Rathlands

Chapitre 11 : Chapitre 9 (Oxiderr POV)

6568 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 07/07/2020 21:08

Oxiderr n’était pas inquiet. Certes, la première partie de la bataille se révélait plus serrée que prévue, à cause des innovations stratégiques désespérées des Rathiens, mais il restait très confiant. Les pertes Rakuriennes demeuraient très faibles comparées à celles du côté Rathien, et chaque Nordique se battait comme un lion. Même Achéron, qu’il avait vu surgir plusieurs fois de sa ligne pour abattre un Tigrex trop gênant. De son côté, ses attaques électriques à la portée incroyable faisaient un malheur. Le trio qu’il formait avec son père et Irodim était un mur jaune et vert grondant impossible à franchir. Or, ce mur progressait rapidement vers le cœur du bol que les Rathiens adoptaient pour essayer de les repousser, en compagnie des Burutiens de renfort.

Le Zinogre Rugissant appréciait de plus en plus ces guerriers. Puissants, inébranlables, aveuglés par le besoin de destruction, il les admirait presque. La seule chose qu’il pouvait leur reprocher était le choix de leur nation, celui de préférer porter des armures ou autres cuirasses pour combattre. Comme tout bon Rakurien digne de ce nom, Oxiderr se battait sans protection, et ne s’en plaignait guère. Au contraire.

« Un vrai guerrier ne se cache pas sous des boucliers artificiels. Qui plus est, c’est fort encombrant à porter, et gêne les mouvements. » pensa-t-il.

Un Khezu atterrit en trombe devant eux, maculé d’un sang qui n’était pas le sien, car il ne possédait pas de blessure ouverte. Un soldat des dernières lignes à en juger par sa musculature correcte mais relativement faiblarde.

  • Votre Excellence Rakuraï, s’inclina-t-il prestement en haletant, le général Blizzard tenait à vous faire part de son empressement à mettre hors d’état de nuire l’Astalos épéiste qui menace les lignes intérieures ainsi que notre stratégie. Il m’envoie vous rapporter qu’il a été touché de manière non négligeable par celle-ci et qu’il lui faudra un moment avant de pouvoir se relancer à sa poursuite, et faire diversion.

Le museau de son père se plissa de mécontentement.

  • Bien, qu’il soit vite remis sur pieds, Blizzard nous est crucial pour gérer cette générale Rathienne. En attendant, transmets à Astérion l’ordre de faire décoller l’escouade aérienne pour maintenir la pression sur elle. Il ne faut en aucun cas qu’elle prenne ses aises au-dessus de nos têtes ! ordonna-t-il, les crocs légèrement découverts, tout en électrocutant un Nargacuga qui s’approchait dangereusement, et auquel il ne jeta qu’un bref coup d’œil au cadavre pour s’assurer de sa mort.
  • Entendu, Votre Excellence.

La wyverne volante à la peau flasque et blanche prit son envol maladroitement à peine eut-il terminé sa phrase. Oxiderr foudroya la Rathian rose qui avait surgi pour l’empêcher de transmettre le précieux message. Celle-ci hurla de souffrance avant de percuter le sol, tête la première, où elle fut vite réduite en charpie par les Zinogres qui couvraient la percée impériale. 

  • Si naïfs, si faibles ! Quel plaisir de les tirer comme des lapins ! se réjouit-il, un sourire carnassier aux lèvres.

Son cadet fit également part de son amusement à massacrer les Rathiens.

  • C’est vrai que c’est drôle ! Ils tombent comme des mouches ! jappa Irodim, qui malgré cette déclaration naïve avait les crocs écarlates.
  • La victoire est à portée de main, mes fils ! Il n’y a plus qu’à briser leur formation et la porte d’Ignis nous sera ouverte ! s’écria leur patriarche en terrassant d’un seul coup de patte le Lavasioth en face de lui, sa fourrure ambrée hérissée d’électricité.

Ils avancèrent de manière de plus en plus marquée vers le centre du bol, où leur progression fut brutalement freinée : les combats y faisaient rage, et les nombreux projectiles perdus, Rathiens comme Rakuriens, sifflaient au ras de leurs cornes. De plus, les cadavres commençaient à s’amonceler un peu partout, et l’énorme charogne d’un Gammoth agonisant les força plus d’une fois à effectuer de larges détours. Quand il s’agissait d’un corps Rathien, Oxiderr vérifiait qu’il ne possédait plus la moindre trace de vie. Si c’était le cas, il ne s’y intéressait tout au plus que cinq secondes ; autrement, il les écorchait hideusement d’une griffe préalablement recouverte de la fange, pleine d’immondices, qu’était devenu le sol. Leur souffrance serait ainsi plus longue et insupportable, et cette pensée le réjouissait. Le seul avantage que présentait ces monticules macabres était la possibilité de s’y retrancher derrière, en attendant une accalmie dans un duel furieux se déroulant à proximité.

