Te repousser pour mieux t'aimer

Chapitre 21 : Chapitre 20 : L'appel du sang

3813 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 30/01/2021 21:33

Chapitre 20 :

L’appel du sang.

— Hors de question !


— Mais enfin, pourquoi ? je m'exaspère face à la réaction que Tristan a eue face au plan « appât ». C'est génial et c'est bien mieux que l'idée de Bors de foncer dans le tas !


Les chevaliers et moi sommes partis ce matin même pour la mission nouvellement nommée par moi « Bottage de cul des barbares Saxons ». Nous sommes la fin d'après-midi si j'en crois l'emplacement du soleil et nous nous sommes arrêtés pour élaborer une stratégie. Et c'est moi qui ai trouvé celle qui, selon moi, a le plus de chances de nous garder en vie. Car le but est bien de les tuer eux, pas d'organiser un suicide collectif.


D'après moi, la réaction de Tristan est vraiment exagérée. Je veux dire, il leur fallait un plan pour attirer les Saxons en tout sécurité et le mieux qu'ils aient obtenus jusqu'à maintenant est la réflexion très spirituelle de Bors, je cite : « On fonce et on voit ce qui se passe, pas de quoi se prendre la tête », fin de la citation.


Moi au moins, j'ai un vrai plan. Car après tout, qui se méfierait d'une jeune fille ? Je les appâte, ils me poursuivent et les chevaliers leur tombent dessus avant qu'ils ne me tuent. Simple, rapide et efficace. Mais voilà, Tristan a ENCORE quelque chose à y redire.


— C'est de la folie, s'exclame-t-il en voyant qu'Arthur penche de plus en plus en ma faveur.


— Je sais me défendre Tristan, je m'écrie. Et ça, ils ne s'y attendent pas. Il suffit d'être rapide voilà tout.


— Et si tu n'es pas assez rapide ?


— Pourquoi ce serait moi qui ne serais pas assez rapide ? je rétorque en plissant des yeux, menaçante.


— Bien, soupire-t-il. Et si nous n'étions pas assez rapides.


Il y a des protestations de tous les chevaliers disant qu’il n'y a pas plus rapide qu'eux et qu'ils lui interdisent de mettre ça en doute et j'ai un sourire suffisant.


— Tu vois, je fais. Je n'ai rien à craindre.


— Permets-moi d'en douter, grince-t-il.


— Bon écoute, je sais comment ils fonctionnent, ne l'oublie pas. J'ai été captive pendant un bon moment, j'ai eu le temps de les observer, je lui rappelle en faisant abstraction du malaise qui s'empare de moi en repensant à cette époque. Je sais comment ils réagiront, ils ne se méfieront jamais de moi et ce sera leur première erreur.


Il secoue la tête, montrant son désaccord alors qu'Arthur se prend la tête dans les mains. Je sais qu'il n'est pas plus à l'aise que les autres par rapport au plan – car ils ont tous protestés même si Tristan l'a fait de manière plus vive – mais, il se rend compte que mon plan leur permettrait d'avoir l'élément de surprise de leur côté. Les Saxons ne penseront pas que les chevaliers Sarmates et son commandant leurs tomberont dessus s'ils poursuivent une jeune fille sans défense. Je tapote du pied, les bras croisés sur ma poitrine, attendant qu'ils acceptent tous ma logique. Bors, Tristan et même Dagonet forment la « Haute résistance », ils se sont regroupés dans un coin, montrant leur désapprobation. Gauvain, Lancelot et Galahad sont indécis mais, je vois à leur visage qu'ils commencent à se mettre d'accord avec ma logique. Quant à Arthur, il a toujours sa tête entre les mains, semblant chercher la meilleure solution –que je sais être la mienne.


Arthur relève la tête et plonge son regard dans celui de Tristan. Ce dernier se raidit, rageur en comprenant qu'il a perdu.


— C'est la meilleur stratégie que nous ayons, se défend Arthur.


— Tu vas la laisser faire ? s'exclame Bors en fronçant les sourcils.


— Elle s'en sortira très bien, j'ai confiance en elle, dit Arthur en se relevant, faisant clairement comprendre que la discussion est terminée.


— Arthur, tente Dag mais le regard de son commandant le fait taire.


