Miraculeux Décembre

✲ Cher journal,

Finalement, j'ai enregistré mon vote sur le Ladyblog, bien que je doute qu'il ait changé quoi que ce soit. […]

Vendredi soir, alors que de la neige a envahi le ciel de la capitale, mon père requiert mon aide pour boucler les livraisons de bûches. Je râle un peu, mais qu'est-ce que je ne ferais pas pour lui prêter main forte en cette période magique. Un court instant, j'hésite à envoyer un message à Luka. Peut-être qu'il peut m'aider avec son vélo de livraison. Je secoue doucement la tête en sortant de la boulangerie, un énorme sac réfrigérant sur le dos et une liste d'adresses à la main.

Si Luka connait désormais mon identité secrète, alors ce serait une erreur de le voir plus que nécessaire...

- « Bon sang Tikki, qu'est-ce que je dois faire ? »

Dissimulée dans ma bourse, mon kwami entrouvre légèrement le fermoir en métal pour dégager sa petite tête.

- « Je suis désolée Marinette. Mais ton identité doit rester secrète à tout prix ! »

Ses yeux brumeux renforcent mes inquiétudes. C'est bien ce que je pensais. Mes jambes me guident naturellement vers la première destination, à quelques rues de la boulangerie. J'y dépose ma première livraison en échange d'un sourire d'une vieille dame, puis repars dans l'autre sens.

Luka est un garçon formidable, je ne peux pas le nier. Et même si Adrien s'est totalement perdu dans ses sentiments, je ressens toujours cette forte attirance quand il est dans les environs. Mais s'il est tombé amoureux de mon alter-ego, qu'est-ce qui m'assure qu'il ne découvrira pas mon identité, lui aussi ?

- « Dans ce cas, je devrais renoncer aux deux... » Je soupire, les bras ballants.

Ma liste m'enfonce plus profondément dans la ville. Je n'emprunte que des axes fréquentés, à la fois pour éviter des coins malfamés, mais aussi pour profiter de la frénésie de Noël. Les étales lumineuses, l'odeur de chocolat et les décorations de rennes et autres bonshommes de neige ont bâti leur empire à chaque coin de rue. Noël est une période que j'affectionne tout particulièrement. On a l'impression que cette date réserve à tous une surprise qui changera notre vie. Cette année, je prie pour qu'elle soit à la hauteur de mes espérances.

- « Merci, Mademoiselle Dupain ! »

La dernière bûche a trouvé refuge chez d'un commerçant bien connu de mon père. Nous échangeons un sourire et je rebrousse lentement chemin. Mon téléphone affiche vingt heures. Plus que quatre petites heures et le sondage sera terminé. Je bouillonne intérieurement. Pourquoi un truc aussi stupide me préoccupe-t-il à ce point ? Ce n'est pas comme si les fans du Ladyblog allaient décider de mon futur petit ami !

- « Cataclysme ! »

Je me fige. D'où provient ce cri ? Le cœur palpitant, je m'agite dans tous les sens. Un akuma ? Pourquoi n'ai-je rien entendu ? Pourquoi les médias ne font-ils pas sonner l'alarme de mon téléphone ? Un peu aléatoirement, j'accélère le pas, à l'affût du moindre bruit suspect.

Puis, quand je détecte la provenance du cri, je m'arrête.

Au beau milieu d'une place touristique, Chat Noir fixe intensément une affiche placardée à la base d'un lampadaire. Les gens autour l'observent en chuchotant. La réaction du super-héros les étonne. Moi aussi, je suis surprise de le voir ainsi. Ses traits sont froncés et sa poitrine se soulève et s'abaisse comme s'il avait couru un marathon.

Sa cible ? Un poster de lui aux côtés de Vipérion surmontés d'inscriptions invitant aux votes sur le Ladyblog.

- « Je rêve... » Je râle en constant que les murs avoisinant en sont tapissés.

Le sondage d'Alya prend plus d'ampleur que je ne l'aurais cru et je doute que ma meilleure amie l'ait prédit. Cependant, la griffe de Chat Noir demeure suspendue au-dessus de l'affiche. Il semble vouloir la graver dans sa mémoire avant de la détruire. Son comportement m'inquiète, je m'avance doucement dans sa direction pour ne pas le brusquer.

- « Chat Noir ? »

Ses oreilles se tendent et son visage se tourne brusquement vers le mien. Ses traits se détendent immédiatement et ne transparaissent que de la surprise. Je m'attends à ce qu'il m'explique la situation, mais rien ne vient.

- « Est-ce que tout va bien ? »

Sa lèvre inférieure se met à trembler. Chat Noir jette des coups d'œil aux curieux amassés à quelques mètres de nous.

- « Je... »

Au fond, je comprends ce qu'il ressent. Chat Noir n'a jamais caché son attirance pour Ladybug et le voir confronté ainsi à un autre garçon n'est certainement pas confortable pour lui. Compatissante, je lui adresse un petit sourire et m'approche du poster.