  • Séparons-nous, avancer ainsi en groupe devient trop compliqué, pesta Rakuraï. Quant à vous, ajouta-t-il ensuite aux Zinogres de couverture, empêchez les généraux de revenir défendre ici ! 

Les wyvernes à crocs ne se firent guère prier pour détaler en sens inverse, éliminant tout ce qui pourrait les retarder dans leur tâche avec fougue.

  • Allons-y. Et n’oubliez pas que nous ne faisons pas de prisonniers ! aboya Rakuraï en s’élançant à travers la masse compacte de soldats qui se battaient.

Oxiderr répondit par un hurlement tonitruant lui permettant d’atteindre son niveau de charge maximum. 

« Ah ça non, on ne risque pas de faire de prisonniers ! » 

Chaque contact de ses pattes avec le sol se mit à provoquer une puissante impulsion électrique qui terrorisa quiconque se situait trop proche. Le Zinogre Rugissant eut un rictus : une fois que le propriétaire de ce déluge furieux d’éclairs était identifié, tous reculaient. Oxiderr, l’un des trois fils du glorieux Rakuraï II, empereur de Rakuria ! Il savait que les Rathiens ne connaissaient que très peu de noms Rakuriens, mais ceux de la famille impériale étaient craints de tous. La preuve étant leur réaction face à son apparition cauchemardesque. Il fallait dire qu’avec ses cornes démesurément grosses, ses canines saillantes, sa teinte grise fantomatique et ses pointes surdéveloppées, ils avaient de quoi être désemparés.

« Ceci dit, il est vrai qu’après dix ans d’affrontement, nous oublions tout de même les noms des généraux et des héritiers. Mais les héritiers ne se battent pas, et concernant les généraux, ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils ne soient mis en pièces … Foutue Astalos. J’aimerai bien avoir l’honneur de l’étriper moi-même. » songea Oxiderr.

Hurlant à la lune, la wyverne à crocs s’élança au grand galop à travers la mêlée qui s’écartait avec effroi de cette forme cendrée enrobée d’éclairs meurtriers. Cédant à l’ivresse de la guerre et l’effet grisant de l’électricité ambiante, Oxiderr bondit pour mettre à terre tout ce qui croiserait son regard, à la condition d’être Rathien. Il prit notamment la défense d’un des derniers Gammoths de la légion qu’on avait envoyé au casse-pipe dès le début de la bataille, avec pour objectif de créer des failles dans l’armée Rathienne, que les suivants n’auraient plus qu’à infiltrer. 

Les Gammoths étaient l’espèce la plus apte au combat de front qu’avait à disposition l’Empire. Grâce à leur immense corps de mammouth, ils pouvaient encaisser les assauts les plus puissants sans broncher, et riposter par leur propre charge, certes lente mais invincible. De plus, leurs longues défenses et leur large crâne à la surface rugueuse comme la roche étaient d’excellentes armes. Si cela ne suffisait pas, restait leur capacité à geler l’air qu’il inspire avec leur trompe, utilisable pour créer une armure de glace sur les pattes du colosse ou tout simplement geler les agresseurs. Quant à cette trompe, on la savait capable de soulever et de projeter un Tigrex. En cas de danger trop important, ou de passage à gué dans une rivière, les soldats les plus légers de l’Empire, principalement les Blangongas et les Lagombis, avaient l’autorisation de pouvoir escalader ces montagnes bleues vivantes. Elles faisaient ainsi un excellent poste d’observation.

Le Gammoth encore très vaillant était assailli par un Nargacuga qu’il tenait en respect avec ses défenses, ainsi que deux Rathalos lui meurtrissant les flancs de leurs flammes. L’héritier aîné Rakurien les vainquit sans mal avec le soutien du pachyderme velu. Il rencontra aussi un Tigrex Berserk gisant au sol, amputé d’une jambe arrière, mais qui lui livra néanmoins un combat d’une férocité étonnante. Il ne fallut à Oxiderr qu’un instant où la jambe postérieure restante était dans l’angle mort du soldat Rathien. Il l’empoigna avec ses mâchoires électrifiées, puis le brisa d’un coup sec et retentissant. La wyverne volante poussa un rugissement de souffrance que le Zinogre Rugissant étouffa en sautant rapidement sur son dos pour lui trancher la gorge. Autour de lui, Oxiderr remarqua que le feu de la bataille commençait à faiblir. Il y avait bien plus de corps à terre que de guerriers combattants, la terre ne parvenait plus à absorber le torrent de sang qu’on lui offrait et par-dessus tout l’odeur pestilentielle de la mort s’élevait des charognes et viciait l’air, devenant de moins en moins respirable.

