Les Sims: La Famille Duchamps.
« C’est une histoire bien sympathique, malgré quelques coquilles et fautes de syntaxe. Le fond est intéressant, il y a des incohérences de langage. Je pense que tu aurais besoin d’un bêta lecteur ou d’une bêta lectrice. »
Maryline relit de bout en bout ce commentaire sur son téléphone. Hier, elle a sauté le premier pas et a osé publier le premier chapitre de sa fanfiction Sorcières Révolutionnaires. Au début, ce commentaire lui a fait un coup ; cela l’a déprimée, même. Puis, elle s’est dite que si elle ne supportait pas ça sur un site de fanfiction… comment pourrait-elle le supporter quand ses professeurs à FemmeFik la noteront ?
Elle range son téléphone dans son sac à dos et regarde le paysage défiler sous ses yeux, mettant la main sur son menton.
Au bout de plusieurs minutes, le bus la dépose enfin à l’arrêt devant l’université de FemmeFik.
En traversant le portail de l’université, elle reçoit une petite accolade dans le dos. Il s’agit de Cynthia, déjà en tenue de travail, qui lui sourit en levant un pouce en l’air tout en se dirigeant vers le jardin.
Maryline entre à l’intérieur du bâtiment et sent son cœur battre de plus en plus fort. Elle vérifie à plusieurs reprises qu’elle a bien rempli sa jauge de besoin…
Mais oui, c’est bien le cas. Elle traverse un couloir et arrive devant une porte violette.
« Salle de Sprint. »
Une boule se forme dans son ventre alors qu’elle met la main sur la poignée de la porte. Elle l’ouvre et aperçoit une salle immense remplie de tables rondes où les groupes se sont déjà formés.
Maryline cherche des yeux le numéro de son groupe. Il s’agit du groupe de sprint numéro 22, le groupe « Germaine Goldman ».
Elle circule entre les tables et arrive devant la table numéro vingt-deux, où deux filles sont déjà installées, leur nom inscrit sur une petite feuille. La première, blonde aux yeux bleus, dessine sur son cahier une espèce de carte que Maryline ne parvient pas à identifier. Elle lève la tête vers elle.
« Salut ! Je suis Annie Tartique. »
Maryline s’assoit à côté d’elle et regarde la fille en face d’elle, une maghrébine au sourire accueillant.
« Moi, c’est Salma Rehmed, mais appelle-moi juste Salma. »
« Maryline… » répond la fille Duchamps. « Je m’appelle Maryline Duchamps. »
« Enchantées, Maryline », répondent les deux filles, qui regardent autour d’elles.
Les étudiants entrent peu à peu dans la salle du Sprint, et un homme au chapeau de pieuvre accompagné d’une moustache rousse — Monsieur Sprinto — les observe avec un sourire au coin des lèvres.
Annie Tartique se frotte les mains.
« Bon sang, les garçons ne sont pas arrivés ? »
« Évidemment, ce sont des garçons », intervient Salma.
« Peut-être qu’ils habitent loin », commente Maryline en regardant vers le coin de la porte. « Quelque chose a dû les retarder… »
Salma tapote avec ses doigts. « Oui… quelque chose… »
« Ils n’habitent sûrement pas dans le coin », modère Maryline face à l’agacement de ses deux camarades.
« Non… tu penses ? Ils vivent juste à l’internat ! »
Annie rassure Maryline tout en jetant un coup d’œil à l’horloge. « On sait pas ce qui se passe dans l’internat des garçons, mais la plupart sont en retard. Nos deux garçons ne sont pas les seuls, regarde. »
Maryline regarde autour d’elle, et effectivement, la plupart des garçons entrent à peine dans la pièce. Certains ont les cheveux ébouriffés, d’autres les yeux complètement cernés, d’autres encore regardent en l’air, l’air absent, et enfin les derniers, au contraire, ont l’air trop présents.
« Je croyais que FemmeFik était une université sérieuse… » grommelle Maryline.
« Ça l’est, mais les gens en internat ont quelques épreuves en plus, et cette semaine, c’est le tour des garçons… », commente Annie.
« Et ils arrivent ? » demande Salma.
Quelques minutes passent, et Maryline se sent paralysée. Et s’ils commençaient un sprint sans leurs deux camarades ?
Annie ne semble pas partager leur inquiétude, continuant de dessiner sa carte. Elle y inscrit des noms de villes fictives, travaillant sûrement sur son univers.
Salma joue avec son stylo, attendant impatiemment l’arrivée des deux retardataires.
Enfin, ils arrivent. Deux garçons, presque en même temps, se dirigent vers la table numéro 22. Le premier, portant un t-shirt avec un croissant rouge dessus, avance timidement.
