Porte à porte

Chapitre 4 : La porte de la mère

546 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 28/11/2015 08:37

Les traits tirés, Avacuna arpente le coteau, vers un bosquet de grands noyers disposés en cercle, qui semblent se pencher et étaler leurs ramures pour former un dôme de branches très épais. Au centre filtrent les rayons solaires à travers les larges feuilles rainurées. Elle ne doit pas pleurer.

Elle jette un regard désabusé aux parterres de plantes délicates disposés en étoile autour du bosquet, d’où émane un ruisseau rayonnant vers les parcelles périphériques. Les parterres alternent les agencements chromatiques de plantes en fleurs, les cultures potagères et les ornements végétaux. Un sens de l’ordre, caché à l’entendement humain, guide l’harmonieuse et fragile beauté des espèces sans contraindre leur envahissante vivacité. Elle ne doit pas pleurer.

Le rideau de feuilles s’écarte à son approche, en un majestueux portail frémissant de vie. Elle pénètre vivement sous la chatoyante voûte verte. A l’abri du grand air, une source y sourd doucement entre les ajoncs en glougloutant une chanson de sérénité et de renouveau. Des myriades de petites plantes multicolores végètent dans la lumière verte et dorée qui coule du dais végétal frémissant, dans la douce torpeur d’entêtants pollens. Elle ne doit pas pleurer.

Au centre de la pièce trône un arbre bossu étendant deux branches frêles mais fortement digitée au-dessus des plantations. Il lui manque les rameaux qui ont dû porter autrefois, automne après automne, les boisseaux de fruits dorés éclos pour disséminer la vie. Son écorce lisse et usée d’un brun profond, montre quelques broussins rouge vif qui évoquent presque le corps d’une vieille femme fatiguée. De grandes jarres de pierre remplies d’étranges liqueurs ambrées et vaguement lumineuses répandent des fragrances de résine et de fraise des bois. Elle ne peut pas pleurer.

La souche bosselée s’est approchée, enrobant Avacuna de sa compatissante étreinte.

Une douleur, vaste comme le front de l’auroch, fait craquer la poitrine d’Avacuna, l’angoisse ferme sa gorge. Une larme pesant au coin de son œil roule, dure comme une pierre. Elle laisse un profond sillon sur sa joue et vient, amère, se fondre au pli des lèvres. Une autre larme coule, puis une autre, toute une source charrie des diamants et, peu à peu, la fluide caresse de cette langue fond le sel de la douleur.

La dure chasseresse peut enfin abandonner sa retenue, et s’épancher dans le sein de sa mère de cœur. Les bras d’une mère, portes bienheureuses de l’enfance, sont toujours ouvertes.

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