Te repousser pour mieux t'aimer

Chapitre 6 : Chapitre 5 : Frémissement

2317 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 11/11/2020 13:49

Chapitre 5 :

Frémissements.


Je me réveille doucement et la première, ce qui est plutôt agréable. Je décide d'en profiter pour aller me rafraîchir un peu. Je vais au cours d'eau un peu plus loin, regardant tout de même à pouvoir retrouver mon chemin pour le retour. Une fois arrivée, je me débarrasse de la cape d'Arthur, de l'espèce de tissu dont j'ai hérité pour remplacer ma nuisette — une robe brune informe et devenue assez sale — et me plonge dans l'eau froide. 


Je serai peut-être malade mais je serai une malade propre… autant que je peux l'être dans mon cas. Je me frotte, insistant sur certaines parties pour m'enlever toute trace, même si je sais que c'est impossible. Il n'y a qu'à voir mes blessures qui laisseront des cicatrices affreuses. Je soupire et finis de me laver. Ma peau vire au rouge vif et commence à me brûler. Je garde alors le contrôle et m'arrête là.


Je m'apprête à sortir quand j'entends un bruit, léger, presque inaudible. Je me fige et regarde autour de moi mais il n'y a rien. Une fille normale se dirait sûrement qu'elle a dû se tromper ou que c'est un animal. Mais je ne suis pas une fille normale. Et je suis surtout du genre paranoïaque. J'attrape doucement la cape et sors doucement en m'enroulant dedans, regardant toujours autour de moi, recherchant n'importe quel signe qui me prouvera qu'il y a un truc qui cloche. Je recule de quelques pas, me baisse pour prendre ma « robe », me relève et m'apprête à me retourner. Mais on me tire en arrière et me plaque contre un arbre, dans l'ombre. Je vais castrer celui qui a posé ses pattes sur moi quand je me rends compte que c'est Tristan.


— Mais t'es… , je commence avant que sa main n'étouffe le reste de ma phrase.


Ai-je besoin de préciser qu'il a de belles mains, très viriles ? Mais que mon visage est assez petit et qu'il couvre non seulement ma bouche mais aussi mon nez ? Et que de ce fait, il n'étouffe pas seulement mes paroles mais moi avec ? En tout cas, il semble s'en rendre compte car il la retire, me faisant tout de même signe de me taire. Est-il psychotique ? Ou alors je ne suis pas la seule parano du coin… je remarque aussi ma proximité de nos corps — entendez par là qu'il est collé à moi et que je confirme qu'il est vraiment musclé. Je suis tendue au possible. Il semble aux aguets, fixant un point invisible. Sa main se pose inconsciemment sur mon épaule et je suis partagée entre deux réactions : tout d'abord celle de mon corps qui se défend en me coupant la respiration, voulant se soustraire à ce contact et ensuite des frissons qui n'ont rien à voir avec la peur. Cette deuxième réaction me prend au dépourvu et c'est sûrement pour ça que je ne m'enfuis pas.


Il semble se détendre et soupire.


— Vous allez me dire ce qui vous a pris à la fin ? je marmonne furieusement (j'ai frôlé la crise cardiaque moi).


Il semble revenir au présent et se rappeler que je suis là. Il plonge ses yeux dans les miens et sa proximité n'a plus rien de dérangeant, au contraire. Je n'ai jamais vu des yeux aussi noirs. Je pourrais regarder ses yeux sombres toute ma vie, je voudrais m'y noyer. Ils m'emprisonnent et m'hypnotisent. Son regard est tellement intense et pourtant si impassible, c'est un véritable paradoxe. Son regard descend et je me rappelle en rougissant que ma tenue n'est pas vraiment appropriée. Sa main sur mon épaule glisse lentement de mon épaule au haut de mon bras puis vers mon avant-bras. Un frisson me parcourt alors que ses yeux sont toujours plongés dans les miens. Il se presse un peu plus contre moi, place son autre main sur ma hanche alors que celle de mon bras revient à mon épaule, sur une blessure alors qu'il penche sa tête vers moi. Je me demande un instant ce qu'il s'apprête à faire exactement avant de me traiter de petite fille naïve puisque ça semble assez évident. Je ne sais pas comment agir, un mélange de panique et de curiosité se dispute en moi alors que ses lèvres s'approchent de plus en plus des miennes. Curiosité de savoir comment mon corps réagira, s'il est encore capable de ressentir du désir et d'y répondre. Il ne reste que quelques centimètres, tellement facile à combler avec un mouvement de tête. Ma respiration s'accélère alors que je passe ma langue sur mes lèvres. La distance se réduit encore, m'envoyant son souffle chaud et divin. Nos lèvres se frôlent et…


— Hum, hum.


