Rathlands

Chapitre 19 : Chapitre 16 (Astalian POV)

2392 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 08/09/2020 22:10

Deux brefs coups se firent entendre à travers la lourde porte qui gardait la salle du trône.

-        Votre Majesté, je viens vous remettre en mains propres une lettre émise par l’empereur des Skypiercers, annonça Astalian depuis l’autre côté de celle-ci.

-        Entre, Astalian, entendit-elle répondre, tandis que deux gardes Seltas ouvrait la porte de la Griffe d’Or.

Elle s’avança jusqu’à Khryselios qu’elle salua en s’inclinant respectueusement.

-        Bonjour. Une lettre, dis-tu ? Que me veux-t-il donc ? pensa le monarque, son toi empreint d’une forme d’étonnement confus.

-        Teostra seul le sait, dit la générale en se relevant et en tendant la lettre en question. Mais il me parait peu probable qu’il s’agisse d’une démonstration d’hostilité.

Le Rathalos argenté hocha lentement la tête d’un air songeur, puis ouvrit l’enveloppe pourvue du sceau Skypiercer. Ses yeux parcoururent avec attention son contenu. Son visage n’exprimait pas d’émotion particulière, mais l’Astalos sentit de la perplexité de la part de son souverain.

-        Il s’agit d’une … Salutation cordiale, déclara-t-il, perdu.

-        Une … Salutation ? répéta la générale, curieuse.

-        En tout cas, c’est la seule chose que l’on peut affirmer, reprit le roi des Rathlands, fronçant légèrement les sourcils. Il semble vouloir proposer un accord, mais il ne fait que suggérer cette possibilité. Il semble tester l’eau, voilà mon ressenti. Je ne connais que très peu l’empereur Etrapanob, mais je pense pouvoir affirmer qu’il n’est pas innocent. Il recherche quelque chose, mais ne souhaite pas le formuler explicitement.

-        Si je puis me permettre, Votre Majesté, pourquoi faire cela ?

-        Je ne sais pas, serait-il méfiant au point de craindre un espionnage ? L’hypothèse est pertinente, mais honnêtement, je crois que les Rakuriens sont davantage happés par les préparations militaires. Il est vrai que Rakuraï a prouvé sa bassesse par l’assassinat de ma fille, en revanche, ce qui pourrait soutenir l’argument non formulé d’Etrapanob … Peut-être ferions-nous bien de l’inviter pour discuter de face à face … S’il accepte l’invitation, non seulement cela nous indiquera qu’il craignait en effet un espionnage ennemi, mais cela nous permettra aussi d’obtenir d’autres informations. Les Skypiercers en ont à revendre, paraît-il …

-        Sur la guerre ?

-        Par exemple, confirma Khryselios.

Le souverain se leva lentement, puis s’enquit d’une plume et d’une feuille de papier qu’il déposa sur son bureau.

-        Je vais rédiger cette invitation, déclara-t-il en revenant ensuite vers elle. Mais avant ça, il me faut tenir cette réunion concernant la situation actuelle, hm ? Penses-tu pouvoir me dire quand Tinarg arrivera, Astalian ?

-        Sous peu, Votre Majesté. Je n’avais pris qu’un peu d’avance afin de vous délivrer la lettre.

-        Bien. (il émit un soupir silencieux) Il semblerait que cette fois, nous ayons été sauvé par une sorte de providence, souffla le monarque, pensif, les yeux rivés au sol. Je doute que nous ayons autant de chance la prochaine fois, ajouta-t-il ensuite en relevant ses iris grenat.

Astalian se balança d’un pied à l’autre.

-        C’était … C’était Gamala, n’est-ce pas ? articula-t-elle.

Le roi des Rathlands hocha imperceptiblement de la tête. L’Astalos baissa le regard, troublée.

-        L’outrage dont il parlait … C’est de ce soldat mutilé dont il s’agit. Celui qu’on a retrouvé au fond d’un précipice dans les plaines Rathiennes. C’est donc bel et bien l’œuvre d’un Rakurien. Qui plus est, nous savons à présent qu’il s’agit d’un des fils de Rakuraï.

