si c’est une garantie à ton retour, alors sache que tous les soirs, je serai là pour ça… dis-je en posant ma main sur son bas-ventre.
- Attention… tu vas me faire bander à force… rougit-il en me repoussant légèrement.
- Pardon, m’excusé-je, amusé.
- Bon… je dois y aller… à ce soir… dit-il timidement avant de retourner dans la salle des cartes pour saisir ses affaires.
Puis, il ressort avec son groupe et, dès l’ouverture des portes, ils repartent tous refaire leur trajet d’hier. Mais comme à chaque fois, mon cœur se serre. Je n’aime vraiment pas le voir partir… J’ai toujours la boule au ventre… peur qu’un jour il ne revienne pas, ou pire, qu’il revienne piqué par un griffeur… La journée s’annonce longue sans lui…
…
Les heures s’écoulent lentement et le soleil tape déjà fort, haut dans le ciel. Je guette quatorze heures pour aller parler à Jessy, ce fameux blocard qui ignore systématiquement les règles et se fiche du maton des cuistots. Il faut que je mette les points sur les « i » avec lui. Il ne peut pas se permettre de faire ce qu’il veut dans notre garde-manger… C’est dégoûtant. Donc quand l’heure arrive, je me dirige vers la cuisine et l’aperçois immédiatement. Je m’avance, le regard ferme mais calme :
- Jessy, tu veux bien me suivre ?
- Heu… ok… dit-il en jetant un regard inquiet aux autres cuistots.
On s’isole dans un coin de la cuisine. Je respire profondément pour ne pas paraître agressif, mais mes poings se serrent presque instinctivement.
- Écoute, Jessy… j’ai eu vent de tes activités dans la réserve…
Il reste silencieux, fuyant mon regard. Je sens sa tension, son malaise, et je le comprends. Moi aussi je suis mal à l’aise. Ce n’est pas dans mes habitudes de me mêler de la vie sexuelle des autres blocards… Mais là… c’est dans notre réserve de nourriture. C’est sale, irrespectueux…
- Toute activité comme celle-ci doit cesser immédiatement. Tu vas faire ton travail correctement, comme te le demande Frypan, ok ? dis-je en adoucissant ma voix d’un sourire, pour ne pas paraître trop dur.
- D’accord… souffle-t-il, sa voix presque étouffée.
- Très bien, je ne t’embête pas plus.
Je me retourne pour quitter la pièce, mais juste avant, il marmonne quelque chose sous sa barbe. Je fronce les sourcils et l’entends distinctement :
- Tout ça parce que t’es jaloux. Je me fige, surpris et me retourne vivement :
- Pardon ? Il reste silencieux, mais je sens que je dois insister : Répète ce que tu viens de dire ? dis-je, croisant les bras, agacé.
- J’ai dit… tout ça parce que tu es jaloux ! répète-t-il, cette fois défiant mon regard.
- Ah oui ? Et pourquoi je serais jaloux, selon toi ? grimace-je.
- Parce que personne ne veut te baiser ! Tu es jaloux de ma popularité !
- Pardon… ? Je reste estomaqué.
Je sens mon cœur s’accélérer, la surprise et l’incompréhension se mêlant à une pointe de colère. Pourquoi pense-t-il que je suis jaloux de sa prétendue popularité ? Et qu’est-ce que ça pourrait bien me faire ?
- T’as très bien compris ! s’exclame-t-il en haussant le ton. Tu es jaloux parce que les plus beaux mecs du Bloc viennent me voir ! Comme Minho, le maton des coureurs !
- Pff… n’importe quoi ! répliqué-je, vexé.
Pourquoi parle-t-il de Minho ? Et si… non, non… Minho ne lui parle jamais… Je lui fais confiance. Je suis sûr qu’il ne regarde que moi pour… ça…
- Sache, Jessy, que je ne suis pas jaloux, dis-je en croisant les bras. Et puis, j’ai du mal à imaginer Minho avec toi.
- Ne te voile pas la face, Newt… murmure-t-il sournoisement. Minho consomme régulièrement. Mais si tu veux pécho un blocard, vu ta dégaine, va plutôt du côté des Torcheurs… Ils aiment la crasse… hihi !
- Ne me manque pas de respect, grogné-je, agacé.
- Ah oui ? Sinon quoi… ? Tu vas aller pleurer dans les jupons d’Alby ? Sauf que pas de chance, lui aussi il consomme ! Alors il ne va certainement pas me punir…!
Je reste sans voix face à son aplomb. Et si c’était vrai… ? Je ne suis pas sûr à cent pour cent que Minho ne me regarde que moi… Et pour Alby… c’est possible. Même s’il m’a toujours dit qu’il ne fait rien, il doit, comme tout le monde, avoir ses moments de détente. Mes doutes s’installent, et Jessy continue sa provocation avec un sourire cruel.
- De toute façon, Newt… tout le monde fait semblant de t’apprécier parce que tu es proche d’Alby. Mais en réalité… personne ne veut de toi ! Tu joues trop au petit chef et au petit ange, et c’est pour ça que tout le monde te déteste et parle dans ton dos ! Alors arrête d’être jaloux de moi ! Ce n’est pas ma faute si mère Nature ne t’a pas gâté !
