Rathlands

Chapitre 11 : Chapitre 10 (Arsenic POV)

4259 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 18/07/2020 11:20

-        Oxiderr …

Pour l’une des premières fois de sa vie, Arsenic avait libéré ses émotions. Elle les gardait d’ordinaire toujours pour elle-même, et seuls ses frères et sœurs parvenaient à lire son humeur. Ses parents adoptifs en avaient toujours été incapables, si bien qu’elle était peu comprise lorsqu’elle n’était qu’une dragonnette. Mais là, malgré elle, le sceau qui maintenait enfermées ses pensées s’était brisé. La Rathian Reine-Poison n’était pas la seule à avoir subi un traumatisme similaire : depuis qu’on les avait retrouvés gisant au beau milieu du champ de bataille et ramené au château des Rathlands, c’est-à-dire la veille, Blast avait cessé de s’alimenter et de parler, et Zénith ne s’était toujours pas réveillé. Par élimination, ce fut à elle de narrer aux généraux et au roi leur tragique rencontre avec celui qui se présentait comme l’héritier aîné de l’Empire Rakuraï. Bien entendu, le roi lui ordonna à elle et ses deux frères de ne plus se mêler au conflit, terrorisé par l’évènement ayant failli coûter la vie de trois de ses enfants. Arsenic hocha la tête devant lui, mais une détermination semblable à celle de Zénith avait naquit dans son esprit, et elle ne voulait vivre que pour retrouver cet « Oxiderr » pour le réaffronter et le tuer, le punissant ainsi de son acte outrageux et de ses insultes. Astalian, qui avait décelé cette étincelle inhabituelle dans les yeux si calmes de la Rathian, était venue la voir ensuite, au chevet de Zénith. Elle lui avait expliqué que ce qu’ils avaient vu jusqu’à maintenant n’était que le commencement des horreurs, et qu’elle n’appuyait pas aveuglément les paroles de Khryselios, mais qu’ils devaient savoir qu’en continuant à combattre, ce type d’évènement pouvait être courant. Arsenic avait de nouveau hoché la tête, mais elle n’avait plus aucune envie de peser le pour et le contre, comme elle le faisait à chaque fois. La guerre devenait aussi une affaire personnelle, désormais. Et celui qui avait bafoué l’honneur en s’acharnant sur Zénith devait payer. La générale l’avait donc laissé ainsi, sentant l’inefficacité de ses mots, en lui lançant un regard navré qu’elle avait ensuite posé sur le corps inerte du Rathalos Roi-Enfer. Lorsqu’elle avait disparu, Arsenic avait refermé la porte, puis s’était rapproché du lit pour rester auprès de son frère, silencieuse. Puis elle avait percé le silence en murmurant ce nom qui donnait à présent un nouveau sens à sa raison d’être.

Blast fit une entrée si discrète qu’on l’eut pris pour un spectre. Sa pâleur naturelle ne l’aidait déjà pas ; son visage cerné et plus blafard que d’habitude lui donnait une apparence fantomatique. Ses yeux vermillon se posèrent sur Zénith, puis sur sa sœur. Il vint à sa rencontre, et la Rathian sut que dans ce genre de situations il valait mieux ne rien dire, aussi elle écarta ses ailes pour envelopper son petit frère dans une affectueuse étreinte. Il ne fallut guère beaucoup de temps pour que celui-ci se relâche, secoué de sanglots.

-        J-J’ … J’ai eu si peur ! J-Je suis resté comme un lâche à-à-à ne rien faire, alors q-que toi tu as eu le cour-rage de prendre s-sa défense … ! hoqueta le Rathalos de cristal. J-Je n’ai servi à rien ! C’est à c-cause de moi qu’il v-v-va peut-être mourir !

Arsenic resserra légèrement son étreinte comme pour presser le jus acide qu’était la culpabilité de Blast. Ce jus se concrétisa sous la forme de larmes salées que son frère déversait de plus en plus.

-        J-J’en ai assez d-d’être poltron ! couina le Rathalos d’albâtre. C’est uniquement m-ma f-faute si Zénith est c-comme ça !

Elle jugea qu’elle pouvait commencer à intervenir.

-        Blast, ce Zinogre était surpuissant. Moi-même, je ne suis pas parvenue à le repousser. Zénith s’est fait battre à plates coutures en moins de trente secondes. Tu n’aurais pas réussi à faire mieux. Nous nous sommes fait avoir par un ennemi qui s’est révélé trop puissant. Nous devons la vie à un miracle, c’est tout ce que nous pouvons en déduire.

Il releva légèrement son regard humide.