« Dire que dans un mois, tout au plus, ce champ de bataille sera devenu un champ prospère et florissant. C’est drôle de voir à quel point la mort et la vie sont liés ! »

Il remarqua alors deux Raths étranges en plein affrontement avec des Zinogres Stygiens. Il se rappela les avoir aperçus avant que l’assaut ne soit donné, mais le Zinogre Rugissant n’avait alors pas pris au sérieux ce que ses yeux lui rapportaient. Et pourtant, il les voyait à présent de plus près, et pouvait être certain de l’authenticité de la vision qui s’offrait à lui. L’un était un Rathalos blanc veiné d’azur et aux motifs alaires différents de ceux des Rathalos qu’Oxiderr connaissait, et l’autre une Rathian à la teinte davantage lilas que kaki, dont la queue venimeuse créait des nuages toxiques ; Le Zinogre Rugissant n’avait également jamais vu de tel. Les deux portaient une armure plutôt bien ciselée, ce qui révélaient un statut probable de commandant ou de lieutenant. 

« Qu’est-ce donc que ces drôles d’oiseaux ? Le Rathalos n’est ni rouge ni bleu, mais bien blanc ! Pourtant seul le roi Rathien et sa reine possèdent une couleur unique ! Et le poison de cette Rathian … Il n’a rien d’ordinaire ! Des nouvelles recrues ? Déjà à ce stade dans la hiérarchie ? Impossible ! Qui sont-ils alors, pour que je n’en ai jamais eu entendu parler ?! » fulmina Oxiderr en découvrant ses crocs.

Il était furieux à la simple idée de devoir faire preuve de prudence envers cette vermine qu’étaient les Rathiens.

« Au pire, il n’y a pas trente-six solutions. »

Son rugissement de rage retentit comme un claquement de tonnerre.  

Aussitôt, tous les regards Rathiens présents convergèrent vers lui, y compris celui du Rathalos blanc et de la Rathian violacée. Le premier écarquilla nettement les yeux, tandis que l’autre se contenta de garder une expression neutre.

Le loup couleur de lune s’approcha alors dangereusement des deux Raths inconnus, laissant ses éclairs gronder à sa place, ses crocs acérés toujours apparents.

« D’ailleurs, n’étaient-ils pas trois, lorsque je les ai vu ? » s’interrogea Oxiderr.

En réponse à cette pensée, un rugissement féroce parvint à ses oreilles, qui furent empoignées la seconde suivante par des serres. N’ayant pas le temps de saisir ce qu’il se passait derrière lui, le Zinogre Rugissant fut entraîné vers l’avant par son assaillant, le forçant ainsi à se retourner, le dos au sol et le ventre exposé. Le Rathien lâcha alors sa prise sur les oreilles d’Oxiderr pour le maintenir plaqué au sol à l’aide d’une serre sur son poitrail et d’une autre sur une de ses pattes postérieures. 

L’état cotonneux dans lequel il se trouvait céda rapidement à une haine sans nom.

« QUI EST LE FILS DE RAT QUI A OSE ME PRENDRE PAR SURPRISE ?! » s’époumona-t-il mentalement si fort que sa pensée se transforma en un hurlement furieux.

Retrouvant l’usage de ses globes oculaires qui ne lui transmettaient depuis quelques secondes que des images floues et des étoiles, il découvrit le visage de celui qui allait payer chèrement cet affront : un Rathalos plus massif que d’ordinaire, possédant une voilure alaire pourpre aux motifs dorés, et paré d’une armure légèrement plus claire que la teinte grenat de son corps.

  • Qui es-tu, enfant de catin, pour oser attaquer en traître ton adversaire ?! rugit-il, fou de rage, avant de projeter violemment au sol la wyverne volante d’un seul coup de patte.

Celle-ci accusa plutôt mal le coup et toussa une gerbe de sang, ne parvenant pas à se relever, étourdi par le choc. Oxiderr en profita pour inverser les rôles, serrant le cou du Rathalos grenat entre ses griffes, qui ne put que gémir de douleur à cause de la pression sur celui-ci, incapable de se défendre. Le Zinogre rapprocha son effrayant museau de la tête du vaincu. 

  • C’est tout ce que tu as dans le ventre, misérable avorton ?! lui cracha-t-il au visage, encore plus furieux de s’être fait avoir par un minable pareil.

Le Rathalos sombre rouvrit difficilement les yeux pour tenter de cracher une boule de feu, mais seul de la fumée sortit de sa gorge. Il toussa une nouvelle fois, puis essaya de frapper Oxiderr avec sa queue devenue une arme à part entière avec la protection bardée de piques qui la couvrait. Celui-ci, remarquant bien évidemment le lent mouvement de l’appendice caudal, l’écrasa de sa patte arrière droite. L’autre ne parvint qu’à pousser un cri étouffé. Le Zinogre à la teinte lunaire le gifla de rage, laissant une trace noire sur la joue du Rathalos, calciné par l’électricité qui échappait au contrôle du loup électrique.