- « Ces trucs sont stupides. »

D'un coup sec, je la détache et la roule en boule pour la lui présenter.

- « Cataclysme ? » Je souffle, sentant des dizaines de regards se poser sur moi.

Chat Noir se détend, je perçois même l'esquisse d'un sourire au coin de ses lèvres. Sa griffe frôle le papier qui se décompose dans la seconde.

- « Ce sondage ne vaut rien, pas vrai ? »

Sa question me crève le cœur tant sa voix est suppliante. Je m'empresse d'approuver ses dires.

- « Tout le monde sait que c'est toi le plus chat-rmant de toute façon. »

Il éclate de rire, sûrement à cause de la pression. Son miraculous bipe pour la première fois, mais il ne semble pas d'en accommoder.

- « Je ne savais pas que tu étais aussi drôle, Marinette. Tu m'avais caché ça. »

Je lève les yeux au ciel quand il sépare la distance entre nous pour s'emparer de ma main.

- « Puis-je ramener notre nouvelle humoriste chez elle pour la remercier ? »

Au vu du chemin qu'il me reste pour rentrer à la boulangerie, j'accepte avec plaisir. Il ne lui en faut pas plus pour enrouler son bras dans le bas de mon dos et de hisser son bâton direction les airs.

- « Il fait froid là-haut. » Je geins alors que la brise se fait plus fraiche encore.

- « Ne t'inquiète pas, un cœur comme moi aura vite fait de te réchauffer ! »

- « Je crois que je préférerais encore une couverture ! »

D'ici, son visage s'entoure d'une auréole de lumière, lui donnant de faux airs d'ange. Je pouffe à cette pensée et attire son regard suspicieux.

- « Tu as de la chance que je sois assez gentil pour raccompagner une demoiselle en détresse aussi peu reconnaissante. »

Etant donné que nous sommes à plus de vingt mètres d'altitude et que je tiens à ma vie, j'acquiesce sans réfléchir. Chat Noir franchit les quelques kilomètres qui nous séparent de ma terrasse puis me dépose délicatement sur le sol. Sa main s'attarde sur ma hanche, mais je ne rétorque rien.

- « Eh bien merci. » Je réponds, ironiquement.

- « Je t'en prie. J'espère obtenir un vote de ta part du coup. »

Devant son visage subitement sérieux, je me fonds dans le silence. Comment sait-il que je n'ai pas encore voté ? Ses yeux verts se plissent alors qu'il se met à rire.

- « Je plaisante, Marinette. Tu votes pour qui tu veux. Ce sondage est stupide, tu as raison. Ladybug ne va pas choisir l'un de nous sur base des votes, n'est-ce pas ? »

Il cherche dans mes yeux une quelconque réponse qui le rassurerait. Après tout, il était sur le point d'utiliser son cataclysme pour détruire l'image de son affrontement contre Vipérion. Son débit de paroles rapides trahit son appréhension des résultats.

- « Chat Noir.

- Oui ?

- Il n'y a qu'une personne à qui tu dois poser cette question, et ce n'est ni aux fans, ni à Vipérion, ni à moi. »

Ma voix tremble sur mon dernier mot, mais il ne l'a manifestement pas remarqué. Malgré le froid qui me frappe les joues, je me pose contre la barrière en métal et balaie du regard le paysage éclatant de la capitale. Chat Noir m'imite. De toute évidence, il n'est pas près de partir.

- « Tu peux aller voir les résultats pour moi, s'il te plait ? »

Je pousse un soupir bruyant mais obtempère. Munie de mon téléphone, j'entre l'adresse du Ladyblog et navigue à travers le site, à la recherche du sondage. Cette page est certainement l'une des plus visitées de la journée. Mes yeux captent l'information, je glisse ensuite mon pouce sur l'écran quand il se penche au-dessus de mon épaule.

- « Hé !

- Qu'est-ce que ça changera si tu ne gagnes pas ? »

Chat Noir arbore une moue, étrangement familière, mais à qui ?

- « Eh bien, je me verrais dans l'obligation d'affronter celui qui ose voler le cœur de ma belle. »

Au timbre de sa voix, j'ignore s'il plaisante ou pas. Quoi qu'il en soit, en tant que gardienne, je ne tolèrerai pas un combat entre deux porteurs de Miraculous, d'autant plus pour une raison aussi futile.

- « On dirait que tu es fâchée.

- P-Pas du tout !

- Mais si je gagne... Je prouverais à tout Paris qu'ils ont eu raison de croire en mes sentiments pour Ladybug. »

Sa détermination et sa sincérité me font tourner la tête, je souffle du nez et dévie mon attention vers la lune, dissimulée derrière un amas de nuages.

- « Il reste encore trois heures, Chat Noir, tout peut encore changer. »

Et, tout en ignorant ses plaintes, j'enfonce mon téléphone portable dans la poche de mon pantalon.

[...]

Un sourire distrait s'efface doucement de mon visage quand j'observe le résultat sur l'écran.

Vipérion 55 % Chat Noir 45 %