AINULINDALE La Musique des Ainur

Chapitre 3 : AINULINDALE TROISIEME MOUVEMENT

Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/11/2016 01:36

Mais en même temps que parlait Ulmo,
Alors que les Ainur fixaient
Cette vision, elle disparut trop tôt,
Retirée de leur vue, et il leur semblait
Palper ce qu'alors ils n'avaient
Connu qu'en pensée : Obscurité et Sanglots.

Or, ils s'étaient épris de la beauté
De cette vision, plongés dans l'exposition
D'un Monde destiné à s'éveiller,
Leurs esprits étaient en adoration  ;
Car l'histoire ne restait qu'allusion,
Et les cercles du temps ne s'étaient pas fermés
Lorsque la vision leur fut ôtée.

Certains disent que la vision s'arrêta
Avec la Domination des Humains
Et l'Effacement des Elfes anciens,
Et c'est pourquoi, bien que la Musique baigna
Toutes choses, les Valar n'ont pas eu le droit
De voir de leurs yeux les Temps lointains,
Ni la fin du Monde d'Arda.

Les Ainur étaient inquiets, mais Eru
Leur parla encore : «Je sais que vos esprits
Désirent que ce que vous avez vu
Vienne vraiment à être, comme je le fit
Dans vos âmes et coeurs, mais aussi
Comme vous-mêmes existez, et de plus
D'une autre manière que j'ai choisit.

Alors je dis : Eä ! Que ces choses soient !
Et je déverserai dans le Vide
La Flamme éternelle et translucide,
Elle sera au coeur du Monde, et le Monde sera ;
Ceux d'entre vous qui en sont avides,
Pourront y descendre et y régner dans la joie.
»

Et soudain, les Ainur virent
Une lueur lointaine, tel un nuage
Au coeur enflammé, et ils comprirent
Que ce n'était pas seulement un mirage,
Mais qu'Eru-Roi avait décidé de bâtir
Eä, le Monde qui Est parmi les Âges.

Il advint donc que, parmi les Ainur,
Certains demeurent encore avec Eru
Au-delà du Monde et de ces créatures,
Alors que d'autres, les plus fidèles à Eru
Et les plus prestigieux, purent
Prendre ce que leur avait accordé Eru :
Venir sur Arda, en prendre la vêture.

Mais à une condition - venue d'Eru
Ou seulement de leur amour :
Dorénavant, leurs pouvoirs détenus
Seraient limités au Monde alentour
Et par lui limités et contenus,
Et ils y resteraient jusqu'à son dernier jour,
De sorte qu'ils en seraient l'essence ténue,
Qu'ils seraient sa vie même, sans retour...

Ensuite, ils furent nommés les Valar,
Les Puissances du Royaume de la Terre ;
Quand les Valar dans ce monde pénétrèrent,
Ils furent d'abord surpris, puis hagards :
C'était comme si rien n'avait pu se faire
De ce qu'ils avaient perçu de leur regards
Dans la vision, comme si tout était en départ,
Sur le point d'advenir sans avoir de manière,
Et tout était épais et sombre brouillard.

Car le Grand Chant n'avait été
Que la naissance et l'épanouissement
De l'esprit dans les Espaces Ethérés,
La Vision elle-même un pressentiment,
Mais maintenant ils étaient arrivés
Au commencement des Premiers Temps

Et les Valar surent que ce Monde créé
N'avait été qu'Annonce et Prophétie
Qu'ils devaient désormais exécuter.

Alors, ils entreprirent d'immenses travaux
Dans les déserts inexplorés sans vent,
En des siècles sans nombre et primordiaux
Jusqu'au moment où, dans les profondeurs du Temps,
Au sein du Monde et de ses espaces nouveaux,
Advint le lieu et le moment
Où fut édifié, pour les Enfants, le berceau...

De cette oeuvre, Manwë et Aulë et Ulmo
Firent la plus grande part, mais Melko
Aussi était là depuis le début,
Qui se mêla de tout comme il l'avait prévu,
Faisant quand il le pouvait selon son ego
Et il alluma de mortels fourneaux.

Melko convoitait la Terre,
Encore jeune et sans guerre,
Et il dit aux autres Valar :
«Ce royaume sera en mon propre pouvoir
Je lui donnerai mon nom que l'on vénère !
»

Dans l'esprit d'Eru, Manwë était le frère
De Melko, c'était lui la voix principale
Du thème qu'Eru avait dresser en travers
Des dissonances de Melko et de son Mal,
Et il appela des esprits volontaires,
Grands et moins grands, d'essence amicale,
Qui descendirent alors sur la Terre
Pour l'aider dans sa tâche abyssale,
De peur que Melko n'empêche en sa colère
L'accomplissement de son oeuvre triomphale
Et que la Terre se fane avant son ère.

