Te repousser pour mieux t'aimer

Chapitre 14 : Chapitre 13 : Désillusion.

3166 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 04/12/2020 10:45

Chapitre 13 :

Désillusion.


J'arrange les derniers détails de mon dessin et regarde le résultat. C'est plutôt pas mal.


Bon, je sais, vous n'avez pas suivi alors je m'explique.


Je me suis réveillée ce matin après avoir rêvé une nouvelle fois de ma vie d'avant — beaucoup mieux que de rêver des monstres, même si ça m'a rendue un peu mélancolique. C'était surtout un souvenir, avec mes amis et ma famille. J'étais heureuse, bien, à ma place. Et puis, je me suis réveillée et je me suis rendu compte que les visages de ceux que j'aime commencent à disparaître, lentement. De même que leurs voix. Et même si pour ces dernières, je ne peux rien faire, je peux au moins immortaliser leurs visages. Garder une trace de ce que ma vie était avant toute cette histoire. Alors, je n'ai même pas pris la peine de manger, j'ai séché le cours de Tristan — il va sûrement m'engueuler mais, j'espère qu'il m'apprécie assez pour ne pas me tuer. Je ne suis même pas sortie de mon lit et je me suis mise au travail avec ce que j'avais — autant dire pas grand-chose. Mais, le résultat est bien et, au moins, maintenant, quand j'aurais du mal à me rappeler leur visage, je pourrais regarder ce dessin.


J'entends ma porte s'ouvrir et grimace en entendant la voix de Tristan.


— Mais qu'est-ce que tu fais ? Je t'attends pour l'entraînement.


— J'avais un truc à faire, je soupire en me tournant vers lui avec une mine désolée.


Il a l'air agacé mais, pas plus que ça apparemment. Il voit le dessin et s'approche.


— Qu'est-ce ?


— Heu… un dessin ?


— Qui représente-t-il ? demande-t-il en venant s'asseoir près de moi et en levant les yeux au ciel.


— Mes amis et ma famille, je réplique en lui montrant mes amis un à un. Ça c'est Antonio et là c'est Sarah. Ça c'est Évangeline. De ce côté-là, ce sont mes parents. Et ça c'est Julian, je termine avec anxiété en lui jetant un coup d'œil.


— Tu avais dit que Eric lui ressemblait, pas qu'ils étaient identiques ! fait-il d'une voix énervée.


— C'est parce que tu le vois figé que ça te fait cette impression.


— Comment ça ? demande-t-il, sceptique.


— Et bien, ils n'ont pas beaucoup de différences physiques mais les expressions du visage, le sourire, tout ça, c'est très différent.


Il ne répond rien et a retrouvé ce regard distant d'avant.


— Il n'est pas Julian, j'assure en lui prenant la main. Et même s'il l'était, ça ne changerait rien ! Lui et moi c'était terminé quand je suis arrivée ici.


Il me regarde dans les yeux, semblant chercher le mensonge ou l'incertitude. Il semble rassuré par ce qu'il trouve car, il m'attire à lui et m'embrasse. Ça fait presque un mois mais, ça me fait toujours le même effet. Une vraie explosion d'émotions. Il m'attire sur ses genoux alors que j'enserre son cou de mes bras, me serrant contre lui. Sa prise sur mes hanches se renforce, me rapprochant de lui. Je sens quelque chose de dur contre ma fesse et la panique me submerge alors que des images envahissent mon esprit. Je me fige et m'éloigne directement, à bout de souffle. On a jamais été plus loin, juste des baisers et il n'a jamais essayé d'aller plus loin de son côté. Je l'en remercie même si je sais qu'il se retient beaucoup. Il n'y a qu'à regarder son entrejambe pour comprendre. Je me remets sur mon lit en soupirant, me prenant la tête dans les mains alors qu'il soupire.


— Je suis désolée, je souffle sans oser le regarder.


— C'est rien, assure-t-il.


Mais, j'entends bien dans sa voix que non, ce n'est pas rien. Après tout, pour quel homme ce ne serait rien de ne pas pouvoir toucher la fille avec qui il… ben, qu’il quoi en fait ? Je ne pense pas que les gens d'ici connaissent la notion de petite-amie. Quoiqu'en regardant Vanora et Bors… ils ne sont pas mariés mais, ils s'aiment eux alors que Tristan et moi… Je ne sais pas ce qu'il ressent pour moi et moi, je suis complètement embrouillée mais, une chose est sûre : il a besoin d'être avec quelqu'un qui pourra subvenir à ses besoins et ce n'est pas mon cas !


Je sens sa main sur ma joue mais, je m'éloigne, de sa main comme de son corps. Quand les images reviennent, je ne supporte pas qu'on me touche, même pas lui. Et surtout pas alors que je sais qu'il doit se retenir face à moi.


