Les Aventures de Kyo - Partie 1 : les Huit Héritiers élémentaires

Les jours suivants fondirent comme neige au soleil. Hank entraîna Kyo ardemment, repoussant ses limites à chaque exercice. Tous les soirs le jeune homme s'écroulait de fatigue et s'endormait plus rapidement que jamais. Quand enfin vint le moment de la dernière leçon, le maître d'armes proposa un duel à son élève. Les deux se mirent en position, face à face, en garde – celle de Kyo étant beaucoup plus efficace et assurée qu'auparavant. Ils firent un tour, chacun restant dans la même position par rapport à l'autre, cherchant la faille. Le jeune argilan s'élança le premier et tenta un coup d'estoc, beaucoup plus puissant que les précédents duels. Son maître esquiva tout de même vivement l'attaque, mais son adversaire l'avait prévu et dévia son mouvement vers la gauche. Hank réussit à parer du tranchant de son arme, non sans difficulté. Il constatait avec fierté les progrès de son élève, malgré la courte période de l'enseignement qu'il lui avait prodigué. Il n'en diminua pas pour autant son esprit combatif et contre-attaqua avec une attaque par le haut, que Kyo évita aisément. Ce dernier tenta un coup rapide sur le flanc droit, et le noxien ne l'évita que de peu. La vitesse et la réactivité du jeune homme avait grandement augmenté depuis leur premier duel, le maître se souvenait encore de l'impression qu'il lui avait donnée : celle d'un morceau de pierre, solide et prêt à être sculpté pour en dégager la beauté. Il balança son épée vers l'épaule droite du jeune homme, qui se baissa pour l'éviter, puis roula en arrière pour ne pas être blessé par la lame qui avait dévié vers le bas. À peine relevé il dut esquiver une pluie d'assauts de Hank. Kyo était toujours impressionné par l'aisance avec laquelle il maniait son épée, qui était bien plus lourde que sa rapière. Après quelques minutes de combat acharné, les deux adversaires étaient à bout de souffle.

- Tu dois travailler ton endurance, Kyo, lui dit le maître.

- Vous pouvez parler, répliqua l'intéressé avec un sourire. Vous êtes aussi fatigué que moi !

- Mais contrairement à toi, je me fais vieux. À ton âge j'étais cent fois plus vigoureux que toi !

- Je suis sûr que vous exagérez, répondit le jeune homme en riant.

- Bien sûr que non, fit le noxien, faussement offusqué. Bref, passons aux choses sérieuses.

Il se retourna et se dirigea vers un coffre qui semblait assez lourd pour ne pas subir les mouvements du navire sur les vagues. Il l'ouvrit et en sortit un long objet qui, lorsque Kyo le vit de plus près, se révéla être une arme d'excellente facture : le fourreau était blanc, parsemé de veines argentée et dorée. La poignée était marron, d'un cuir parfait, et la garde était couleur argent, semblable aux veines qui parcouraient le fourreau. Le pommeau était serti d'une pierre précieuse comme Kyo en avait rarement vue, même parmi les trésors de son père : une magnifique gemme rouge. Hank fit glisser l'épée hors de son étui, et révéla une lame fine, légère, pointue et tranchante : l'arme parfaite pour le jeune argilan.

- Cette arme a été forgée par l'un des meilleurs artisans de Noxus. Elle est fait des meilleurs matériaux possibles, et je peux t'assurer que, même si elle a l'air d'une arme d'apparat, elle ne se brisera ni ne s'émoussera jamais. Certains disent que les meilleurs forgerons utilisent inconsciemment la magie pour créer leurs armes et insufflent des enchantements dans leurs ouvrages, raison pour laquelle elles ne s'abîment peu ou pas. Je ne sais ce qu'il en est, mais toujours est-il que je t'en fais cadeau, de maître à élève.

- Mais...mais...c'est beaucoup trop ! Je ne peux pas accepter ! Cette arme doit avoir une valeur exceptionnelle ! parvint à dire l'argilan, sous le choc.

- Je ne m'en sers pas, et elle a précisément été conçue pour que je l'offre à un de mes élèves un jour. Comme toutes les grandes lames elle a un nom : elle s'appelle Homyo, tâche d'en être digne.

Après l'avoir rengainée, il la remit à son élève d'un air solennel.