Je sens la colère monter, mon cœur battre à tout rompre, mes poings se serrer.
- Ça suffit ! crie-je, haussant le ton. Alby et Minho ne sont sûrement pas le genre de personnes à faire ça avec toi ! De plus, je me fiche de plaire aux autres. Je fais juste le job qu’on m’a confié. Et sache que je ne vais pas me laisser insulter comme ça. Je te convoque au conseil ce soir.
- Pff, c’est ça… Vas-y ! Convoque-moi ! On verra qui ose parler ce soir et dire la vérité sur toi… mais aussi sur moi ! Car Minho et Alby ne sont pas les seuls à consommer ! grogne-t-il en serrant les poings.
- T’es vraiment ridicule, mon pauvre… lance-je avant de lui tourner le dos, furieux.
Je m’apprête à quitter la pièce quand des mains me poussent brutalement. Je n’ai même pas le temps de comprendre : je bascule en avant et ma tête heurte violemment le coin de la table. Le choc m’arrache un souffle court. Tout tourne. Je reste au sol, les genoux repliés, une main pressée contre ma joue qui brûle. Sous mes doigts, je sens aussitôt la chaleur humide du sang qui coule.
- Qu’est‑ce que tu as fais… ?
Je souffle, la voix encore tremblante en fixant Jessy. Il reste figé, livide, presque horrifié par son propre geste. Sa peau mate brille légèrement sous la lumière de la cuisine, ses yeux verts écarquillés me fixent avec une intensité presque douloureuse. Son cou long se tend comme pour s’échapper de ses épaules, et ses cheveux noirs, crépus et rebelles, encadrent son visage dans un désordre sauvage qui contraste avec l’expression coupable et paniquée de ses traits.
- Je… je voulais pas… je…
Il n’a pas le temps de finir sa phrase que Fry entre en trombe, lâche la casserole qui s’écrase au sol et se rue vers moi.
- Newt, ça va… ? Putain… mais tu saignes ! Qu’est‑ce que t’as foutu, Jessy ?! s’énerve-t-il, les yeux en feu.
- Il… il est juste tombé ! ment Jessy, paniqué.
- Je t’amène voir les Medjacks, décide Fry en passant un bras sous mes épaules.
Je suis encore sonné. Je me laisse porter sans protester, ma tête allant d’elle-même se poser contre l’épaule solide du grand cuistot. Son odeur de farine et de fumée m’apaise un peu, même si la douleur pulse encore dans ma joue. À l’infirmerie, Fry me dépose aux mains de Clint et Jeff avant de repartir aussitôt chercher Alby. La pièce sent les herbes et l’alcool médicinal, l’air froid me picote la peau. La blessure n’est finalement pas grave. Clint nettoie la plaie avec douceur ; ça pique mais je serre les dents.
- Voilà. Tu te sens mieux ? demande-t-il.
- Ça va. Ça m’a sonné sur le coup, mais je vais mieux. Merci, je lui souris faiblement.
- De rien ! répond-il en se redressant. Il tourne la tête vers la porte entrouverte et rit. Ah… La cavalerie arrive.
Alby déboule, suivi de Frypan et Gally, tous marchant d’un pas pressé. Alby se jette presque à mon chevet, saisissant ma main avec une force inquiète.
- Newt, tu vas bien ? Qu’est‑ce qu’il s’est passé ? Tu es blessé ?!
- Ça va, Alby. C’est superficiel, le rassure-je.
- Explique-nous, gronde Gally.
- C’est Jessy qui t’a frappé ? demande Fry. Je hoche la tête.
- Comme on l’avait convenu, Fry, je vais parler à Jessy pour… ses activités.
- Ses activités ? répète aussitôt Alby, fronçant les sourcils.
- Oui. Fry m’a dit qu’il couchait avec des gars dans le garde-manger.
- Sérieux ? Mais c’est un porc ! rugit Gally. On met notre bouffe là-dedans, bordel !
- Beurk, c’est dégueu… ajoute Clint.
- Et quand je lui ai fait la remarque, il m’a insulté. Alors je lui dis de passer devant le conseil ce soir. Et il m’a poussé, j’explique.
Je n’éprouve aucun remords à tout dire à Alby : Jessy a clairement dépassé les bornes. Je suis venu lui parler calmement, avec patience, et voilà la gratitude qu’il me montre… je ne peux pas laisser passer ça. Avec une attitude pareille, c'est un danger pour le Bloc.
- J’hallucine… souffle Fry.
- Je pense qu’une punition de seconde ordre suffirait à le faire réfléchir, propose-je en regardant Alby.
- Non, tranche le Maton, la voix glaciale. C’est une punition de premier ordre.
- Ah ! Bien parlé ! approuve Gally. Je fronce les sourcils.
- C’est un peu extrême…
- Tu aurais pu mourir si tu étais tombé autrement, insiste Clint. Je suis de l’avis d’Alby. Et ce dernier hoche la tête, le regard serré.
