Le commencement

Chapitre 7 : Le labyrinthe

8080 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 28/06/2020 16:01

Chapitre 7 : Le labyrinthe.


POV Minho. 


À peine tiré des brumes du sommeil, je sens quelque chose, non, quelqu’un, glisser contre ma peau encore chaude. Des doigts légers se posent sur mon torse, remontant lentement, explorant chaque relief de mes muscles comme s’ils cherchaient à me réveiller doucement, intimement.

Je rouvre les yeux, à moitié, juste assez pour reconnaître sa silhouette fragile sous la couverture : Newt. Il s’est faufilé dans mon lit comme une ombre blonde, silencieuse, précieuse, le souffle retenu, comme s’il risquait sa vie juste en se glissant contre moi. Il vient s’asseoir à califourchon sur mes hanches. Son corps se pose contre le mien avec cette assurance timide qu’il n’a qu’avec moi. Et quand il frotte doucement ses fesses contre mon sexe encore engourdi, tout mon être se tend. Mon souffle s’arrête. Mon cœur frappe. Parce que c’est lui. Parce que c’est Newt. Et parce que je le désire à chaque minute où je suis en vie.

Mes mains glissent d’instinct vers sa taille. Je soulève un peu son t-shirt, la paume caressant la douceur chaude de son dos, puis ses flancs. Il frissonne, un frisson tellement précis que je pourrais en mourir. Ses tétons se durcissent sous mes doigts et son visage se tord d’un plaisir qu’il tente de retenir, comme toujours, comme si sa pudeur était plus forte que son propre corps. Je m’assois pour capturer sa bouche. Ses lèvres sont déjà ouvertes, comme une invitation. Nos souffles se mélangent, se heurtent. Le baiser est tendre, profond, dévorant sans l’être trop.

  • Minho… souffle-t-il contre ma bouche. J’aime la façon dont il dit mon nom. On dirait qu’il respire pour moi.

Je glisse alors ma tête dans son cou. Son odeur m’écrase, me soulève, me brûle. Je goûte sa peau, j’y laisse des traces, je respire son parfum. Et lui, il s’arque doucement, s’offre sans un mot, comme s’il n’existait que pour être tenu, protégé, aimé. Je le couche avec une douceur que je ne possède pour personne d’autre. Je me débarrasse de mon boxer. Il entrouvre ses jambes, volontaire, vulnérable, beau à en briser des murs. La couverture tirée jusqu’à nos épaules pour éviter les regards, parce que dans ce Bloc, rien n’est à nous, pas même les gestes qu’on vole à la nuit.

Je me glisse en lui avec lenteur. Une lenteur contrôlée, farouche, parce que si je vais trop vite, il gémira trop fort et je veux le garder rien que pour moi. Sa main vient couvrir sa bouche. Sous moi, son corps se contracte, bondit, cède, s’abandonne. Je sens tout. Je sens lui. Et c’est presque trop… Je commence à bouger, mes hanches guidées par les sienne, par sa chaleur, par les tremblements qu’il tente d’étouffer. Il s’accroche à mon cou, les doigts enfoncés dans ma peau.

  • T’es tellement chaud… je murmure dans son oreille, haletant.

Il répond par un gémissement étranglé, un Hnh…! étouffé dans sa paume. Newt est toujours silencieux, mais son corps parle. Et je comprends tout. Je le prends longtemps, assez pour sentir chaque réaction, chaque onde de plaisir qu’il tente de cacher au Bloc, mais jamais à moi.

Et quand la tension finit par s’effondrer, quand je me perds en lui, c’est comme si toute ma rage, tout mon amour, tout mon désir venaient mourir dans son ventre. Je reste un moment sur lui, encore enfiévré, encore incapable de lâcher sa peau. Je caresse ses fesses, les pince doucement, juste pour l’entendre réagir, juste pour le sentir vibrer encore sous mes doigts.

Puis je soulève son t-shirt, embrasse ses petits tétons roses, si sensibles que je pourrais adorer pendant des heures.

  • Minho… murmure-t-il en attrapant mon visage pour l’amener au sien. Une fois suffit… Tu dois te lever…

Il m’embrasse pour adoucir sa demande. Je grogne, frustré, puis je l’enlace fort, son corps encore tremblant contre ma poitrine.

  • Fais chier…

Il rit doucement, ce petit rire qui me traverse comme une lame tiède.

  • La journée commence bien… dit-il avec un sourire qui me fout à genoux intérieurement.

Et bordel… il n’a aucune idée de tout ce que je ferais pour lui… Aucune idée…

  • Plus que bien… approuvé-je, encore essoufflé, encore traversé par ce fil brûlant qui me relie à lui.

Même si, au fond, je rêve d’un jour où je pourrais lui faire l’amour autant de fois que j’en ai envie, sans les murs du Bloc, sans les regards, sans la peur de se faire surprendre… juste lui et moi, libres de s’abandonner. 

Newt se redresse lentement, ses cheveux blonds en bataille retombant en mèches douces autour de son visage encore rosé. 

  • Tu veux me faire rougir…? souffle-t-il, la voix timide mais les yeux brillants.
  • Et si c’est le cas ? murmure-je, un sourire au coin des lèvres. Il se penche, ses lèvres frôlent les miennes.
  • Dans ce cas… je dirais que tu as réussi, chuchote-t-il avant de m’embrasser, furtif comme un papillon.

Il s’apprête à se lever, mais je l’attrape par le poignet, incapable de le laisser partir si vite. 

  • On a encore dix minutes… Tu ne voudrais pas…? dis-je en jetant un discret regard vers le bas de mon ventre, déjà tendu rien qu’à l’idée de lui.
  • Hum… d'accord… uniquement parce que c’est toi… répond-il avec ce sourire qui me tue à chaque fois.

