Les Aventures de Kyo - Partie 1 : les Huit Héritiers élémentaires

Chapitre 10 : Attaque dans la jungle

2218 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 26/04/2017 12:46

Mort...noir...sombre...mort...ténèbres...Voilà ce que Kyo entendait pendant ses rêves, alors qu'il ne voyait rien sinon une obscurité constante. La voix n’était pas la même qu’auparavant : au lieu d’être claire et pure, elle évoquait plutôt cadavres et charognards. Il s'était senti ouvrir les yeux à plusieurs reprises et avait entraperçu le visage de la Shurimienne, ses épais sourcils dressés par l'inquiétude, avant qu'il ne replonge dans son délire fiévreux. Il savait que la mort était proche, à plusieurs reprises il empêcha son esprit de lui échapper à jamais – c'était une sensation étrange et, bien qu'il ne la comprenne pas, il sentait que ce n'était pas qu'une impression, que ce sentiment de lutte qu'il éprouvait avait une importance dans sa survie.

Finalement, il se réveilla. Il resta quelques minutes à fixer la canopée au-dessus de lui, éclairée par la douce lueur de l'aube. Il devait être resté inconscient jusqu'au matin, se dit-il. Il s'interrogea sur la raison pour laquelle il se trouvait dans une forêt, puis décida que cela n'avait pas d'importance pour le moment. Il ne s'était jamais senti aussi fatigué : son corps, qui avait lutté de longues heures durant contre la mort, était à présent épuisé, et l'Argilan avait l'impression d'avoir pris dix ans pendant la nuit. Il tourna la tête, cherchant sa camarade du regard, et vit que la jeune fille s'était endormie non loin de lui. Elle était couchée sur le côté, sur un lit de feuilles – le garçon nota que c'était également son cas – et ses cheveux lui couvraient une partie du visage. Il remarqua pour la première fois ses taches de rousseur, qui donnaient à la Shurimienne une apparence plus joviale, et qui laissait présumer qu’elle n’était pas plus vieille que Kyo. Son corps se soulevait doucement au rythme de sa respiration. Elle devait l'avoir veillé jusqu'à tomber de sommeil, se dit le jeune homme. Il vit également les restes d'un feu à trois pas d'eux, que sa camarade avait dû allumer pour éloigner de quelconques prédateurs.

Kyo rassembla les quelques forces qui lui restaient et se leva péniblement pour partir à la recherche d'eau et de nourriture. Il quitta la clairière dans laquelle ils avaient trouvé refuge, en essayant d’être silencieux afin de ne pas réveiller la jeune fille. Il trouva en premier lieu un petit ruisseau, et, après s'être désaltéré, il se déshabilla – ce qui consista à ôter son pantalon ainsi que son caleçon de toile, car son torse était nu, probablement parce que ses vêtements déchiquetés dans la bataille avaient été retirés par la jeune fille qui avait sans doute soigné ses plaies – avant d'effectuer une rapide toilette, pour nettoyer ses blessures. La morsure de l'eau fraîche envoya des douleurs dans sa poitrine, où son corps avait subi le plus de dégâts. Maintenant qu'il y faisait attention, il réalisa à quel point il avait été chanceux : les griffes de la bête, bien qu'elles aient profondément entaillé sa chair, n'avait touché aucun organe vital et avait « simplement » provoqué de nombreuses hémorragies, ce qui avait bien failli causer sa mort.

Il se sécha rapidement et enfila de nouveau ses vêtements. Le climat chaud et humide de la jungle faisait qu'il n'avait aucun problème à se déplacer torse nu. Il nota mentalement l'emplacement de la rivière afin d'y revenir pour boire plus tard, et se mit en quête de fruits comestibles. Il resta prudent avec ce qu'il ne pouvait identifier avec précision, évitant les espèces de poires roses qui avaient l'air de dégager une odeur enivrante pour les insectes volants car il y en avait des dizaines autour de chaque fruit, cependant dès que l'un de ces insectes se posait, il se retrouvait englué puis semblait se faire absorber. L'Argilan parvint à rassembler une dizaine de fruits qu'il connaissait, et se promit de remercier sa mère pour l'éducation assidue qu'elle lui avait prodiguée, car l'impressionnante quantité de connaissances qu'il avait accumulées au fil des ans prenait tout son sens aujourd'hui.