-        Une preuve supplémentaire qui confirme la culpabilité de ce chien ! gronda le Rathalos d’argent. Et il ose nier la responsabilité de la mort de ma fille ? Quel infâme individu … Il remue le couteau dans la plaie, et aggrave son cas, à persister ainsi à nous humilier !

Malgré les paroles du souverain, ses yeux demeuraient fatigués et d’ores et déjà vaincus. Ce n’était pas de la colère qui transparaissait de lui, mais un profond dépit, une lassitude infinie qui n’était qu’en partie due à l’âge. De plus en plus, on pouvait le déceler.

« Le roi est épuisé. » pensa Astalian, amère.

On toqua deux fois à la porte. Ils se tournèrent tout deux, leur attention soudainement captée par le nouvel arrivant.

-        Bonjour, Votre Majesté, prononça Tinarg en s’avançant, la grande porte étant restée ouverte dans l’attente de sa venue.

-        Bonjour, Tinarg. Quelles sont les nouvelles ?

Le Gravios s’inclina prestement avant de répondre.

-        Les Rakuriens ont engagé le repli. La patrouille aérienne nous a confirmé qu’ils ont franchis la frontière. Ils semblent avoir été frappé de plein fouet par la Furie ...

-        Aucun dégât collatéral durant leur retraite ? s’enquit Khryselios.

-        Aucun, mon seigneur. L’urgence de leur situation les a sans doute pressés.

-        Je le devine, mais comme je le disais plus tôt, ce miracle ne risque pas de se reproduire. Nous devons absolument garder la tête froide. Sans l’apparition du Répandeur de Misère, Teostra sait ce qu’il resterait d’Ignis, à l’heure où nous parlons, rappela le roi des Rathlands.

Les deux généraux hochèrent gravement la tête.

-        Bien qu’il soit confirmé que les Rakuriens sont bien dans une phase de retrait, je pense qu’ils ne tarderont pas à repartir de plus belle. La Furie ne sera au final qu’un contretemps, pour eux. Il leur suffit de renouveler leurs troupes, chose dont Rakuraï est capable au vu des ses effectifs, ajouta Tinarg. Nous devrions maintenir la cadence industrielle pour anticiper cette attaque dans un futur proche.

-        Je pense qu’il faut d’abord rassurer la population, et nos hommes, proposa Astalian. L’espoir est ce qui les anime, d’où la nécessité d’agir sur leur moral. Un discours de Sa Majesté est ce qui me paraît le plus logique, si Elle n’y voit pas d’inconvénient.

Khryselios parut à nouveau pensif.

-        Oui, j’y compte bien. Et concernant les Rakuriens … Ne les poursuivons pas. Une stratégie défensive me semble plus sage, décida-t-il. A combien s’élèvent désormais nos effectifs, général Tinarg ?

-        2753, Votre Majesté.

-        J’ignore combien de temps nous pourrons tenir ainsi, soupira audiblement le Rathalos argenté.

Astalian échangea un regard avec Tinarg. Ils partageaient cette même inquiétude.

-        Raison de plus pour établir le contact avec les Skypiercers … Eux seuls pourraient nous aider à nous sortir de ce pétrin, pensa à voix haute le roi.

-        Les Skypiercers ? Que nous veulent-ils ? demanda Tinarg, arrivé un peu trop tard pour pouvoir suivre la conversation.

-        Astalian vient de me faire part d’une lettre émise par leur empereur, expliqua Khryselios en montrant ladite lettre. Nous ne savons pas ce qui les anime, mais en tout cas, quelque chose doit susciter leur intérêt. A nous de deviner quoi … Tinarg, je te laisse le soin de déclarer vingt quatre heures de repos pour nos soldats, pas plus. Je vous fais également confiance à tous les deux pour entretenir le moral des troupes. En ce qui concerne le peuple, je me chargerai de proclamer un discours allant dans ce même sens. Pas un mot sur cette lettre, elle reste un secret d’Etat pour le moment, leur intima-t-il.

Les deux généraux hochèrent la tête respectueusement.

-        Compris, répondirent-ils en chœur.

