Un Peuple Oublié

Chapitre 29 : Chapitre 28 _ Dunharrow

2993 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 14/06/2020 19:35

Un peu avant les premières lueurs de l'aube, Naé se redressa.

Elle se détacha doucement de son compagnon, non sans avoir frôler chacun des traits de son visage auparavant.

Cachée par l'obscurité brumeuse de ces derniers moments de la nuit, elle était épuisée. Mais elle savait que l'explosion qui faisait bouillonner ses tripes depuis la veille ne la laisserait pas en paix.


Lorsque les premiers rayons du soleil se montrèrent, les hommes rangèrent leurs affaires, et replièrent le camp. Rapidement, chacun fut prêt à repartir, et les chevaux lancés au galop.

Les deux jours suivants que durèrent le voyage se passèrent sur le même rythme, assez soutenu, d'ailleurs.

Aragorn, avait finit par remarquer un calme certain, sans savoir d'où il venait. C'est en entendant le rire espiègle de Naé, qu'il prit conscience qu'elle riait aux blagues de l'elfe.

Il écarquilla les yeux sans le vouloir, puis se rendit soudainement compte qu'il n'avait jusqu'à présent, (et pour encore il espérait longtemps) pas eu à subir une seule dispute, ni même un seul haussement de voix.

Étonné, il les fixa un moment, et vit le sourire niait qu'affichait le nain, pourtant taquiné par ses deux camarades. Étrange.

Vraiment étrange.

Mais même avec toute la volonté du monde, il n'aurait pu imaginer ce qu'il était réellement entrain de se passer...




Après trois jours passés sur la route, l'armée arriva enfin à Dunharrow. La déception des hommes fut grande, quand ils se rendirent compte du peu de renforts qui étaient venus.

Ils se mélangèrent alors à ceux qui étaient déjà là, et à ceux qui arrivaient encore derrière la longue cohorte de Medusel.

Quelques tentes furent montées, tandis que certains laissèrent celles qu'ils avaient déjà aux nouveaux arrivants.

Aragorn eut le privilège de s'en voir attribuer une pour lui seul, tandis que Naé Gimli et Legolas devaient s'en partager une.


Dès qu'il eut mangé un peu, le rôdeur partit dormir un moment, reprenant des forces pour le combat à venir, et la longue route qu'il leur restait à parcourir.


Quelques heures plus tard, lorsque la nuit était tombée depuis déjà un moment et qu'il avait récupéré un peu de sommeil, il sortit retrouver ses amis, près d'un feu, et se vit rapidement servir une chope de ... il ne savait pas quoi. Mais cela aidait à dormir quand on avait du mal à trouver le sommeil.


Il mit sa main sur l'épaule de Legolas avant de s'asseoir à ses cotés.

-Mon ami,

Celui ci releva la tête, et lui adressa un sourire.

-Vous avez pu dormir un peu ?

Le rôdeur bût une gorgée avant de répondre.

-Un moment, oui.

-Encore un cauchemar ?

Celui ci acquiesça d'un signe de tête.

-Peut être est-ce un avertissement...

Laissant sa phrase en suspens, il regarda la lumière des flammes danser sur le visage de son compagnon, avant d'ajouter ;

-J'ai un mauvais pressentiment. Au fond de mon cœur, et même derrière encore... Nous allons mourir là bas.

Le rôdeur retourna alors la tête, fixant l'elfe, et soupira, comme s'il prenait soudain conscience que lui aussi le ressentait.

-Et que pouvons-nous bien faire contre ça ?

A ce moment là, le rire cristallin de Naé résonna, en écho à la voix caverneuse du nain, qui se mit à rire à son tour, à quelques mètres d'eux.

Cela arracha un sourire aux deux hommes, leur apparaissant comme la réponse à cette question.

Après plusieurs minutes de silence, l'elfe reprit.

-Au moins savez vous qu'elle est en sécurité, à l'écart de la noirceur qui a envahit cette terre...

Comprenant tout de suite qu'il parlait d'Arwen, le rôdeur eut un sourire triste.

-Oui. Et j'en suis heureux...

-Mais elle vous manque, n'est-ce pas ?

-Terriblement. Mais c'est ce qui me console à notre sort. Je n'aurai pas à me réveiller un matin en ayant oublié sa voix. A ne pas réussir à me souvenir exactement de la couleur de ses yeux, ou à me retrouver hésiter avant de parler de son parfum. Il sourit de nouveau, tristement. Je me souviendrai d'elle jusqu'à ma fin. Je ne lui ferai jamais l'affront de l'oublier.