Il disparaît sous la couette, et l’air autour de moi change d’un coup : plus chaud, plus étroit, plus chargé d’attente. Je sens sa main glisser autour de moi, cette caresse lente et sûre, qui me fait immédiatement frémir. Puis le contact de sa bouche… douce, chaude, dévouée. Une vague me traverse de la tête aux pieds, presque douloureuse de plaisir tant c’est bon, tant c’est lui… Il m’enveloppe, me cueille, me dévore avec une douceur presque religieuse. Je passe une main dans ses cheveux sous les draps incapable de retenir un souffle rauque. Savoir ma peau contre ses lèvres, sentir son rythme, sa volonté de me donner tout ce qu’il peut dans ce court instant volé… c’est presque trop. Je craque en quelques minutes, me brisant doucement entre ses mains, sa bouche, sa tendresse… Il émerge de sous la couverture avec un petit rire discret, essuie le coin de sa lèvre du pouce et me donne un dernier baiser, un baiser qui goûte le secret, la chaleur et tout ce qu’on ne dit pas encore… Puis il se lève, se rhabille vite, remet ses cheveux derrière son oreille.

Avant de franchir la porte, il se tourne vers moi, me lance un regard doux.

  • À toute à l'heure… souffle-t-il en souriant. Et il disparaît.

Je reste allongé un instant, les mains sur mon visage, un sourire idiot collé aux lèvres. Depuis notre discussion l’autre soir… depuis cette nuit où on s’est aimé sans se cacher, en se murmurant des « je t’aime » étouffés dans l’oreiller… quelque chose a changé. On est plus proches, plus soudés, presque liés par quelque chose de plus fort que la peur, plus fort que le Bloc. J’aurais envie de lui dire des mots d’amour tous les jours… mais je n’ose pas. Pas encore. Et lui non plus. On est deux idiots timides, deux cœurs en feu qui ne savent pas parler, alors on se contente de se toucher, de se chercher, de se montrer ce qu’on ressent avec le corps plutôt qu’avec les mots. Mais quand je pense à la journée qui l’attend… Quand je pense à Alby, ce regard sombre qui ne quitte jamais Newt, cette jalousie maladive qui éclate sous sa peau… mon cœur se serre. Et il n’y a pas que lui… Je vois les autres aussi. Ces regards affamés. Ces garçons qui le déshabillent du regard chaque fois qu’il passe. Newt ne s’en rend même pas compte, trop doux, trop naïf, trop beau pour comprendre à quel point il attire les gens, à quel point il leur donne envie. Mais moi, je vois. Et ça me rend fou… Fou de savoir qu’il va passer la journée là-bas, dans ce Bloc de vautours, surveillé par un Maton aussi instable que dangereux… Fou d’imaginer quelqu’un d’autre lui parler trop près, le toucher trop longtemps, le regarder comme si… Non… Je ne laisserai personne lui faire du mal. Ni Alby. Ni personne d’autre. Il est à moi. Pas comme un objet, jamais. Mais comme un miracle qu’on protège… Et si je dois affronter tout le Bloc pour lui… alors je le ferai.

Soudain, ma montre se met à vibrer, me ramenant brutalement à la réalité. Je grogne, quitte la chaleur du lit encore imprégné de son odeur, et j’enfile mes vêtements sans vraiment regarder ce que je prends. Je rejoins Ben pour le petit-déj, mais j’ai la tête ailleurs, tellement ailleurs que même avaler une bouchée me demande un effort. Je pense à Newt. À lui, à sa peau, à son souffle contre ma gorge trente minutes plus tôt. Impossible de décrocher…

  • Tu es bien silencieux ce matin, Minho. remarque Ben en s’asseyant en face de moi. Je hausse vaguement les épaules.
  • Et alors…?

Il affiche ce petit sourire discret qui le caractérise, celui qui s’étire juste d’un côté, un brin moqueur, un brin complice. Sa carrure solide se détend sur le banc.

  • Tu es déjà fatigué à cause de ton réveil mouvementé…?

Je relève les yeux et le fusille du regard… Il glousse bêtement…

  • Roh, me fais pas ces yeux-là, soupire Ben en levant les mains comme pour se défendre.

Ses grandes oreilles qui rosissent toujours un peu quand il s’attire mes foudres, tandis qu'il se penche légèrement vers moi, comme s’il cherchait déjà à calmer l’orage que je suis.

  • J’ai vu Newt te rejoindre dans ta chambre tout à l’heure, ajoute-t-il en plissant ses yeux marron, malicieusement brillants.

Je grogne, croise les bras, mes biceps se contractent sous le tissu tendu de mon t-shirt, trahissant ma nervosité, et répond sèchement :

  • Mêle-toi de ce qui te regarde, Ben.
  • Au moins tu vas courir plus léger ! rit-il en hochant la tête, ses cheveux blonds tremblant légèrement.
  • Ça va c'est bon… râle-je contrarié. 

Il recule sur le banc, mais son sourire s’élargit, trop sincère pour être vraiment agaçant.

  • Mais quoi ? Je me trompe ?!

Je serre la mâchoire. Ma carrure imposante n’a jamais vraiment suffit à intimider Ben, même quand je le fixe de haut comme maintenant. Il me dépasse pas, mais il est large des épaules, costaud, ancré comme un roc, un vrai coureur dans l’âme. Pourtant, impossible de ne pas remarquer le petit éclair d’amusement qui passe toujours dans ses yeux quand il réussit à me pousser à bout.

  • Non mais ça te regarde pas…!
  • Hé hé… murmure-t-il, toujours rieur. N’empêche t’as de la veine. Il baisse légèrement la voix, comme pour me confier un secret brûlant : Tu es avec le mec le plus mignon du Bloc.

Je serre ma cuillère entre mes doigts, un éclair de jalousie me traversant la poitrine. Ben continue, sans se rendre compte du terrain miné sur lequel il marche.

  • Tout le monde lui tourne autour… mais toi, t’es le seul à avoir droit à une belle part du gâteau. C’est un peu injuste quand même. Je relève lentement la tête.
  • Injuste…? Comment ça ?! 