— Tu peux me laisser seule, s'il te plaît ? je demande sans le regarder.


— Je t'ai dit que ce n'était rien, soupire-t-il sans bouger.


— Et tu ne te rends même pas compte d'à quel point ce que tu dis est faux ! je souffle. Ce n'est pas rien, tu devrais être avec quelqu'un qui…


— Qui quoi ? s'agace-t-il.


— Qui saura te donner tout ce dont tu as besoin, et moi…, je termine alors que je sens mes yeux piquer.


— Si je voulais quelqu'un d'autre, tu crois que je serais là en ce moment ? me demande-t-il en m'attrapant le menton pour que je le regarde.


Je lui fais un sourire forcé. Il n'a pas fui aujourd'hui mais, il le fera un jour ou l'autre. Je n'ai plus qu'à profiter du temps qu'il me reste avec lui. Je lui dépose un léger baiser sur les lèvres et me lève avec un enthousiasme forcé.


— Bon, il faut que je m'habille alors… ouste dehors ! je le chasse.


Il lève les yeux au ciel.


— Je t'ai déjà vue moins habillée Enora, souffle-t-il alors que mes yeux s'écarquillent. Tu sembles oublier que c'est moi qui t'ai soignée et que je t'ai vue à ta sortie de la rivière…


— Parce que tu as regardé ? je m'étouffe presque.


— C'était difficile de résister, réplique-t-il alors qu'un air rêveur prend place sur son visage comme s'il se rappelait un bon souvenir.


— Espèce de sale petit… voyeur ! je fulmine en lui tapant le bras. Sors tout de suite avant que je ne me charge de te faire sortir à coups de pied au cul, c'est clair ?


— Ce que femme veut, femme l'obtient, réplique-t-il avec ironie.


Je prends le premier objet me tombant dans les mains et le balance sur lui mais, il est plus rapide et l'objet — se trouvant être un gobelet vide — se fracasse sur la porte. Il entrouvre ensuite la porte et me dit :


— Au fait, le temps d'entraînement sera doublé demain.


Ma bouche s'ouvre dans une expression indignée alors qu'il ferme définitivement la porte. Je me suis encore fait avoir par ce mufle. Je vais me le faire celui-là, je le jure…


Quand tu veux chère coloc.


Mais non pas comme ça !


Pff t'es pas marrante, on peut jamais s'amuser avec toi.


Tu oublies que je n'arrive même pas à aller plus loin qu'un baiser parce que mon subconscient me renvoie tout ce que j'essaye d'oublier.


Tu dois t'habituer à lui d'abord. À son toucher. Si tu ne le fais pas, tu ne peux pas savoir à quel point son toucher peut être différent de ses monstres. Et tu ne peux pas vaincre ta peur.


… Je déteste quand tu as raison !


Oui, je sais.


Je soupire. Cette petite voix me donne parfois des envies de meurtre mais, elle n'a pas tort sur un point : il faut que j'apprenne à m'habituer au contact de Tristan. Mais, c'est plus facile à dire qu'à faire.


Je finis de me préparer, m'attaquant à mes cheveux comme Vanora me l'a montré et n'attachant qu'une partie derrière ma tête, laissant quelques mèches blondes revenir sur le devant de mon visage. Le résultat est pas mal.


Je file voir Vanora, on doit passer le reste de la journée ensemble. Quand j'arrive, je sens presque immédiatement un petit corps atterrir dans mes jambes.


— Hey petit prince comment ça va ? je m'exclame en le prenant dans mes bras alors qu'il me fait un grand sourire.


Ce n'est pas un bavard, il me fait penser à Tristan sur ce point même si ce dernier s'est un peu amélioré mais, seulement en ma présence et quand nous sommes seuls. À croire que je n'attire à moi que les garçons taciturnes.


— Je pourrais être jalouse si je n'étais pas autant fatiguée, sourit Vanora en venant me prendre dans ses bras. Comment vas-tu ?


— Plutôt bien, je souris. Et toi ?


— Mise à part la fatigue et mon ventre qui prend de plus en plus de place, tout va pour le mieux.


— Ah mes femmes, s'exclame la voix de Bors alors qu'il vient enlacer Vanora. Il faut que j'y aille mais, fais attention, lui dit-il avant de me regarder. Enora, je compte sur toi, fais bien attention à elle !


— Ne t'en fais, je ne la lâche pas d'une semelle, je le rassure en souriant.


Il s'en va en sifflotant alors que je souris, attendrie.


— Il ne tient plus en place depuis ce matin, explique Vanora. Il a senti le bébé bouger, ajoute-t-elle.


— C'est vrai ? je m'enthousiasme.


— Oui, rit-elle.