Tristan tourne les talons et part alors que les autres retournent à leurs occupations. Je me mordille la lèvre et rejoins finalement Tristan, sachant d'avance que la conversation ne sera pas agréable. Il est de dos, le piaf – que je ne me souviens pas avoir vu depuis au moins un mois – est sur une branche son regard vert perçant semblant presque désapprobateur. Nom d'un chien, j'ai l'impression qu'il me reproche de mettre Tristan en colère et ça me fiche la trouille.


— Est-ce que le but est de te faire tuer ? claque la voix froide de Tristan, me faisant sursauter car il ne s'est même retourné et donc ne devrait pas m'avoir vue. Parce que si c'est le cas, il suffit de le dire et je te trancherai la gorge moi-même.


— Ne soit pas stupide, je soupire en levant les yeux au ciel sans relever la menace, commençant à m'énerver face à son caractère de cochon – oui, oui c'est moi qui dit ça.


— Alors que cherches-tu ? Leur traitement te manque tellement que tu veux courir les rejoindre ?


À peine a-t-il fini sa phrase qu'un bruit sec retend et que son visage part sur le côté. Je n'ai même pas réalisé que j'avais levé la main mais, force m'est d'admettre que la gifle vient bien de moi vu le picotement désagréable dans ma main. Il ne semble pas réaliser ce qui vient de se passer mais son faucon si, à en juger par les cris perçant qu'il laisse échapper de son sale petit bec. Je tourne les talons, vraiment mais alors vraiment furieuse, marmonnant dans ma barbe inexistante un tas d'insulte à faire pâlir Bors lui-même. Je passe devant les chevaliers qui me regardent avec étonnement – Tristan part en colère, je le suis parfaitement calme pour revenir énervée à mon tour, ils n'ont pas dû suivre les pauvres.


— Enora revient ici, me crie la voix rageuse de Tristan qui ne semble pas remarquer qu'on n'est plus seul et je dois avouer que son ordre me fait voir tellement rouge que j'en oublie aussi les autres.


Je me tourne et m'approche de lui d'un pas rageur et le pousse – mais vu ma force il bouge à peine bien qu'il grimace sous l'impact.


— Espèce de fichu… Crétin, je l'insulte en continuant les coups alors que le faucon tourne autour de nous en piaffant. Pour qui tu te prends, au juste ? Tu crois vraiment réussir à m'effrayer ? Et tu vas dire à ce stupide volatile psychopathe et bipolaire de se la fermer parce que je jure qu'il va finir à la broche et servir de repas pour ce soir, c'est clair ?


— Tu veux bien te calmer, dit-il avec un air blasé en faisant tout de même partir le rapace – ses sautes d'humeur commencent vraiment à me rendre chèvre et me rende aussi très peste.


— Dis-moi Tristan, je demande en croisant les bras sur ma poitrine et en le regardant méchamment. Qu'est-ce qui te met vraiment en colère ? Le fait que je me batte ou le fait de n'avoir aucune autorité sur moi ?


Il se fige et me darde d'un regard meurtrier alors que je hausse un sourcil.


— Non sincèrement, je reprends alors qu'il ne répond pas. Est-ce que tu t'inquiètes vraiment ou est-ce que ton orgueil ne supporte simplement pas le fait de n'avoir aucune influence sur mes décisions ? Parce qu'il faut se rendre à l'évidence Tristan, je ne laisserais personne prendre les décisions à ma place même si c'est toi. Je suis libre, j'assène. Et ça personne ne me le prendra !


— Et tu es prête à aller te faire tuer parce que…


Je l'interromps en posant mes lèvres sur les siennes avec force avant de m'éloigner.


— Juste… Tais-toi, je lui dis. Tu parles trop, tu réfléchis trop et ça me fait mal au crâne.


Sur ce, je tourne les talons et pars faire un tour sans m'éloigner, laissant un Tristan et ses compagnons complètement abasourdis. J'ai juste le temps d'entendre Tristan dire :


— Je me répète sûrement mais cette fille va me tuer.


Point de vue extérieur.


Les chevaliers la regardent dormir. Elle est paisible. Paisible alors qu'elle courra peut-être vers sa mort le lendemain.

Ils ne le diront jamais, ne voudront jamais l'admettre même sous la torture pour certains, mais ils ont peur. Peur pour elle. Peur qu'elle ne revienne pas.


Ils ne comprennent pas comment un si petit bout de femme a pu prendre autant d'importance en si peu de temps. Comment elle a pu devenir un membre de leur groupe aussi rapidement, sans même qu'ils ne s'en rendent compte. Un jour, ils la sauvaient et le lendemain, ils ne se voyaient déjà plus sans sa présence, sans son humour décalé, son caractère de feu et ses grands yeux passant du bleu au vert.