« Salut… Moi, c’est Hal Jerry. Désolé du retard, l’internat… »
« On sait », coupe Annie d’un ton autoritaire.
« Oh… » Hal baisse la tête, s’asseyant à côté de Maryline.
Le second garçon porte un complet et une valise en cuir, l’air grave et sérieux. S’asseyant droit comme un I, il se présente :
« Je m’appelle Marc Oc. Désolé du retard, chères demoiselles, mais l’internat nous a imposé une épreuve afin de tester notre résilience physique et mentale, dans le but de vérifier que nous sommes aptes au sprint, qui exercera nos capacités cognitives. »
Salma sort soudain son portable, à l’étonnement des autres.
« OK, Googsims, traduis-moi ce qu’il a dit. »
Hal joint ses deux mains. « Ça veut dire que le surveillant nous a imposé une séance de sport, le sprint physique… »
« Les salauds ! Quand je pense que ça sera notre tour la semaine prochaine », réplique Salma.
« Ouais », complète Annie, toujours concentrée sur ses cartes.
Maryline passe sa main sur son front. C’est peut-être une chance de ne pas être en internat, finalement.
DRIIING !
La sonnerie retentit comme un tambour, et le groupe se tourne vers le professeur au chapeau de pieuvre. Celui-ci les fixe de ses yeux bleus, et quand la sonnerie termine de retentir, il appuie sur une petite télécommande, actionnant une porte de métal coulissante qui verrouille l’entrée — et la sortie — de la classe.
On peut entendre des retardataires tambouriner à la porte.
« Le Sprint va commencer… Interdiction d’aller aux toilettes ou de sortir avant la fin du sprint ! Écoutez, je vais être indulgent : c’est votre premier sprint, mais sachez que ceux-ci comptent dans la moyenne, et que le meilleur groupe de sprint se verra, à la fin de l’année, récompensé. Vous êtes cinquante alors, vous pouvez être sûr que la concurrence sera rude... très rude.»
Il lève les yeux vers le projecteur et l’allume.
« AU SPRINT ! Votre histoire doit porter sur une bataille ! »
Un énorme compteur de 120 minutes s’affiche.
Maryline sent son cœur battre…
Le sprint a commencé !
Annie tourne soudain son cahier vers le reste du groupe et tourne la page, affichant une carte mentale de l’organisation du sprint. Elle se désigne comme coordinatrice et se charge de la seconde partie, chargeant Maryline de réaliser l’introduction, Salma la troisième partie, Hal la quatrième et Marc l’épilogue.
Annie pointe les noms avec ses doigts : « Voilà ! Maintenant qu’on a les rôles, on peut commencer à écrire. Moi, je propose une escarmouche, pas une bataille à proprement parler… »
Salma fronce les sourcils.
« Attends, attends ! Tu nous as déjà attribué des rôles ? »
« Oui, j’ai pensé qu’il fallait le faire avant le sprint pour gagner un temps bien précieux. » Annie précise, haussant les épaules. « Après, évidemment, au fur et à mesure des sprints, on changera les rôles pour vérifi… »
« Mais non ! Tu te prends pour qui à décider comme ça ? »
« Il faut bien que quelqu’un le fasse ! Le plus important, c’est l’histoire ! »
« Non, c’est le respect — chose que t’as oubliée en te levant. » Le ton commence à monter, et Maryline intervient timidement, du côté de Salma. « Annie, cela est vrai : on pourrait discuter ce que l’on sait faire… Pourquoi décider comme ça ? »
« Je décide pas, je gagne du temps ! »
Hal tente de parler timidement. « C’est vrai que ça clarifie… »
« Hal, te laisse pas marcher dessus ! » Salma le coupe. « On est une équipe ! »
« Mademoiselle… » Marc lit la petite feuille. « Mademoiselle Annie Tartique, bien que votre intention soit louable, et que j’admire votre volonté d’être l’alpha du groupe — ce qui, je trouve, se marie merveilleusement à votre grâce naturelle… »
Le groupe le regarde médusé.
Marc poursuit : «… Votre méthode de management est néanmoins peu orthodoxe et sape la confiance entre les collaborateurs, ce qui est un très mauvais départ. » Il jette un coup d’œil vers l’horloge. « Mais le temps tourne en notre défaveur. Afin d’en gagner, je propose de tirer au sort l’ordre d’écriture et d’appliquer cette procédure à chaque désaccord. »
Annie gonfle sa bouche, vexée.
