Un combat de tous les instants

Chapitre 63 : Retour en dimension X

3066 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/05/2020 21:05

- Voilà tout ce qu’on a pu trouver, annonça Casey. J’espère que ça suffira.

Il déposa aux pieds de Marianne le matériel médical qu’il avait réussi à se procurer avec Donnie en fouillant les différents appartements des immeubles voisins. Il y avait beaucoup de désinfectant, de nombreux bandages et quelques cachets anti-douleurs, périmés pour la plupart, mais c’était à peu près tout.

- On fera avec... marmonna la jeune femme. Botticelli, tu peux t’occuper d’Alligator Sky ?

Elle désigna Leatherhead, qui gisait non loin de là, aux côtés de Slash. La tortue géante arborait des plaques de métal tordues, que Marianne avait soudées à sa carapace afin de la consolider et de l’aider à se réparer plus vite, même si le temps serait le seul véritable remède aux lésions causées par Shredder.

- C’est que... Il a tendance à... gloups... m’attraper par... hic... la tête, bredouilla Donnie. Mikey sait mieux s’y prendre que moi avec lui.

- Mais je ne sais pas soigner une blessure, répliqua l’intéressé.

- De toute façon, j’ai pensé à tout, fanfaronna Casey. Dis-moi merci, poto.

Il ramassa parmi le tas de matériel une bouteille en verre, qu’il lança à Donatello. Celui-ci l’attrapa de justesse, et un rapide regard sur l’étiquette suffit à lui faire pousser un soupir de soulagement. Du chloroforme. Et il en restait assez à l’intérieur pour endormir n’importe qui, même un mastodonte comme Leatherhead.

Le crocodile était à demi-conscient lorsque Donnie s’approcha de lui, après avoir versé une généreuse quantité de liquide sur l’une des compresse qu’April avait ouverte pour lui. Il n’émit aucune protestation quand le ninja répandit l’anesthésique autour de ses narines, et ses paupières ne tardèrent pas à se fermer lourdement.

La peau dure de Leatherhead lui avait probablement sauvé la vie, car si la blessure que Shredder lui avait infligée au flanc avait été plus profonde de quelques centimètres, ses organes vitaux auraient certainement été endommagés. Comme ses écailles étaient trop solides, Donnie ne pouvait envisager de coudre sa plaie. Il devrait donc se contenter de la bander, en espérant qu’elle ne serait pas trop longue à cicatriser.

Il avait à peine commencé qu’un grondement sonore et menaçant lui parvint. Il recula précipitamment, convaincu que le chloroforme avait déjà cessé de faire effet, mais il constata que Leatherhead était toujours profondément assoupi. Le son qu’il avait entendu provenait de sa droite.

- Tu es sûre que tu ne veux pas un anti-douleur ? insista April.

- Hors de question ! répliqua Marion. Je n’en ai jamais pris, quelles qu’aient été mes blessures, et je ne vois pas pourquoi ça devrait changer aujourd’hui.

- Parce que tu n’as jamais eu le visage lacéré par un tigre mutant ?

La rouquine tenait entre ses mains deux compresses gorgées de sang, que Marianne avait utilisées pour désinfecter le visage de sa sœur. Elle venait de piquer une aiguille dans sa chair, mais Marion, sous l’effet de la souffrance, n’avait pas réussi à étouffer son cri.

- Peuh... fit-elle avec dédain. J’ai vu pire.

April en doutait, et la grimace sceptique de Marianne la conforta dans son idée, à moins que l’adolescente ne fasse tout simplement référence à son épaule et au handicap avec lequel elle avait dû vivre des semaines durant.

- Au moins, maintenant, ta tronche est assortie à ton caractère, commenta Raphaël.

- Quelqu’un peut lui en mettre une de ma part ?

- Arrête de bouger ! ordonna Marianne en donnant une claque à l’épaule de sa cadette. Tu veux que je te raccommode de travers ou quoi ?

- Ça pourrait difficilement être pi... Aïe !

Raphaël foudroya Mikey du regard après que celui-ci eut abattu l’un de ses nunchakus sur son crâne. Marion lui adressa une œillade emplie de fierté, puis cessa de s’agiter pour laisser sa sœur s’occuper de ses estafilades. Marianne l’avait déjà prévenue à l’instant où elle avait posé les yeux sur son visage : elle resterait probablement marquée à vie, quoiqu’elle fasse. Son aînée ne pouvait que permettre à la chair de se refermer au mieux, et ainsi limiter les risques d’infection.