- Il a eu un geste violent envers un blocard. Il enfreint une règle majeure.
- Alby… je pose ma main sur la sienne. Je vais bien. Pas besoin d’être aussi sévère.
Mais il retire lentement sa main de la mienne… pour venir effleurer ma joue blessée. Son geste est d’une douceur presque dérangeante.
- Newt… tu es la personne la plus importante du Bloc pour moi. Si quelqu’un te fait du mal… il paie. Point.
Son regard s’attarde un peu trop longtemps sur mon visage. Une chaleur gênée me traverse la poitrine. Je détourne les yeux. Alby se relève et repart avec Gally et Clint, encore tendu… Fry s’assoit sur le lit près de moi. Il se tourne, les bras croisés, un sourire malicieux accroché aux lèvres. Je sens mes joues chauffer encore plus… pour une tout autre raison que la blessure. Ce que Alby à déclarer devant tout le monde, me gène terriblement… Le sentiment de malaise avec lui ne me quitte plus…
- Oh oh… ! Newt, on dirait qu’Alby est en kiff grave sur toi… ! lance Fry en rigolant.
- Mais non… soufflé-je, rougissant malgré moi. Je sens un poids étrange dans ma poitrine. Je me sens… mal à l’aise…
- Il n’y a pas de « mais non » qui tienne ! Ça se voit trop. Il veut croquer… ! ajoute-t-il, amusé, me donnant un petit coup sur l’épaule.
- Tu te fais des films. Alby et moi, on est simplement meilleurs amis, je réplique, la voix un peu tremblante.
- Moi, je pense pas qu’il te regarde comme un ami… Mais bon, tu penses ce que tu veux, Newt. Enfin… je trouve ça triste que tu sois intouchable, du coup, dit-il en m’adressant un petit clin d’œil.
- Comment ça… ? soufflé-je, surpris, les yeux rivés sur Fry.
- Bah, t’es plutôt mignon… faut l’admettre. Et puis les mecs sympas, propres, et qui ne font pas deux mètres sur deux mètres… ça court pas le Bloc. répond-il, clairement, sans détour. Me faisant assurément des avances…
Je sens mon cœur s’emballer. Ses yeux glissent plusieurs fois sur mon corps, son regard devient presque insistant. Je me recroqueville légèrement sur moi-même, cherchant à me faire petit.
- Fry… je… C’est sympa mais… balbutié-je, mal à l’aise.
- Roh ! C’est bon ! reprend-il avec un grand sourire. Je blague ! Détends-toi !
Il me donne un petit coup sur l’épaule. Je me force à sourire, mais un frisson inconfortable me traverse. Je sais que ses paroles n’étaient peut-être pas complètement innocentes. Ma supposition se confirme lorsqu’il ajoute :
- De toute façon, même si c’était vrai avec Minho, le chien de garde, et Alby qui surveille son territoire comme un lion… personne ne t’approche. Un silence lourd tombe. Je sens mon estomac se nouer. Tu as choisi entre les deux ? me questionne-t-il soudain.
- Ne… ne parlons plus de ça… tu veux… ? réponds-je, la voix basse, essayant de changer de sujet. Tu n’as pas du boulot, toi, d’ailleurs ?
- Si, si, mais j’étais inquiet pour toi ! Je ne pensais pas que Jessy serait capable de te faire du mal, dit-il, contrarié, la culpabilité traversant son sourire. Je soupire un peu, soufflant du nez…
- Je ne pensais pas non plus… comme quoi, on ne connaît jamais vraiment les gens ici…
- Ouais… bon bah… j’espère qu’Alby ne va pas le bannir quand même…
- Non, pour bannir, il faut que le vote des matons soit unanime. Et même si je n’approuve pas son comportement, ça ne mérite clairement pas ça.
- Ouaip… on verra ce soir ! conclut Fry en se redressant d’un bond.
Il quitte l’infirmerie, me laissant enfin seul pour respirer. Je m’allonge sur le lit, fermant les yeux quelques minutes. Je me repose une petite heure avant de rejoindre les Scarleurs dans les champs.
Je sens une boule d’anxiété dans ma poitrine. Le conseil de ce soir m’angoisse. C’est la première fois que je convoque quelqu’un… mais je n’ai pas le choix. Jessy a clairement dépassé les limites, et je ne peux pas laisser passer ça. Et puis… Fry… je n’avais jamais imaginé que ses avances pourraient me troubler à ce point… Chaque fois que je le croise maintenant, je sens mon cœur s’emballer, mes pensées s’égarer. C'est très gênant comme situation de savoir que quelqu'un te désire ainsi en secret… Quant à Alby… Je sens encore l’écho de ses gestes, de ses paroles… et ça me rend nerveux. Le simple souvenir de ses attentions me fait frissonner et me serre l’estomac. je commence à réaliser que mes soupçons n’étaient pas faux. Mon malaise grandit, me laissant à la fois gêné et terrifié par ce que je ressens…
…
Le soir venu, juste avant la fermeture des portes, les coureurs reviennent enfin de leur marathon. J’attends nerveusement de voir Minho, impatient de lui raconter cette foutue journée… mais comme toujours, j’attends qu’il ait rendu ses notes aux cartographes. Sauf que… à peine met il un pied dans le Bloc que je vois Chuck détaler vers lui, les bras agités. L’instant d’après, Minho relève brusquement la tête, son regard fouille l’espace, me cherche, me trouve. Son visage se crispe, devient dur, fermé, presque menaçant… Il sait. Chuck lui a tout raconté…. Et même si moi je n’ai rien dit… Je me doute bien que Frypan et Gally ont déjà vendu la mèche et que tout le Bloc doit être au courant.