Le rire de l'elleth résonna de nouveau, et cette fois ci les deux hommes tournèrent la tête vers elle. Elle avait changé de partenaire et riait cette fois ci avec un des Rohirrims. Aragorn avait toujours apprécié la légèreté de la jeune femme, son entrain, et sa capacité à rire de tout.

Aussi cela lui mit du baume au cœur, de la voir de si bonne humeur, alors que la bataille approchait.

Et qu'il le savait, lui comme n'importe lequel des soldats, qu'ils ne gagneraient pas. Ils n'étaient pas assez nombreux.

Mais alors qu'il souriait, il aperçut soudain que les joues de l'elleth étaient bien plus roses que d'habitude, et que son équilibre semblait précaire, puisqu'elle semblait gênée passant d'une jambe à l'autre. Il en prit alors soudain conscience et le dit à voix haute en rigolant.

-Elle est saoule.

-Pardon ? Demanda le prince qui n'était pas sur d'avoir bien comprit.

-Elle est saoule.

N'ayant jamais vu cela, les deux hommes la suivirent des yeux alors qu'elle essaya de les rejoindre. Elle trébucha légèrement sur une pierre, ce qui renversa une grande partie du verre qu'elle tenait dans les mains, et après avoir insulté le cailloux pendant plusieurs minutes, elle se rapprocha des deux hommes qui riaient à présent, se moquant gentiment d'elle.

Elle s'assit devant eux, le sourire aux lèvres.

-Tu sais, puisqu'on va mourir... Ben je voulais te remercier, petit roi... elle se tapa la tête avec la main, balançant une grossièreté elfique (si tant est que cela existe). Je voulais VOUS remercier, MONSIEUR le Roi.

Legolas s'empêcha de toutes ses forces de rigoler, et ne réussit pas complètement, mais après tout, elle était trop saoule pour le remarquer.

Elle prit alors une grosse inspiration.

-Quelque soit l'issue de ce massacre, sachez que vous serez toujours mon Roi, et, s'appliquant à ne pas perdre l'équilibre, elle se hissa sur ses genoux, et mit la main sur son cœur. 

C'était à la fois ridicule et touchant. Il n'avait jamais été fait qu'on puisse accepter un roi qui n'était pas de sa race, et pourtant elle était la, accroupie face à lui, lui démontrant l'estime qu'elle avait pour lui.

Aragorn sourit avec tendresse, et plaça à son tour sa main sur sa poitrine.

Naé sourit, et cela lui fit perdre l'équilibre, elle se retrouva les fesses par terre. Ses joues rosirent de nouveau un peu plus, sous l'oeil rieur de ses deux camarades. Le rodeur se releva et tendit la main à la jeune femme,

-Venez, un peu de repos peut être bénéfique.

Elle se releva en s'aidant de la main qu'on lui avait tendue.

-C'est gentil à vous, mais je vais plutôt aller me chercher un autre verre, j'ai comme l'impression que celui ci est percé. dit-elle avec un clin d'oeil en s'écartant, déjà en direction de la boisson.

Aragorn allait intervenir, mais Legolas fut le plus rapide.

-Laissez moi faire.

Avant que le rodeur n'ait pu dire quelque chose, ou même lui demander comment cela pouvait-il se faire qu'il ait envie de gérer une elleth complètement ivre, et celle la en particulier, le prince avait déjà rattraper la jeune femme, et la tira par le bras.

Alors que la discussion semblait prendre une mauvaise tournure, il sourit en voyant l'elfe la jeter sur son épaule, où il la positionna comme on y mettrait un vulgaire sac de pomme de terre sous les contestations, les cris et les coups de la concernée.

-Je crois qu'on ne devrait pas s'en mêler, lui dit le nain qui s'était approché du rodeur si discrètement qu'il ne l'avait pas entendu. Surprit, il tourna la tête vers son ami, et vit que ses yeux étaient rivés sur les deux elfes qui semblaient s'enfoncer dans une tante un peu plus loin.

-Est-ce vraiment une bonne idée ? Elle n'acceptera rien venant de lui ...

Le nain éclata de rire.

-Nous verrons cela, puis il l'entraîna par la manche vers le feu, ou deux gamelles pleines les attendaient au sol.


Lorsqu'ils s'installèrent, plusieurs hommes les rejoignirent pour partager leur repas, et quelques paroles dénuées de joie ou même d'espoir.

Tous ici allaient à la mort, et semblaient en accepter l'idée.

Peut être y aurait-il quelques déserteurs le lendemain matin, mais après tout, qui pourrait les blâmer ? Une poignée de soldats ne ferait aucune différence.