  • Alors comme ça, tu oses t’en prendre à Oxiderr, héritier aîné de Rakuria, avec une force aussi pathétique que la tienne ? Tu mérites la plus atroce des morts pour m’avoir fait perdre mon temps ! 

A ces mots, il éleva haut sa patte droite qui brilla d’électricité, et l’abattit sur le torse de la wyverne volante qui, cette fois, retrouva suffisamment de voix pour rugir sa détresse. L’électricité grésilla un instant sur le corps du Rathalos grenat, puis disparut.

  • Tu croyais quoi ? Que ton misérable bout de caoutchouc te sauverait face à toutes les situations ? Vous êtes si naïfs, vous autres chiens de Rathiens, que ça en deviendrait affolant ! grogna le Zinogre Rugissant, s’apprêtant à asséner un second coup au Rathalos à moitié conscient.
  • Laisse-le en paix ! Si tu veux un adversaire, me voici, mais laisse ce Rathalos, tu l’as dit toi-même, il n’en vaut pas le coup, le héla la Rathian étrange qui avait décidé d’intervenir, sous les yeux médusés du Rathalos blanc.

Elle lui paraissait déjà plus coriace rien qu’à son attitude. Les serres ancrées dans le sol, les ailes semi-déployées, la tête haute, le regard farouche, tout lui semblait plus solide. Cela l’intéressa beaucoup. Mais il n’allait pas céder devant elle. Ou du moins pas maintenant. Il allait d’abord jouer un peu avec sa nouvelle proie.

  • Ce Rathalos-là a fait preuve d’une audace qui doit être punie ! On ne s’attaque pas impunément à plus puissant que soi, qui plus est par derrière, la pire des insultes qu’on puisse faire à un guerrier Nordique ! aboya Oxiderr.
  • Si tu le tue, il n’aura pas de leçon à retenir, fit remarquer la Rathian.

Autour d’eux, les soldats s’interrogeaient sur la conduite à adopter. Les laisser ? Attaquer celui qui s’en prenait au Rathalos ? Fuir ? 

  • Si je le tue, ce sera pour montrer l’exemple à vos autres mécréants de soldats ! répliqua-t-il, enrageant qu’on lui réponde de la sorte.
  • Tu parles d’un comportement à adopter pour un guerrier, mais ce comportement n’interdirait-il pas de s’acharner sur un adversaire à terre ? grogna la Rathian.
  • Pas si cet adversaire commet un outrage envers l’autre ! rétorqua avec hargne le Zinogre Rugissant, irascible.

Les Rathiens semblaient de plus en plus nerveux.

  • Parlons-en d’outrage, votre peuple n’en a-t-il pas commis un de bien plus calomnieux ? Comme l’assassinat de Princesse Tourmaline ? demanda-t-elle plus posément, mais pleine d’une amertume virulente.

Oxiderr vit rouge.

  • Qu’oses-tu dire, damnée Rathian malformée ? Tu remets la faute sur notre honnête nation, car vous êtes trop honteux pour avouer que cela est arrivé à cause de votre négligence ?! tonna-t-il.

L’insulte fit mouche, et ladite Rathian serra les dents de colère.

  • Pour la peine, ce vaurien-là crèvera en premier ! clama-t-il, menaçant une troisième fois de blesser sévèrement le Rathalos à présent inconscient.

La wyverne volante verte réagit au quart de tour, crachant une puissante sphère de feu sur la patte qu’Oxiderr avait levé. Celui-ci abandonna le corps inerte du Rathalos pour s’intéresser à elle.

  • Quel est ton nom, maudite anomalie ? gronda-t-il en appuyant sur ses derniers mots, conscient de l’effet qu’ils auraient.

Il la vit se crisper davantage, mais elle ne répondit pas.

  • Quel est ton nom ?!

Elle desserra légèrement ses mâchoires.

  • Arsenic.

Le Nordique eut un rictus.

  • Eh bien, Arsenic, si tu tiens tant à récupérer ce qui reste de ce chien, viens donc te frotter à moi, puisque tu t’en sens capable ! 

La Rathian avança de quelques pas, puis frappa le sol de sa queue. Oxiderr crut un instant qu’il s’agissait d’une tentative d’intimidation, puis il remarqua qu’elle avait ensuite saisi deux des éclats violacés qui avaient apparu à l’endroit où les pointes de sa queue avaient touché terre.  

  • En garde, déclara-t-elle en reprenant son attitude stoïque, même si Oxiderr devinait sa haine palpable derrière ce masque de neutralité.
  • J’espère que tu feras mieux que celui-là, la nargua le Zinogre Rugissant en pointant une griffe vers le Rathalos gisant.