-        J’étais t-trop faible …

-        Nous l’étions tous. Le seul à blâmer, ce n’est pas toi, mais ce Rakurien pour nous avoir outragé.

Blast ne répondit pas, mais ses yeux baissés présentaient un soupçon de vie.

Arsenic entendit qu’on toquait légèrement à la porte, elle relâcha donc son frère pour ouvrir. Phénix et Blister se tenaient derrière, un air grave peint sur leur visage. Contrairement à celle du cadet de la fratrie, la princesse arborait une mine étrangement peu fatiguée, mais Arsenic devina que son maquillage dissimulait sans doute les traces visibles de son inquiétude.

La Reine-Poison céda à leur requête silencieuse en les laissant entrer.

-        Il … Ne s’est toujours pas réveillé, hein ? demanda faiblement Phénix.

Arsenic secoua la tête.

Blister s’approcha lentement du lit à baldaquins. L’aîné sommeillait toujours, couché en chien de fusil, et sa respiration, bien que lente et difficile, était régulière. La Rathian Noire effleura légèrement l’une des ailes du Rathalos avec la sienne. Elle n’obtint pas de réaction de celui-ci.

-        Est-on … Est-on au moins sûr qu’il reprendra conscience ?

Sa voix tremblait comme une feuille turbulée par le vent.

Arsenic fixa sa sœur cadette un instant, puis son regard se posa sur le Rathalos Incendiaire, dont l’angoisse se remarquait par l’absence de flammèches émergentes de son corps. Elle n’osa pas répondre, et baissa ses prunelles améthyste. La Reine-Poison mit un terme à la tension silencieuse qui régnait en relevant son regard qu’elle promena sur ses frères et sa sœur, puis elle quitta la pièce, lançant un dernier œil au corps de Zénith.



***********************************



Cela faisait une bonne heure qu’elle volait sans but précis lorsqu’elle décida de se poser près de l’une des chapelles d’Ignis. Elle se doutait que la cathédrale devait avoir été prise d’assaut par les habitants suppliant l’intervention de Teostra, après cette cuisante défaite non-digérée par les Rathiens. A peine ses serres eurent-elles touché le sol qu’elle sentit l’effervescence qui régnait dans le centre. L’air était lourd et résonnant du brouhaha qui s’élevait de partout. En ce lendemain de bataille, toute la cité s’agitait des dernières nouvelles. L’attaque éclair de Rakuraï, le massacre des Rathiens, l’état du prince héritier après sa confrontation avec le fils aîné de l’empereur Nordique … Arsenic ressentait les émotions graves, anxieuses, flottantes dans le ciel où le soleil brillait à son zénith. Elle lâcha un bref soupir, puis pénétra dans la petite bâtisse destinée aux prières. L’intérieur désert et plutôt sombre la conforta. Elle s’avança jusqu’à l’autel de pierre pour y déposer quelques pièces, puis, levant les yeux vers la flamme qui y brûlait, elle adressa sa plus fervente prière aux Lions astraux.

« Ô Teostra et Lunastra, préservez la vie de mon frère Zénith, je vous en conjure, pour qu’il puisse panser son honneur blessé. »

Après un bref signe de l’aile censé représenter l’astre diurne, elle quitta la chapelle, et se dirigea vers la première taverne qu’elle trouva. Il lui restait quelques Rathdors, et elle songea que son père ne lui tiendrait pas rigueur ce coup-ci de se changer les idées grâce à l’alcool. Elle entra donc dans l’établissement nommé « La Flamme Bleue », tenu par un Rathalos Azur, où régnait une agitation palpable. Le lieu étant principalement fréquenté par des Rathalos et des Basarios, elle passa inaperçue au milieu de cette populace.

Les Basarios étaient en réalité des Gravios encore à un stade juvénile. Ce qui leur valait un nom à part entière, c’était notamment leur différence physique avec leur stade adulte. Eux étaient rondouillards, possédaient une queue très courte et fine et deux excroissances pierreuses sur le bout du nez, tandis que les Gravios étaient certes énormes mais équilibrés, et ne possédaient qu’une petite pointe entre les deux narines. Quant à leur queue, elle ne ressemblait en rien à celle qu’ils possédaient en tant que Basarios : longue, bardée de piquants, et se terminant en une masse capable d’abattre une muraille, elle devenait une véritable arme. Il arrivait cependant parfois qu’au lieu de l’habituelle roche, ce soit des cristaux qui poussent le long de la colonne vertébrale d’un Basarios. Ce « Basarios Rubis » prenait en grandissant une teinte bien plus sombre, et, perdant ses cristaux rosâtres, il devenait un Gravios Onyx. Ce genre de phénomène était encore à l’étude des érudits, qui ne trouvaient pas encore d’explications à cette mutation. Si l’origine de certaines sous-espèces était éclaircie depuis des décennies déjà, d’autres restaient incomprises, comme celle des Basarios ou encore des Nargacugas.