Il lève immédiatement les mains, comprenant qu’il s’est avancé trop loin.

  • T’énerve pas ! Je voulais dire que j’aimerais moi aussi…
  • Te le taper ? lâche-je en posant mon bol d’un coup sec sur la table. Ben blêmit légèrement puis secoue la tête, nerveux.
  • Non non non ! Pas du tout ! Je veux dire… avoir quelqu’un. Une relation. Pas Newt. Toi t’es mon pote, jamais je te ferais un coup comme ça.

Je souffle par le nez, pas totalement convaincu, mais assez pour lui laisser une chance. Je reprends mon bol.

  • Méfie-toi plutôt des autres, poursuit-il.
  • Quels autres…? Il hésite, gratte sa mâchoire carrée du bout des doigts.
  • Bah… les autres. Beaucoup de Matons de ce que j’ai compris.
  • Tss… ça me saoule…
  • Après, rassure-toi, pour Newt y’a que toi. J’en suis presque sûr, dit-il avec un sourire franc, doux, typique de lui… Je finis mon bol.
  • Ouais. On verra. Bon, on bouge.

Mais j’avoue que la discussion me reste en travers de la gorge tandis qu’on rejoint la salle des cartes. L’air est encore frais, les premiers éclats de voix résonnent, les cartes s’étalent comme un patchwork nerveux sur la grande table. Je reprends naturellement ma place de chef, donne les directives, vérifie les groupes, ajuste les parcours. Chaque mot que je prononce me recentre un peu, me remet dans ma peau de Coureur, solide, concentré, taillé pour ce rôle. Quand on sort enfin de la salle des cartes, comme chaque matin, il est là. Newt…

Impeccablement lui, avec ce sourire discret, fragile, presque timide, celui qu’il ne donne qu’à nous, qu’au groupe des Coureurs… mais surtout à moi… Ses yeux s’attardent sur mon visage une seconde de trop, juste assez pour invoquer la chaleur de sa bouche contre la mienne, juste assez pour réveiller tout ce qu’on vient de partager sous mes couvertures… Je m’arrête un peu trop longtemps devant lui. J’ai envie de l’embrasser. De le tirer contre moi, de cacher son visage dans mon cou, de lui dire qu’il est à moi et qu’aucun Maton, aucun foutu Blocard n’a le droit de le regarder comme ils le font… Mais je n’ai pas les couilles. Pas encore. Pas devant tout le monde. Je ne veux pas le mettre mal à l’aise… Alors je me contente de lui lancer un regard, un seul, mais un regard assez chargé pour qu’il comprenne tout ce que je ne peux pas faire. Ses joues rosissent… Il baisse les yeux. Et mon cœur se serre presque douloureusement. Je cours mieux après ça. Plus vite. Plus fort. Comme si chaque foulée était un serment silencieux : je reviendrai. Et je te protégerai.



Ma journée commence. Je m’élance dans le Labyrinthe, mes pieds frappant le sol avec force, mes muscles bandés comme des cordes tendues. L’air humide et frais s’engouffre dans mes poumons, chargé de l’odeur de métal froid et de lierre mouillé. Les murs s’élèvent autour de moi, immenses et silencieux, des colonnes de métal grisâtre imbriquées dans un dédale sans fin. Chaque croisement est un piège potentiel, chaque couloir, un test de vigilance. Mes yeux balaient chaque recoin, anticipant le moindre mouvement suspect. Mais pour l’instant, le Labyrinthe reste silencieux, impassible, figé dans sa beauté inquiétante. 

Je traverse le premier couloir et m’arrête au détour d’une intersection. Et là… un éclair de mouvement me fige sur place. Une silhouette surgit : Akira, une planche de bois levée au-dessus de sa tête, des cloues pointues dessus, prêt à me fracasser le crâne. Il est petit, frêle comparé à moi, mais rapide et haineux, avec ce visage durci par la colère et des yeux noirs de haine. Son corps athlétique est pourtant vulnérable face à ma carrure imposante. Mes bras, larges et puissants, se crispent instinctivement.

  • T’es malade, pauvre taré ?! hurle-je, reculant de quelques pas pour éviter sa planche.
  • JE VAIS TE BUTER, ENFOIRÉ ! crie-t-il en se jetant sur moi.

Sa planche s’abat, mais je l’évite de justesse. Le revers me blesse au bras. La douleur me fait grincer des dents, mais je reste concentré. Je sens la rage froide s’emparer de moi, cette colère silencieuse qui n’explose jamais mais transforme chaque fibre de mon corps en arme. La survie devient mon seul instinct. Il me plaque au sol, jette sa planche et ses mains serre mon cou avec force.

  • Tu vas crever et je vais prendre ta place de Maton !

Sa haine est tangible, presque palpable. Mais moi… je suis un roc. Je ne flanche pas. Mes poings frappent, mes genoux s’insèrent entre nous pour le repousser, mes pieds cognent son torse. Je le sens vaciller, et l’adrénaline me propulse à nouveau en avant. Je saisis mon couteau dans ma bottine, bondis sur le côté et sprinte à toute vitesse, sentant son souffle court derrière moi, entêté, prêt à me tuer. Chaque respiration est brûlante, chaque battement de cœur martèle mes tempes. Le Labyrinthe devient un piège mouvant, chaque recoin, chaque colonne, chaque lierre est un point d’appui pour survivre. À une intersection, je m’arrête. Mes mains tranchent les lierres comme des cordes, et je prépare mon piège. Il arrive, aveuglé par sa rage. Je lui jette le sac de lierre, l’entravant et le désorientant. Je frappe rapidement, précis : deux coups de couteau dans la cuisse et la cheville. Il hurle, tombe au sol. Je lui assène un coup de pied brutal dans la main pour qu’il lâche de nouveau la planche, la saisit, et la jette loin.

  • Putain… putaiiiin ! hurle-t-il, la douleur déformant son visage.