Et Manwë dit à Melkor : «Tu ne prendras pas
Ce royaume pour rien et sans loi,
Car beaucoup d'autres n'y ont pas
Beaucoup moins travaillé que toi.
»

Alors ce fut la dissension
Entre Melko et les autres Valar,
Melko se retira, gagna d'autres régions
Et fit là-bas son oeuvre barbare,
Mais ne chassa pas de son ambition
Son désir du Monde d'Ilùvatar.

Les Valar se mirent à gagner
Forme et couleur, et comme c'était leur amour
Pour les Enfants d'Ilùvatar le Très Aimé
Qui les avait fait venir dans ce séjour,
Et l'espoir qu'ils avaient de ces héritiers,,
Ils prirent la forme qu'ils avaient vue un jour
Dans la Vision d'Ilùvatar le Renommé,
Hormis la splendeur et la majesté.

Cette forme venait de la conception
Qu'ils avaient du Monde perceptible
Plutôt que du Monde profond,
Ils n'en avaient pas un besoin inflexible,
Sinon comme nous-mêmes nous habillons,
Alors que nous allons nus et descriptibles
Sans rien perdre de notre forme et notre fond.

Ainsi les Valar peuvent marcher dénudés,
Et les Premiers-Nés eux-mêmes
Ne peuvent clairement les discerner.

Quand ils préfèrent se vêtir,
Les Valar prennent qui une forme mâle,
Qui une forme femelle qui l'attire,
Car chaque caractéristiques mentales
Qu'ils avaient depuis qu'au monde ils naquirent
Et qui s'incarnaient dans ce choix crucial,
Ne venaient pas de leur désir,
Pas plus que chez nous, femelles et mâles
Ne sont déterminés par leur habit vital
Mais à laquelle on les reconnaît sans faillir.

Les formes dont se parent les Puissants
Ne ressemblent pas toujours à celles
Des belles reines et des roi éminents
Des Enfants d'Ilùvatar l'Eternel,
Car ils peuvent n'être vêtus volontairement
Que de leur propre esprit essentiel,
Rendu sensible sous l'espèce immortelle
D'une majesté et d'un prestige imposant.

Les Valar firent venir jusqu'à eux
De nombreuses compagnies, de même rang qu'eux
Ou de moindre stature, et ensemble oeuvrèrent
A ordonner et à apaiser la Terre.

Alors Melko vit ce qui fut bâti :
Les Valar parcouraient la nouvelle sphère
Comme des puissances investies,
Vêtues des vêtements de la Terre,
Aimables à voir, et pleines de suprématie,
Et heureuses ; il vit que cette terre
Devenait le jardin de leur euphorie,
Car calmées étaient désormais ses colères.

Son envie n'en fut que plus forte,
Il prit aussi un aspect de cette sorte,
Mais son humeur et la malveillance
Qui le brûlaient étaient si immenses
Que cette forme était sombre et morte.

Il descendit sur le monde d'Arda,
Plus fort et plus majestueux
Qu'aucun autre Valar, tel un mont prodigieux
Qui, sur l'océan, s'envola,
Pour se dresser au-dessus des cieux,
Couverts de glace et couronnés de feu
Et de nuées, et dans le regard du Vala
Il y avait comme une flamme qui foudroie,
Dont le froid est mortel et venimeux.

Ainsi commença la première guerre
Entre Melko et les Valar
Pour la domination d'Arda la Terre.

De ces tumultes, les Eldar
N'eurent guère à en connaître ;
Ce qui est conté par les ancêtres
Vient des récits mêmes des Valar,
Avec qui les Eldar causèrent peut-être
En Valinor, et qui en furent instruits très tard,
Mais les Valar bien peu leur firent connaître
Les guerres d'avant la venue des Eldar.

Pourtant, on raconte chez les Eldar aînés
Que les puissants Valar continuèrent,
Malgré la présence de Melko, à régner
Sur la Terre et qu'ils la préparèrent
Pour la venue des Premiers-Nés.

Ils édifiaient de nouvelles terres
Et Melko de suite les détruisait,
Ils creusaient de nouvelles vallées de pierres
Et Melko de suite les remplissait,
Ils élevaient des montagnes haut dans les airs
Et Melko de suite les abattait,
Ils faisaient le lit de nouvelles mers
Et Melko de suite les dispersait.

Rien ne pouvait trouver la paix
Ni croître dans la durée car,
Aussi sûrement que s'engageaient les Valar
Dans une tâche, Melko la détruisait
Ou, avec un bas plaisir, la dénaturait.

Pourtant leurs travaux ne furent pas vains :
Si aucun endroit, ni aucun dessein
Ne vit s'accomplir entièrement
Leurs intentions ou leur choix brillants,
Si tout prit des formes et couleurs d'un autre sein
Que celles qu'avaient pensées les Valar très saints,
Le Monde devint habitable et consistant.

La maison des Enfants d'Eru l'Admirable
Fut enfin basée dans les Abîmes du Temps,
Et parmi les étoiles innombrables...

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