Elle ne répondit pas à cette provocation-là, et Oxiderr profita de cet instant de flottement pour lancer le premier coup. Il invoqua dix sphères électriques qui fondirent sur la Rathian, qui les esquiva toutes de justesse. A son tour, elle cracha une boule de feu qui se fragmenta, causant de multiples petites explosions. Le Zinogre n’eut qu’à effectuer un bond pour être hors de portée. Il s’élança ensuite si vivement vers la Rathian qu’elle ne dut voir qu’une trainée d’éclairs fonçant droit sur elle, puis l’énorme corps du Zinogre Rugissant qui réapparut pour la percuter sauvagement. Elle fut repoussée au loin, mais se releva rapidement malgré les dégâts qu’avait causé sa fulgurante charge : les griffes de ses ailes avaient été brisées, et un mince filet de sang s’écoulait de sa cuisse droite. La Rathian nommée Arsenic répliqua par une sphère enflammée qu’elle cracha en s’envolant. Oxiderr la para d’une patte, puis s’avança alors d’un pas tranquille, et, d’une légère contraction des muscles de son dos, libéra la puissance de ses Fulgurinsectes en plusieurs éclairs à la précision effarante. Elle les évita tous, comme habituée à cet exercice, mais le Zinogre Rugissant ne céda pas pour autant, et continua à la harceler, souhaitant l’épuiser puis la piéger. Cependant, au lieu de tous chercher à les esquiver, elle se força à encaisser quelques décharges pour pouvoir approcher son adversaire, supportant davantage la douleur grâce à la protection anti-foudre de son armure.

« Foutues armures à couche de caoutchouc, heureusement qu’elles ne sont pas nombreuses … Les Rathiens sont vraiment les pires des lâches pour utiliser ce genre de stratagème ! » crachait-il intérieurement.

La voyant réduire ainsi la distance, Oxiderr invoqua trois éclairs d’un coup pour la stopper. La Rathian parvint à les contourner non sans difficulté, puis se rua dans un dernier effort sur lui. Le Zinogre Rugissant décida alors de bondir à son encontre, ses mâchoires électrifiées prêtes à se refermer sur la chair tendre du ventre de la dragonne verte. Oxiderr comprit trop tard qu’il s’agissait en réalité d’une feinte. Vivement, elle se déporta sur la gauche, puis lui gifla si fort le museau de sa dangereuse queue que la wyverne à crocs s’écrasa au sol. La plaie infligée par les épines de l’appendice caudal suintait de liquide toxique, arrachant un grognement furieux à Oxiderr.

« Quelle virulence, par Kirin ! On croirait qu’elle a mis le feu à mon sang avec son maudit venin ! » pesta-t-il intérieurement, même si sa surprise et sa souffrance étaient visibles par son ennemi et les soldats Rathiens.

Lorsqu’il se releva, il constata que le choc de la queue de la Rathian sur sa tête avait créé un nuage de poison qui se diffusait dans l’air. Si la dragonne verte ne s’en souciait guère, le Zinogre Rugissant lui sentait déjà les effets de cet air vicié dans ses poumons, amplifiant sa souffrance dû à la circulation du poison liquide et gazeux dans son organisme.

« Par tous les dieux ! Comment se fait-il que je sois aussi vite mis en difficulté par une damnée Rathian ?! »

Celle-ci se reposa, ses cristaux violets dans l’une de ses serres. Elle devait se sentir en confiance après l’avoir empoisonné, ce qui le fit enrager davantage. Il s’élança à nouveau dans une charge éclair, mais la Rathian dû l’anticiper car il la manqua. Ne lui laissant aucun répit, il effectua un mouvement circulaire sur lui-même qui lui permit d’envoyer vingt boules électriques autour de lui. Elles touchèrent des soldats Rathiens qui prirent la fuite, mais la Rathian était toujours introuvable, jusqu’à ce qu’il sente une gêne à son épaule gauche. Il eut un frisson de surprise : un éclat améthyste était planté dans celle-ci, et il perdait du sang teinté de violet. Le poison se mit à irradier ses deux épaules. La sensation d’avoir du magma en fusion dans les veines devint d’autant plus insupportable.

