Le Rempart des Hommes

Chapitre 3 : Chapitre Troisième

959 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/12/2020 18:40

Le Rempart des Hommes

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Chapitre Troisième

- Ceux qui fuient et ceux qui restent -

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Les vents gelés sont là.


Désormais, en plus de la brume, la colline se recouvre de neige.


L’horizon devient blanc et le ciel gris. Les journées deviennent presque des nuits, la chaleur ayant disparu.


Les chasseurs reviennent les mains vides et l'eau du puits devient mauvaise.


Si mauvaise que Bronainnas en interdit l’accès.


Le cœur des hommes devient de glace.


Des jours sombres suivent. Plus que jamais renfermées sur eux-mêmes, la garnison sombre dans la mélancolie. Des idées noires viennent habiter leurs esprits.


Dès lors, le nouveau venu est mis à l'écart. Baurbel ne lui adresse plus la parole, recroquevillée dans la tour sous sa cape couverte de givre.


Même ses yeux refusent de le croiser.


Les nuits suivantes, le sommeil ne vient plus car des ombres approchent des remparts.


Les hommes croient en de mauvais esprits et n’osent plus s'écarter des feux.


Seul Ännaberen ose et est le seul à identifier les ombres pour ce qu'elles sont: des loups, grands, sombres, aux yeux jaunes et cruels.


Pour certains en tout cas, car ses yeux d'humains ne peuvent voir au de là de ce que les feux peuvent éclairer.


C'est alors que les ombres passent les remparts. Cette fois-ci, elles manient des armes, des lances et des haches de fer et une autre plus mortelle encore.


Les hommes de la tour sont pris de terreur et fuient. Leurs jambes les fient courir en tout sens dans un chaos total.


D'autres lâchent leurs épées au sol et se figent comme des statues.


Seul leur chef ose porter la main sur son arme.


Baurbel le suit, encoche une flèche mais ne la décoche jamais.


Une ombre se dresse contre lui, l'arme brandie, prête à lui prendre sa vie.


Alors Arbreged s'interpose.


L'arme de fer entre choque c'elle d'acier et ne prit aucun dû.


Tout en usant de sa jeune force, Ännaberen pousse un cri de guerre:


«Arrière démon! Retourne dans l'obscurité qui t'a vu naître!»


Son cri déstabilise l'assaillant qui s'évapore dans le noir. La suite de la nuit est confuse.


Elle passe et l'aube la succède.


Des funérailles l'accompagnent également.


Bronainnas du Cardolan est tombé.


Ses meurtriers s'étaient jetés sur lui. Bien que le nouveau venu s'était porté à son secours, sa colère n'avait que fait fuir les ombres.


Leur œuvre était déjà accomplie.


Il ne subsiste maintenant du capitaine rien de plus qu'un corps blanc, percé de lames.


La peur eut quelque peu quitté les hommes pour être détrônée par l’anxiété.


Ils ne savent plus quoi faire.


Sans leur chef pour les unir, ils ne tardent pas à s’entre déchirer.


Certains réclament sa succession, dont Baurbel qui de tous les prétendants rassemble le plus de partisans.


Il murmure à qui veut l'entendre que tenir cette tour n'est que folie, qu'il faut regagner le sud et même aller au de là, où les ombres et l’hiver ne les suivraient pas.


C'est juste après ses dires que des messes basses circulent sur Ännaberen.


De mauvais vents lui amènent des mots amers.


«C'est son acier qui a tué Bronainnas.»


«C'est un mesquin corbeau, qui peut dire dans quelle main son bec à picorer.»


Un corbeau.


Pour certains, c'est un bon présage, un animal qui apporte messages et nouvelles aux vivants.


Pour d'autres, et les habitants du Cardolans en font partie, il est un oiseau de mauvais augure et qui se repaît des morts.


Un vautour qui profite d'une proie à terre.


La colère le prit, si violemment et si fort qu'Arbreged peut-être tirée au prochain dire à sont sujets.


Puis la peur le prit.


Les nuits deviennent terrifiantes.


Ses compagnons le laissent, solitaire autour de son petit foyer.


Il ne ferme pas un œil, perturbée par les hurlements des bêtes.


Ses pensées et ses rêves le tourmentent et il se vit dévoré par les loups.


Plus que jamais, le corps et l'esprit à bout, il se sent seul.


Pourtant il tient toujours Arbreged.


Il ne quitte pas son poste.


Dans les jours qui suivent l'attaque, en mémoire du défunt, les hommes gardent fidèlement les leurs.


Mais plus on s’enfonce dans l’hiver plus le doute les habite.


Certains abandonnent et rejoignent Baurbel qui regroupe maintenant une vingtaine d'épées.


Un matin, alors que les loups avaient timidement hurlé au crépuscule, lui et les siens ont fui.


Noir de colère, pareille à un orage qui laisse éclater sa fureur, Ännaberen prend de force le commandement et dit:


«Je connais la peur comme vous. Je connais le doute comme vous. Pourtant je ne tourne pas le dos à mon devoir, car si oui je crains pour ma vie, je crains encore plus pour celle de ceux qui nous sont chers. Qui les défendra de ses mêmes ombres qui vous plient de terreur? Ce n'est pas en fuyant que vous le ferez. C'est ici que nous devons tenir car temps où nous serons debout, les nôtres n'auront rien à craindre. Par les rois de jadis, nul brave ne fera demi-tour et il fera face aux ombres!»


Nul ne peut dire ce qui fit changer le cœur des hommes.


Est-ce l'étonnant courage dont il fait preuve ou l'assurance d'avoir un nouveau chef?


Qu'importe, le nouveau capitaine gagne au moins, à défaut de leur amitié, leur respect.


Ainsi les hommes de la tour se tiennent prêts pour les nuits à venir.


Les plus terribles de leurs existences.

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