AINULINDALE La Musique des Ainur

Chapitre 1 : AINULINDALE PREMIER MOUVEMENT

Catégorie: K

Dernière mise à jour 10/11/2016 00:52

Il y'eut Eru, le Premier, qu'en Arda
On appelle Ilùvatar ; il créa
D'abord les Ainur, les Bénis,
Qu'il engendra de son esprit,
Et ceux-là furent avec Eru
Avant que nulle chose ne fût concue.

Il leur proposa des thèmes harmonieux,
Ils chantèrent devant Eru,
Et il en fut heureux.

Un long temps s'écoula où ils chantaient
Chacun seul, ou à l'unisson,
Cependant que les autres écoutaient, en  effet
Chacun ne comprenait que cette portion
Du coeur du glorieux Eru
D'où lui-même est venu
Et le sentiment de leur parenté
Mit longtemps à leur arriver.

Pourtant, une meilleure compréhension
Leur vint à mesure qu'ils s'écoutaient
Et les fit croître en accord et en union.

Et il fut un jour où Ilùvatar fit rassembler
Tous les Ainur pour leur dévoiler
Un thème qui leur dévoilait des sujets
Plus merveilleux et élevés
Qu'il ne leur en fait deviner.

Son glorieux début
Et son dénouement somptueux
Eblouirent tant chaque Ainu
Qu'ils se prosternèrent, respecteux,
Sans pouvoir dire un mot, devant Eru.

Eru leur parla : «De cet air inusité,
Que devant vous j'ai proclamé,
Je souhaite que tous à l'unisson,
Harmonieusement, nous fassions
Une imposante Musique ;
Et comme j'ai offer à chaque Ainu
De la Flamme Immortelle magique,
Vous allez pouvoir produire beaucoup
De vos dons, chacun jouant s'il le désire
De son habileté, de son talent
Pour glorifier ce thème et l'embellir ;
Moi, je restererai à écouter et
A me réjouir que, grâce à vous,
Le beauté en musique se soit muée.»

Alors les voix de chaque Ainu,
Telles des harpes, des mandolines,
Des trompettes et des flûtes ténues,
Des violes à la voix argentine,
Des choeurs aux voix innombrables,
Entreprirent de tisser le Thème d'Eru
Dans une harmonie ineffable.

Le son des mélodies se fondant sans fin
L'une dans l'autre s'éleva
Pour tisser un équilibre aérien
Qui de l'ouïe les limites dépassa
En hauteur tant qu'en profondeur,
Les palais d'Eru furent emplis abondamment
D'un chant dont les ardeurs
Touchèrent le Néant,
Et ce ne fut plus le Néant.

Jamais plus les Ainur ne conçurent
Une telle musique, bien qu'il soit dit
Qu'une musique encore plus inouie,
Celle des voix de chaque Ainur
Et des Enfants d'Eru, sera applaudie
Devant l'Unique, après la fin des jours.

Alors les thèmes d'Eru seront joués
Dans leur vérité et adviendront à l'être
Au même moment, car tous les êtres
Comprendront vraiment la responsabilité
Qu'il leur a donnée, chacun sera amené
A l'entendement des autres, et Eru-Maître
Accordera le Feu Secret à ces êtres.

Donc Ilùvatar restait à écouter et,
Pendant longtemps, il fut content,
Car le thème était infaillible tout entier.

Mais à mesure que le thème progressait,
Il vint au coeur de Melko4 d'y mêler
Des thèmes venus de ses propres pensées et
Qui, au thème d'Ilùvatar, ne s'accordaient.

Il cherchait de cette façon
A augmenter la puissance
Et la gloire de sa propre faction.

Melko était le plus doué des Ainur
En savoir comme en puissance
Et il avait les talents de toute la cour.

Souvent, seul, il s'était aventuré
Dans les espaces du Néant
Pour chercher la Flamme éternelle, en effet
Il avait en lui un furieux penchant
D'amener à l'être des choses façonnées
De sa propre volonté, lui semblant
Qu'Eru n'avait pas de pensée pour le Néant
Alors que lui-même ne pouvait supporter
Qu'il restât vide ; il ne vit le flamboiement,
Partage d'Iluvatar, lumière ignée.