La douleur lui faisait perdre la raison, si bien qu’il réalisa son coup le plus puissant, alors qu’il ne le réservait que pour des cas bien précis, sa révélation restant un moyen de prouver aux ennemis des Nordiques qu’ils avaient plus d’un tour dans leur sac. Il hurla à la mort, puis une intense lumière l’enroba. Le ciel se mit à gronder, puis un dôme électrique apparut tout autour d’Oxiderr, qui sauta et réatterrit avec force sur le sol. Comme s’il s’agissait d’un ordre, toute la puissance accumulée par le Zinogre Rugissant fut libérée en un instant, et il devint l’espace d’une seconde une colonne lumineuse verte et bleue. Il entendit à travers son rugissement et celui de la foudre le hurlement de la Rathian qu’il retrouva et vit foudroyée en plein vol, ayant été piégée par le dôme de destruction. Sous la puissance de cette libération d’énergie, des mottes de boue et de terre retombèrent ensuite sur le sol. Lorsque le silence se fit, tous les Rathiens avaient déguerpis, exceptés le trio étrange, à terre. Quelques soldats ayant réalisés beaucoup trop tard ce qu’il se passait jonchaient le terrain de leur cadavre. Il entendit au loin le faible écho du clairon Rathien. Ils avaient battu en retraite. La wyverne à crocs discernait déjà les escouades de soldats chargés de récupérer les blessés ne pouvant se mouvoir.

Sur ses membres tremblants, Oxiderr haletait, malgré la charge électrique qu’il possédait encore après un coup pareil. Il se sentait en fusion, sa vision se brouillait par moments, et il peinait de plus en plus à tenir debout. Avec difficulté, il arracha le cristal fiché dans son épaule, puis remarqua un second projectile logé dans son poitrail. La Rathian avait donc réussit à lancer ce dernier éclat avant de succomber, dans l’espoir de l’emmener avec elle dans la tombe. Il le retira tout aussi sèchement.

Sa satisfaction et sa rage prirent faiblement le dessus sur la douleur devenue si violente que son corps semblait ne plus pouvoir la transmettre. Il balaya brièvement la scène du regard, puis tourna les talons, s’efforçant d’avancer, un pas après l’autre.

« Je vais apprendre à ces foutus chiens ce que je fais à ceux qui me résiste … ! » 

Il avisa un Rathalos étendu sur le sol, le souffle court. On lui avait tranché la queue, et l’une de ses serres était dans un état pitoyable. Si pitoyable que même le plus optimiste des soigneurs n’oserait prétendre pouvoir la soigner. Il saisit sans ménagement le cou du Rathien qui protesta faiblement entre ses crocs, et le traîna avec lui jusqu’au camp de base Rakurien.



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Le Zinogre Rugissant se dirigea d’un côté bien particulier du camp. Le coin de ceux qui le suivaient, qui appréciaient sa manière de faire. Son camp. Il s’était créé il y a déjà un bon moment, pendant la Guerre Sanglante. Certains estimaient que Rakuraï II prenaient beaucoup trop de pincettes avec l’ennemi, qu’il convenait d’exterminer sans cérémonie et sans règles. Oxiderr avait découvert ce ressentiment planant un soir d’été, pendant l’une de ses séances nocturnes de beuverie. Le pouvoir de l’alcool les rassembla, eux et leurs idées, et ainsi naquit leur bande d’anarchistes. En ce temps de guerre, ils discutaient des erreurs que commettait l’empereur, et l’insultaient même parfois ouvertement : personne ne craignait de représailles, tant que l’aîné héritier était avec eux. Lui-même ne se gênait pas une fois enivré pour critiquer son père. Parfois, lorsque l’occasion se présentait, ils récupéraient un cadavre pour le battre et le mutiler. C’était contraire au code du guerrier, mais ils n’en avaient cure, puisqu’à leur sens il s’agissait d’ennemis. Ils devaient en revanche faire preuve de prudence pour ne pas être pris sur le fait : si son père apprenait l’existence de sa bande et de ses pratiques, nul doute qu’il serait dans un fâcheux pétrin, et dans l’incapacité de servir ses pulsions sadiques. Lorsqu’il traversa la partie du camp qui ne l’intéressait pas, de nombreux regards interrogatifs et méprisants se posèrent sur le corps du Rathalos qu’il trainait. Cependant, il ne s’inquiéta pas du nombre aussi important de témoins de son passage : personne n’oserait le dénoncer, et même si c’était le cas, l’empereur leur ferait trancher très certainement la tête pour oser s’en prendre à son fils s’ils n’avaient pas assez de preuves. Or des preuves, il n’en laissait aucune. Son père pouvait donc bien se douter que quelque chose ne tournait pas rond avec lui, tant que les accusations seraient aussi faibles et infondées, il n’aurait rien à craindre.

Devant lui apparut alors Irodim, qui vint à sa rencontre, les yeux curieux.

  • Tu as ramené un prisonnier ? Mais Papa a dit qu’on n’en faisait pas je crois, non ? demanda-t-il.

Il posa le Rathien au sol pour pouvoir lui répondre.

  • Il est mort, Irodim. Si je me suis décarcassé à le traîner jusqu’ici, c’est pour comprendre comment fonctionne leur diable d’armure anti-foudre. J’ai affronté trois nouveaux lieutenants qui en possédaient, et cela m’a embêté prodigieusement. Il faut qu’on trouve un moyen de contrer ces choses avant qu’elles ne deviennent trop répandues chez les Rathiens. J’ai pris le corps avec pour effectuer des tests, mentit le Zinogre Rugissant, cependant très convaincant. 
  • Tu vas le donner à Achéron alors ? Pour qu’il l’étudie ?