Minho fonce vers moi, d’un pas rapide, presque animal. Il arrive à ma hauteur, attrape mon visage d’une main par le menton, me force à relever la tête. Ses yeux noirs s’assombrissent instantanément en voyant ma joue marquée. Je sens son souffle trembler, son pouce effleurer la plaie avant qu’il ne serre la mâchoire, fulminant.
- Je vais le buter, ce bâtard, grogne‑t‑il en pivotant d’un coup vers la cuisine.
- Minho, non ! Je le rattrape, attrapant son bras, mais il me repousse presque sans y penser.
- Lâche‑moi, Newt…! Sa voix tremble, pas de rage seulement… mais de peur.
- Minho, arrête…! insisté‑je, tirant sur son bras.
Rien à faire. Il marche droit devant lui, tête baissée, les épaules contractées, comme un taureau lancé dans une arène. Je dois presque trottiner pour suivre son rythme.
- Tu ne le trouveras pas en cuisine de toute façon ! lance-je, essoufflé. Il se retourne d’un coup vers moi, les yeux flamboyants.
- Ah ouais ? Et je le trouve où, ce fils de chien ?! hurle‑t‑il en attrapant mon poignet de façon brutal.
- Minho… il passe au conseil ce soir ! Tu n’as pas besoin d’intervenir ! Dis-je d’une voix pressée, paniquée.
Je dois l’empêcher d’aller frapper Jessy. Je refuse que Minho finisse puni à cause de moi…
- M’en fous ! Il n’avait pas à te toucher ! Je parie qu’il est déjà au gnouf, ce chien !
Minho me relâche et change immédiatement de direction vers le gnouf. Je me jette presque sur lui pour l’arrêter, tirant son bras de toutes mes forces.
- Non mais stop ! Je ne veux pas que tu sois puni aussi ! C’était rien Minho…! Il ne m'a pas poussé exprès ! C’était un accident…!
- Mais bien sûr…! crache‑t‑il entre ses dents. Je vais lui faire avaler ses dents à ce fumier !
Je sens ma gorge se serrer. Son entêtement, sa colère brûlante, son besoin presque viscéral de me défendre… tout ça me submerge. Mais il va tout foutre en l’air. Rien ne le calme. Rien… Et c’est de ma faute. Alors je passe devant lui, lui barre la route et je hurle, la voix éclatant malgré moi :
- BON, ÇA SUFFIT MAINTENANT !!
Le silence tombe comme une massue… Minho se fige. Il me regarde comme si je venais de lui gifler l’âme. Je n’ai jamais crié comme ça… Les blocards autour de nous s’arrêtent, surpris, murmurant déjà. Mais je suis trop en colère pour m’en soucier.
- Si tu veux te comporter comme un animal, vas‑y !! crie-je encore. Mais ça ne changera rien à la situation ! Et au lieu de penser à le « buter », tu devrais déjà penser à moi, pauvre crétin !
Minho reste planté là, choqué, les bras ballants, respirant fort. Ses yeux se baissent un instant, comme blessés. Je n’en peux plus… Je tourne les talons, furieux, le cœur battant trop vite. Je ne veux plus le voir… Il m’agace à ne jamais m’écouter, à s’emporter pour un rien… à se jeter dans la gueule du loup dès que je suis blessé. Je file dans ma chambre, j’irradie encore de tension, de colère et d’un étrange pincement au cœur. J’ai besoin de respirer, de me calmer avant le conseil… Parce qu’entre Jessy, les avances de Frypan, Alby qui me colle… et Minho qui ne m’écoute pas… Je sens que je vais imploser moi‑même…
…
À l’heure du conseil, tous les blocards se rassemblent dans la salle que nous avons construite exprès pour nos réunions. L’air est chargé de tension, un mélange de chaleur, de bois ancien et de l’odeur métallique de la sueur et de la poussière des murs. La pièce est circulaire, avec au centre une chaise pour l’accusé. En face, une barre pour le plaignant, et juste à côté le bureau du Maton Alby qui dirige le conseil. Tout autour, des bancs et des chaises pour les autres blocards, qui chuchotent nerveusement, s’installant avec des gestes un peu trop pressés, trahissant leur curiosité et leur anxiété. Une fois que tout le monde est en place, Alby se racle la gorge, le bois grince sous ses doigts posés sur le bureau.
- Je déclare ce nouveau conseil ouvert, et j’appelle tout de suite Gally à la barre et Antoine sur la chaise.
