Te repousser pour mieux t'aimer

Chapitre 11 : Chapitre 10 : Apprendre à se connaître

2083 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 25/11/2020 10:54

Chapitre 10 :

Apprendre à se connaître.


J'ouvre lentement les yeux et me tourne dans mon lit. La pièce est éclairée par une bougie, je ne me souviens pourtant pas en avoir allumé une. Je vais me lever quand une voix qui me glace s'élève dans la pièce, juste derrière moi.


— Je t'ai manqué ?


Je me retourne d'un coup en m'asseyant sur le lit. Mon pire cauchemar me fait face. De tous les Saxons, le fils du chef est sans doute le plus cruel. Cynric. Et il est dans ma chambre, dans mon lit.


— Je suis sûr que je t'ai manqué, continue-t-il avec un sourire.


Je ferme fortement les yeux, c'est sûrement un cauchemar, juste un cauchemar. Je les ouvre et gémis en reculant le plus possible.


— Et non, je suis toujours là, raille-t-il. Tu pensais que j'allais te laisser partir comme ça ? Tu es à moi, rugit-il en me sautant dessus, me bloquant sous lui.


Je sens les larmes couler sur mes joues, je dois me réveiller, ce n'est pas réel.


— Je serai toujours là, murmure-t-il à mon oreille alors que ses mains commencent à parcourir mon corps, me donnant la nausée. Où que tu ailles, quoique tu fasses, je serais toujours une partie de toi. Et je te retrouverai.


Je suis paralysée, je n'arrive pas à réagir, ses mains continuent de descendre et je hurle de toutes mes forces en priant pour qu'on vienne me sortir de là.


Je me sens violemment secouée et je m'éloigne d'un bond en criant, atterrissant par terre.


— Tout va bien, fait une voix rassurante.


Je lève les yeux et voit que la voix en question vient de… Dagonet ? Ah oui, c'est en quelque sorte mon voisin de palier. De l'autre côté, on a eu la grande gentillesse (enfin, gentillesse ça reste à prouver) de mettre Tristan. Bon, oui, je sais, c'est moi qui squatte. Pour en revenir à Dagonet, il a un air inquiet sur le visage et je devine que j'ai dû crier beaucoup pour qu'il prenne la peine de venir en pleine nuit.


— Je suis désolée, je souffle en me relevant difficilement sous ses yeux scrutateurs.


Il secoue la tête en soupirant et je l'interroge du regard.


— Faut que t'arrête de t'excuser, souffle-t-il avec un air exaspéré qui me fait presque sourire.


Et oui, presque car les vestiges de mon cauchemar sont toujours là et que je résiste mal à l'envie de fouiller la chambre pour être sûre qu'il n'est pas là. Je remarque d'ailleurs à peine que Dagonet s'est, lui aussi, mis à me tutoyer.


— Tu devrais te recoucher, me conseille-t-il. N'oublie pas que tu as entraînement avec Tristan demain, sourit-il, narquois.


Je grimace alors qu'il sourit. Je me remets au lit en soufflant un merci à Dag qui s'en va, refermant la porte derrière lui. Je me rendors en priant pour ne plus rêver et… oh miracle, on m'a enfin entendue. Pas de cauchemar. Si j'avais su qu'on m'écouterait pour ces rêves, j'aurais plutôt demandé à retourner chez moi ou au moins à ce qui ne m'arrive plus de drame.


***


Le bout de bois s'enfonce dans l'estomac de Tristan qui se plie sous la douleur.


— Oh Mon Dieu, je m'écrie en lâchant l'arme du crime et en jetant un regard au ciel pour voir si je n'aperçois pas la course d'un faucon vengeur (moi parano ? Jamais voyons). Je suis désolée, je reprends à toute vitesse. J'ai…


— Pourquoi est-ce que la seule fois où vous faites ce qu'il faut, vous vous excusez ? demande Tristan en me jetant un regard interloqué et exaspéré.


— J'ai fait ce qu'il fallait ? je m'étonne.


— Étonnamment oui, réplique-t-il.


— Sympa, je grimace.


Le pire et le plus vexant, c'est qu'il semble vraiment surpris par le fait que j'ai réussi à le toucher.


— Vous vous en sortez de mieux en mieux, fait-il.