Oxiderr eut une sueur froide. Il n’avait pas pensé à cette réponse de la part de son petit frère. 

  • C’est moi qui fait le plus gros du travail, je te rappelle ! gronda-t-il. Je ne vois pas pourquoi ce serait à Achéron de l’étudier ! Il n’a qu’à se trouver lui-même une charogne s’il souhaite faire des expériences !

Le Zinogre Immortel sembla trouver sa raison juste.

  • C’est vrai, s’il était si intelligent que ça, il y aurait pensé. Or ce n’est pas le cas, dit-il en hochant la tête.

L’aîné de la fratrie le laissa sur cette pensée, et reprit le Rathalos entre ses crocs. Il n’était pas d’humeur à réfléchir pour argumenter davantage, le venin dans ses veines le rendant peu patient et enclin à réfléchir, lui qui ne l’était déjà pas.

Lorsqu’il arriva dans le cercle fermé des tentes de ses compagnons, il lâcha la wyverne volante rouge qui lâcha un faible couinement, unique preuve qu’il était encore en vie. Oxiderr l’enjamba sans plus y prêter attention.

  • Mes amis ! Regardez ce que je vous ai ramené ! Ce soir, je paie ma tournée ! s’écria-t-il, un sourire douloureux mais satisfait aux lèvres.

Ses frères de pensées émergèrent de leurs tentes, la plupart encore en pleine forme, et ne présentant que quelques plaies superficielles.

  • Oxiderr ! On se demandait c’que tu faisais ! Tu nous as ramené un nouveau joujou, à ce que je vois ? répondit gaiement un Zamtrios, un sourire cruel sur son visage.
  • Et en vie, en plus ! s’étonna un Blangonga en donnant un coup de poing au Rathalos qui émit un gémissement.
  • Ah ça oui, mes braves ! Mais je vous demanderai bien de le garder ainsi jusqu’à ce soir, ou tout l’intérêt de mon retard aura perdu son sens. Tâchez donc de ne pas trop abîmer la marchandise.

Ils lui répondirent par un hochement de tête sournois.

  • Je reviendrais au coucher du soleil, j’ai quelques affaires à régler, déclara-t-il en désignant ses blessures, masquant sa souffrance.

Le Blangonga s’approcha pour observer de plus près les plaies.

  • Par Oroshi ! Qui donc a bien pu réussir à t’approcher de si près ?! s’exclama-t-il, n’ayant vu que très peu de fois Oxiderr revenir avec des balafres pareilles.

Le Zinogre Rugissant eut une moue dédaigneuse.

  • Pas un valeureux adversaire, en tout cas ! J’ai voulu flanquer une raclée à deux lieutenants qui m’avaient tapé dans l’œil, sauf qu’un troisième m’a attaqué en traître, dans mon dos ! Les deux autres saligauds en ont profité pour s’y mettre à trois sur moi ! J’ai vociféré un bon coup, leur rappelant le sens d’un honneur qu’ils ne possédaient pas, après quoi je les ai taillés en pièces. Mais cette puterelle de Rathian possédait un poison coriace, voyez, mes écailles deviennent violettes. Un véritable feu liquide ! souriait-il malgré la brûlure dudit poison.

Un Barroth de Jade avait rejoint l’attroupement qui se créait autour de l’héritier aîné Rakurien.

  • J’ai affronté bon nombre de Rathians, mais un venin laissant des traces pareilles, jamais ! 

Le Zinogre Rugissant songea à cela un moment.



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Lorsque le soleil se retira pour laisser place à la lune, les partisans d’Oxiderr et lui-même rejoignirent le village Rathien dans lequel les Rakuriens fêtaient leur victoire, s’adonnant au pillage du peu de richesses présentes, au viol et à la boisson. Les guerriers rebelles participèrent un moment à ces festivités qu’ils trouvaient de plus en plus fade d’année en année, puis s’éclipsèrent discrètement tandis que Rakuraï portait un vingt-cinquième toast à leur future annexion des Rathlands. Ils repassèrent par leur camp pour prendre le Rathalos souffre-douleur, puis le traînèrent jusqu’à une colline qui offrait une vue sur le village animé par les troupes Nordiques. Le Zinogre Rugissant jeta un bref regard au précipice qui bordait la colline.

L’alcool et les traces du poison encore présent dans son corps le galvanisaient. Il se sentait bouillant, furieux et joyeux à la fois. Cela l’incita à proclamer un discours de sa composition, devant ses compagnons qui grignotaient des restes d’Aptonoth grillé.