Chacun d'eux se souvient parfaitement la première fois qu'ils ont vu ses yeux, quand Arthur l'a retirée de cette cage dans laquelle les Saxons l'avaient enfermée. Ils en ont déjà vu des horreurs mais sans savoir pourquoi, ils n'ont jamais été touchés à ce point. Ensuite, ils ont été surpris par sa force, son courage. Ils s'attendaient à voir une pleureuse, une fille détruite – quoi de plus normal ? – pendant tout le voyage, une fille qu'ils auraient dû protéger, sur qui ils auraient dû veiller constamment. Mais ça n'a pas été le cas. Ils se sont d'abord dit que ce qu'elle avait vécu n'était peut-être pas si terrible mais ils se sont rappelé l'état dans lequel ils l'ont trouvée. Et ils se sont aussi rappelé les mâchoires contractées à l'extrême de Tristan et ses insultes alors qu'il l'examinait. Pourtant, il en faut beaucoup pour choquer le chevalier. Ils l'ont trouvée admirable dans un premier temps et ensuite, au fur et à mesure, ils l'ont trouvée amusante même si un peu bizarre. Elle avait sa propre manière de s'exprimer mais, son humour cassant, son répondant et ses menaces étranges les ont divertis, attendris pour certains. Et aujourd'hui…


Aujourd'hui, ils ont tous l'impression qu'elle est une sorte de pièce manquante à leur groupe et qu'elle s'est ajoutée naturellement, venant compléter leur « famille ». Car elle les a en quelques sortes transformés. Ils étaient proches avant bien sûr mais, maintenant qu'elle est là, ils ressemblent à une vraie famille dont elle est le centre. Elle est comme le soleil autour duquel ils gravitent tous, attirés malgré eux par la lumière qu'elle dégage. Elle est le centre de tout et ils ont l'impression que si elle venait à disparaître, tout serait détruit, que sans elle, ils ne sont rien de plus que des compagnons de route et non plus une famille.


Oui, Enora a quelque chose d'étrange en elle qui fait que même si on ne l'aime pas spécialement, on ne peut la détester. Elle est jolie, bien sûr, mais il y a plus belle qu'elle et ce n'est pas ce qui fait qu'ils sont tous attirés par ce qu'elle dégage. Non, c'est une lumière, une lumière pure, de bonté, de douceur. Parce que c'est ce qu'Enora est. Bien au-delà de son sale caractère, de ses crises de colère ou de larmes. Elle est la bonté même, la douceur même, l'amour même. Quand on est près d'elle, on est submergé par de bons sentiments, par une vague de bien-être, de calme.


Et c'est par ça que les chevaliers sont attirés. Ils ont une vie dure, éprouvante et ils ont besoin de la sérénité et le calme que leur amie dégage sans même s'en rendre compte, juste par sa présence. Ils sont touchés par des manières différentes et le plus touché est sans doute Tristan.


Il a vécu une existence si sombre, si solitaire que la venue d'Enora a été comme un coup. Les sentiments qu'il a ressentis pour elle ont été tellement nouveaux, ça lui a presque fait mal mais, en même temps, c'était une douleur agréable. Et des choses ont changé en lui. Avant, quand il partait en mission, il ne se souciait pas de revenir ou non, personne ne l'attendait, il n'avait aucune raison de revenir. S'il revenait… Tant mieux. S'il mourrait… Peu importe, tout le monde meurt un jour, n'est-ce pas ? Mais à présent, il veut revenir en vie, il veut pouvoir la revoir, l'entendre lui crier dessus, lui dire qu'il est stupide, qu'elle n'a pas d'ordre à recevoir et lui faire l'amour jusqu'à l'épuisement. Il veut revoir ses joues rougies d'énervement, revoir ses yeux s'assombrir de désir pour lui. Et bien qu'il déteste ça et qu'il ne veut surtout pas mettre de nom sur ses sentiments, il sait qu'ils sont plus forts qu'ils ne le devraient et qu'il est trop tard pour y échapper. Il n'y a qu'à voir sa position en cet instant précis. Il est installé le dos contre un arbre, le dos d'Enora contre son torse, sa cape à lui sur elle. Il n'aime pas les démonstrations de sentiments mais n'a pas pu la repousser quand elle est venue parce qu'elle avait froid. Peut-être un peu parce qu'il avait peur qu'elle ne le demande à quelqu'un d'autre s'il refusait mais surtout parce qu'elle est elle. Sa lumière.