Arsenic se dirigea promptement vers le comptoir, et y déposa 3 Rathdors.

-        Une liqueur de graine pouvoir, s’il vous plait, lâcha-t-elle en fixant le tavernier droit dans les yeux.

Il sembla hésiter sur la façon de répondre.

-        Bien, m-madame.

Lorsqu’il revint avec ladite liqueur, le Rathian lilas le remercia et déposa un Rathdor supplémentaire sur le comptoir. Ce fut au tour du Rathalos Azur de la remercier pour son pourboire.

Elle resta près du bar à siroter sa boisson, tendant l’oreille aux paroles des Rathiens présents. La Rathian discerna une majorité de discussions stériles portant sur la nécessité de tuer Rakuraï de la même façon qu’il avait fait tuer la princesse Tourmaline, ainsi que plusieurs débats ayant pour sujet la raison de l’engagement des Burutiens aux côtés du pire cancrelat de Solhatar. Une conversation suscita cependant sa curiosité, les mots « outrage » et « punition divine » ayant attiré son attention. En se concentrant davantage, elle apprit qu’un soldat mort avait été retrouvé amputé de ses deux ailes, et laissé pour mort au fond d’un ravin. Sa cage thoracique brisée prouvait une effroyable hypothèse : on l’avait mutilé ainsi pour le jeter ensuite dans le gouffre. Le lieu du crime étant proche du village que les Rakuriens avaient pris d’assaut pour fêter leur écrasante victoire, on se doutait bien qu’il s’agissait là d’un acte barbare perpétré par un Nordique.

« Trancher les ailes d’un Rathien, le pire outrage que l’on puisse lui faire ! Les Rakuriens seraient-ils si abominables ? Qui serait pourtant assez fou pour ne pas craindre la fureur des Dieux ? » songea-t-elle avec dégoût.

Elle décida de lâcher le fil lorsque la discussion perdit sa pertinence, et dériva sur des injures au peuple Nordique tout entier.

La porte s’ouvrit alors de manière plutôt brutale, attirant l’attention plutôt courroucée de tous les clients. Une Mizutsune plutôt bien amochée fit son entrée, accompagnée par un Hermitaur Daimyo et un Ceanataur Shogun. Elle semblait furieuse, à en juger par la couleur écarlate de ses barbillons, et se hâta vivement vers le bar, où elle claqua bruyamment une quinzaine de pièces devant le nez du gérant qui avait les traits froncés.

-        Vous avez du thé ? demanda-t-elle assez agressivement.

-        Seulement du vert, grogna la wyverne volante en réponse.

Elle adressa un regard à ses acolytes qui acquiescèrent.

-        Cela fera l’affaire … Deux thés verts et une bière alors.

Le tavernier hocha la tête. Le léviathan et ses compères carapaceons s’installèrent à une table proche, et entamèrent une discussion fort virulente, que la Mizutsune semblait clairement mener. D’ici, Arsenic entendait des mots peu affectueux sortir de la bouche de celle-ci. Les autres clients étaient fortement irrités de sa présence bruyante, mais se contentaient de siffler entre leurs dents.

« C’est très étrange, pour une Ecumienne, d’être si … Belliqueuse ? Energique ? A moins qu’elle n’en soit pas une ? Peut-être une sans-patrie mercenaire … » pensa-t-elle.

Le Rathalos Azur héla un de ses serveurs Felyne qui apporta les boissons aux Ecumiens.

-        Vous n’avez jamais vu Opale ? demanda-t-il en remarquant son curieux intérêt envers les nouveaux venus. Quel spécimen pourtant ! On ne devinerait pas qu’il s’agit bel et bien d’une princesse !

Arsenic reporta son regard sur lui, l’incitant à continuer. Elle s’était fourvoyée, apparemment.

-        A chaque fois que les Ecumiens nous envoient une unité de renfort, c’est elle qui les mène. Parfois, il y a leur général là, dont personne n’a retenu le nom. Faut dire que comparé à elle, c’est un timide ! Je suis sûr qu’elle l’a écarté exprès pour avoir entièrement les rênes. De ce qu’on m’a raconté, sur le champ de bataille, c’est un tigre ! Sauvage et inarrêtable ! Je crois que la défaite lui laisse un goût assez amer, si vous voyez ce que je veux dire.