Salma prend les feuilles des prénoms : « BONNE IDÉE ! »
Maryline tend sa trousse : « On tire au sort là-dedans. »
« Comme vous voulez », concède Hal.
On met les 4 étiquettes de prénom rapidement dans la trousse de Maryline. Celle-ci sent son cœur battre la chamade, et Hal est désigné pour tirer au sort.
Celui-ci se voit charger de l’introduction, Maryline de la première partie, Salma de la seconde partie, Annie de la troisième partie et Marc de l’épilogue.
Ils entendent soudain quelqu’un se lever — une fille essaie d’aller vers la sortie avant d’être interrompue par Sprint qui lui met la main sur l’épaule.
« On ne sort pas en plein sprint. »
« Mais je dois aller aux toilettes… »
« ON NE SORT PAS EN PLEIN SPRINT ! » vocifère le professeur, qui fait capituler immédiatement la jeune élève, qui retourne auprès de son groupe.
Maryline regarde l’horloge : quinze minutes déjà écoulées…
« Il faut qu’on trouve un sujet. Une bataille, il a dit ? »
« Je propose de conter une bataille historique, comme la bataille de Saratoga par exemple, celle-ci étant fondamentale dans l’histoire des États-Unis de Simé… » Marc est immédiatement coupé par Annie.
« Non ! Il faut une bataille qui raconte des émotions et un enjeu… Médiéval ! »
« Médiéval ?! » Salma ricane. « Tu veux revenir au temps des chevaliers et du pseudo amour courtois ? »
Hal tente d’intervenir. « Et si nous faisions une bataille historique… médiévale ? Avec des émotions ? »
Les trois autres roulent des yeux et se tournent vers Maryline, avec résignation, devant l’horloge qui tourne.
« Bon… » dit Annie. « T’as pas beaucoup parlé, toi ! »
« Heu… » Maryline sent ses dents claquer de plus en plus.
« Une bataille entre sorcières ? » lâche-t-elle, presque honteuse.
Le reste du groupe hoche la tête, après tout.
« Pourquoi pas ? » lâche Annie résignée tout comme Salma qui n’insiste pas. Marc tapote des mains.
« Le conflit est réglé alors ! »
Hal hoche la tête : « Mettons-nous au travail, Maryline quelle est ton idée ? »
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Une heure trente s’est écoulée depuis le tirage au sort. Le groupe a réussi, tant bien que mal, à démarrer son histoire et à se mettre d’accord sur un schéma commun.
Conformément aux consignes, cette petite fiction traite d’une bataille entre sorciers. Un compromis a été trouvé entre les membres du groupe : l’histoire se concentre sur le parcours d’une sorcière révolutionnaire (pour satisfaire Maryline), suivant une progression linéaire (pour satisfaire Annie) insurgée contre l’empire des Briciers lors de la bataille de Saratoga en 1777 (pour satisfaire Marc). Elle se concentre sur les émotions et sa souffrance face aux horreurs de la guerre (pour satisfaire Salma), se terminant tout de même sur une note positive (pour satisfaire Hal).
Sprinto claironne : « Plus que cinq minutes ! »
Le groupe, épuisé d’avoir écrit aussi vite, s’en veut d’avoir laissé autant de coquilles, mais ce n’est plus le temps de les corriger.
« Il faut trouver un titre ! » Salma panique. « Un titre, n’importe lequel ! »
« Pourquoi pas Arcane ? » propose Maryline, posant son stylo.
« Non, trop stylé ! » tempête Salma.
« Bataille de Sorcières ? » propose Annie, relevant l’une de ses mèches de cheveux.
« Trop explicite ! » coupe Salma.
« T’avais dit n’importe lequel… » grommelle Annie.
« Affrontement au seuil de l’Histoire : La route vers l’indépendance ! » s’enthousiasme Marc.
« Trop pompeux ! » proteste Salma.
« Heu… » Hal réfléchit. « J’ai pas d’idée… »
DRIIIINGG !
« NON ! » crie le groupe en même temps, alors que Sprinto se met à ramasser les copies des sprints avec un sourire non dissimulé.
« Votre premier sprint ! C’est toujours émouvant ! »
Certains élèves n’entendaient pas de cette oreille : leur jauge de besoin était tellement basse que certains avaient faim, d’autres manquaient de s’uriner dessus.
« Aucune préparation chez ceux-là », peste le professeur.
Il arrive vers la table vingt-deux et tend la main pour prendre les copies.
Salma pose ses mains dessus : « MONSIEUR, ON N’A PAS DE TITRE ! »
Sprinto éclate de rire : « Il n’y a pas de titre pour les fictions de sprint, afin d’éviter d’influencer le correcteur. C’est juste votre numéro de table. »
Le groupe se regarde les uns les autres, dépité.