Je souris alors qu'elle commence à vaquer à ses occupations de la journée — les enfants, la maison — et on parle de tout et de rien. Jusqu'à :


— Alors, commence Vanora. Tu t'entends bien avec Eric, non ?


— Et bien, oui, je réponds avec hésitation.


— Et il semble t'aimer beaucoup.


— C'est un bon ami.


— Juste ami ?


— Vanora ! je m'exclame en me tournant vers elle. Je n'arrive pas à y croire !


— De quoi ? fait-elle avec innocence.


— Tu es encore à la recherche de commérage ! je l'accuse.


— Moi ? Bon… peut-être un peu mais, je m'intéresse surtout à ma nouvelle amie.


— Tu ne m'auras pas par les sentiments Van, je bougonne alors qu'elle tique à son surnom.


— C'est juste que tu sembles proche d'Eric mais, en même temps, on sent qu'il y a quelque chose de spécial entre toi et Tristan. Je cherche juste à comprendre…


— Je ne vois pas de quoi tu parles, je nie en me détournant pour cacher mon rougissement.


— Enora, soupire-t-elle. Quand vous êtes dans la même pièce, il y a une tension qui s'installe, c'est incroyable. On dirait que vous allez vous sauter dessus à tout instant et pas pour vous faire mal.


— Et bien, oui peut-être, je soupire, vaincue.


— Mais avec Eric en même temps, tu as une sorte de tendresse dans le regard.


— Il me rappelle tellement Julian, je soupire tristement. Mes amis me manquent, ma famille aussi.


— Est-ce que tu l'aimais ? demande doucement Vanora. Tu n'as pas été très claire la dernière fois.


— Je ne sais pas vraiment, j'avoue. Oui, peut-être mais, d'un autre côté lui et moi c'était beaucoup de tendresse et de complicité mais il n'y avait rien de… passionnel. Alors qu'avec Tristan… enfin bref, Julian m'a dit que ce n'était pas vraiment de l'amour et que c'était pour ça que c'était terminé.


— Est-ce que ça t'a fait mal ? Si tu l'aimais vraiment, ça aurait dû, se justifie-t-elle.


— Je n'ai pas eu le temps d'y réfléchir, je souffle.


— Comment ça ?


Je la regarde, hésitante quant à ce que je peux lui dire ou pas et puis, finalement, je choisis encore une semi-vérité.


— Et bien, je suis rentrée chez moi, je me suis couchée et… je me suis réveillée en pleine forêt sans même savoir où j'étais.


— Tu veux dire que l'on t'a déplacée ? demande Vanora, confuse.


— C'est un peu plus compliqué que ça, je souffle en tordant mes doigts entre eux.


— Tu n'es pas obligée de me dire quoi que ce soit. Tu le feras quand tu seras prête.


— Merci, je soupire, soulagée.


Le reste de la journée se passe normalement, le soir venu, je mange avant d'aller à mon travail. Quand j'arrive à la taverne, les chevaliers ne sont pas encore là et je sais que Vanora arrive un peu plus tard que moi mais, Eric est déjà présent, semblant m'attendre. Il arrive devant moi et c'est sans vraiment réfléchir que je lui embrasse la joue en guise de bonjour. Il ne dit rien, il s'est habitué à mes réactions dites bizarres pour tous.


— Comment vas-tu ? demande-t-il.


— Très bien et toi ?


— Bien… tu es sûre que tout va bien ? Tu sembles vraiment fatiguée.


Je soupire, il est le premier à le remarquer ou le premier à me le dire en tout cas.


— Quelques petits soucis pour dormir, je dis en haussant les épaules. Et sinon, je ne t'ai pas vu hier…


— Je t'ai manqué ? sourit-il alors que je lève les yeux au ciel.


— L'attente était interminable, je raille.


Il hausse un sourcil alors qu'un sourire moqueur prend place sur son visage, disant clairement "Ah, tu le prends comme ça".


— C'est une brune et une blonde qui se promènent quand la brune s'écrie « Regarde, un oiseau mort ! » Alors, la blonde lève les yeux au ciel et crie « Où ça ? ».


Je lui jette un sale regard. Il sait que je déteste ces blagues stupides et il ne se gêne pas pour m'en balancer à chaque occasion. Et Bors se joint souvent à lui, à l'occasion. Mais, il sait aussi que je réplique très facilement et cette fois ne déroge pas à la règle.


— C'est un homme qui monte une montagne et il croise une fille qui descend à toute vitesse par le même chemin, elle lui crie « cochon » et il lui répond « pauvre fille ». Et au détour du chemin, il tombe sur un cochon sauvage qui lui fonce dessus. Et oui, je souffle avec fatalisme, si seulement vous nous écoutiez de temps en temps !


