Te repousser pour mieux t'aimer

Chapitre 7 : Chapitre 6 : Je veux rentrer

2236 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 14/11/2020 18:20

Chapitre 6 :

Je veux rentrer.


— Qu'est-ce qui se passe ? je demande avec anxiété.


— Il faut qu'on s'en aille. Maintenant, dit-il d'un ton dur.


— Mais pourquoi ? je réplique en le suivant.


J'ai ma réponse quand une flèche vient se planter juste dans l'arbre devant lequel je suis, à quelques centimètres de mon visage. Je pousse un petit cri et fait un saut en arrière — ce qui est ridicule puisque je dois aller vers l'avant. J'entends ensuite des pas précipités et je me rends compte que nos assaillants sont proches. Tristan me regarde, regarde l'endroit d'où arrivent les Pictes d'après ce que je vois. Puis, il soupire en se mettant devant moi pour me protéger — enfin je crois, il peut se retourner et me mettre devant lui en guise de bouclier à tout instant. Je n'arrive pas à suivre ce qui se passe et je ne vois rien avec Tristan devant moi. Mais, quand j'entends le bruit de fer qui s'entrechoque, je sais que le combat a commencé mais qu'on a aucune chance. Alors c'est comme ça que ça doit se passer ? Je vais mourir ici sans revoir ma famille ou mes amis ? Sans même pouvoir dire au revoir à ceux que j'aime ?


Je reprends mes esprits en me sentant bousculée. Je regarde et vois que Tristan continue de se battre et j'ai peur, peur qu'il se fasse blesser. Je ne sais pas quoi faire, je suis bloquée devant le spectacle de ces hommes peints en bleu combattant contre Tristan. Mais quand je tourne la tête sur le côté, un soulagement incroyable m'envahit ; les chevaliers arrivent, on peut dire qu'ils ont le sens du timing. À partir de ce moment-là, je vois encore moins ce qu’il se passe. Tout bouge dans tous les sens, j'entends le métal qui s'entrechoque et je n'arrête pas de reculer en espérant que je vais me réveiller une bonne fois pour toute. Parce que je suis vraiment près de craquer et de me balancer du haut d'un immeuble — ah mais oui suis-je bête, ILS N'ONT PAS D'IMMEUBLE !


Une prise sur mon bras me fait revenir à la réalité. Cette prise brusque me disant que ce n'est pas un ami, je me retourne, envois un coup de poing sur la tête toute sale qui se trouve devant moi, agrippe sa nuque et l'abaisse à grande vitesse sur mon genou que j'ai relevé. Je tape sa tête de toutes mes forces plusieurs fois, sans lui laisser la chance de se rendre compte de ce qui se passe — le pauvre ne devait pas s'attendre à ce que je sache me défendre. Je balance la carcasse inconsciente par terre et me retourne pour voir que les chevaliers ont fini et me regardent comme si je débarquais de la planète Mars — ça me fait penser que j'ai bien envie d'un bon Mars moi mais, revenons à leur tête ahurie.


— Ben quoi ? je fais en haussant les épaules. Je devais parfois passer par de sales quartiers, j'ai dû apprendre à me défendre, je m'explique.


Il continue de me regarder avec des yeux comme des soucoupes. J'irais même jusqu'à dire que je perçois un brin d'admiration dans les yeux de certains — dont ceux de Tristan et NON, je ne passe pas mon temps à le regarder. Mon regard s'attarde un moment à terre et je me sens blêmir quand je vois du sang, trop de sang, sur des corps, des corps qui ne bougent plus.


— Putain de merde, je souffle en reculant.


— Tout va bien ? me demande Arthur


Sa question me ramène à la réalité et … ben je craque pour de bon.