— Ce n'est pas si compliqué quand on a compris le truc. En fait, c'est comme la danse, je réplique.


Il me lance un coup d'œil bizarre, secoue sa magnifique (tu t'égares Eno chérie) tête et nous reprenons l'entraînement.


Le début a été une véritable torture. Il a soupiré, a été exaspéré et finalement, comme un miracle, j'ai eu le déclic. Je me déplace mieux, suis plus sûre de moi dans mes coups et mes mouvements. Je ne sais pas si le fait d'imaginer le monstre en face de moi a aidé mais le résultat est là. Et Tristan, comme moi, est soulagé. Ben oui, j'aurai moins de courbatures et lui devra moins s'énerver, le pauvre — oui, je sais, je ne suis pas du tout convaincante. Et en plus, maintenant, je peux aussi lui faire mal. Punition pour tous les bleus qu'il m'a balancés ces deux dernières semaines.


Bon évidemment, je suis loin d'être une pro mais… je m'en sors de mieux en mieux et ça me redonne le moral — en plus de voir Tristan… et une claque mentale, une. Je crois que je ne me suis jamais autant claquée mentalement que depuis que j'ai rencontré mon petit ou plutôt mon grand fauconnier.


Une fois l'entraînement fini, il me raccompagne, continuant de me donner des conseils et de me dire sur quoi travailler. Je l'écoute attentivement, buvant ses paroles. C'est dingue ce qu'il est beau quand il concentré et sérieux comme ça… Je crois que c'est la deuxième claque mentale de la matinée, non ?


On se sépare finalement jusqu'au soir où je rejoins tout le monde à la taverne. Aujourd'hui, même Arthur est là. Bien décidé à lui faire payer son absence sans explication — même si je viens seulement de me rendre compte que je ne l'ai plus vu depuis le repas de mon arrivée — je lui saute dessus en criant :


— Arthurius.


— Enora, balbutie-t-il en me tapotant maladroitement le dos alors que les autres ricanent. C'est Artorius.


— Je sais, je réponds avec un grand sourire. Vous étiez passé où ? Vous m'avez presque manqué.


Il lève les yeux au ciel mais n'a pas le temps de répondre.


— Enora, m'appelle une voix bien trop familière.


J'intercepte le regard amusé de Bors et m'exclame :


— Bors !


— Ah non, cette fois j'ai rien fait, se défend-t-il en levant les mains.


— J'ai eu l'information assez facilement tout compte fait, se vante Eric.


Il t’a juste fallu deux semaines, crétin !


— Ah oui ? je fais avec une moue sceptique. Comment ?


— Par le plus âgé des enfants de la femme du chevalier Bors, sourit-il.


— Quoi mais ce n'est pas juste, on avait dit…


— Que je ne pouvais pas demander aux chevaliers ou à Vanora, finit-il fièrement.


— Et merde, je marmonne en me rendant compte qu'il dit vrai.


— Enora, surveillez votre langage, me gronde Arthur.


— Oui maman, je fais avec une voix de gamine.


— Vous semblez être assez spéciale, rit doucement mon prince collant — moi méchante ? Jamais.


Je soupire en sachant qu'il attend que j'honore ma part du marché. Je mordille ma lèvre avant qu'un sourire sadique fleurisse sur mes lèvres.


— Vous n'imaginez pas à quel point. Allez, prenons ce verre, je réplique en m'installant près des chevaliers et en lui lançant un regard supérieur.


Il me regarde sans comprendre alors je décide de lui expliquer ma logique très… logique.


— On n'avait pas spécifié si on prenait ce verre seul, je fais en haussant les épaules. Je suis sûre que vous vous entendrez à merveille avec les chevaliers, je fais en souriant narquoisement.


Il sourit avec amusement — il n'y a donc rien qui le décourage ? — alors qu'il s'assied — apparemment non. Les chevaliers sourient en secouant la tête, j'ai même droit à une moue appréciatrice face à ma stratégie venant de Bors et Lancelot. Même Tristan semble satisfait… Bon, je crois que je vais arrêter les claques mentales et enfin m'avouer que Tristan me plaît quoique je puisse faire et malgré ce qui m'est arrivé. Ça ne veut pas dire que je lui fais confiance en tant qu'homme.