Lorsque Kyo arriva au semblant de campement duquel il était parti, il vit que la Shurimienne était réveillée. Leurs regards se croisèrent et celui de la jeune fille exprima du soulagement. Elle devait se demander où j’étais passé, pensa l’Argilan.

- La récolte a été bonne ? demanda-t-elle en souriant quand elle vit le petit tas de fruits que le jeune homme rapportait. Tiens, j’ai récupéré ça, poursuivit-elle en lui tendant Homyo dans son fourreau. Vu l’allure de l’arme, je me suis dit que tu devais y tenir.

- Merci beaucoup, mais le plus compliqué a été de trouver des fruits qui ne videraient pas nos estomacs au lieu de le remplir, répondit le jeune homme en attachant de nouveau sa rapière à son côté.

Sa camarade eut un nouveau sourire avant de continuer :

- Alors, monsieur l’étranger, quel est votre nom, et surtout, que faisiez-vous perdu dans le Sai à chercher Shurima ?

Ne sachant par où commencer, l’intéressé prit le temps de réfléchir avant de répondre :

- Eh bien, je m’appelle Kyo Charlie, fils du Baron Alexander Charlie d’Argilapolis. Au cas où tu ne saches pas où elle se situe, c’est une cité-État au Nord-Est du continent Sud de Valoran. Et pour faire simple, la raison de ma présence à Shurima…c’est toi.

La jeune fille le regarda, interloquée.

- D’accord, j’ai peut-être fait trop simple, reprit Kyo, avant de lui expliquer toute l’histoire.

- ... et c’est ici que tu m’as trouvé, conclut-il.

La magicienne tellurique s’adossa contre un arbre, assimilant la quantité d’informations qu’elle venait d’entendre.

- Et donc…puis-je connaître également ton nom ? l’interrogea l’Argilan.

- Oh, excuse-moi…Je m’appelle Taliyah, aussi connue comme la Tisseuse de Pierres car je viens d’une tribu de tisserands. Et j’étais justement en train de quitter Shurima avec eux quand j’ai entendu des cris de Xer’Sai plus au Sud, donc je me suis dit que quelqu’un avait besoin d’aide. Et apparemment, je n’avais pas tort.

- Taliyah…je sais que ça doit être difficile pour toi, mais veux-tu bien voyager avec moi ?

La jeune fille le dévisagea.

- Si un type rencontré il y a à peine une journée te demandait de t’accompagner pour un voyage à durée et distance indéterminées, avec un but fixé par un rêve, et qui plus est alors que tu as bien plus important à faire, qu’est-ce que tu répondrais ?

Elle se leva, se retourna et s’éloigna de quelques pas.

- Écoute…je sais que ça peut paraître fou, mais c’est vraiment important, lui dit Kyo, en essayant d’être le plus convainquant possible.

- Sais-tu pourquoi je partais avec ma famille et mon peuple ? répliqua-t-elle d’un ton sec, en tournant la tête vers lui. L’ombre de la guerre plane sur Shurima. Et je parle du pays entier. Un empereur défunt est revenu à la vie, et un mage fou veut sa mort. Bientôt, les peuples du désert s’entredéchireront, et je ne veux pas que ma tribu en soit victime. Ils ont besoin de moi, il est de mon devoir de les aider.

Elle se détourna et commença à s’éloigner.

- Taliyah… implora le jeune homme.

- J’ai besoin d’être seule.


Le jeune homme s’allongea sur le dos et s’efforça de se calmer. Il se mit à réfléchir, comme chaque fois qu’il n’était pas en action. Comment persuader Taliyah de l’aider ? Il n’avait pas d’argument à lui présenter, encore moins de preuves, et de plus elle avait un rôle important à remplir. Que vais-je faire si le premier Héritier que je rencontre refuse déjà de m’accompagner ?

Il ferma les yeux et laissa son esprit dériver, espérant trouver ainsi une idée miraculeuse.


