AINULINDALE La Musique des Ainur

Chapitre 2 : AINULINDALE SECOND MOUVEMENT

Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/11/2016 04:19

Les Ainur furent pris de peur
Sans comprendre encor les mots
Qui leur étaient adressés par leur créateur,
Et rempli de déshonneur fut Melko,
En même temps que d'un courroux blasphémateur.

Puis Ilùvatar se leva
Dans toute sa splendeur et s'avança
Hors des régions de démesure
Qu'il avait fait naître pour les Ainur
Et ceux-ci le suivirent en cet endroit.

Quand ils arrivèrent dans le Vide,
Eru dit : «Voyez votre musique !»
Et il leur livra une vision magique,
Leur donnant une vision limpide,
Alors qu'ils n'avaient que l'ouïe archaïque.

Ils virent un Monde différent
Se manifester devant eux,
Une sphère au milieu du Néant.

à mesure qu'ils regardaient et s'étonnaient,
Ce Monde dévoilait son histoire
Et le voir vivre il leur semblait
Et se développer sans qu'ils pussent y croire.

Quand les Ainur eurent fixé, aphasiques,
Pendant un temps, Ilùvatar leur dit
Encore : «Voyez votre Musique !

Ceci vient de votre art
Et chacun de vous trouvera,
Dans ce, qu'à vos yeux, je déploie,
Les créations dont il ne fut pas avare,
Qu'il croit avoir inspirées ou imagina.

Toi Melko, tu verras tes pensées
Les plus secrètes, tu comprendras
Qu'elles ne sont qu'un grain de la totalité,
Tributaires de son glorieux apparat.
»

Ainsi que de la musique
Que chacun d'eux créa,
Les Ainur savent une part astronomique
De ce qui fut, de ce qui est, et qui sera,
Et leur échappent peu de choses sur Arda.

Pourtant, il en est qu'ils ne peuvent voir,
Même rassemblés en conseil,
Car Eru n'a instruit aucune oreille
De ce qu'il conserve en sa mémoire,
Et chaque époque peut apercevoir
Des nouveautés sans pareille
Qui ne sont dans aucune prédiction, car
Non issues du passé d'avant le Soleil.

Or donc, comme cette vision
D'un Monde nouveau se déroulait devant eux,
Les Ainur virent qu'il renfermait des choses dont
Ils tombèrent tous amoureux.

Ils assistèrent avec stupéfaction
A la naissance des Enfants d'Ilùvatar
Dans le monde qui était leur maison,
Et s'aperçurent qu'eux-mêmes, sans le savoir,
Tandis qu'ils élaboraient leur chanson,
Avaient participé à la création
De cette demeure sans y avoir
D'autre dessein que sa propre gloire.

Les Enfants d'Ilùvatar ne furent conçus
Que par Lui, ils vinrent avec le troisième chant,
Du premier thème ils étaient absents,
Et aucun des Ainur ne le sut
Ni ne prit part à leur venue.

Quand ils les virent, ils les aimèrent plus encor
D'être différents d'eux-mêmes,
Etres étranges et libres au-dehors,
Où ils voyaient l'esprit d'Eru le suprême
Dans une lumière d'un éclat bien trop fort,
Où ils apprenaient à sentir par eux-mêmes
Une part de sa sagesse, un trésor,
Qui, alors, restait occultée en lui-même,
Même aux Ainur, qui pourtant l'adorent

Les Enfants d'Ilùvatar, le Grand Créateur,
Sont les Elfes éternels et les Humains mortels,
Les Premiers-Nés et les Successeurs.

Dans toutes les splendeurs de ce monde inouï,
Ses vastes régions, ses espaces nouveaux,
Ses orbes flamboyants, Ilùvatar choisit
L'endroit de leur maison dans les fonds abyssaux
Et parmi les astres au nombre infini.

Cette maison pourrait sembler peu de chose
A ceux qui ne considèrent
Que la majesté des Ainur qu'elle expose,
Sans voir leur acuité légendaire,
Eux qui peuvent avoir s'ils le proposent
La plaine d'Arda entière
Pour les bases d'une colonne qui ose
Se soulever si haut que sa tête altière
En est plus acérée qu'une aiguille de fer ;
Ou qui ne verraient dans cette fleur éclose,
Que les Ainur édifient encor dans les airs,
Qu'une immensité sans mesure et grandiose,
Resteraient trompés par l'adresse première
Qu'ils donnent à toutes les choses en cet univers.