Et là… Un silence lourd tombe d’un coup après son hurlement. Et moi… je reste planté là, le souffle encore haletant, le couteau poisseux dans ma main tremblante. Je le regarde se tordre au sol, les mains plaquées sur ses blessures, son sang fonçant la poussière du Labyrinthe. Et c’est là que ça me frappe. Pas la douleur dans mon bras. Pas l’adrénaline qui cogne encore dans mes veines… Non…. Ce qui me frappe, c’est… le fait qu’il ait vraiment essayé de me tuer. Moi. Moi, Minho… Pas un accident, pas une connerie. Une vraie intention. Une haine brutale. Un choix. Je sens mes muscles se contracter malgré moi. Une sorte de vertige me prend, comme si mes pensées glissaient d’un coup dans un gouffre. Mon cœur bat trop vite, trop fort, comme s’il voulait s’échapper de ma poitrine pour fuir avant moi. Je reste figé, incapable de faire un pas vers lui ou loin de lui. Mais putain… qu’est-ce qu’il vient de se passer ? Je regarde ses doigts trembler, sa respiration saccadée, son visage tordu par la douleur, la haine, et je me revois, une seconde plus tôt, avec sa planche hérissée de clous à quelques centimètres de mon crâne. Je sens encore l’air coupé par l’élan de son attaque. Je sens encore sa main sur ma gorge. Je sens encore le poids de son corps qui voulait m’écraser jusqu’à ma dernière respiration. Un frisson me traverse, glacé, violent… J’ai failli crever. Dans ce putain de couloir, comme un bleu, comme un gars qui n’a rien compris au Labyrinthe. Je serre les dents… Une part de moi veut juste reculer, m’asseoir, reprendre mon souffle, hurler dans mes mains pour faire sortir la panique qui me griffe les entrailles. Mais je ne bouge pas. Je n’ai pas ce luxe. Je suis Maton. Et un Maton ne recule pas devant quelqu’un qui veut sa peau.

Je l’observe, là, au sol. Minuscule. Pitoyable. Mais encore dangereux. Je vois la rage derrière sa douleur, cette étincelle de haine qui n’est pas morte malgré le sang qui coule. S’il se relève… il recommencera. Je le sais. Je ferme les yeux une seconde. Une seule. Je respire… Ma mâchoire se verrouille, mes pensées se font dures, tranchantes. Ça suffit… Le choc se transforme lentement en quelque chose de plus solide, de plus lourd : une résolution froide, brutale, sans détour. Je sens mon expression changer, mes traits se figent, mes yeux s’éteignent, mon souffle se stabilise. La peur disparaît, remplacée par cet instinct ancien, presque animal, que le Labyrinthe forge chez ceux qui y survivent trop longtemps. Je rouvre les yeux, et je sais exactement ce que je dois faire. Pour moi. Pour les autres. Pour le Bloc.

Je m’avance… J’attrape ses cheveux. Et tout en le tirant hors du passage, je laisse le choc mourir en moi, remplacé par une seule certitude froide : Il ne doit plus jamais avoir l’occasion de recommencer.

Avec une force brutale, je le traîne alors loin du passage où d’autres Coureurs pourraient passer, jusqu’à un couloir condamné à rester inaccessible pour une semaine. Là, contre un mur, je l’attache solidement avec les lierres. Le regard sombre. Ses sanglots remplissent l’air, mais je reste de pierre.

  • C’est toi qui vas crever maintenant, dis-je, la voix froide, implacable.
  • Minho… je t’en supplie… me laisse pas mourir… ! sanglote-t-il.
  • T’as tenté de me tuer ! Et tu penses que je vais gentiment te ramener au Bloc ?!
  • Je t’en supplie ! Je ne veux pas mourir ! J’ai le droit d’être jugé comme les autres !

Je serre les dents. Mon regard balaie son visage tremblant, la peur pure dans ses yeux, et je sens cette rage glaciale m’envahir davantage…

  • Tu as droit à rien ici. Tu es dans le Labyrinthe. Et ici… c’est moi qui décide si tu vis ou si tu crèves.

Il bégaie, ses mains se débattent, mais le lierre tient bon.

  • Tu… tu ne vas pas me laisser mourir…?

Je secoue la tête lentement, laissant le poids de ma décision tomber sur lui comme un couperet.

  • Tu aurais dû t’assurer de réussir ton coup si tu voulais rester en vie.

Je commence à trottiner vers la sortie, le Labyrinthe s’ouvrant devant moi comme un océan de pierre. Son hurlement déchire l’air, mais je ne me retourne pas.

  • MINHOOO ! S’IL TE PLAÎT ! ME LAISSE PAS !!! C’EST ALBY QUI M’A ORDONNÉ DE TE TUER !!! hurle-t-il, désespéré.

Je m’arrête net, le souffle coupé par sa révélation, et retourne en un éclair, le saisissant par le colbac. Ma colère explose enfin.

  • Comment ça Alby !?
  • Oui !!! Il m’a dit que je devais te tuer pour prendre ta place, parce que tu étais un boulet… mais en réalité il te déteste ! Il veut juste récupérer ton mec ! Putain… je voulais pas… mais j’ai pas eu le choix ! sanglote-t-il.

Je le secoue violemment. Mon cœur bat à tout rompre, mes muscles tendus comme de l’acier.

  • J’hallucine… Quel enfoiré, sérieux. Et toi t’as accepté le deal ?
  • Je voulais pas… mais tu connais Alby… Il est persuasif…! Minho… je t’en supplie, je veux pas mourir…!!

Je le regarde, glacé. Mon sang bouillonne, mais aucune compassion ne traverse mon regard. J’ai fait mon choix… Je ne le sauverai pas. Pas après ce qu’il a tenté de faire. Pas après la trahison d’Alby. Ici, dans ce labyrinthe, seule la loi de la survie prévaut. 

Je me redresse, laissant Akira attaché au lierre, ses sanglots étouffés par les murs froids de pierre. 

  • Tu aurais dû y penser avant de t’en prendre à plus fort que toi.