— Si… si ça va ? je hurle. Mais bien sûr tout va bien, je vis un rêve éveillé. Qui ne voudrait pas débarquer chez des dingues tout droit sortis d'asile ? Ou se faire enfermer dans une cage comme un chien par des psychopathes irlandais en manque de cocaïne ? Ou se faire sauver par des mecs habillés avec des jupes pour certains, avec un ours qui n'arrête pas de se foutre de sa gueule, un chef qui se prend pour son père ou un flic au vu des questions toutes plus chiantes les unes que les autres et auxquelles il lui est IMPOSSIBLE de répondre et un autre qui a remarqué qu'il lui fait de l'effet même s'il est flippant et qui essaye depuis un moment de lui foutre sa langue dans sa bouche et plus si affinité ? Sans oublier des attaques de barbares à moitié à poil et des corps mutilés par terre et que je n'ai pas pu prendre de vrai bain depuis je ne sais quand ? Oui, tout est parfait, je ne vois pas du tout pourquoi je voudrais retourner dans mon lit et me faire réveiller par ma mère, je serai vraiment dingue, je termine en hurlant toujours — bonjour extinction de voix.


Ils me regardent encore plus abasourdis qu'il y a quelques secondes — ou minutes vu mon discours. Moi, je suis essoufflée et toujours pas calmée. Je voudrais les y voir moi aussi, fallait bien que ça sorte un jour. Je ne suis pas sûre que mon discours ait eu un sens. Sûrement pas pour eux mais, honnêtement, ce n'est pas ma priorité. Je leur tourne le dos et pars vers notre merveilleux campement en entendant Bors dire :


— Je n'ai pas compris la moitié des mots qu'elle vient de prononcer mais… quelle femme !


Je t'en foutrais moi des femmes ! Imbécile de… de quoi, en plus ? Romains ? Non, je ne pense pas, il n'a pas la même cape genre Batman de Arthur. Et puis, je m'en fous, je veux rentrer chez moi et je veux rentrer maintenant. Bon ok, je me la joue un peu gamine capricieuse mélodramatique. Faut voir le bon côté des choses comme me l'a dit ma mère. C'est pourquoi je m'assieds dans un coin sans prêter attention aux autres et me mets à réfléchir aux points positifs de mon arrivée ici. Alors… euh… ha, au moins je ne suis plus avec les Irlandais psychopathes…


Non, ça ne compte pas vu que tu ne les aurais jamais croisés si tu n'étais pas arrivée ici, me souffle une petite voix.


Pas faux. Je traîne avec des chevaliers super sexy et virils ?


Sauf qu'ils font partie du monde qui a pris ta dignité et ta particularité.


Je ne l'ai pas perdue, je n'en ai même jamais eu. C'est Antonio qui délirait encore une fois, il dit toujours n'importe quoi.


Tu te mens à toi-même parce que tu as peur. Tu as peur de te rappeler ce qui s'est passé chez les Saxons, tu as peur de te rappeler que ta particularité aurait dû se déclencher face à ta haine et ta colère. Mais elle t'a lâchée au moment où tu avais le plus besoin d'elle. Tu sais que cette particularité existe, cette fenêtre ne s'est pas cassée toute seule et le feu ne s'est pas déclenché comme par magie. Nous devons rentrer à la maison, c'est là qu'est notre place.


Je frissonne alors que des images de moi en train de supplier cette chose en moi de réagir pour briser ce poids sur moi en train de… je secoue la tête. Non, il n'y a rien de bon ici pour moi et je dois rentrer. Que se passera-t-il chez moi si je meurs ici ? Cette question me hante chaque jour, me rapprochant de plus en plus du précipice de la folie. Tout garder pour soi, ne jamais montrer ses faiblesses pour qu'elles ne soient exploitées par personne. Je n'ai jamais dû être méfiante envers qui que ce soit et, aujourd'hui, je me méfie de tout le monde. C'est pour ça, au fond, que je ne réponds pas aux questions.

Je soupire en m'allongeant, je commence à partir au pays des songes quand je sens une couverture se poser délicatement sur mon corps abîmé.


Le soleil est haut dans le ciel, je porte ma robe blanche sans bretelles préférée. Elle est un peu trop courte au goût de Julian, il passe son temps à la rabaisser en disant que tous les garçons regardent mes jambes. C'est faux, évidemment, personne à part lui ne me regarde de cette manière. Et à vrai dire, peu m'importe comment les autres me regardent, ils n'ont pas d'importance tant que ma famille, mes amis et Julian sont là.


Je sens le soleil caresser ma peau alors que je marche seule dans notre jardin, mes pieds nus frôlant l'herbe. J'entends soudain des éclats de voix venant de la maison. C'est inhabituel alors je me hâte et rentre à la maison. Papa et maman se crient dessus.