Marion avait accueilli assez sereinement la nouvelle de sa défiguration. C’était à peine si cela la navrait. Elle n’avait jamais été particulièrement jolie et n’accordait que peu d’attention à son apparence, ce qui n’avait de toute manière plus aucun sens depuis qu’il ne restait à New York que des cerveaux à tentacules et des mutants. Contrairement à sa blessure au bras, qui l’avait abattue, elle se moquait de celle-ci. Sa seule et unique crainte avait été de perdre la vue, et puisque Marianne l’avait rassurée à ce sujet, elle ne redoutait plus rien.

- Qu’est-ce que vous allez faire ? demanda Léo à Rahzar, tandis que les soins se poursuivaient. Slash et Leatherhead vont avoir besoin de se remettre de leurs blessures, or Shredder...

- Shredder a été blessé, lui aussi, rappela Casey. Son bras ne va pas se ressouder en un claquement de doigts, et celui de Tiger Claw a encore moins de chance de repousser. Je crois qu’ils vont se tenir tranquille un petit moment.

- Rien n’est moins sûr. Et même si c’est le cas, Shredder risque d’être d’autant plus déterminé à se venger le moment venu. Vous ne pourrez pas vous battre sur deux fronts à la fois à trois seulement, même avec un contingent d’androïdes pour vous aider.

- Qu’est-ce que tu proposes ? grogna Rahzar. Notre seule porte de sortie face à Shredder, c’est la dimension X, or si on vous suit là-bas, qui se chargera de détruire les infrastructures kraangs ici ?

- Il n’a pas tort, souligna April. On était tous d’accord pour dire que la mission à accomplir sur Terre est au moins aussi importante que celle à mener en territoire kraang.

- Qui l’accomplira s’ils se font tous tuer ? objecta Léo.

- Elle est en quoi, l’armure de votre Détrousseur ?

- Pardon ?

Tous les regards convergèrent vers Marianne, qui n’avait pas détourné les yeux de Marion au moment de s’exprimer. Elle continuait à recoudre avec flegme le visage de sa cadette, tandis que celle-ci serrait les dents.

- Son armure... Il porte bien une armure en métal, non ? C’est du moins ce que j’avais cru comprendre.

- Euh... Oui, c’est vrai, mais... Elle est résistante, c’est à peu près tout ce dont je suis sûr. En quoi ça t’intéresse de le savoir ?

- Pour fabriquer une arme électromagnétique qui réagirait au contact de sa cuirasse et permettrait de le neutraliser, au moins en partie. Il y a assez de matériel ici pour que je puisse concevoir quelque chose du genre, mais il va me falloir plus de précisions.

- L’une de ses protections est tombée quand je l’ai atteint avec la masse de Slash, se remémora Marion. Elle doit toujours être sur le toit.

- On a déjà tenté la bombe électromagnétique, rappela Léo. Et ça n’a pas fonctionné.

- Parce que ta petite amie s’est interposée, rétorqua Raph. C’est elle qui a repoussé Shredder de notre ligne de tir, ce jour-là. Pourquoi on n’a jamais réessayé, d’ailleurs ?

- Parce que c’est plus souvent Shredder qui nous est tombé dessus que l’inverse, par la suite, souligna pertinemment Mikey.

- Ramenez-moi ce morceau d’armure, ordonna Marianne. Je m’occupe du reste.

***

L’aube se levait sur New York. Les tortues, les humains et les Mutanimaux s’étaient reposés à tour de rôle durant le reste de la nuit, à l’exception de Marianne. Donatello lui avait pourtant proposé de la remplacer un peu, se sentant capable de participer à la fabrication d’un pulsateur électromagnétique, mais elle avait refusé. Elle estimait qu’elle irait plus vite si elle s’en chargeait.

Marianne ne se souvenait même plus de sa dernière nuit de sommeil. Ces derniers temps, à North Hampton, elle avait privilégié les micro-siestes au repos prolongé. De toute façon, son cerveau répugnait à la stagnation. Même quand elle dormait, une part de son esprit restait fonctionnelle et continuait à réfléchir. C’était le fardeau de son génie : elle ne pouvait jamais totalement lâcher prise.

Les machines avaient fonctionné des heures durant, jusqu’à ce qu’il ne reste plus assez de matériaux en réserve pour poursuivre l’usinage des Foot-bots. Le résultat était nettement supérieur à leur espérance : plus de cent vingt androïdes avaient été conçus. Les Mutanimaux en garderaient la moitié, tandis que les soixante autres partiraient pour la dimension X.