Je vois le petit bonhomme trembler de tous ses membres. Il avance lentement vers la chaise, les yeux baissés, le souffle court. Son corps semble presque se dissoudre sous le poids des regards. Gally, lui, s’installe derrière la barre, bombant le torse, les mâchoires serrées, comme pour intimider.
- Il a été demandé une punition de second ordre contre toi, Antoine, suite à une plainte de ton maton, reprend Alby, grave. Tu n’aurais pas effectué les tâches qu’il t’a confiées. As‑tu quelque chose à ajouter ?
- N… non… marmonne le petit bonhomme, les mots à peine audibles.
- Très bien. Pour cette fois, tu auras un avertissement. Attention au deuxième avertissement : une nuit au gnouf sans manger. Compris ?
- Compris…
Il se dépêche de quitter la chaise. Gally, lui, retourne s’asseoir à côté de moi, un rictus de satisfaction sur le visage.
- Maintenant, poursuit Alby, Jessy vient t’asseoir sur la chaise et Newt à la barre.
Un murmure parcourt la salle. Tous les blocards se tournent vers moi, surpris. Ce n’est pas dans mes habitudes d’avoir des problèmes avec les autres. En cinq ans, je n’ai jamais convoqué personne, et jamais eu de dispute sérieuse. Je sens mon cœur s’accélérer, mes mains devenir moites. La lumière des torches crée des ombres sur mon visage, accentuant mon malaise. Chaque regard sur moi me donne l’impression d’être jugé, observé, exposé. Je vais devoir répéter ses mots, et je sais que certaines accusations vont déclencher la colère de Minho ou d’autres… C’est un sujet tabou, sale, qui empoisonne l’air et fait vibrer mes tempes.
- Jessy, reprend Alby d’une voix grave, une punition de premier ordre pèse contre toi.
Un deuxième souffle d’étonnement traverse les rangs. Des murmures, des exclamations étouffées, des doigts pointés, des sourcils froncés… Les voix s’élèvent, coupant Alby.
- Silence, s’il vous plaît ! ordonne Alby, ferme. Nous allons d’abord écouter les deux versions de l’histoire. Jessy, tu commences.
Le vaurien s’avance, relève la tête avec un mélange d’arrogance et de défi. Son regard vert brille d’une fierté insolente, mais ses mains tremblent légèrement.
- Newt est venu me voir pour me dire que je ne faisais pas bien mon travail et que Fry était vraiment mécontent de moi. Il était vraiment désagréable ! Il me prenait de haut, jouant au petit chef, et il m’a même accusé de vouloir lui voler son mec ! Évidemment, je ne me suis pas laissé faire, et là… il m’a giflé ! Donc je me suis défendu, mais il a glissé et s’est cogné contre la table… Ensuite Fry est arrivée, conclut-il, honteux mais toujours provocateur.
Je sens le sang me monter au visage. Ma mâchoire se serre, mes poings se crispent. Comment peut-il mentir ainsi ? Tout est déformé. Moi qui voulais protéger un peu la vérité pour ne pas créer de conflit… oublié. Plus de retenue…!
- N’importe quoi ! m’exclamé-je, furieux.
Autour de nous, les blocards s’agitent. Certains secouent la tête, choqués, d’autres protestent, traitant Jessy de menteur. Les voix se chevauchent, le brouhaha devient presque insupportable.
- SILENCE ! hurle Alby.
Il faut plusieurs minutes avant que le calme ne revienne, que les regards se posent à nouveau sur nous. Les respirations sont lourdes, le bois des bancs grince sous le poids des corps, et une odeur de sueur mêlée au vent froid de la nuit s’infiltre dans la salle.
- Newt, à toi, je t’en prie, dit Alby, doucement mais fermement. Je grimace, le regard rivé sur Jessy, chaque mot me brûle les lèvres :
- Hier, je suis passé voir chacun des matons comme à chaque début de semaine. Quand je suis allé voir Frypan, dis-je en le pointant du doigt, il m’a signalé que Jessy ne faisait pas son travail et que pendant les pauses, il « s’envoyait en l’air » avec d’autres blocards dans le garde-manger.
Un souffle de dégoût et de colère parcourt l’assemblée. Presque tous les blocards frémissent, froncent les sourcils, certains reculent de quelques pas, d’autres échangent des regards incrédules. L’air est électrique, chargé d’indignation. L’odeur du Bloc semble plus lourde, presque étouffante. Les chuchotements ne s’éteignent pas malgré le regard sévère d’Alby, obligé de hausser la voix pour rétablir le silence. Mon cœur bat à tout rompre, ma bouche est sèche, et je sens chaque souffle comme un rappel de l’urgence de ma mission : faire régner l’ordre, dire la vérité, et tenir bon malgré l’atmosphère lourde et les regards chargés de suspicion.
- SILENCE ! Laissez Newt poursuivre ses explications ! hurle Alby, la voix résonnant dans la salle, appuyé par Gally qui frappe le sol du pied pour ramener le calme.
Les blocards se recroquevillent sur leurs bancs, des regards inquiets ou curieux fixant la scène centrale.