— On aurait dû continuer à chercher, hurle maman.


— Pour quoi faire ? réplique mon père. Ça fait cinq ans, tu comprends ça ? Et la police dit qu'il y a beaucoup de chances que ce soit son corps, même s'il reste impossible à identifier puisque personne d'autre n'est recherché.


— Non, je refuse d'y croire, tu m'entends ? Je refuse ! sanglote-t-elle en s'en allant


Je n'ai pas le temps de réfléchir, de faire un pas pour demander des explications que je me sens comme projetée dans un tourbillon qui pourrait me donner la nausée si je ne me posais pas tant de questions. Cette fois, c'est la maison de Julian.


— Tout est de ta faute Julian, hurle la voix de Sarah derrière moi alors que je me retourne d'un bond. Si tu n'avais pas joué au con, elle serait restée avec nous et on n'en serait pas là.


Elle se débat dans les bras d'Antonio alors qu'Évangeline semble effondrée sur le divan et que Julian est assis sur un fauteuil, dévasté.


— Je te déteste, hurle Sarah en continuant de se débattre comme une lionne. Tout est de ta faute, tu m'entends ? TOUT.

Je me sens à nouveau emportée mais, cette fois, dans un endroit sinistre. Je comprends que c'est un cimetière. J'avance vers la masse de gens, frissonne en reconnaissant des professeurs du lycée et panique en voyant ma mère ainsi que mon père. Sarah qui sanglote dans les bras d'Antonio. Évangeline qui se fait soutenir par Julian qui paraît lui aussi sur le point de sombrer. Ils pleurent tous alors que la peur me gagne. J'écoute à moitié le prêtre ou je ne sais qui parler mais l'entente d'un nom me paralyse, mon nom.


— Mon bébé, gémit ma mère en s'appuyant sur mon père.


— Non, je souffle en secouant la tête. Je ne suis pas morte, je crie soudain mais personne ne me regarde alors je me place devant eux et hurle, encore et encore alors qu'ils partent chacun leur tour : je ne suis pas morte, je ne suis pas morte.


Mon souffle est saccadé, j'essaye de me faire voir mais personne ne semble m'apercevoir ou même m'entendre. Je me retourne et sursaute en me retrouvant devant… ma pierre tombale. Il y a une inscription. C'est ma phrase, celle que j'ai dite à mes amis au nouvel an, pour mes résolutions.


« Parce qu'on a pas toujours l'occasion de dire plusieurs fois je t'aime, je vous le montrerai chaque jour que Dieu m'accorde sur cette terre pourrie. Je ferai de chaque journée passée à vos côté le plus beau des cadeaux que je n'ai jamais reçus. »


Je m'accroupis, caresse l'inscription en me demandant où est la réalité. Je ne comprends plus rien. Qu'est-ce que tout ça veut dire ? Comme pour répondre, la tombe que je refuse de considérer comme mienne semble se graver d'une autre inscription. Lentement, lettre par lettre, me rendant dingue. Au final, la phrase me laisse toujours autant sans réponse. Je me relève, lève les yeux vers le ciel et hurle de nouveau autant que mes poumons me l'accorde.


— Je ne suis pas morte.


— Enora, réveillez-vous, ce n'est qu'un cauchemar.


Je me réveille en sursaut, m'agrippant à la personne qui m'a réveillée et qui se trouve être Arthur. Il me lève le visage vers lui, plongeant son regard dans le mien et je laisse tomber les barrières, juste une fois, sans prêter attention aux autres qui nous regardent derrière. Les larmes s'écoulent pour la première fois alors que mon corps entier tremble et je lâche prise :


— Je veux rentrer à la maison. Je veux juste rentrer et retrouver les miens pour leur montrer que je suis en vie.


— Dites-nous comment vous y conduire, me demande doucement Arthur.


— C'est impossible, je pleure.


— Comment ça ? interroge Tristan en s'approchant, s'accroupissant devant moi. Pourquoi vous ramer sur vos terres est impossible ? insiste-t-il devant mon manque de réponse.


— Parce que ma terre n'existe pas encore, je sanglote en me recouchant, serrant le papier me prouvant que ce n'était pas un simple rêve.


« Chaque action a une explication. Patience. »

***

Merci à BakApple pour la correction :)

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