- On ne peut pas rester ici plus longtemps, déclara Raph en voyant les premières lueurs de l’aurore s’engouffrer dans le bâtiment. J’ai un mauvais pressentiment. Comme si quelque chose risquait de nous tomber sur le coin de la figure dès que le soleil serait suffisamment haut dans le ciel.

- Pour le moment, je ne perçois aucune menace, mais je ne suis pas rassurée non plus, reconnut April. Quel que soit l’état de Shredder, ça m’étonnerait qu’il nous laisse squatter indéfiniment son usine.

- On devrait tout faire péter avant de partir, suggéra Casey. Comme ça, il n’aura plus aucun moyen de fabriquer des Foot-bots, après ça.

- Avec quoi ? On n’a pas d’explosifs.

- En poussant les moteurs au maximum, on fera surchauffer le système, provoquant une réaction en chaîne qui se conclura par une déflagration assez puissante pour anéantir le bâtiment, énonça Marianne. J’avais déjà anticipé cette éventualité.

Les autres ne prononcèrent pas un mot. Même si, souvent, la condescendance de la jeune femme les agaçait prodigieusement, force leur était d’admettre qu’elle avait généralement réponse à toutes les questions qu’ils ne s’étaient même pas encore posés.

- Vous êtes vraiment sûrs que vous ne voulez pas qu’on vous aide à trouver une cachette digne de ce nom, avant de quitter la Terre ? demanda Mikey à Rahzar.

- Personne ne nous a encore localisés à la station d’épuration, et dès que Leatherhead sera un peu remis, on cherchera une ou deux options de secours.

Le crocodile était toujours mal en point. Michelangelo lui avait fait boire beaucoup d’eau, et Donnie avait changé son bandage à deux reprises, jusqu’à ce qu’il commence à perdre moins de sang. Il était à peine en état de marcher, pourtant il le faudrait bien. Casey avait localisé une bouche d’égout non loin de l’usine : il ne restait plus qu’à espérer pour eux qu’ils parviendraient à regagner leur repaire sans encombre.

Heureusement, Slash, contrairement à Leatherhead, n’aurait pas besoin d’être soutenu tout le long du trajet. Il grimaçait à chaque mouvement, car cela réveillait la douleur de sa carapace brisée, mais au moins, il pouvait se déplacer seul. Pour ce qui était de combattre, en revanche...

- Espérons que ça suffira à neutraliser Shredder, commenta Rahzar en observant l’arme magnétique à laquelle Marianne apportait les derniers ajustements.

- Reste Tiger Claw, souligna Léo.

- Cette sale boule de poils... J’ai bien l’intention de lui faire un jour cracher ses neufs vies l’une après l’autre.

Le silence retomba dans la salle, et plus personne ne prononça un mot jusqu’à ce que Marianne eut achevé son ouvrage. Elle se passa une main sur le visage, car ses yeux la picotaient un peu en raison de la fatigue, puis tendit l’objet qui avait une vague forme de pistolet auquel on aurait greffé un taser à Rahzar. Celui-ci émit un grognement en guise de remerciement.

- Bon, lâcha Donnie. C’est donc ici que nos chemins se séparent. Merci à vous, les gars, et bonne chance.

- Pas de quoi. On est tous dans le même bateau, désormais.

Rahzar échangea une poignée de main guindée avec le ninja au bandeau mauve, tandis que Mikey étreignait, les larmes aux yeux, un Leatherhead dont l’esprit semblait encore un peu embrumé par la quantité de chloroforme que Donatello lui avait fait inhaler. Le reste des adieux fut brefs. Qu’auraient-ils pu se souhaiter d’autre que de rester en vie et de réussir ?

Les tortues escortèrent les Mutanimaux et leurs Foot-bots jusqu’à la bouche d’égout, Leatherhead traînant les pattes, calé sur l’épaule de Rahzar, pendant que Marianne planifiait la surchauffe du système.

- À partir du moment où j’abaisserai cette manette, nous aurons quatre minutes pour franchir le portail. J’ai programmé des coordonnées qui me semblent à peu près sûres, si tant est que le mot sûr ait un sens en dimension X... Par mesure de prudence, le mieux serait tout de même de le franchir deux par deux, et d’intercaler les robots entre nous.