- Suite à ça, poursuive-je une fois le calme revenu, j’ai simplement fais mon boulot. Je suis allée voir Jessy, lui demandant gentiment de stopper ses activités et d’obéir à son maton. Tout d’abord, il accepte, avant de marmonner dans mon dos que j’étais « jaloux » de lui. De là, une dispute commence, et Jessy me soutient que je suis jaloux parce qu’il a les plus beaux mecs du Bloc qui « viennent consommer ». Notamment toi, Minho, et toi, Alby. Répète-je sans remords mot pour mot de ce qu'il m'a dit.
- QUOI ?! C’EST COMPLÈTEMENT FAUX !! s’exclame Minho, bondissant de sa chaise. Sa voix tonne comme un coup de tonnerre pendant que la salle retient son souffle.
Les murmures, les exclamations et les chuchotements reprennent de plus belle. L’atmosphère devient électrique, les blocards crispés sur leurs bancs, certains se penchent pour mieux entendre, d’autres froncent les sourcils, la colère et l’incrédulité visibles sur leurs visages.
- FERMEZ-LA ! tonne Alby, la voix lourde de menace.
Un silence pesant s’abat sur la salle. Mais Minho, les yeux étincelants de rage, s’avance vers la barre. Je vois les petites veines sur son front gonfler sous la colère, ses poings se serrer comme pour contenir un torrent de violence.
- Je baise pas avec lui, putain… ! hurle-t-il, hors de lui.
- Minho, assieds-toi, Newt n’a pas terminé, ordonne Alby d'un ton ferme.
Je vois son visage se crisper, les mâchoires serrées, mais il s’exécute à contre-cœur, s’asseyant brusquement, le corps tendu comme un arc.
- Continue, me dit Alby, impassible.
- Ensuite, Jessy m’a manqué de respect et il m’a insulté.
- Il t’a dit quoi précisément ? interroge Alby, le regard perçant.
- Ne l’écoutez pas, ce lèche-cul ! crie Jessy, bondissant de sa chaise.
- ASSIS ! hurle Alby, rouge de colère. Tu as eu ton temps de parole, laisse Newt continuer ! Vas-y, Newt… !
Je prends une profonde inspiration. Mes mains tremblent légèrement, ma gorge se serre. Chaque mot me brûle les lèvres, mais je dois dire la vérité… Aussi j’ajoute :
- Il m’a dit que… que je n’étais pas gâté par mère Nature physiquement parlant et que tout le monde me déteste et parle dans mon dos parce que je joue trop au petit chef, murmuré-je, mal à l’aise. Évidemment, je n’allais pas le laisser m’insulter, alors je l’ai convoqué au conseil. Et là… il m’a poussé. Je ne l’ai en aucun cas giflé, comme il le prétend.
Autour de nous, des souffles choqués, des regards fixés sur moi, des chuchotements étouffés et des mâchoires qui se serrent. Les émotions sont palpables, presque électriques dans l’air étouffé de la salle. Alby reprend, calmant la tension : il convoque Frypan et Minho à la barre pour témoigner. Je sens mon estomac se nouer. Minho, toujours crispé, m’observe, et je devine qu’il lutte pour rester calme.
- Frypan, tu confirmes ce qu’a déclaré Newt ?
- Oui, je confirme. J’ai vu de mes yeux Jessy dans le garde-manger avec un blocard, dont je tais le nom ce soir. Et j’ai trouvé Newt, la joue en sang, juste après que Jessy l’ait poussé, explique le maton des cuistots. Alby se tourne vers Minho :
- Minho, tu confirmes ne jamais avoir eu de rapport avec lui ?
- Je confirme ! Et pas qu’un peu ! gronde-t-il, grimaçant de dégoût.
- Merci à vous deux. Vu que j’étais également cité, je déclare à mon tour que je n’ai jamais couché avec Jessy.
- Quoi ?! Menteur ! s’exclame Jessy, bondissant encore, pointant Alby du doigt.
- Silence ! Tu n’as pas droit de parole ! s’agace Alby.
Jessy avance d’un pas menaçant, mais les Coffreurs le saisissent rapidement par les bras et le rasseyent de force. Le bois des bancs grince sous la tension et le souffle des blocards semble se mêler à la poussière, créant une atmosphère suffocante, chargée d’adrénaline et de malaise…
- Maintenant que nous avons entendu les deux parties et les témoins, et sachant que l’on connaît tous Newt depuis longtemps, et qu’on sait très bien que ce n’est pas son genre de provoquer quelqu’un… je demande aux matons d’annoncer leur verdict !
- Premier ordre ! crie immédiatement Gally.
- Je suis, confirme Minho. Tous les matons votent à l’unanimité. Alby se redresse, le visage sévère :
- Jessy, pour avoir menti, pour ne pas avoir respecté les ordres de ton maton, pour avoir manqué de respect à Newt, mais aussi pour l’avoir poussé et blessé… Tu es condamné à un mois de gnouf avec un repas par jour !
- Mon dieu… ! souffle Jessy, posant ses mains sur sa tête, l’air dépité et abasourdi.