J'ignore son regard tremblant, et je repars en courant, mes bottes claquant contre la pierre

  • Quoi ? Non…!? NON !!! NON MINHO !!!

Ses cris montent, déchirants, hystériques. Il me voit m’éloigner et hurle mon nom à s’en briser la voix, comme si sa gorge pouvait m’atteindre, me tirer en arrière. Mais je suis déjà ailleurs. Décidé. Immuable…

  • MIIIINHOOOOOOOOOO… !!!

Son dernier appel résonne dans le couloir tandis que les murs se mettent à grincer. Les parois du Labyrinthe glissent lentement, implacablement, jusqu’à sceller Akira de l’autre côté. Et moi… je continue de courir.  Je ne me retourne même pas. Mon bras me lance atrocement, le sang me poisse la peau, mais je garde le rythme, concentré sur ma respiration. Je dois rejoindre le Bloc, soigner cette plaie. Le reste… je l’expulse de mes pensées. Akira n’existe plus. Désormais, il appartient au Labyrinthes 



L’eau ruisselle comme une pluie chaude sur ma nuque, filant jusqu’au creux de mon dos, traçant sur ma peau des chemins brûlants qui n’apaisent rien. Je reste là, immobile, la tête penchée, le souffle encore haché… Le cartographe a pris mes notes sans poser de questions, les Medjacks ont refermé ma plaie, mais rien n’a refermé la peur. Rien n’a refermé la culpabilité qui me coule encore dans les veines plus fort que l’eau de cette douche. J’ai failli crever…. Si Akira m’avait touché au premier coup… je ne serais plus là. Et cette idée me brûle la gorge. Elle me serre le ventre. Comment ai-je pu… survivre à ça, tuer quelqu’un… et continuer à marcher comme si rien n’était arrivé ? Je passe une main sur mon visage trempé, perdu dans un brouillard lourd, quand soudain la porte de la cabine grince. Je me retourne, prêt à dire que c’est occupé, et mon souffle se brise… Newt entre, tout habillé, sans la moindre hésitation, comme s’il refusait l’idée même de rester séparé de moi. L’eau mouille instantanément sa chemise, colle le tissu à son torse fin, révèle les lignes délicates de ses clavicules. Son visage, ce visage presque trop doux pour ce monde, se relève vers le mien, ses yeux couleur miel se brouillent de tendresse inquiète, et il me prend dans ses bras. Ses bras… si minces et pourtant plus solides que tout ce qui me retient debout ici. Je me fonds contre lui. Ma tête glisse sur son épaule chaude, son parfum se mélange à l’odeur d’eau et de savon, et j’ai l’impression d’être un enfant perdu qu’on ramasse dans un coin… Sa voix tremble tout près de mon oreille :

  • Tu m’as manqué…
  • Toi aussi…

Il s’écarte juste assez pour regarder mon bras, ses sourcils se froncent, et la douceur de ses doigts sur ma peau me fait presque frissonner. Je n’arrive même pas à parler. J’ai honte. J’ai peur qu’il lise dans mes yeux ce que j’ai fait… 

Alors je l’attire de nouveau contre moi, enfouissant mon front contre sa nuque, cherchant dans sa chaleur un endroit où mettre mon crime. Mais il le sent. Il sent tout… Newt lit les émotions comme d’autres lisent les cartes. Il pose une main douce dans mon dos.

  • Minho… qu’est‑ce qui ne va pas…?

Je respire difficilement. Les mots sortent, lourds, brisés.

  • C’est… C’est Akira…
  • Quoi Akira ?

Je raconte… La planche de bois. Le coup manqué. Sa voix qui disait qu’il voulait prendre ma place. Le couteau. La lutte. La fuite. Le lierre qui se resserre. Et ma décision… Après… Je n’ose toujours pas le regarder. Newt pâlit. Puis ses yeux s’élargissent un instant, et je crois… je crois qu’il va reculer. Me juger. Me rejeter… Mais au lieu de ça, il me serre… très fort… Ses bras tremblent à peine autour de moi, mais ils se referment comme un refuge qu’on m’ouvre sans condition.

  • Tu as bien fait, Minho… souffle-t-il doucement. Je ferme les yeux. Tout se casse à l’intérieur.
  • Mais je l’ai tué… merde… Je… Je l’ai tué…

Ma voix se brise contre son épaule. Je m’accroche à lui comme si j’allais tomber. Newt relève mon visage entre ses mains fines, ses pouces effleurent mes joues, essuient des larmes que je ne pensais pas pouvoir verser…

  • Je préfère mille fois que ce soit lui plutôt que toi, dit-il d’une voix tremblante. Tu as pris la bonne décision. Tu t’es défendu.
  • Je ne veux pas que tu me voies comme un monstre…
  • Minho… je ne te verrai jamais comme ça. Jamais.

Mon cœur se serre si fort que j’en ai mal. Les douches résonnent toujours du bruit de l’eau, mais pour moi, il n’y a que lui. Son visage éclairé par la lumière blanche du soleil qui perce par les fenêtres hautes, ses cils mouillés, ses lèvres entrouvertes par l’émotion. Newt a ce visage de gamin trop beau, trop fragile, trop lumineux, un visage fait pour la douceur, pas pour survivre ici… Et pourtant il est le seul capable de me sauver.

  • Gardons ça pour nous, d’accord ? murmure-t-il.

