Rathlands

-        C-C … Comment … ?!

Le roi des Rathlands se retenait de fondre en larmes en serrant les dents.

« Ne pas céder. Ne pas céder devant l’un de mes sujets, où ma vision sera décrédibilisée … » S’ordonna-t-il mentalement, sous le choc de la nouvelle qu’on venait de lui annoncer.

La messagère en face de lui, nerveuse, baissa la tête, afin s’épargner la vue presque pathétique de son souverain. Mal à l’aise, elle claqua sa pince caudale dans le vide à plusieurs reprises. Puis, elle prit une lente inspiration, et répéta lentement :

-        Votre fille est morte, mon Seigneur … Le convoi a été attaqué peu avant la frontière Rakurienne ce matin … Aucun témoin. Le cocher et les gardes ont tous été tués.

Il ne pouvait pas le croire. Il n’arrivait pas à enregistrer l’information.

« C’est impossible. C’est impossible ... Ce n’est pas possible ! » rugissait-il intérieurement.

-        Tourmaline … Ma fille Tourmaline est … murmura le roi d’une voix étouffée.

L’Astalos s’abstint de renouveler son propos, se contentant de rester silencieuse. Khryselios retrouva difficilement son calme, restant relativement abasourdi et atterré.

-        Qui … Qui a bien pu s’en prendre à ce mariage ? C’était une promesse de paix !

Cette fois, l’espionne se devait de lui répondre, même s’il ne l’écoutait pas vraiment.

-        Je n’en ai pas la certitude, mon Roi. Peut-être des rebelles Rathiens ? On dénombre une centaine de révolutionnaires dans le royaume.

Le Rathalos d’argent lui adressa un regard farouche l’espace d’un instant, puis se replongea dans sa réflexion en faisant les cent pas.

-        Non … Ce n’est pas crédible. Des civils, même armés, n’auraient pas réussi à tuer quatre soldats entraînés et protégés par une armure … Même à dix contre un. Il ne peut pas s’agir d’un traître, car nous savons tous que nous devions obtenir cette paix … réfléchit-il en effectuant des gestes avec ses ailes, comme pour illustrer ses paroles.

-        Les corps ont été retrouvés lacérés comme par une lame. La précision des coups nous laisse penser qu’un assassin pourrait être derrière tout cela, précisa la wyverne semblable à une libellule.

-        Pourtant, aucun royaume ou état ne pouvait souhaiter la mort de ma fille ! grognait le roi des Rathlands.

« C’est tout bonnement impensable ... D’où proviendrait ce meurtrier ? Et qui, par extension, pourrait bien vouloir la reprise de la guerre ? »

-        A moins que … songea à voix haute la femme soldat.

-        Que suggères-tu comme autre hypothèse, Astalian ?

La dite Astalian se dandinait d’une patte à l’autre, hésitante.

-        Et bien … Peut-être qu’il s’agit d’une provocation … De la part de Rakuraï.

Khryselios écarquilla les yeux de stupeur.

« D’un côté, ça pourrait faire sens … Mais Rakuraï serait-il si fourbe que cela ? Jusqu’à vouloir me déshonorer par l’assassinat médité de ma fille aînée ? Après l’avoir demandé en mariage en guise de tribut de paix ? Pour mieux nous écraser ensuite ? Un Nordique ne ferait pas une chose pareille … Mais il s’agit de la seule explication possible … Par les deux Lions des astres … Comment aurait-il osé … »

-        Aucune trace exploitable pour retrouver ce maudit criminel ? grinça des dents le Rathalos argenté.

-        Des recherches d’indices sont encore en cours aux alentours de la zone, mais je crains que nous ayons affaire à un professionnel, répondit l’espionne.

-        Soit. Tant que nous n’aurons pas de preuves, je déclare l’Empire Rakuraï coupable, gronda le souverain.

L’Astalos femelle releva vivement la tête. Sa crête frissonna d’anxiété.

-        Mais, mon Seigneur ! Nous ne sommes plus en état de continuer la guerre !

-        Il faudra bien, Astalian. Je ne peux pas ignorer un tel outrage envers la famille royale des Rathlands, déclara Khryselios d’un ton sec.

Il vit la panique s’éveiller chez la wyverne insectoïde, qui s’obligea à se contenir.