Je sursaute alors que Tristan soupire avant de se reculer. Je reste tétanisée contre mon arbre et suis tout simplement horrifiée en voyant les chevaliers devant nous. Je me rappelle ma tenue et ressers la cape autour de moi.


— On ne voudrait pas déranger, raille Bors — qui d'autre. Mais il est temps d'y aller.


— Il y avait quelque chose à l'est, intervient Tristan.


— Qu'est-ce que c'était ? demande Arthur en fronçant les sourcils.


— Aucune idée, grommelle Tristan en me jetant un coup d'œil.


— Il était trop occupé pour aller voir, raille Bors.


Je lui accorde un regard furieux avant de me tourner vers Arthur qui hésite entre l'amusement et l'exaspération.


— J'ai entendu du bruit pendant que je me lavais, j'explique. Pour que moi je l'entende, c'était sûrement un animal.


— Nous ne sommes pas loin des Pictes, fait remarquer Lancelot.


— Pictes ? je répète comme une idiote.


— Mais d'où venez-vous ? s'exclame soudain Gauvain, apparemment surpris que je n'y connaisse rien dans leur guéguerre de territoire.


Je hausse les épaules pour toute réponse. Ce n'est pas de ma faute si je n'écoutais jamais en histoire. Et non, je ne fais pas preuve de mauvaise foi. Arthur m'explique qui sont les Pictes — un peuple pas vraiment heureux que les romains s’approprient leur territoire — et je blêmis en m'imaginant en rencontrer un. Je préfère mon histoire d'animal. Oui c'est ça, c'était un animal.


— Un animal, un animal…, je répète plusieurs fois avant de soupirer de retourner mon attention vers les autres qui me regardent en se demandant sûrement si j'ai toute ma tête. Quoi ? je demande. Ça s'appelle de l'auto-persuasion. Vous savez, quand vous vous répétez plusieurs fois une chose, jusqu'à y croire vous-même.


— Oui évidemment, sourit Lancelot d'un air goguenard.


Je soupire en levant les yeux au ciel.


— N'empêche que je vous avais dit qu'il ne fallait pas rester ici, je grommelle. Bon, vous pouvez aller voir ailleurs si j'y suis ? Je dois me changer, j'ajoute en me mordant nerveusement la lèvre inférieure.


— Oui bien sûr, s'exclame soudain Arthur en se rendant enfin compte de ma tenue.


Lancelot la regarde trop longtemps à mon goût, me mettant clairement mal à l'aise. Ce gars m'a l'air d'un pervers. Tristan se rapproche de moi en le regardant alors que Dagonet lui donne un coup de poing dans les côtes. Il secoue la tête et fait demi-tour avec les autres. Tristan suit après m'avoir jeté un coup d'œil que j'ai ignoré. Faire comme si rien ne s'était passé m'a l'air d'être une super solution je dois dire. Je m'habille et retourne vers les autres. Arthur me tend de la nourriture que je prends en levant les yeux au ciel.


— J'ai l'impression d'être retournée en l'enfance, je grogne en mordant tout de même dans le « pain » que m'a gentiment donné Arthur.


— Nous allons pouvoir y aller, réplique Arthur sans plus me prêter attention. Enora, vous monterez avec Tristan, termine-t-il en se retournant mais c'est sans compter sur moi.


— Hop, hop, hop, je fais en me plantant devant lui, sourcils froncés. Minute papillon, devrais-je rappeler ce que j'ai dit hier ? Je ne monte plus avec lui et je suis sûre qu'il est d'accord avec moi, pas vrai Tristan ? je fais en me tournant vers lui mais reprends en le voyant ouvrir la bouche avec un sourire moqueur. Vous voyez ? Donc je monte avec vous aujourd'hui !


— Je vois, sourit Arthur 


Le choc, il sait sourire lui ? Mais non je blague… quoi que. 


— Et avec qui voulez-vous monter ? ajoute-t-il d'un air concerné.


— Ben, je fais en me rendant compte que je n'en ai aucune idée.


Je suis cependant soulagée d'avoir le choix. Reprendre des décisions par moi-même. Je ne suis pas restée si longtemps chez les Saxons. Cependant, ça m'a paru durer des années. Si bien que me rendre compte que je suis de nouveau considérée comme un être humain me comble autant que ça me rend nerveuse. Je me concentre sur la conversation et fais le tour des possibilités.