Après un bon moment, lorsqu'il eut terminé son repas et qu'il en eut marre de se montrer courtois, Aragorn rejoignit sa tente, pour aller se coucher, espérant prendre un peu d'avance sur le sommeil qui le sauverait. Arrivé devant, il repensa soudain aux deux elfes, et étrangement, ressentit le besoin d'être sur que tout allait bien, et qu'ils ne s'étaient pas entretués. Il n'avait pas recroisé Legolas quand il était sorti de la tente de la jeune femme, et il eut envie de vérifier qu'elle dormait d'un sommeil tranquille, et non trop agité.

Lui même n'avait jamais vu un elfe dans un état comme celui là, elle avait vraiment du se noyer dans la boisson, ou être très fatiguée, pour en arriver là. Bien qu'il ne doutait pas un instant qu'à la vitesse où son corps guérissait, elle serait parfaitement remise le lendemain.

Il s'approcha donc de la tante de sa protégée, et, surprit par un bruit, il se figea.

Devait-il s'annoncer ?

Peut être ne dormait-elle pas, comment prendrait-elle le fait qu'il veuille s'introduire près d'elle au milieu de la nuit ?

Oh et puis après tout, il savait bien qu'elle ne lui en tiendrait pas rigueur ...

Il poussa le premier voile et entra. La chaleur qu'il y régnait aurait dû l'avertir, lui dire de ne pas continuer, mais lui aussi avait bu quelques verres, et il n'entendit pas les légers bruits qui auraient du l'interpeller.

Il poussa le second voile.

La vision qui s'offrit à lui ne dura qu'une seconde, peut être moins. Que le temps qu'il ne la comprenne, avant de s'en éloigner le plus vite et discrètement possible.

Il était normal qu'il n'ait pas recroisé Legolas finalement, puisqu'il y était toujours.

Il venait de surprendre les deux elfes, nus, Naé assise sur son ami, à se donner l'un à l'autre.

Il n'aurait jamais du voir ça, et le regrettait. Et en même temps, c'était une scène tellement emplit de ... de tendresse. Oui . De tendresse.

Mais les deux là ? Comment était-ce possible ? Ils l'avaient tellement agacé, à se mordre l'un et l'autre dès qu'ils en avaient l'occasion... il sourit pour lui même. Finalement, maintenant tout paraissait logique. Et le rôdeur alla se coucher l'esprit en paix.




Legolas sortit discrètement de la tente de sa maîtresse.

Pour une fois qu'elle s'était endormie, il ne voulait surtout pas risquer de la réveiller. Cela faisait plusieurs jours qu'elle n'avait pas réussit à fermer l'œil, et un peu de repos la remettrait sur pieds. Il aurait pu rester avec elle, d'ailleurs. La regarder dormir et partager son lit jusqu'au matin. Personne n'y aurait prêté attention. Mais il sentait quelque chose approcher.

Il ne savait pas comment, ni ne pouvait l'expliquer, mais un pressentiment l'empêchait de savourer ces instants.

Il sourit bêtement en traversant le campement, repensant aux heures qu'il venait de passer. Naé était, vraiment différente. Bien sur, il avait désiré des femmes, et puis les avait eu. Mais jamais avec cette intensité. Il aurait pensé qu'après avoir partagé son lit, cela calmerait cette envie, et qu'ils pourraient reprendre leur relation où ils l'avaient laissé. Mais c'était enfait tout le contraire. Plus il la voyait, plus il voulait la voir. Plus il la gouttait, plus il voulait la goutter. Et il se demanda soudain ce qu'il faisait là, au milieu du campement, plutôt que de profiter de cette dernière nuit avec elle.

Une brise fraîche s'engouffra dans ses cheveux, et, de nouveau il sourit.

-Ah ben quand même ! Le surprit Gimli. Ca fait un moment que je vous cherche ! Vous étiez où ? Et Naé ?

L'elfe sourit, et répondit simplement ;

-Elle dort.

-Non enfait je ne veux pas savoir. Ajouta le nain avec une mine faussement écœurée. Le Roi des elfes. De Fondcombe je veux dire, pas votre père... il est ici. Il veut voir Aragorn.

Legolas se mordit la lèvre. C'était donc cela. Il l'avait senti.

-Il se passe quelque chose. Nous devrions préparer nos chevaux. Je vais réveiller Naé.

Le nain acquiesça d'un signe de tête, puis partit à l'autre bout du camp, pour seller les chevaux.

C'était donc cela. Les Valars voulaient que le prince suive Aragorn, dans ce qui serait sans doute, une nouvelle quête. Entrant dans la tante de l'elleth, le prince la regarda dormir quelques instants, soudainement indécis.

Peut être devrait-il y aller seul après tout.