 « Ah ça, c’est le moins qu’on puisse dire. » songea-t-elle en observant à nouveau l’Ecumienne pointer une griffe accusatrice vers le Ceanataur Shogun, tandis que l’Hermitaur Daimyo le défendait.

-        Quelque part, une boule d’énergie pareille, ça remonte le moral, vous voyez ? La plupart des gens sont défaitistes et pensent que ça ne vaut même plus la peine de chercher à résister aux Rakuriens. Peu clament encore haut et fort que notre vengeance sera accomplie en les écrasant. Rien qu’à la regarder, on se sent d’humeur à se battre. C’est comme une claque visuelle qui remet les idées en place. Sa virulence est comme qui dirait contagieuse …

Elle hocha la tête. Cela faisait effectivement sens.

Après sa troisième liqueur, la Reine-Poison se résolut à quitter l’établissement aux clients forts enivrés. De dehors, on entendait encore les vociférations d’Opale qui s’était mise à jouer au Gwent avec des mercenaires Rathiens, et qui, en mauvaise perdante, rugissait d’indignation à chaque défaite. Peut-être était-ce dû à la somme d’argent qu’elle avait misé. Elle avait dû avaler au moins quatre bières depuis son arrivée et, de par son mode de vie Ecumien éloigné de l’alcool, elle devait mal le tenir. Ses effets devaient être la raison pour laquelle l’idée de jouer aux cartes en misant une somme d’argent astronomique lui était venu à l’esprit.

Le soleil était encore haut dans le ciel, et la lumière vive de celui-ci contrastant avec celle tamisée de la taverne lui agressa les yeux. Arsenic prit son envol et se dirigea vers la forge de Knart, afin de récupérer son armure ainsi que celle de ses frères, qui, ayant subis des dégâts conséquents, avaient été confiées au forgeron royal. L’alcool -bien qu’elle fût plus accommodée à ses effets que la princesse Ecumienne- affaiblissait ses ailes, ce qui l’incita à parcourir les derniers mètres à pied. Sans doute était-ce le froid qui amplifiait cette sensation de mollesse. Lorsqu’elle parvint à la forge, celle-ci était déserte, et elle dût sonner un petit carillon pour qu’un des ouvriers vienne à sa rencontre.

-        Bonjour, Knart est-il présent ? demanda la Reine-Poison au Lavasioth.

-        Non hélas, c’était pour quelle affaire ? Je pourrais lui transmettre votre demande, Ma Dame.

-        Je viens récupérer nos armures, expliqua-t-elle. Il y en a trois, une rouge, une bleue et une verte …

La description sembla évoquer quelque chose au Lavasioth.

-        Oui bien sûr ! Je vous les apporte de suite !

L’ouvrier disparut dans le tunnel menant à l’atelier. Il revint moins de deux minutes plus tard avec les trois armures, brillantes et presque neuves. Knart avait fait un excellent travail dessus, et Arsenic estima le temps nécessaire à un tel polissage à quatre heures par pièce.

Après avoir remercié le Lavasioth, elle s’envola à nouveau, saisissant fermement son fardeau de ses serres, et bifurqua vers le château.




                                  *********************************



Elle hésita à pousser une nouvelle fois la porte de bois rare ornée d’or. Prenant une courageuse inspiration, Arsenic pénétra dans la chambre de Zénith, déserte. La Reine-Poison déposa l’armure pourpre sur son bureau, puis s’approcha à nouveau du lit du prince. Tirant une chaise à elle, elle s’assit, et jeta un œil par la fenêtre. L’hiver teintait le paysage de blanc, bien que les premières neiges ne soient pas encore arrivées, et ce malgré l’éclat du soleil qui persistait à donner de la force à ses rayons. Arsenic se souvint d’une fois où, lorsqu’elle était plus petite, elle jouait avec ses frères à la bataille de neige dans la poudreuse. A cette époque, Phénix n’était encore qu’un tout jeune dragonnet, mais le Rathalos Incendiaire était déjà capable de faire fondre instantanément la neige à proximité. De ce fait, il gagnait systématiquement, car aucune boule de neige ne parvenait à toucher ses écailles brûlantes. La Rathian se rappelait aussi que Chryselene les appelait ensuite pour boire du lait d’Aptonoth chaud au miel, au coin de l’âtre, tandis que Khryselios s’inquiétait sur la probabilité qu’ils puissent tomber malades. C’était un bon souvenir …

Un léger mouvement de la part du corps grenat inerte la tira de ses pensées nostalgiques.