J'entends le rire de Vanora derrière moi et je me retourne pour me retrouver devant Vanora écroulée de rire ainsi que les chevaliers qui ont des expressions partagées mais celle qui retient mon attention est celle agacée de Tristan. C'est dingue ce qu'il ne peut pas aimer Eric ! Je ne sais pas ce qu'il peut bien lui avoir fait mais, ça en devient exaspérant.


— Vous êtes là depuis longtemps ? je demande avec hésitation.


— Assez longtemps pour avoir profité de ta petite histoire, confie Vanora. Que t'a-t-il encore fait, hein ?


— Rien, réfute Eric de manière pas du tout convaincante.


— Mise à part dire que je suis débile, tu veux dire ? je grogne.


Il sourit fièrement alors que je retourne au travail. Tristan fait la tête toute la soirée, se contentant de fusiller Eric du regard alors que ce dernier ne semble même pas s'en rendre compte. Le souci c'est que je commence moi-même à m'énerver. Je suis déjà énervée et le temps que je passe dans ce monde me pèse de plus en plus. Je suis à bout de nerfs et il ne trouve rien de mieux à faire qu'en rajouter une couche. À la fin de mon « service », je rentre sans rien dire à personne et me change rapidement, démêlant mes cheveux quand on toque à la porte. J'ouvre et tombe avec une réelle surprise sur Tristan. Bizarre, il ne prend pas la peine de toquer d'habitude.


— Quoi ? je demande.


— Je n'aime pas cet Eric, souffle-t-il.


— On peut dire que c'est direct mais, je pense que c'était assez évident alors… tu veux autre chose ou je peux espérer aller me coucher ?


— Je n'aime pas non plus ta façon d'être avec lui, continue-t-il comme si je n'avais rien dit.


— Ma façon d'être ? Mais, qu'est-ce que tu racontes encore ? Et… tu as bu ! je constate avec exaspération.


— Un peu. Et pour répondre à ta question ; tu agis comme si tu le connaissais depuis toujours, tu es trop… proche de ce garçon et je veux que ça s'arrête !


La colère monte en moi. J'ai une sainte horreur qu'on me dise quoi faire.


— On va mettre les choses au point directement, je réplique en haussant la voix. Toi et moi, on n'est pas mariés et même si c'était le cas, tu n'aurais rien à redire sur mes fréquentations ou la manière dont je me comporte quand je suis avec mes amis ! De plus, je n'ai rien fait de mal !


— Parce que passer ton temps à lui faire les yeux doux, c'est correct ? crache-t-il en me dominant de toute sa hauteur mais, je suis trop énervée pour avoir peur ou autre.


— Non mais, je rêve ! Lui faire les yeux doux ? Depuis quand discuter avec quelqu'un et rire de ses blagues c'est draguer ? Tu ne le connais même pas et tu te conduis de manière plus qu'injuste avec lui !


— Tout ce qui l'intéresse chez toi c'est de pouvoir t'avoir dans son lit ! Tu es complètement aveugle ?


— Parce que ce n'est pas ce que tu veux toi ? je fais dédaigneusement. Tu vas peut-être me faire croire que tu m'aimes et que tu envisages de m'épouser ? Tu n'as même jamais cherché à me connaître ! Eric, lui, peut au moins se vanter d'avoir essayé. La seule fois où le sujet de ma famille et de mes amis sont tombés, c'est ce matin parce que tu les as vus sur le dessin et quand Vanora a abordé le sujet il y a des semaines ! Alors ne me fais pas croire que ce que tu cherches ce n'est pas coucher parce que ce serait d'une hypocrisie incroyable ! je termine en criant presque.


Il me regarde froidement alors que je peine à retrouver ma respiration. J'attends qu'il me contredise, qu'il me réconforte, qu'importe mais j'ai oublié à qui j'avais à faire.


— Ça n'avait pas l'air de tellement de déranger, réplique-t-il finalement sans émotion.


Un sourire sans joie prend place sur mon visage alors que je retiens férocement mes larmes.


— Il faut croire que si finalement, je fais. Maintenant, va-t’en, j'ai sommeil et j'en ai plus qu'assez de te voir !


Je claque la porte alors qu'il ouvre la bouche pour répliquer. J'appuie mon front dessus alors qu'un soupir tremblant passe mes lèvres. Je me mords la lèvre inférieure à sang en voyant son ombre sous la porte, preuve qu'il n'est pas encore parti. Mon cœur bat douloureusement alors que je me retiens de toutes mes forces de pleurer et d'ouvrir cette maudite porte pour m'excuser. Et si, finalement, j'avais quelque chose à me reprocher ?


Décidément, il faut croire que je tiens plus à lui que je ne le pensais au départ.


***

Merci à BakApple pour la correction

Laisser un commentaire ?