Je hoche la tête, incapable de répondre. Il sourit. Un sourire petit, tremblant, mais si lumineux que je sens quelque chose s’ouvrir dans ma poitrine. Et je cède…

Je glisse ma main derrière sa nuque, j’approche mes lèvres des siennes, sans violence, juste cette urgence brûlante de vivre encore parce qu’il est là. Et quand sa bouche s’ouvre contre la mienne, quelque chose se brise, la peur, la culpabilité, tout ce qui me ronge. Je le plaque doucement contre le mur tiède de la cabine, l’eau ruisselant entre nous. Je l’embrasse pour m’accrocher à lui. Je le touche pour me noyer dans sa chaleur. Je fais l’amour à Newt comme si c’était le seul endroit au monde où je pouvais survivre. Comme si sa beauté fragile, son corps fin tremblant sous mes mains, sa peau claire luisante sous l’eau… étaient la seule chose capable d’effacer le sang que je porte encore sur la conscience. Je respire son prénom entre deux baisers. Il murmure le mien comme une promesse. Et pendant un moment, juste un, je ne suis plus un meurtrier. Je suis vivant. Parce qu’il m’aime. Et que je me perds en lui pour oublier tout le reste.


Après notre douche, le cœur encore battant à cause de l’adrénaline et de la proximité de Newt, je sens pourtant un froid glacial me ronger de l’intérieur. Je n’arrive pas à oublier Akira, ni la cruauté d’Alby qui se cache derrière tout ça. Même si je survis et fais ce qu’il faut, mon esprit tourne en boucle sur ce qui vient de se passer. Et maintenant, Newt reste silencieux, distant… pas totalement lui-même… Me juge-t-il finalement…? A-t-il réfléchi pendant nos ébats…? Qu'est-ce qui le préoccupe ainsi…? Tout ça m’angoisse… Et parfois j’aimerais pouvoir lire dans sa tête…

Quand il s’assoit en face de moi au réfectoire, je le scrute. Ses yeux, habituellement lumineux et curieux, sont voilés, comme s’il portait un poids trop lourd pour ses dix-neuf ans. Ses traits fins, son visage presque enfantin, ses lèvres doucement rosées, tout cela me fait fondre intérieurement… mais cette fois, je sens aussi la gêne et l’ombre d’un secret.

  • Un souci… ? osé-je demander, la voix tendue.
  • Heu… non, pourquoi ? répond-il avec un sourire trop forcé, qui ne masque pas complètement son trouble.

Je frôle ses doigts du bout des miens, doucement mais fermement, pour le ramener à moi.

  • Newt, arrête de mentir… Je te connais par cœur.

Le silence tombe comme un rideau. Il ne parle pas, et je vois son regard fuir le mien, réfléchir, peser ses mots. Mon cœur tape à toute vitesse, la peur et l’angoisse m’étreignent : qu’est-ce qu’il va me dire ? Après ce long moment, il lâche enfin :

  • Si tu veux tout savoir… j’ai parlé avec Alby aujourd’hui…

Mon sang se glace. Alby… Rien que de prononcer ce nom, mon corps se raidit. La colère remonte, brûlante et sourde, prête à exploser. Je sens mes poings se serrer sous la table, mes bras tendus par la rage.

  • Oui, et… ? souffle-je, essayant de rester maître de moi-même.
  • Et… je l’ai trouvé en train de pleurer…

Putain… j’avais senti que ce bâtard allait encore manipuler Newt, et voilà confirmation. Mon esprit s’emporte, mélange de colère froide et de frustration.

  • Et ? on s’en branle, répliqué-je sèchement.

Newt fronce légèrement les sourcils, comme blessé, et continue, sa voix tremblante :

  • Bah moi non… je lui ai parlé et il m’a avoué qu’il était amoureux de moi… C’est pour ça qu’il t’a menti.

Mon poing s’abat sur la table avec un bruit sourd. Tous les Blocards autour nous regardent, surpris par ma réaction. La colère bouillonne en moi : comment Alby peut-il manipuler quelqu’un d’aussi pur que Newt ? Je me retiens de révéler qu’Alby est à l’origine de l’attaque d’Akira…

  • Ne l’approche plus. Évite-le autant que possible, dis-je en tremblant de rage, mes yeux lançant des éclairs.
  • Alby voudrait que notre relation redevienne amicale… m’explique Newt doucement.
  • Ouais bah non. Évite-le au maximum ! grogné-je, peut-être trop brusquement. Il fait une petite moue vexée. 
  • J’en avais l’intention… tu n’as pas besoin de t’énerver contre moi.
  • Je ne m’énerve pas… Mais ça me saoule ! dis-je bêtement, ma voix trahissant mon inquiétude.

Il se détourne, mais son regard reste un instant accroché au mien, silencieux, blessé.

  • Bon… Newt se redresse et quitte la table. Quand tu seras calme, on en reparlera, conclut-il avant de partir…

Je le regarde s’éloigner, un mélange de colère et de culpabilité me nouant l’estomac. Je souffle, frustré, conscient que même après cette journée de folie, il faut que je réfléchisse à la meilleure façon de protéger Newt… Car Akira m’a quand même dit qu’Alby voulait me tuer pour le récupérer… Il est prêt à tout pour l’avoir… 

Je soupire et décide de retrouver Frypan et Winston. Ces deux-là sont plus que des amis, ce sont mes frères d’armes, mes confidents au sein du Bloc. Avec eux, on mène nos petits conseils secrets, on discute, on prend des décisions sur les situations trop complexes pour quiconque d’autre. Ils connaissent ma façon de penser, ma colère, mes obsessions, et je sais qu’ils ne me jugeront jamais. Le soir tard, je les retrouve à l’écart, derrière un vieux mur de pierre, hors de portée des regards indiscrets. 

  • Les mecs… ce que je vais vous dire, c’est super chaud… dis‑je, la voix grave, presque étouffée par la tension qui me serre la gorge. Frypan sourit comme un con :
  • Quoi, t’as testé une nouvelle position avec Newt et c’était chaud ?

Je lui mets une tape sèche sur l’épaule, un peu trop forte.

  • Mais non, abruti ! Je parle d’Alby ! 

Winston se crispe immédiatement, les sourcils tirés :

  • Il a fait quoi encore ?

On a l’habitude, tous les trois, de se réunir en cachette. De débriefer les trucs injustes, les décisions qui pèsent trop lourd… Et jusqu’ici, on n’y intégrait jamais Newt parce que, malheureusement, il était trop proche d’Alby. Trop aveuglé par lui…. Mais maintenant… il voit enfin la vraie pourriture qu’il est… Meme si je ne peux pas encore tout lui dire… Je prends une respiration, mes mâchoires tremblent de rage.