-        Zénith … ?

Elle n’obtint pas de réponse.

« J’ai dû rêver … Je ne devrais pas me faire tant d’illusions, je pourrais le regretter si jamais … » songea-t-elle, n’osant pas même achever sa pensée.

Arsenic exhala un long soupir, puis retourna à la contemplation du dehors.

« Dans ce genre de cas, on ne peut s’en remettre qu’à la foi. Espérons que les Lions astraux aient entendu ma prière … »

L’une des ailes du Rathalos bougea à nouveau, et fût accompagnée quelques secondes plus tard par sa gorge qui émit un faible grondement.

-        Zénith … ! prononça la voix étouffée de la Rathian, qui se rapprocha de lui.

Les yeux clos du Roi-Enfer s’entrouvrirent péniblement, comme sa bouche qui peina à articuler une phrase.

-        C’est comme cela … Qu’on m’appelle …

Elle se jeta à son cou, en prenant néanmoins soin de ne pas l’écraser.

-        Comment trouves-tu le temps de faire de l’ironie dans un moment pareil, idiot ! gémit-elle, enrouée.

A travers ses larmes, elle s’aperçut alors que le Rathalos dissimulait des sentiments plus graves derrière cet humour incongru. Elle essuya les perles salées qui ruisselaient sur ses joues et relâcha le prince héritier.

-        Je … Il … Que s’est-il passé lorsque j’ai perdu connaissance ? l’interrogea-t-il de sa voix elle aussi rauque, les traits tirés.

Arsenic redoutait l’instant où il lui demanderait cela, et elle n’espérait pas qu’il veuille connaître la vérité si tôt. Son regard quitta le visage de son frère pour se figer sur le sol. Les yeux vides, elle raconta tout d’une seule traite.

-        Blast était terrifié et ne pouvait plus bouger. Je … J’ai donc provoqué ce Zinogre … Oxiderr, en duel. Je pensais pouvoir m’en sortir, j’étais parvenue à l’empoisonner, et éviter ses éclairs n’était pas chose aisée mais possible … Mais ce qu’il m’avait montré durant les quarante premières secondes, c’était une simple démonstration. Il possédait une vitesse fulgurante, à croire qu’il se téléportait. Lorsqu’il s’est lassé de ce divertissement, il a provoqué une gigantesque décharge qui m’a atteint moi et Blast. Les armures ont été presque carbonisées, mais elles nous ont sauvé … Cela faisait une journée que tu dormais, acheva-t-elle après un blanc, en relevant ses iris améthyste.

Elle eut un frisson à le voir hocher la tête d’un air absent.

-        A quoi penses-tu ? souffla-t-elle doucement.

-        Je pense au fait qu’on ait failli tous y passer, Arsenic.

Il se leva, et fit quelque pas, raides et maladroits. Il y eut un silence froid et grave.

-        J’ai échoué à vous protéger … Quel prince suis-je, si ne je suis pas même capable de protéger mes propres frères et sœurs … ?

-        Un prince vaillant, qui a le mérite de reconnaître son devoir, et de se battre pour sa nation, répondit la Reine-Poison. Un prince qui ne fait guère passer son confort personnel avant la survie de son peuple. Tout le monde échoue et doit se nourrir de ses erreurs pour qu’elles ne se reproduisent jamais.

-        On était trop faibles … Et par-dessus tout, naïfs … ! murmura-t-il, regardant ses blessures bandées, tournant ses prunelles comme dépossédée de vie.

-        Nous avons sous-estimé le danger qui nous tourmente pourtant depuis dix ans, c’est un fait. Mais une guerre est une guerre. Il y aura toujours plus fort que nous, Zénith. Et … Cet « Oxiderr » qui t’a outragé, ne veux-tu donc pas t’en venger ?

Les rôles s’étaient inversés. C’était lui qui se mettait à douter, tandis qu’elle tentait de l’entraîner dans sa détermination.

Ce fut à son tour de relever ses yeux, flamboyant de colère, qui rencontrèrent ceux à présent déterminés de sa sœur jadis si discrète et calme.

-        Si, bien sûr que si.

Il se releva entièrement, regagnant son attitude normale, féroce et fière.

-        Ce chien va payer pour ce que lui et son peuple ont fait à mes frères et sœurs.

Arsenic décida de lui faire part de ses réflexions.

-        A ce propos …

Le Roi-Enfer parut surpris, et inclina légèrement la tête sur le côté.

-        Oui ?

-        Je … Je ne pense pas que les Rakuriens soient la cause de la mort de Tourmaline.


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