La foule éclate en applaudissements et insultes, certains se penchent pour montrer leur satisfaction ou leur mépris. Moi, je reste figé, le cœur lourd. Même si c’est mérité, je me sens coupable. Je n’aime pas cette place d’accusateur, et un étrange malaise m’envahit. Mes mains tremblent encore un peu, ma gorge est sèche, et chaque regard dans la salle me rappelle que je suis désormais celui qui décide du sort d’un autre… Jessy est emmené par les coffreurs, le cliquetis de leurs chaînes résonne dans la salle.
- Je tiens à vous rappeler que le respect entre blocards est très important. Si vous n’aimez pas un blocard, évitez-le. Merci et bonne nuit, conclut Alby, sa voix lourde de gravité.
L’air se relâche lentement, mais la tension reste palpable, comme si le conseil avait gravé dans la pièce un silence chargé d’interdits, de secrets et de non-dits.
Tout le monde repart à ses occupations… Je reste figé quelques secondes, le souffle encore irrégulier, le cœur serré par la culpabilité pour Jessy. J’ai besoin de réfléchir, de prendre du recul sur tout ce qui vient de se passer. Je me lève et pars chercher un coin isolé derrière la forêt, un endroit où les blocards ne viennent presque jamais. Ici, les herbes hautes bruissent doucement sous le vent nocturne, et le parfum humide de la terre et du bois me donne un semblant de calme. C’est là que Minho et moi avons parfois l’habitude de nous retrouver, loin des regards indiscrets, pour partager nos moments en toute discrétion. Je m’allonge, les yeux perdus dans le ciel étoilé, et je pousse un long soupir de fatigue… Mais la tranquillité est de courte durée. Je sens un mouvement derrière moi, et avant que je puisse réagir, Alby s’assoit à mes côtés. Son sourire est léger, presque tendre, mais je sens une tension sous-jacente que je n’avais jamais remarquée avant.
- Sacrée soirée, n’est-ce pas ? murmure-t-il.
- Oui… soufflé-je, m’asseyant à mon tour, ramenant mes jambes contre mon torse et posant mes bras dessus. J’ai vraiment horreur d’avoir cette place d’accusateur…
- Tu as bien fait, Newt. Qui sait… peut-être qu’il disait à tout le monde qu’il couchait avec moi, ou même Minho… La honte pour moi… ! hé hé ! Dit-il, essayant de dédramatiser.
- Oui, peut-être… Mais par ma faute, il est au gnouf pour un mois… dis-je avec un soupir de culpabilité. Il pose sa main contre ma joue, et je sursaute légèrement.
- Il le mérite. C’est un menteur et un manipulateur. En plus, il t’a blessé, murmure-t-il avec un regard insistant.
- Ça… ce n’est vraiment rien… ça ne méritait pas ça selon moi, dis-je en repoussant doucement sa main, un frisson inconfortable me parcourant.
- Newt… tu es vraiment trop gentil. Il sourit, mais son regard s’intensifie.
Je reste silencieux, le visage enfoui dans mes genoux, sentant mon cœur battre de plus en plus vite. Alby se rapproche, sa main glissant sur mon dos puis ma taille, et je sens mon souffle s’accélérer. L’air autour de nous devient plus chaud, presque oppressant, chargé de tension.
- Newt… tu sais que ce qu’il a dit sur toi est totalement faux ? murmure-t-il, son visage proche de mon oreille.
- Pardon… ? marmonne-je, relevant la tête pour le regarder, mes joues brûlantes.
- Personne ne te déteste ici. Tu es apprécié… et je pense que c’est lui qui est jaloux.
- Tu penses… ? dis-je, hésitant, le cœur battant un peu plus vite.
- Évidemment. Et puis, physiquement, tu es vraiment mignon. Tu n’as pas à t’en faire.
- Merci… mais je n’ai rien de spécial, murmure-je en rougissant.
- Je t’assure que tu es séduisant, Newt. Ne doute pas de toi. Crois-moi, beaucoup de blocards pensent comme moi.
- Comme qui… ? murmure-je, intimidé.
- Certains blocards… je ne dirai pas de nom, dit-il avec un sourire amusé.
- Comme tu voudras… dis-je, gêné.
- Enfin… tu dois te douter de qui je parle, non ? reprend-il, me fixant intensément.
Je rougis, pensant immédiatement à Minho. L’ombre de sa jalousie, de son attention, m’envahit, et une étrange nervosité me noue l’estomac.
- Peut-être…
- Peut-être seulement ? demande-t-il en pinçant ma taille pour me chatouiller.
- Arrête ! Je suis chatouilleux dis-je, un petit sourire gêné, le repoussant légèrement dans l’herbe.
- Permets-moi d’insister ! dit-il, me plaquant sur le sol, ses mains posées sur ma taille, m’immobilisant. Je sens son corps au-dessus du mien et l’intensité de son regard m’oppresse.
- Alby…Pou… Pousse-toi s’il te plaît, souffle-je soudain très nerveux.