  • Il a tenté de me tuer. Ils se redressent d’un coup.
  • QUOI ?! crient‑ils en chœur.
  • Tu déconnes ?! 
  • Non… J’déconne pas. Il a envoyé Akira dans le Labyrinthe pour me buter. Et ce con m’a tout balancé. Frypan ouvre grand les yeux :
  • Mais alors… si Akira est pas là ce soir, c’est parce que… ? Je hoche la tête.
  • Ouais… J’ai pas eu le choix. Je l’ai laissé dans le Labyrinthe. C’était soit lui soit moi. 

Winston souffle un « la merde… » presque inaudible. Je frappe du pied un caillou, nerveux, trop agité.

  • Et là, cet enfoiré d’Alby manipule Newt. Il chiale devant lui, il lui fait son cinéma, genre “oh Newt je t’aime mais restons amis”… Alors que dans son dos il essaie de me tuer ! Putain quel bâtard…
  • Tu lui as raconté pour Akira ? me demande Winston.
  • Oui, mais je ne lui ai pas dit qu’il était envoyé par Alby.  Frypan fronce les sourcils.
  • Pourquoi ?
  • Imagine Newt apprenant ça… Il ne pourrait pas s’empêcher d’en parler à Alby. Et il se mettrait direct en danger. Hors de question qu’il sache. C’est pour ça la réunion de ce soir. Winston comprend tout de suite :
  • Donc tu veux qu’on garde un œil sur Newt ?
  • Oui. Et aussi sur Alby. C’est grave important les mecs. Fry me tapote l’épaule :
  • T’inquiète bro’. Tu peux compter sur nous. Winston ajoute, les bras croisés, la mâchoire serrée :
  • Et il faut surveiller Gally aussi.
  • Ouais, c’est le bras droit d’Alby ce mec, grogne-je. 
  • Non, pas juste pour ça… me dit Winston, grave. Il s’en est pris à Newt.
  • … pardon ?  Tout mon corps se fige. T’as dit quoi ?! Winston avale difficilement sa salive et continue : 
  • J’ai trouvé Chuck totalement tétanisé un soir. Il m’a raconté que Gally a agressé Newt dans les douches. Chuck a pu intervenir avant qu’il n’aille trop loin… mais maintenant il flipppe de Gally.

Un bourdonnement remplit mes oreilles. Mon cœur tape si fort que je l’entends. Et d’un coup, tout se casse en moi. Newt… Mon Newt…?  Je sens ma respiration se couper, me brûler la gorge. Une vague glaciale me traverse, suivie d’un feu noir qui me lézarde le ventre. Gally ? Gally a posé ses mains sur lui ? Sur Newt, qui ne ferait de mal à personne, qui sourit même quand il tremble, qui porte le monde sur ses épaules en silence ? Je serre les poings à m’en faire craquer les os. J’ai envie de vomir. Une partie de moi s’effondre, l’autre hurle. Pourquoi il ne m’a rien dit…? Je revois Newt, ses regards un peu fuyants, sa fatigue étrange. Les fois où il évitait la douche quand Gally y était. Les frémissements imperceptibles lorsqu’on parlait trop fort. Et moi… moi j’ai rien vu. Rien compris. Quel con… Une honte lourde me tombe dessus. Mais derrière, plus sombre, plus vaste, quelque chose se réveille… Une colère. Pas une colère normale. Un truc noir… Viscéral. Un besoin primitif qui me tord la poitrine. Gally l’a touché…! Il a osé…! Je n’entends plus Winston, ni Fry, ni le vent. Tout se resserre. Dans ma tête, une seule idée tourne, affamée, brûlante : Je vais le tuer. Je le jure. Je vais le tuer pour ce qu’il a fait à Newt ! Et au-dessus de cette rage, plus fragile mais encore plus douloureux : Newt… pourquoi tu m’as laissé dans le noir ? Pourquoi t’as porté ça tout seul ? Je sens mon cœur se déchirer. Et tout ce que je veux, là, maintenant, c’est courir jusqu’à lui, le serrer contre moi, sentir qu’il respire encore, qu’il est là, et lui promettre que plus jamais quelqu’un ne posera la main sur lui sans passer sur mon cadavre… Mais cette colère contenue explose…

  • Putain mais je vais le buter, cet enfoiré de rouquin…!!!
  • Attends Minho ! s’écrie Winston en levant les mains, me barrant la route. 
  • Attendre QUOI ?! Le bouscule-je. 

Mais Frypan m’attrape le bras pour me retenir, ses doigts s’enfoncent dans ma peau.

  • Arrête !! Tu vas finir au gnouf, et ça fera le bonheur d’Alby ! Et Newt sera sans ta protection ! C'est ça que tu veux ?! Fais pas le con…! M’arrête-t-il. 

Son regard chocolat accroche le mien, direct, ancré, tellement sérieux que ça me cloue sur place. Sa main serre mon bras avec une force presque douloureuse, persuasive, vivante. Il a raison. Putain, il a tellement raison. Mais je tremble encore. De rage. De peur. De tout ce que je n’arrive pas à avaler. Je veux juste détruire Gally…! Le cogner jusqu’à ce que son nom devienne un souvenir. Effacer de ses mains la moindre trace de Newt. Reprendre souffle dans un monde où Newt n’a plus à avoir peur. Mais si je fais ça… Si je cède… Je vois déjà la scène : Alby, sourire narquois aux lèvres, enfin débarrassé de moi. Le gnouf. Les murs serrés. L’odeur de pourriture. Et Newt dehors, sans moi pour le protéger. Sans moi entre lui et Gally. Entre lui et Alby. Et Alby… Ce foutu leader obsédé…! Il rêve de me voir tomber, de me voir disparaître pour mieux mettre la main sur Newt. Il n’attend qu’un faux pas de ma part. Qu’un seul…

Je ferme les yeux une seconde, le souffle court. Mes nerfs brûlent comme des fils électriques à vif. Ma gorge est serrée à m’en étouffer. Je voudrais hurler, arracher quelque chose pour que cette pression sorte… mais Fry est là. Sa main toujours sur mon bras. Son regard qui me ramène sur terre, qui me force à respirer. Je souffle, frustré, le dos raide, la peau en feu.