Elle avait besoin de sommeil. Peut être était-ce les Valars qui l'avaient fait tant boire ?

Pouvait-il lui demander de le suivre de nouveau vers autre chose ? D'abandonner les hommes qu'elle avait entraîné ? De les laisser se faire massacrer sans autre espoir ? Elle s'était rendue malade de n'avoir pu aider Azazel... Cela la rongerait s'il lui demandait de nouveau d'abandonner ces hommes.

Ils n'avaient jamais été séparés depuis leur rencontre, il savait que ce serait sans doute douloureux et qu'il regretterait son choix, mais tant pis. C'était bien trop égoïste de la prendre avec lui. Il savait qu'elle lui en voudrait, mais après tout qu'importe. Tant qu'elle pourrait vivre et mourir en paix avec elle même.

Il embrassa son front, délicatement, et s'enivra de son odeur, une dernière fois.

Puis il quitta la tente et rejoignit son ami.

-Et Naé ? Lui demanda le rodeur, une fois qu'ils eurent passé le passage du col.

L'elfe ne trouva d'autre réponse que celle d'hausser les épaules, sous le regard médusé de ses compagnons.





Avant les premières lueurs de l'aube, Naé ouvrit les yeux, réveillée par un frisson.

Elle tourna immédiatement la tête, et découvrit qu'elle était seule.

Tant pis. Elle en avait l'habitude après tout.

Doucement, elle se mit debout, et constata avec perplexité qu'elle avait mal à la tête. Mal dans le crane. Comme si un marteau résonnait dans ses tempes. Quelque chose qui ne lui était jamais arrivé. C'était loin d'être agréable, mais elle sourit en découvrant cette nouvelle sensation.

Après avoir ramassé ses habits qui avaient été jetés négligemment au sol, elle s'habilla en vitesse, puis sortit.

Se dirigeant vers le centre du campement, elle remarqua que tous les hommes qu'elle croisait semblaient surpris de la voir, bien que personne ne disait mot.

Elle s'approcha des chevaux, et soudain elle se figea.

Ametis était là, mais il était seul.

Azufel et Arod n'était plus attachés avec lui. Une sueur froide fit frissonner sa nuque.

Elle alla trouver Eomer, et la lueur qu'elle vit dans ses yeux quand il la vit parla à sa place.

-Alors c'est vrai ... se dit-elle, plus pour elle même.

-Ils sont partis cette nuit. Un seigneur elfe, est venu jusqu'ici pour parler au rodeur. Lorsqu'il est retourné chez lui, Aragorn est parti...

Naé resta sans voix, mais se reprit, pour ne pas montrer la colère qui montait en elle.

-Je pensais que vous seriez partie, vous aussi, lui sourit tristement Eomer. Mais merci. Votre présence redonnera un peu d'espoir à nos hommes.

-Ils en ont grandement besoin. Puis elle ajouta, Nous en avons tous, grandement besoin.

S'écartant un peu du campement qui était entrain de s'activer aux préparatifs de départ, elle s'approcha de la falaise. Elle admira la vue magnifique qu'était la sienne, sous les rayons d'un soleil naissant. Elle n'était même pas en colère. Elle était triste. Déçue de n'avoir pu leur dire au revoir. Déçue qu'ils n'aient pas estimé qu'elle mérite un au revoir. Une boule se forma dans le creux de son ventre, et elle sentit un nœud enfler dans sa gorge. Elle revoyait le visage de ses compagnons et le nœud grossissait. Jusqu'à tirer sur sa mâchoire, et sur ses lèvres. Elle ne put retenir une grimace d'inconfort. Le désespoir s'empara d'elle. Brutalement. Violemment, comme un amas de neige qu'on vous jette dans le cou. Elle eut envie de crier, mais aucun son ne sortit. Elle se concentra sur sa respiration. Se ressaisissant à chaque seconde. Quand elle sentit soudain une larme solitaire rouler sur sa joue, avant qu'elle ne l'efface d'un revers de main. Doucement, elle plaça la main sur son cœur, puis la laissa aller dans le vide.

-Puissent les Valars veillez sur vous, murmura-t-elle, à l'intention des trois disparus.

Puis, elle se remit en marche, et alla aider les hommes à démonter le camp. Elle pouvait voir dans leurs regards la surprise, puis le soulagement quand il la voyait. En moins de temps qu'il n'en fallut pour le dire, chacun était prêt à partir, et les premiers chevaux étaient lancés au galop.


Ils en auraient pour plusieurs jours, lancés à vive allure, ainsi Naé se mit à l'arrière de la troupe, silencieuse et concentrée. 


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