Quand les Ainur eurent contemplé la vision
De ce lieu et qu'ils virent les Enfants d'Eru,
Plusieurs d'entre eux parmi les plus bons
Tendirent tous leurs désirs éperdus
Et leur esprit vers ce lieu d'admiration.

Melko fut le premier de ceux-là,
Comme il fut, dès le début, le plus grand,
A tenir sa partie dans le grand Chant.

Il sembla, et lui-même le croyait,
Qu'il voulait se rendre dans cette demeure
Et y ordonner tous ces nouveaux faits
Pour le bien des Enfants d'Eru le Créateur,
Et contrôler les tourbillons de chaleur
Et de glace mortelle qui le traversaient,
Alors que plutôt Melko désirait
Soumettre à son caprice exterminateur
Les Elfes et les Humains dans leur malheur :
Leurs dons uniques, il les enviait
Ceux qu'Ilùvatar-Roi leur promettait ;
Il désirait pour lui-même des serviteurs
Et des esclaves, s'entendre appeler Seigneur,
Se sentir maître d'âmes qui l'acclameraient.

Cependant, les autres Ainur étaient fascinés
Par ce monde enchassé dans les espaces
Du Monde, ce que les Elfes ont appelés,
Arda, la Terre, le Royaume de grâces ;
Leurs coeurs étaient remplis de gaieté
Et de lumière, leurs yeux émerveillés
Etaient noyés de couleurs vivaces,
Mais le grondement de la mer en surface
Leur donnait une grande anxiété.

Ils observaient l'air et le vent,
Et tous les objets dont Arda était dotée,
Le fer et la pierre et l'or et l'argent
Et beaucoup d'autres matières inexploitées ,
Mais c'est l'eau qu'ils admiraient cependant.

Les Eldar disent que l'eau recèle encore
L'écho de la musique de chaque Ainu
Plus que toute autre élément de ce corps ;
Et beaucoup parmi les Enfants d'Eru
Ne se lassent pas d'ouïr les prodonds accords
De la Mer, sans savoir dans ce soupir têtu
Ce qu'ils cherchent à entendre alors.

C'est donc vers cet élément cristallin
Que celui des Ainur que les Eldar
Appellent Ulmo tourna ses desseins,
Lui qu'avait pénétrer le plus en art
Le Grand Chant d'Eru, le Très Saint.

A l'air et au vent surtout s'attacha
Manwë, le plus grand et le plus auguste Ainu ;
Sur la base de la Terre Aulë médita,
Lui qui n'avait pas beaucoup moins reçu
Que Melko en savoir et en talent adroit,
Mais Aulë trouva sa plus grande joie
Dans l'acte de créer des choses pour Eru
Et dans la joie exprimée par Eru,
Pas dans la possession de ces biens en soi ;
C'est ainsi qu'il donne sans retenue,
Ne garde pas pour lui, bien que se soit son droit,
Qu'il est libre de tout embarras malvenu,
Et passe sans cesse à une autre oeuvre de choix.

Ilùvatar s'adressa à Ulmo
Et lui dit : «Ne vois-tu pas comment,
Dans ce petit royaume au plus profond des Temps,
Melko a entrepris des heurts brutaux
Contre tes domaines si fascinants ?

Il a imaginé un froid mordant
Sans avoir pu encor détruire
La beauté de tes doux étangs,
La limpidité de tes lacs que j'admire.

Prends garde à la neige et au gel rusé ;
Melko a prévu chaleurs et brasiers ardents,
Sans pourtant éteindre ta volonté
Ni dévorer la musique de l'Océan.

Vois plutôt la haute splandeur des airs
Des nuages et des nuées, toujours changeants,
Ecoute la pluie tomber sur la Terre !
Ces nuages te rapprochent gracieusement
De Manwë que tu aimes, ton ami si cher.
»

Et Ulmo répondit : «En vérité,
L'eau est devenue plus belle
Que n'imaginait mes plus secrètes pensées,
Je n'avais pas évoqué le flocon de gel
Et mon chant créateur tout entier
Ignorait le bruit de la pluie et de l'ondée.

Je vais rejoindre mon frère Manwë
Afin de jouer avec lui des cantiques
Qui te réjouiront pour l'éternité !
»

Et Manwë et Ulmo, grâce à leur art,
Sont des alliés, et en toutes choses
Ils ont fidèlement servi les buts d'Ilùvatar... 

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