Oui, cette fille… Cette femme a tout changé mais, ce n'est peut-être pas une mauvaise chose.


Point de vue d’Enora.


Rappelez-moi de qui vient ce plan pourri déjà ? Ah oui, de moi. La prochaine fois, je m'assomme avant d'avoir énoncé la moindre idée. Non encore mieux, je m'assomme avant d'avoir eu la moindre idée, ce sera plus sûr pour tout le monde et surtout pour moi.


Non, mais pourquoi je n'ai pas écouté Tristan ? Pourquoi j'ai laissé Lancelot m'encourager ? Et pourquoi ce cheval n'est pas plus rapide ? Mais surtout, pourquoi les Saxons ont décidé de me suivre comme je l'avais prévu ? J'en ai marre d'avoir toujours raison. Ça devient fatiguant et surtout dangereux.


Toujours est-il que je suis sur un cheval au galop, les Saxons au cul de plus en plus proche et que je ne vois pas le point de rendez-vous. De plus, le chemin est loin d'être stable, je suis secouée dans tous les sens et les Saxons se rapprochent. J'ai toujours eu beaucoup de chance, pas vrai ?


Je fais encore accélérer l'allure d'Airas, mon cheval, quand une flèche passe à environ un centimètre de mon visage et touche l'un de mes poursuivants, derrière moi. Le soulagement me submerge en même temps qu'une envie de meurtre. Tristan vient de manquer de me tuer ! Il pourrait faire attention. Même si, au fond, je sais qu'il a visé à la perfection et savait qu'elle passerait si près de moi sans aucun danger. Ou alors, il en avait marre que je le contredise et s'est dit que mon meurtre passerait pour un accident mais il m'a ratée… Oui, c'est une théorie que j'étudierai plus tard. Quand je ne serai pas à deux doigts de mourir.


J'arrête Airas et me tourne vers les assaillants qui se sont arrêtés en regardant partout d'où vient la flèche comme des abrutis alors qu'un sourire suffisant apparaît sur mes lèvres et que je sors mon épée. Celui qui doit se charger des hommes présent le voit et me regarde un instant avant qu'une lueur n'apparaisse dans ses yeux et qu'un sourire sadique et pervers traverse son visage.


Sourire qui disparaît alors qu'il regarde un point derrière moi. Je n'ai pas besoin de me tourner, je sais déjà que ce sont les chevaliers qui m'ont rejointe. Tristan se place à mon côté en fusillant celui qui m'a fixé du regard. Lui, il ne va pas faire long feu. À cette pensée un petit sourire sadique effleure mes lèvres et Tristan, qui l'intercepte, me le rend alors qu'Arthur à côté de moi marmonne quelque chose ressemblant à : « Déjà qu'avec un, on s'en sortait pas ». Et c'est sur ces bonnes paroles pleines de sagesse que les Saxons – plus nombreux mais aussi plus stupides que nous – nous foncent dessus.


À partir de là, je ne peux plus me concentrer que sur ce qui m'arrive et je remercie le ciel de ne pas être descendue de cheval. Plus facile d'attaquer quand on est en hauteur. Je sens une prise sur ma cheville alors que je pare un coup d'épée. La prise se renforce sur mon côté droit alors que j'essaye de me débarrasser du Saxon sur mon côté gauche. Une fois fait et complètement exaspérée par le Saxon accroché à ma jambe, je lui envoie un coup de pied en plein visage et il atterrit à terre, assommé. Juste à ce moment-là, je vois Tristan aux prises avec deux Saxons et je vois rouge. On n'attaque pas MON Tristan sans MA permission !


J'amène Airas assez près et, une fois à bonne distance, je saute de cheval avec une grâce que je me connaissais pas – sur le coup, je dois ressembler à un chaton en colère – et atterris sur le dos d'un des assaillants de Tristan. On roule à terre et il m'éjecte de son dos. Il se relève plus rapidement que moi et s'arrête net en me regardant. Je le reconnais alors comme celui au sourire sadique et pervers. Il me sourit et me susurre :


— Je me souviens de toi, tu es la petite sauvageonne que notre chef a ramassée. Je suis venu te rendre visite une ou deux fois, voire plus, ajoute-t-il, plein de sous-entendus.