Taliyah ne savait pas où elle en était. Elle songeait, assise sur une énorme racine d’un arbre devant être au moins centenaire. Elle appréciait Kyo, bien qu’ils ne se connaissent que depuis peu, il lui semblait honnête et amical, et son cœur semblait pur. Les épreuves rencontrées avaient sans doute contribué à les rapprocher, car on dit que l’adversité unit les humains, et ils avaient affronté en une journée plus de dangers que beaucoup de gens dans toute leur vie.

Mais, bien qu’elle sentait que le jeune homme avait l’intime conviction que sa quête était véritable, cela ne signifiait pas qu’elle l’était. Il ne lui avait pas dit posséder un quelconque pouvoir magique, ni qu’il ait fait d’autres rêves auparavant s’étant révélés être prémonitoires. Et surtout, sa tribu, ses amis, sa famille étaient en danger. Une partie d’elle voulait être auprès d’eux au plus vite, et elle avait l’impression que cette partie de son esprit essayait de s’arracher à son corps pour voler retrouver ses proches.

Tout à coup, elle entendit des branches craquer sur sa droite. Elle tourna sa tête vivement et scruta les fourrés, mais la jungle à cet endroit était trop épaisse pour distinguer quoi que ce soit. Elle se leva lentement, sans geste brusque. Soudain, une lance jaillit du feuillage, et la jeune fille ne l’esquiva que de justesse en se jetant à terre. Elle n’eut cependant pas le temps de se relever, car un félin au pelage orangé lui bondit dessus, la plaquant au sol sur le ventre. Elle sentit l’haleine chaude du prédateur sur sa nuque, avant de se débattre pour tenter de déstabiliser l’animal. Percevant un affaiblissement de la pression sur son dos, la Shurimienne pivota pour lancer un coup de poing dans la gorge de son assaillant, en essayant d’y mettre le plus de force possible, le combat à mains nues n’étant pas sa spécialité. La bête, qui ressemblait à un puma à longs crocs, relâcha sa proie et tituba, cherchant à reprendre sa respiration, car Taliyah la lui avait coupée. Cela donna un instant à cette dernière pour réfléchir à ses possibilités, mais le félin reprit vite de l’assurance et bondit une nouvelle fois sur la jeune fille. Elle voulut utiliser sa magie, mais il était trop tard. Elle tenta donc une esquive, mais le puma la griffa quand même au dos, entaillant ses habits qui avaient même résisté aux Xer’Sai. Elle chuta de nouveau, et se retourna aussi vit qu’elle put pour voir l’animal charger à nouveau. Mais avant qu’il ne l’atteigne, un cri retentit, et Kyo arriva en brandissant sa lame. Le prédateur se tourna vers le nouveau venu, mais pas assez vite pour éviter le coup d’épée qui traça une estafilade écarlate sur le flanc de la bête. Celle-ci disparut dans les fourrés.

- Tout va bien ? demanda l’Argilan, ses yeux exprimant son inquiétude.

- Oui, répondit la jeune fille, encore sous le choc, j’ai juste une griffure dans le dos, rien de grave. Mais attention, il y a sans doute un humain dans les parages, ajouta-t-elle en repensant à la lance qui l’avait surprise plus tôt.

Kyo lui tendit son bras gauche pour l’aider à se relever, et elle le prit avec gratitude. Alors qu’elle se relevait, quelque chose attira son attention derrière le jeune homme.

- ATTENTION ! eut-elle le temps de crier avant qu’un éclair de fourrure orange bondisse sur son camarade. Cependant, cette fois-ci, elle avait été assez rapide, et un rocher surgit du sol pour frapper au ventre le puma. Ce dernier fut projeté contre un arbre et s’affala au sol, inconscient.

- Tu m’as encore sauvé la mise, on dirait, dit l’Argilan en souriant. Elle remarqua seulement maintenant que de près, il faisait presque une tête de plus qu’elle.

- Pas de quoi, répondit-elle sur un ton neutre. Bon, faut qu’on aille voir si le gros matou est mort.

- On pourra peut-être le manger, répondit Kyo sur un ton égal, et la jeune fille ne sut si c’était de l’humour ou non.

Ils s’approchèrent prudemment de l’arbre où l’animal s’était écrasé, mais ce qui les attendait les laissa bouche bée.

Là où le puma était tombé, gisait une femme à la peau cuivrée et aux longs cheveux noirs, vêtue très légèrement de simples habits de peau et de fourrure.

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