Mikey offrit immédiatement sa patte à Marion, qui marqua une hésitation en observant Raph à la dérobée. Elle s’apprêtait malgré tout à s’en saisir quand le ninja orange se retira de son propre chef pour s’associer à Donatello. Casey et April se placèrent côte à côte, pendant que Marianne, par défaut, proposait à Léonardo d’ouvrir la voie avec elle.

- Pas question, coupa Mikey. En dimension X, c’est moi le preum’s.

La jeune femme soupira. Elle avait presque oublié ce détail, mais un coup d’œil appuyé de Donnie et de Marion l’incita à ne pas protester. Elle fit donc signe à Michelangelo d’approcher et lui montra quel bouton presser pour activer le portail. Elle recula ensuite jusqu’à la table de commande, où elle posa sa main sur le levier qui provoquerait la destruction du site.

- À mon signal... Maintenant !

Elle actionna la manette à la seconde où Mikey ouvrait le passage transdimensionnel. Donnie et lui s’y engouffrèrent avec une quinzaine de Foot-bots, suivis de près par Casey, April et un second contingent d’androïdes. Marion, Raph et leur troupe vinrent ensuite, tandis que Léonardo, Marianne et les robots restants fermaient la marche.

Ils atterrirent sur une petite plateforme, à première vue déserte. La rousse avait admirablement bien calculé ses coordonnées, mais personne ne lui en fit le compliment, et elle ne s’en soucia guère. Elle n’avait jamais eu besoin qu’on la félicite pour savoir qu’elle faisait du bon travail. Elle était assez intelligente pour le constater par elle-même.

L’atmosphère était toujours saturée de cet épais brouillard nauséabond propre à la dimension X, et rien ne paraissait avoir changé depuis leur dernière visite. L’univers des Kraangs était toujours aussi étrange et menaçant. April réprima un frisson. Elle n’aimait pas cet endroit, auquel elle était liée malgré elle.

- Tu sens quelque chose ? lui demanda Casey.

- Non, rien. Enfin, rien qui nous menace dans l’immédiat, mais nous sommes en plein territoire ennemi, alors je suis loin d’être sereine.

- Où est-ce qu’on va, maintenant ? lança Marion à sa sœur.

- Il y a plusieurs infrastructures kraangs dans les environs, mais aucune ne sera facile à prendre, même avec les robots.

- On pourrait voler un technodrome, comme la dernière fois, suggéra Mikey.

- Les technodromes ne viennent pas dans cette partie de la dimension X, c’est pour ça que je la considère comme à peu près sûre. Les plateformes sont trop rapprochées les unes des autres. Un vaisseau de cette taille ne pourrait pas évoluer aisément parmi elles, d’autant que les Kraangs sont loin d’être des as en matière de pilotage.

- Qu’est-ce que tu suggères ? s’enquit Donnie.

- On fait le plein de cristaux explosifs et on fonce dans le tas !

Bien que la question du ninja mauve soit adressé à Marianne, ce fut Michelangelo qui se chargea de répondre. Marion, Raph et Casey approuvèrent vigoureusement son plan et, à la surprise générale, la rousse ne le rejeta pas d’office. Elle balaya le ciel verdâtre des yeux pendant plusieurs minutes, jusqu’à ce que Raphaël, perdant patience, se résigne à lui demander ce qu’elle cherchait.

- J’ai dit qu’il n’y avait pas de technodromes ici, pas que la zone n’était pas fréquentée.

- Donc tu attends que ces sales bestioles visqueuses nous tombent dessus, c’est ça ? Pourquoi ? À quoi est-ce que ça va nous avancer ?

- Aurais-tu peur d’un petit combat, Machiavel ? Toi qui as tendance à cogner d’abord et réfléchir après ?

- Marianne, mes frères et ta sœur ont affronté Shredder, intervint Donnie. Ils ne sont pas tout à fait remis, et...

- Je ne suis pas une experte en art martiaux, ni en stratégie militaire, coupa la jeune femme, mais je sais une chose : il suffit parfois d’une seule bataille pour gagner la guerre. Et ce qu’il nous faut, c’est un comité d’accueil.

D’un mouvement de la tête, elle désigna une soucoupe furtive qui venait juste de se matérialiser à l’horizon, escortée par une nuée de nano-vaisseaux, à bord desquels ne se déplaçait qu’un seul kraang. Marion jeta un regard interrogatif à sa sœur, qui lui fit signe de dégainer son épée.

- On va foncer dans le tas, approuva-t-elle. Mais à ma manière.

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