Bon, pas avec Tristan parce qu'en plus d'hier, il me trouble trop et qu'après ce qui vient de se passer, je me sentirais bien trop mal à l'aise seule avec lui. Pas avec Lancelot, c'est un pervers. Un pervers gentil et marrant mais un pervers quand même. Arthur est trop… lui. De même pour Bors et Gauvain ainsi que Galahad semblent me prendre pour une folle — ils n'ont pas vraiment tort me direz-vous. Bon, je suppose que j'ai trouvé. 


Je me tourne vers Dagonet avec un grand sourire et il secoue la tête avant de lever la main, me faisant signe de passer devant lui. Je lui plaque un baiser sur la joue en le remerciant quand je passe avant de me rappeler que ce n'est pas très bien vu ici. Il faudra bien qu'ils s'y habituent, on m'a déjà fait débarquer ici sans me demander mon avis, je ne vais en plus changer ma façon d'agir.


Je monte sur le cheval avec un sourire victorieux et Dagonet me rejoint. Nous nous mettons en route, Tristan en avant comme tout bon éclaireur. Nous galopons presque toute la journée, s'arrêtant un instant pour manger puis repartant directement. Arthur dit que si nous continuons à ce rythme, nous serons rentrés demain soir. Ô joie, je pense avec ironie. Mon rêve est bien évidemment de me retrouver avec des centaines de personnes se demandant d'où je débarque. Le soir venu, nous nous arrêtons pour la nuit. Je descends du cheval en soupirant, j'ai mal au derrière !


— Bien, fait Arthur — c'est moi ou il parle tout le temps ? — en se tournant vers nous alors que Tristan arrive enfin. Ça devrait aller ici. Tristan ?


— J'ai regardé, ça semble sûr mais je ferai un tour pour m'en assurer.


— Il vous arrive de dormir ? je demande médusée — je ne me rappelle pas l'avoir déjà vu dormir depuis qu'ils m'ont trouvée.


— Je dors peu, dit-il, évasif en me regardant intensément.


J'acquiesce en me mordant la lèvre inférieure — c'est quoi ce regard ?— et vais m'asseoir un peu plus loin. Je n'ai jamais eu autant besoin de solitude que depuis que je suis arrivée ici.


— Vous ne devriez pas toujours vous éloigner de cette manière, fait la voix de Tristan alors que je sursaute.


— Et vous, vous devriez faire un peu plus de bruit quand vous arrivez derrière quelqu'un, je grogne en le fusillant des yeux alors que la situation semble l'amuser.


— Vous semblez mal à l'aise depuis ce matin, fait-il innocemment.


Innocemment mon cul ! Il n'a rien d'innocent, là, maintenant.


— Je ne vois pas de quoi vous parlez, je nie.


— Vraiment, demande-t-il en s'approchant bien trop près de moi et en plongeant ses yeux dans les miens. Non vous avez raison vous semblez surtout… troublée, termine-t-il au creux de mon oreille.


— Vous êtes trop sûr de vous, je fais en rassemblant toutes mes forces pour mettre mes mains entre nos bustes, préservant ainsi une certaine distance.


— Je sais observer, contre-t-il en souriant réellement pour la première fois.


Je suis muette face à ce sourire, il est tellement beau, tout comme celui qui sourit. Il est d'une beauté mystérieuse, ce qui est une mauvaise chose pour moi car j'adore les mystères. Mes mains tombent toutes seules le long de mon corps alors je me rapproche inconsciemment de lui. Il prend ça comme un signal et se penche sur moi en mettant une main sur ma taille. Je sais que c'est une erreur et surtout que c'est bien trop tôt mais, quelque chose d'inexplicable m'attire à lui avec une telle force que c'est une torture de résister et puis… je n'ai jamais eu de volonté. C'est pourquoi, au lieu de le repousser et de m'éloigner comme ma raison me le crie, je me rapproche et avance mon visage vers le sien, faisant se frôler nos lèvres, et nos corps se coller en même temps que mon rythme cardiaque atteint des sommets. La peur semble s'être murée même si elle est toujours présente. Nos lèvres vont s'unir quand quelque chose nous fonce dessus à toute vitesse et en piaffant. Encore et toujours ce moineau. Une réplique quant à l'affection plus que douteuse de l'animal pour son maître et inversement menace de sortir de ma bouche mais, je la ravale en voyant les sourcils froncés de Tristan. 


Ho, ho, ça ne sent pas bon, je dirais même pas bon du tout.

***

Encore merci à BakApple pour son temps :)

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