La haine me prend quand je le reconnais. Avec Cynric, il était le plus sadique et prenait plaisir à me voir souffrir, à voir mon sang et mes larmes couler. Je me relève comme un ressort et lui saute dessus mais, il s'y attendait et me repousse, il m'agrippe ensuite les cheveux et plaque son immonde bouche contre mon oreille.


— Je te réserve pour la fin, notre chef sera heureux de te retrouver.


Et il s'éloigne. Je vais m'élancer pour le rattraper mais, un Saxon se met sur mon chemin et m'attaque. Je pare avec une vitesse rare, la haine grondant en moi, me rendant plus forte. Je fais un pas de côté, arrive à attraper le poignet de la main tenant l'épée et tourne sur moi-même, arrivant derrière lui et tordant son bras jusqu'à entendre un craquement et son hurlement de douleur. Je devrais être choquée mais, aussi monstrueux que ça puisse paraître, son hurlement me fait du bien, me soulage. Comme s'il nourrissait une bête furieuse et affamée au fond de moi mais ce n'est pas assez.


Je continue de me battre avec ceux se dressant devant moi et ma proie, ne les tuant pas mais les blessant de telle sorte qu'ils n'aient plus envie de m'approcher ou porter la main à leur épée. Finalement, j'arrive devant lui et plante mes yeux haineux dans les siens, railleurs. Il pose son regard sur la cicatrice de mon cou et un petit rire lui échappe, me rendant folle alors j'attaque la première. Il me pare rapidement et attaque à son tour, j'esquive et abats mon épée, lui faisant une entaille à la jambe droite qui ploie un instant mais ne cède pas. Ça semble, par contre, le faire enrager. Il nous fait tomber et se retrouve au-dessus moi, les mains sur mon coup, m'empêchant de respirer. Un instant, la panique me submerge. Combien de fois s'est-on retrouvé dans cette position tous les deux ? Lui me faisant souffrir et moi subissant. L'air me manque, je me sens bleuir et mes poumons se contractent de protestation. Ça fait un mal de chien, je me tortille pour lui échapper mais cette enflure tient bon.


J'arrive finalement à libérer une jambe et mon instinct de survie me fait l'envoyer dans le service trois pièces de mon ancien bourreau. Il me lâche, comme je m'y attendais – les hommes sont trop prévisibles – et je ne prends pas le temps de reprendre ma respiration. Je prends le dessus tout en attrapant la dague attachée à ma cheville. Il approche sa main de moi mais, ayant prévu le coup, je plante ma dague dans sa main, la plantant au sol alors qu'il hurle de douleur. Mais c'est ce que je veux, qu'il hurle, qu'il me supplie d'arrêter comme je l'ai supplié un jour d'arrêter. Et comme lui, je ne m'arrêterai pas sauf si on me tue. Face à cette détermination, je sens mes mains chauffer d'une manière étrange et, suivant toujours mon instinct, je plaque mes mains sur son visage. L'effet est comme si je lui avais plaqué un morceau de fer chauffé et il hurle alors que je jurerais voir de la fumée s'échapper. J'attrape ensuite la dague que je retire de sa main et la plante dans son ventre.


Il ne sait plus où donner de la tête, je le vois et je connais cette impression. Quand tu as mal à tellement d'endroits en même temps que tu ne sais plus agir, tu es paralysé, totalement, ne pouvant que subir. Alors, je mets fin à ce calvaire qui me ramène trop d'images et plante la dague dans sa gorge, faisant gicler le sang sur mes mains. Il émet un gargouillement écœurant et enfin, je peux voir l'étincelle de vie s'échapper de ses yeux.


Je me relève en toussant, la gorge douloureuse de respirer et m'éloigne sans cesser de le regarder. Je me reconnecte à la réalité et entends les chevaliers terminer le combat, je le sais grâce aux cris de victoire de Bors. Je sens la présence de Tristan et quelques autres derrière moi. Je vois la main de Tristan se lever pour venir me toucher l'épaule mais m'écarte d'un mouvement brusque avant de dire difficilement :


— Au moins, cette fois, je suis sûre qu’il ne reviendra pas.


Je regarde ensuite mes mains couvertes de sang avec une grimace et fait demi-tour, m'éloignant. J'ai vu un petit ruisseau pas très loin quand on est arrivé.


***

Merci à BakApple pour sa correction ;)

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