  • … T’as raison… Le mot m’arrache la bouche comme une lame.

Je ne peux pas me permettre d’agresser Gally. Pas maintenant. Pas comme ça. Pas si ça signifie abandonner Newt… Je ravale la tempête en moi, mais elle continue de cogner, sourde, implacable, prête à exploser à la moindre fissure. Et dans ma tête, une seule pensée étouffée résonne : Je ne laisserai plus jamais personne lui faire du mal. Peu importe ce que ça me coûte…

  • Putain…  Éructe-je furieux et frustré. 

Fry s’approche doucement, posant une main lourde mais chaleureuse sur mon épaule.

  • Hey… respire, bro’. On te laisse pas gérer ça tout seul. Winston et moi, on est là, ok ? Et crois-moi… Gally ne paie rien pour attendre. Rien.

Sa voix est calme, mais sous chaque mot, je sens la promesse d’une loyauté farouche, et d’une vengeance froide qui, un jour, tombera. Winston reprend plus calmement :

  • Bon, on applique ce qu’on a dit. On évite les vagues. Compris ?
  • Ok… approuve‑je, amer, la rage coincée dans la gorge comme une pierre brûlante.

Ils repartent vers les dortoirs, leur silhouette s’éloignant dans la pénombre. Et moi, je reste là, incapable de penser à autre chose qu’à Newt… Pourquoi il ne m’a pas parlé de Gally…? Pourquoi il a porté ça seul…? Une culpabilité violente me traverse, me déchire presque. Je devrais être capable de le protéger. De TOUT lui éviter… Il faut qu’on sorte du Labyrinthe. Vite… Parce qu’ici… chaque jour qui passe met Newt un peu plus en danger. Et je supporterai pas de le perdre.

Après cette conversation, je décide de rejoindre Newt dans sa chambre. En arrivant, je le trouve déjà endormi, ses traits détendus par un sommeil profond et serein. Mon cœur se serre un instant rien qu’à le voir ainsi, vulnérable et magnifique. Je m’installe à ses côtés, peu importe si quelqu’un venait à nous surprendre… Tout ce qui compte, c’est lui. Je dépose doucement ma tête dans sa nuque, laissant mes lèvres effleurer sa peau tendre, lui offrant de petits baisers furtifs. Newt soupire, fatigué, avant de se tourner vers moi, ses yeux à moitié clos, encore embrumés par le sommeil :

  • Je t’ai réveillé… ?
  • Oui… tu m’as surpris, souffle‑t-il, d’une voix  douce.

Il se blottit contre moi, collant son corps frêle mais chaud contre le mien.

  • Tu ne m’en veux plus… ? chuchoté-je, presque timide.
  • Je ne peux jamais t’en vouloir longtemps… marmonne-t-il, sa voix ensommeillée comme un murmure réconfortant.

Mes mains glissent sur lui, explorant doucement son dos, caressant ses épaules et ses bras fins.

  • Je peux rester… ?
  • Avec plaisir, répond-il, déposant un baiser tendre sur ma joue.

Je l’embrasse à mon tour, nos lèvres se cherchent comme si elles voulaient se rassurer mutuellement, puis je me blottis contre lui, sentant son souffle se mêler au mien. Je ferme les yeux, laissant toutes mes angoisses de la journée s’échapper dans la chaleur de son corps. J’ai de la chance… une chance folle. Je le malmène, je lui crie dessus, je lui fais peur parfois… et pourtant, il me pardonne toujours. Je ne comprends pas comment il fait, mais une chose est certaine : je l’aime comme un fou, et je donnerais ma vie pour le protéger, pour qu’aucun danger ne touche jamais celui que j’aime plus que tout…



Le lendemain, l’absence d’Akira ne passe pas inaperçue. Tous semblent penser qu’il a fui dans le Labyrinthe, disparu comme un blocard perdu dans le chaos des couloirs. Seuls Frypan, Winston, Newt, Alby et moi connaissons la vérité… et c’est mieux ainsi. J’ai choisi de ne rien dire à Newt au sujet d’Alby, trop peur qu’en mon absence, sa curiosité ou sa bonté le pousse à faire une connerie et à aller en parler à l’intéressé. Certaines vérités doivent rester enfermées dans le Labyrinthe. Les semaines passent, et la tension dans le Bloc ne cesse de croître. Même parmi nous, les anciens Matons, sauf Gally, on sent qu’Alby nous écoute de moins en moins. Il tente subtilement de remplacer certains d’entre nous par des Blocards plus dociles, donnant des responsabilités à ceux qu’il peut manipuler… Même Newt, malgré son importance et son charisme naturel, est doucement mis à l’écart. Heureusement, il conserve le respect et l’admiration des autres, qui restent attentifs à ses conseils et à ses directives. Pourtant, sous cette routine quotidienne, l’inquiétude persiste, et désormais, Newt fait partie de notre groupe secret. Mettant tout en œuvre pour rallier le plus de personne à notre cause. Bien que cela soit très compliqué… 

D'ailleurs, un nouveau Blocard va bientôt arriver, et j’espère, de tout cœur, qu’il ne tombera pas sous l’influence d’Alby. Le danger rôde toujours, et moi… je reste prêt. Prêt à protéger celui que j’aime, à affronter ce que le Labyrinthe mettra sur notre chemin, coûte que coûte.


À suivre ! 


Voici la fin de la première partie,

N'hésite pas à me donner tes impressions dans les commentaires!


Bye !


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