-        Dois-je prévenir le général Tinarg de la reprise de la guerre ?

Le roi des Rathlands se redressa, et laissa paraître sa colère sur son visage.

-        Oui. Nous lancerons une offensive sur Voltarr dans une semaine, sauf si nous obtenons des preuves de l’innocence des Rakuriens avant ce délai.

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-        COMMENT ÇA, ELLE EST MORTE ?! COMMENT CELA A-T-IL PU SE PRODUIRE ?! tonitrua l’empereur Rakurien.

Il brisa sa coupe d’argent remplie d’hydromel dans un accès de rage. Le Barioth en face de lui frémit, mais ne cilla point.

-        N’était-elle pas accompagnée par quatre gardes Rathiens ?! reprit-il, se calmant quelque peu.

-        Le convoi semble avoir été attaqué par un assassin, Votre Excellence. Les quatre Rathalos qui le gardait ont tous eu la gorge tranchée, ainsi que la princesse elle-même. Aucune piste pour retrouver le coupable. Mais je pense pouvoir affirmer que l’on recherche un individu capable de voler, de corpulence légère et sachant manier les lames, répondit calmement le tigre à dents de sabre volant.

-        Ce genre de description ne permet pas de soupçonner un Rakurien … marmonna le loup électrique.

Le Zinogre Feu-du-Ciel sembla réfléchir un moment.

-        Cela entrave prodigieusement mes projets … grogna-t-il. Cette princesse, en plus de me … distraire, m’aurait permis d’avoir une griffe sur les Rathlands, de les tenir à ma merci, de ...

« Ah, Khryselios … Tu aurais été si stupide que si j’avais levé le doigt sur ta chère fille, tu m’aurais offert ta femme sans aucun remord … Ou ton royaume … Qui sait, peut-être même les deux … » songea-t-il avec délice.

« Mais le destin en a décidé autrement, soit. Ce n’est pas ça qui va ruiner mes rêves de conquête. »

Rakuraï se rengorgea.

-        Voilà qui est bien dommage. La méthode douce ne pourra donc pas être employée … Mmmhh … Ce qui me chagrine, c’est que nous n’ayons pas d’indices concernant ce meurtrier, médita-t-il en se grattant le menton. Qui sait, par manque de preuves, je pourrais déclarer les Rathlands coupables de trahison … Et finir le travail commencé …

« Et prendre en otage une autre princesse … »

Il découvrit ses crocs en un sourire avide.

-        Tu peux vaquer, Blizzard. Cet évènement n’est pas si tragique, finalement … Nous prendrons d’assaut Ignis dans une semaine.

Ledit Blizzard eut à nouveau un léger frisson.

-        Bien, Votre Excellence. Combien d’hommes dois-je réunir ? Cinq cent ?

Les pupilles de l’empereur se rétrécirent d’excitation.

-        Mille. Je veux mille hommes.

Il y eut un silence pendant lequel il contempla ses griffes.

-        La guerre n’est pas terminée, et je souhaite une victoire grandiose, expliqua-t-il en resserrant ses griffes sur sa paume droite. Ecrasante. Sublime. Rapide … Je veux Akalash au palais d’ici demain. Débrouille-toi pour me le ramener, acheva-t-il finalement.

Le Barioth eut cette fois-ci un mouvement de recul.

-        Empereur Rakuraï, je ne pense pas qu’il acceptera de …

-        N’ai-je pas été clair ? le coupa d’un ton menaçant le Feu-du-Ciel.

-        S-si, Votre Excellence, céda l’espion avant de se retirer.

Reprenant sa position de méditation, le Zinogre se replongea dans ses songes expansionnistes.

« Je vais enfin pouvoir mettre la main sur les Rathlands … Nos soldats n’ont rien à craindre des Rathiens. Ils les foudroieront comme des mouches ... En revanche, nous n’allons faire qu’une bouchée d’Ignis et de ses défenses … Nous tuerons les princes, les nobles, et violerons leur femmes … Quant à leur malheureux roi, il n’aura plus que les yeux pour pleurer … Comme j’envie ce jour … Ce n’est qu’une question de temps. »

Il conclut sa réflexion par un sourire patient et sadique.

« Bientôt, très bientôt, je règnerai sur les Rathlands … »