  • Mes amis ! commença-t-il pour attirer leur attention. Je vous ai raconté comment ces couards et lâches soldats s’en sont pris à moi, et l’amertume que cela m’a laissé dans la bouche. Si j’ai ramené cette charogne, c’est pour exercer ma vengeance envers ces fils de rats ! rugit-il. Si pour nous, la pire des calomnies est de nous attaquer dans notre dos, qu’est-ce qui pourrait humilier et outrager un Rathien, à votre avis ?!

Tous proposèrent de différentes idées.

  • On le noie ! 
  • On l’ébouillante ! 
  • On le brûle vif ! Tué par le feu qu’il maîtrise !

Oxiderr eut un rire franc mais terrifiant.

  • Non mes braves ! Les Rathiens crachent du feu, c’est un fait. Mais n’oubliez pas également qu’ils volent ! Et comment outrage-t-on un volant ? On lui tranche les ailes ! répondit-il en désignant d’une griffe le Rathalos, qui dans une ultime poussée d’adrénaline avait écarquillé les yeux d’épouvante, et tentait de ramper pour fuir les Nordiques fous furieux.

Les autres approuvèrent sa proposition avec des éclats de rire gras.

  • Acceptez-vous de m’accorder l’honneur de procéder ? leur demanda-t-il, les crocs découverts en un rictus fou, étreignant sans ménagement le cou du Rathalos qu’il ramena puis écrasa d’un genou sur sa cage thoracique, s’emparant d’une dague à découper la viande.

Les Nordiques firent part de leur excitation bruyamment.

  • Vas-y ! Et le rate pas surtout !

Le Zinogre gris lunaire planta sa lame dans le muscle de l’aile gauche du Rathalos, qui était prêt à sombrer dans l’inconscience par l’intensité de la douleur. Oxiderr le baffa pour le garder éveillé : s’il ne souffrait pas, ce spectacle n’aurait plus d’intérêt, et sa haine ne serait pas assouvie. D’un geste lent et méthodique, il tira sur celle-ci, déchirant les muscles et les tissus, maculant le membre alaire de liquide vital. Le Rathien étouffa un cri, le sang ayant afflué dans sa gorge empêchant la sortie du moindre son.

Une fois que l’aile fut à moitié sectionnée, Oxiderr dégagea le couteau. Puis, lentement, savourant la souffrance atroce de sa victime, il l’arracha du corps, dont la réaction fut de vomir une quantité non négligeable de sang. Le loup reprit alors sa dague pour la ficher dans l’autre aile, cette fois-ci au milieu de la voilure, qu’il mutila sauvagement de multiples entailles. Lorsqu’elle ne ressembla plus qu’à un morceau de linge transpercé de part en part, il trancha la partie de voilure adjacente au corps. Le Rathalos sembla trouver la force de hurler, mais le Zinogre Rugissant le fit taire d’un coup de poing. Il appela alors l’un de ses partisans pour tenir le corps tandis qu’il saisissait l’aile encore retenue par son os et son muscle. D’un coup sec, il la déboita, puis sectionna les tendons avec ses griffes. Le Rathien, assommé, reprit conscience en un glapissement déchirant qui fut tu par l’acolyte d’Oxiderr. L’héritier Rakurien planta alors le couteau dans le sol.

  • J’ai une question « scientifique » à vous poser … déclara-il en se retournant vers les spectateurs, le visage souillé de liquide pourpre.

Les autres, peu intimidés par la scène, lui intimèrent de la dire.

  • Un Rathalos sans ailes peut-il voler ? 

Exaltés, ils lui répondirent d’effectuer une « expérience » pour répondre à cette problématique.

Oxiderr étira de nouveau ses crocs en un sourire malsain, empoignant le Rathien horriblement mutilé pour le placer près du précipice.

  • Cela « tombe » parfaitement bien ! Voilà un ravin qui va nous permettre d’obtenir une réponse ! s’exclama-t-il faussement, déclenchant d’autres ricanements de la part de ses confrères. 

L’exaltation atteignait son paroxysme.

  • A mort le chien galeux ! 
  • Ne nous fais pas languir plus longtemps, par les Dieux !

Il lâcha le corps dans le vide. Aussitôt, tous se précipitèrent pour profiter de la vision de la chute du Rathien amorphe, qui percuta une dizaine de rochers avant de s’écraser au sol, inerte.



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Dans les profondeurs du ravin, le Rathalos malheureusement encore en vie souffrait son agonie en silence. Ses côtes brisées, ses ailes arrachées, son crâne fracturé, tout son corps hurlait une souffrance atroce et sourde qu’il ne pouvait exprimer que par les rares larmes qui glissaient sur son visage ensanglanté. Lorsqu’il sentit enfin avec soulagement son cœur ralentir et sa vision devenir noire, il murmura :

  • Ga … Gamala …


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