Le professeur les réconforte néanmoins avec une parole chaleureuse :
« Si vous en étiez à réfléchir à un titre, c’est bien : vous prenez le sprint au sérieux. Soyez satisfaits, jeunes gens. »
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Le groupe vingt-deux est assis à la même table à la cafétéria. La plupart ne se sont pas parlé depuis la fin du sprint, si ce n’est des mots de politesse. La cafétéria est plutôt cozy, avec des couleurs vives.
Aujourd’hui, c’est spaghettis bolognaise, ce qui remplit rapidement les besoins des élèves et des professeurs.
Maryline est assise à côté d'Hal, qui jette de temps en temps des coups d’œil vers elle, suivi de Salma, en face d’Annie, qui s’amuse à jouer avec ses spaghettis, pendant que Marc mange la nourriture avec une révérence presque religieuse.
Maryline jette de temps en temps un coup d’œil vers la salle des professeurs pour voir si elle n’aperçoit pas Cynthia manger avec sa tutrice, mais ne l’aperçoit pas.
Salma décide de briser le silence : « Dites... »
« Hum ? » Maryline lève la tête.
« Vous venez d’où, vous ? »
« Pourquoi ces questions ? » grommelle Annie.
« Pour faire la conversation ! Il faut bien se connaître ! » réagit vivement Salma.
« Bah, commence-toi ! » tempête Annie.
Salma tape sur la table : « Bien ! Si c’est ce que tu désires ! Je viens de Syrakie et j’étudie ici afin d’obtenir un diplôme et devenir professeure dans mon pays ! »
Annie hoche la tête puis sans un mot reprend son repas.
Marc la coupe immédiatement.
« Moi, je viens du Royaume-Uni de Stim. Je suis le fils du duc Armand de Oc, président de l’entreprise Micronateur. En tant que futur président de Micronateur, je suis appelé à succéder à mon illustre père dans ses fonctions auprès de Sa Majesté, et il a été estimé que je devais élever mon niveau culturel afin d’élever le niveau de ma famille et de mon royaume. »
Tout le monde autour de la table s’arrête de manger, le regardant.
« Mais... » Maryline met la main devant sa bouche.
« Qu’y a-t-il ? » Marc lève un sourcil et claque des doigts. « Oh ! Vous vous demandez pourquoi je ne porte pas mon titre ? C’est parce que le règlement de FemmeFik impose l’égalité entre citoyens et noblesse. Cela me va : c’est par mes compétences et mon capital culturel que j’élèverai mon royaume. »
« C’est... » Maryline déglutit. « ...noble. »
« Woah... » Hal regarde vers son assiette. « Moi, je veux juste devenir journaliste... »
« Mais c’est très bien, journaliste », commente Maryline. « Moi, je veux devenir écrivaine tout en étant professeure ici à FemmeFik. »
« Vous avez du courage ! » s’enthousiasme Marc. « Je suis content d’être aux côtés de personnes aussi ambitieuses et déterminées ! Nous sommes de la même trempe ! »
Il tourne son regard vers Annie, qui continue de manger sans être intervenue dans la conversation.
« Et vous, belle demoiselle ? »
Annie lève rapidement les yeux vers eux, froidement. « Je veux devenir directrice d’une maison d’édition. »
Maryline, comme les autres, hoche la tête.
« C’est très sympa, Annie ! J’espère qu’on aura une bonne note au sprint ! »
Annie lève un sourcil sans adresser un sourire, ce qui déçoit Maryline. Peut-être qu’un jour, cela viendra…
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La journée est terminée. Maryline sort de l’université après quelques heures de cours. Le soleil éclaire l’allée, elle aperçoit Cynthia déjà assise au loin à l’arrêt de bus. Elle s’apprête à la rejoindre, lorsqu’une main se pose sur son épaule.
C’est Salma qui lui adresse un sourire : « Maryline ! Je voulais te parler. J’aimerais bien avoir ton numéro ? »
« Pourquoi ? » demande Maryline.
Salma met les doigts sur sa bouche.
« Bah... ça te dit qu’au lieu de faire semblant de trouver des points communs superficiels, on évite tout ça et qu’on devienne amis tout de suite ? En plus, ton titre Arcane était vraiment bien ! »
Maryline sourit jusqu’aux oreilles. « Bonne idée ! »
Cynthia, toujours à l’arrêt de bus, aperçoit au loin sa grande sœur discutée avec Salma et se contente de ce petit commentaire : « Maryline s’intègre comme mes abeilles dans sa nouvelle ruche ! »