Deux nouveaux coups retentirent contre la porte de la Griffe d’Or. Astalian vit les pupilles du souverain se relever, puis se rétrécir sensiblement, comme dans un accès de crainte. C’était bref, et aisément manquable, mais visible. Elle se retourna alors pour découvrir ce qui l’avait stupéfait l’espace d’un instant.

Zénith.

C’était Zénith qui se tenait sur le pas de la porte.

-        Bonjour, Père, prononça Zénith, d’un ton neutre, presque froid, le regard perçant malgré la distance qui les séparait.

Le roi avait-il eu peur de son propre fils ?

« Il a dû être surpris, son état de fatigue excuserait bien cela … Je dois m’imaginer des choses » songea-t-elle.

-        Aurais-tu une demande à me faire ? demanda humblement son souverain.

-        Pas vraiment, non, répondit-il d’un ton presque détaché. Je passais par là, et j’ai pensé qu’en tant que prince, je devais sans doute m’intéresser aux affaires du royaume. J’espère que mon zèle ne te gêne pas, Père, déclara le Rathalos Roi Enfer.

Astalian étudia le visage du roi qui fixait son fils. Il se jouait quelque chose d’implicite qu’elle ne parvenait à lire. C’était particulièrement troublant, et encore plus étant donné l’indice relevé quelques secondes plus tôt. Elle jeta un œil à Tinarg. Il n’avait rien ressenti, et se contentait de présenter une expression fière à l’héritier des Rathlands. Sans doute n’avait-il pas vu les yeux de Khryselios non plus.

« Qu’est-ce qui se passe sous mes yeux, et qui pourtant m’échappe ? »

-        Voilà une attitude fort respectable, Prince Zénith, commenta Tinarg, vous faites la fierté des Rathlands.

Le prince aîné coula un regard et un sourire tendre au Gravios.

-        Je ne fais que ce qui me semble juste, général Tinarg. Et en parlant de justice, je viens de me rappeler la raison de ma venue, dit Zénith, dont les sourcils se fronçaient légèrement. Je souhaitais savoir ta décision Père, poursuivons-nous les Rakuriens, ou non ?

Il y eut un court silence pendant lequel Astalian ressentit tant une tension grandissante, qu’elle se demanda comment Tinarg pouvait y être insensible.

-        Nous ne pouvons nous permettre de nous lancer à leurs trousses maintenant. Ils auront regagné Voltarr d’ici deux jours, tout au plus. Ils sont déjà sur leur territoire, c’est insensé, répliqua Khryselios. C’est d’autant plus du suicide avec les effectifs qu’il nous reste.

-        N’aurait-ce pas été un moyen de prouver au peuple la vaillance restante à notre Nation, et de faire pression sur les Rakuriens ? Nous pourrions juste organiser un sabotage ou une embuscade, proposa Zénith, dont les yeux luisaient de dangereuses étincelles.

-        L’intérêt d’un tel déploiement de ressources reste, je le crains, limité, Votre Altesse, expliqua Tinarg. Il serait également dommage qu’une opération éclair comme celle que vous proposez ne donne suite à un assaut faisant profit de la situation.

Astalian n’osait pas parler. Zénith hocha pensivement la tête suite à l’argument du Gravios, mais elle sentait la colère sourde qui grondait et se refoulait à l’intérieur de cet être. Tinarg pouvait agir comme si de rien n’était, mais pas elle. Et elle avait peur que cela se voit si jamais elle prenait la parole. Alors, elle observa.

-        … Je comprends, dit Zénith en relevant ses iris ambre sur son père. J’espère que vous avez fait le bon choix, articula-t-il dans un regard agressif, il serait particulièrement dommage de faire davantage d’erreurs … (il rabaissa les yeux vers elle et Tinarg, d’un air bien plus affable) Je vous remercie pour vos explications, générale Astalian et général Tinarg, les salua-t-il. (puis, après une pause) Père, je prends congé, annonça-t-il sans laisser de temps de réponse au Rathalos argenté, ayant déjà tourné le dos pour sortir.


Astalian rejeta un discret coup d’œil au roi. Il était profondément soucieux.

Et par-dessus tout, elle percevait de l’authentique crainte.


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