Son expression change brusquement. Il me dévisage, silencieux, et je sens son désir presque brutal. Son visage se rapproche du mien, et soudain, il plaque ses lèvres contre les miennes. Je me crispe, les mains sur ses épaules, tentant de le repousser. Sa bouche reste collée à la mienne, sa langue effleurant mes lèvres, cherchant à entrer. Mon cœur bat à tout rompre, un mélange de peur et de dégoût me paralyse. Je finis par le repousser sur le côté et m’assieds, le souffle court.
- Qu’est-ce que tu fabriques, Alby… ? dis-je en essuyant mes lèvres d’un revers de manche.
- Je… je voulais juste te montrer à quel point tu es attirant… marmonne-t-il, embarrassé.
- Alby non…! C'est… C'est pas possible… Tu…
- Désolé… m’interrompt-il, passant une main sur son crâne. Je comprends tout à fait que tu n’aies pas envie de ça avec un homme.
- Je… c’est que… Bégaye-je troublé.
- T’inquiète pas. Oublie ce que je viens de faire. Je me suis laissé aller… dit-il, se levant presque d’un bond, partant sans me laisser le temps de répondre.
Je reste allongé dans l’herbe, les mains sur le visage, le cœur battant, le souffle court. Mon esprit tourbillonne. Alby… Fry… tous semblent vouloir plus de moi… Le poids de ces avances, de ces désirs non réciproques, m’écrase. Mon corps est tendu, chaque frisson me rappelle que je suis désormais la cible de leur désir. Je ferme les yeux, essayant de me détendre, de mettre un peu d’ordre dans ce chaos émotionnel, mais je sens encore la chaleur de sa proximité, l’intensité de son regard me hanter… Je reste là, seul avec mes pensées, l’herbe humide sous mes mains, le vent nocturne caressant mon visage, essayant d’oublier toutes ces émotions et de trouver un semblant de calme avant le lendemain…
…
Je finis par m’assoupir quelques heures, bercé par le silence pesant du Bloc. Quand je me réveille, tout est plongé dans l’obscurité, les chuchotements éteints, seulement le souffle régulier de mes camarades et le craquement occasionnel du bois qui travaille dans les dortoirs. Je me redresse doucement, la nuque raide, et je pars vers ma chambre. Mais une lueur vacillante attire mon regard, venant de l’étable. Si l’un des trancheurs a oublié une lanterne, le risque est énorme : le foin sec pourrait s’enflammer en un instant. Je m’approche avec prudence, le cœur battant un peu plus vite, et prends un petit détour pour inspecter le bâtiment. Avant même de pousser la porte, des sons m’arrêtent net. Des gémissements, des respirations rapides, presque haletantes, résonnent dans la nuit. Mon souffle se coupe, et un mélange de curiosité et de malaise me pousse à entrouvrir la porte. La scène que je découvre me fige sur place. Antoine, à quatre pattes dans le foin, et Gally derrière lui, en pleine action. Mon cœur se met à tambouriner contre ma poitrine, et je pose instinctivement une main sur ma bouche pour étouffer mon souffle d’étonnement. L’odeur du foin mêlée à l’humidité de la grange me paraît presque suffocante…. Soudain, Gally lève la tête et ses yeux rencontrent les miens. Le rouge me monte aux joues et je ferme immédiatement la porte, reculant si vite que je manque presque de trébucher. Mon esprit est un tourbillon de confusion et de gêne, et je pars sans perdre une seconde, mes pas résonnent sur le sol en bois. Je marche en silence, la tête pleine de questions. Gally et Antoine… amants ? Quand cela a-t-il commencé ? Il y a quelques heures à peine, ils étaient au conseil, l’un faisant respecter la loi, l’autre tremblant sur la chaise d’accusé… Tout cela semble irréel. Mon esprit refuse de saisir la logique de cette scène. J’espère simplement que Gally n’a pas profité de son statut de Maton pour satisfaire ses envies… Je devrai parler à Antoine demain pour m’assurer que tout va bien…
Arrivé dans ma chambre, je me laisse tomber sur mon lit, glissant la couverture sur moi. La chaleur du tissu me réconforte un instant, mais mes pensées s’échappent aussitôt vers Minho. Dans des moments comme celui-ci, sa présence me manque cruellement. J’aimerais pouvoir le rejoindre, me blottir contre lui, sentir son souffle contre ma peau… Mais le dortoir est encore endormi, chaque bruit risquerait de trahir ma présence. Et puis, je ne veux pas le déranger. Il a besoin de sommeil, pour être en forme et affronter le labyrinthe demain. Je ferme les yeux, laissant le silence m’envelopper, mais le souvenir de ce que je viens de voir dans la grange me suit, troublant mon esprit et mêlant malaise et fascination. La nuit semble lourde autour de moi, chaque ombre semblant révéler un secret, et je me sens plus seul que jamais…
A suivre !
Note :
Coffreur : Blocard élu par le Maton Alby pour assurer la sécurité. En général, ils sont grands et très costauds, et ils font tous partie d'un autre métier.
Prochain chapitre : Une succession d'ennuis.
Je vous salue lecteurs !
N'hésite pas à me dire si tu apprécie ma fic !
Ce n'est que le commencement d'une longue histoire !
Bye !