- Votre épée a-t-elle un nom ? demanda ce dernier.

- Gisho, marmonna le noxien, mais ce n'est pas son nom d'origine.

Il commença à s'éloigner vers la porte, puis se retourna vers Kyo, encore en train d'admirer sa nouvelle rapière.

- Je te conseille d'aller te reposer, nous arriverons à Bel'Zhun dans moins de deux heures.

Moins de deux heures après, donc, le jeune homme fit ses adieux à Hank, non sans tristesse, mais il parvint à retenir ses larmes. Il connaissait le maître d'armes seulement depuis cinq jours, mais un profond lien s'était tissé entre l'argilan et le noxien. Il espérait le revoir plus tard dans son voyage, mais son maître lui avait dit qu'il continuerait à parcourir Valoran à la recherche d'élèves connaissant la vraie valeur de l'escrime.

Bel'Zhun était une ville animée, une animation que même l'invasion noxienne il y a quelques mois n'avait pu atténuer. Malgré tout, les cicatrices étaient bien présentes, et pour qui savait observer attentivement, certaines étaient encore toutes récentes. Kyo cependant, qui découvrait la ville, était inconscient de tout cela, et il voyait seulement une ville agitée aux habitants enjoués, les stands des commerçants se succédant dans le centre de la cité, avec des démarcheurs abordant les passants, principalement les visiteurs étrangers, pour leur vendre toute sorte de chose : lotion miracle, objet pratique et révolutionnaire, et autre charme protecteur... Il observait tout cela, rien ne parvenant à satisfaire son insatiable curiosité.

L'activité principale de la ville était l'élevage, en particulier celle des Mwatis, une race caractéristique de la région, ressemblant à de massives chèvres aux longs poils descendant presque jusqu'au sol. Leurs solides os permettaient de fabriquer toutes sortes d'outils, et leur épais pelage était utilisé pour confectionner de nombreux vêtements chauds mais aussi pour l'isolation des maisons, à ce qu'il avait pu voir dans les quartiers bourgeois. Les maisons étaient majoritairement faites de terre, et les nombreuses couleurs chaudes qui entouraient Kyo lui rappelaient sa propre cité. Bel'Zhun étant la ville la plus au Nord de Shurima, le climat n'y était pas particulièrement sec, ce qui lui donnait une atmosphère agréable et une quantité de nourriture plus que suffisante pour la population, mais le jeune argilan se doutait que l'apparente prospérité de la ville n'était pas la norme dans l'ancien empire du désert.

Il parcourut le centre-ville afin de récupérer des provisions pour une dizaine de jours, car il s'était renseigné sur la présence et l'emplacement approximatif des cités shurimiennes qui s'élevaient dans le désert et n'avait donc pas peur d'être à court. Il remplit également son RMP de réserves d'eau, car il se doutait que, n'étant pas habitué au climat aride du désert, il allait souffrir de la soif. Néanmoins, il prit en considération les conseils de son ami explorateur, et ne le chargea pas excessivement. La nourriture qu'il avait achetée étant prévue pour les voyageurs des dunes, elle ne craignait pas trop la chaleur et il pouvait se permettre de la laisser hors du RMP. Il entama également la réserve d'or que son père lui avait offert en achetant un dromadaire, qui accélérerait grandement ses déplacements, et rejoint une caravane de marchands de soie qui se dirigeait vers Kenethet, ville plus au Sud en bordure du désert.

Il sympathisa avec la maîtresse de caravane, une dame assez âgée au fort caractère répondant au nom de Shamara. Il apprit beaucoup de choses utiles lors d'un voyage dans le désert, même si la région dans laquelle ils se trouvaient était à peine plus chaude que sa ville d'origine. Arrivé à Kenethet, la matrone lui recommanda de ne pas aller vers le Sud, car de nombreux événements dangereux s'y produisaient récemment. Kyo répondit qu'il devait absolument retrouver une certaine jeune fille. Ces paroles réveillèrent des souvenirs chez la vieille dame, mais elle ne parvint pas à se rappeler avec précision ce qu'elles lui rappelaient.

Le jeune argilan fit ses adieux à Shamara et commença son voyage vers le Sud, vers la ville de Vekaura, cité la plus proche de l'endroit où il se trouvait.