Encore heureux, on serait encore plus mal barrée !


Toujours vivante toi ?


Faut croire...


Je me dis que je commence à être sérieusement atteinte quand je m'imagine parfaitement la petite voix dans ma tête hausser les épaules.


Ce n'est pas comme si c'était nouveau. T'était déjà atteinte avant de débarquer chez ces bisounours version Stephen King. Alors, maintenant, je n'ose même pas imaginer.


Tu sais que comme tu es moi, tu t'insultes aussi ?


Non, je suis justement la partie normale de ton être.


… Et après c'est moi la barge ?


Je secoue la tête et reviens à l'instant présent. Je me rends compte que, finalement, Eric s'entend très bien avec Bors — pourquoi ça ne m'étonne pas ? — et qu'ils sont en train de bavarder et de rire des mêmes blagues sous mon regard horrifié. On n'a pas besoin d'un deuxième Bors, un seul suffit ! Mais je dois avouer que cet Eric est d'une compagnie agréable et qu'il me fait rire à plusieurs reprises. Enfin, jusqu'à ce que :


— Une blonde rentre dans une taverne et murmure à l'oreille du serveur : « Je dois faire pipi ». Le serveur répond « De l'autre côté ». Alors la blonde fait le tour et dit à l'autre oreille du serveur : « Je dois faire pipi ».


Bors se tord de rire alors que les autres se retiennent sauf Gauvain et Tristan qui me regardent du coin de l'œil, attendant ma réaction. Alors comme ça, les blagues sur les blondes sont aussi valables chez ces antiquités ? Je me racle la gorge et réplique :


— Vous savez pourquoi les femmes ne veulent pas se marier ?


Ils me regardent tous et Vanora s'arrête pour écouter, curieuse.


— Parce qu'elle préfère avoir du jambon sur la table plutôt qu'un gros porc sur une de leurs chaises, je termine avec un grand sourire hypocrite.


Vanora commence à rire, se pliant en deux et déposant la carafe qu'elle tient pour ne pas la faire tomber. Tristan s'étouffe avec sa bière alors qu'il me regarde vraiment abasourdi.


— Tu en as d'autres comme ça ? rit toujours Vanora.


— Oui bien sûr, je souris diaboliquement en regardant Eric qui sourit, visiblement amusé. Vous saviez que les hommes sont la preuve que la réincarnation existe ?


Arthur hausse un sourcil en souriant alors que les autres se retiennent déjà de rire sauf Bors qui boude.


— Ben oui, je reprends avec un sourire. On ne peut décemment pas être devenu aussi con en une seule vie.


Vanora s'assied alors que des larmes de rire coulent, la tête de Bors augmentant l'hilarité générale.


— On l'avait mérité, acquiesce Eric en me lançant un sourire appréciateur alors que Tristan se tend à mes côtés et le dévisage froidement.


— Je suis contente que vous le reconnaissiez, je souris fièrement. Ne boude pas Bors, je ris alors qu'il bougonne dans son coin sous le regard amusé de Vanora.


— Je ne boude pas, nie-t-il.


Je souris et remarque quelque chose d'inhabituel et me tourne vers Tristan alors que les autres reprennent leur conversation.


— Où est le pigeon… heu faucon, je me reprends devant le regard perçant de Tristan.


— Il se promène, répond-t-il avec un léger sourire.


— Je me suis toujours dit que si j'avais été un animal, j'aurais été un oiseau, je fais rêveusement. Je me suis toujours demandé ce que ça donnait vu d'en haut. Il y a la liberté aussi… Quoi ? je me reprends en rougissant devant le regard intense de Tristan.


— Rien, je me disais simplement que nous n'étions pas si différents que ça, se justifie-t-il en plongeant ses yeux dans les miens.


Son regard est tellement intense que je pourrais presque sentir de l'électricité dans l'air. Dieu, ses yeux. Je n'ai jamais rien vu d'aussi beau, même pas ceux d'Eric. Je me rends compte que je me suis inconsciemment rapprochée de lui et que j'ai retenu mon souffle. Je le relâche avant d'étouffer et le charme est rompu.


Quelque chose de bizarre vient de se passer et je ne suis pas sûre d'aimer ça.


***

Merci à BakApple :)

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