Il les fit venir dans sa musique, et
Une discordance soudain s'éleva ;
Beaucoup de ceux qui chantaient à proximité
Tombèrent en désarroi, leur pensée se troubla,
Leur musique hésita, et tenta
De s'accrocher à sa rageuse mélopée
Plutôt qu'à leur première idée.

Alors la discordance gagna du terrain
Et les mélodies succombèrent
Dans une mer de sons sans frein.

Ilùvatar continua à écouter
Jusqu'à que son vaste trône
Parût au milieu d'un cyclone,
Comme si des mers d'obscurité
Se faisaient une guerre qui empoisonne
Avec une rage démesurée.

Alors Eru se leva, les musiciens
Sentirent qu'il leur souriait,
De sa gauche il leva la main
Et un nouveau thème vit le jour; plein d'attrait,
Au milieu de l'ouragan si hautain,
Semblable à celui du début, plein de bienfaits,
Et pourtant différent, qui gagna si soudain
En puissance et dont la beauté charmait.

Mais la discordance de Melko augmenta
Jusqu'au tumulte pour se confronter
Au nouveau thème ; la bataille s'engagea
Gagna en violence en dureté,
Si bien que des Ainur en désarroi,
Accablés, s'arrêtèrent de chanter,
Et que Melko eut le dessus dans sons fracas.

Alors Ilùvatar se leva encore,
Et les Ainur comprirent très vite
que son humeur était sévère alors.

Il leva sa main droite et voici
Qu'un troisième thème,
Différent des autres, monta de l'anarchie !

D'abord il sembla tout douceur et tendresse,
A peine un frémissement, une caresse
De sonorités calmes, d'accents délicats,
Mais rien ne pouvait faire qu'il cesse,
Et il se mit à gagner en force et éclat .

Il semblait à ce moment-là
Que deux musiques s'affrontaient ici,
Devant le trône d'Ilùvatar-Roi,
En une pleine antipathie.
L'une était large, splendide et pleine,
Lente et cependant empreinte
D'une incroyable et amère peine,
De là venait la beauté de sa complainte.

L'autre avait atteint sa propre unité,
Mais elle était tapageuse
Et vaine, toujours répétée,
Avec une accumulation rageuse
En guise d'harmonie bouleversées,
Comme si de nombreuses trompes ébréchées
Jouaient la fanfare sur des notes creuses.

Cette musique voulait submerger
L'autre par la violence de ses cris,
Il semblait pourtant que ses notes-ci,
Les plus triomphantes, fussent partagées
Et alliée par l'autre mélodie
Dans sa solennelle envolée.

Au milieu de cet affrontement,
Alors que les espaces d'Eru résonnaient,
Que le varcarme envahissait des fondements
Qui encore ne le furent jamais,
Ilùvatar se leva violemment
Pour la troisième fois, et, véhément,
Son visage faisait peur à qui le voyait.

Il leva les deux mains : d'un seul accord,
Plus profond que l'Immensité,
Plus haut que le Firmament au-dehors,
Aussi perçant que la lueur de son oeil d'or,
La Musique arrêta son agressivité.

Alors Ilùvatar parla, et dit :
«
Puissants sont les tous Ainur, et Melko
Est le plus puissant d'entre ceux-ci,
Mais qu'il sache, ainsi que tous les Ainur si beaux,
que je suis Iluvatar-Maître ici,
Ces thèmes que j'ai fredonné à demi-mot,
Je vous les montrerai bientôt
Pour que vous puissiez voir à l'envie
Ce que vous avez tous fait en partie

Et toi Melko, tu verras bien
Qu'on ne peut jouer une musique
Qui ne prend pas en moi son départ souverain,
Qu'on ne peut changer malgré moi la Musique...

Celui qui le tente n'est que mon outil,
Il créé des merveilles qu'il n'aurait pas
Par lui-même amenées à la vie
!
»

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