Rathlands

Chapitre 20 : Chapitre 17 (Achéron POV)

1786 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 04/11/2020 12:25

« … tu n’as rien de brave en toi, misérable couard ! »

Achéron brûla toutes les étapes entre le sommeil profond et l’éveil d’une giclée d’adrénaline, se réveillant en sursaut, sa cuirasse humide de sueur. Les frissons le saisirent moins d’une fraction de seconde plus tard, accompagnant sa respiration saccadée.

« Encore ce rêve … » pensa-t-il.

Le feu de cheminée. La carpette. Ses frères. Sa mère. Son père. Et d’un coup, le carnage, le rugissement guttural d’Oxiderr, sa folie, le sang, pourpre … Et maintenant, cette phrase qui, pour mieux le hanter, était crachée par l’Oxiderr de son cauchemar, avant qu’il ne se jette sur lui.

Pourquoi son inconscient s’acharnait-il à le tourmenter ainsi ? Ses griffes se refermèrent de colère sur ses paumes. Ce n’est que lorsqu’il perçut une surface douce et légèrement granuleuse sous ses pattes qu’il réalisa qu’il tenait un livre entre celles-ci. Précautionneusement, il reposa l’ouvrage sur le bureau en face de lui, regrettant déjà que ses mains moites aient laissé des traces là où elles avaient été en contact avec le papier. Il relâcha un long soupir silencieux.

« Je vais devenir dément, si je ne le suis pas déjà … Qui d’autre qu’un fou rêverait, dès qu’il ferme les yeux, que son frère l’égorge ? »

Il reconcentra ses yeux perdus dans le vague sur le livre qu’il étudiait avant qu’il ne s’assoupisse.

« « Légendes et mythes de Solhatar ». Je pensais y trouver des informations utiles, mais ça ne semble être qu’une perte de temps … » pensa-t-il avec une pointe de regret.

Lire n’était point quelque chose qui l’ennuyait, loin de là, mais toute passion se devait d’avoir un but à atteindre. Ne pas atteindre cet objectif lui évoquait naturellement de la frustration.

Il leur fallait un moyen de riposter si Gamala venait à revenir sur le champ de bataille aux côtés des Rathiens. Si son père et ses frères avaient visiblement bien encaissés les effets du Virus, Achéron n’était pas prêt à revivre ça. C’était peut-être égoïste de sa part, mais il ne souhaitait pas mourir. Et encore moins comme cela.

Peut-être bien qu’au fond, il n’était qu’un lâche … Un lâche dont les seules facultés utiles étaient en train de le trahir. Son seul salut en ce monde tenait à son affiliation avec l’empereur. Il savait bien que s’il était né dehors, dans le froid mordant des Monts Nordiques et de la pauvreté, il n’aurait pas fait long feu. Sa faiblesse accablante l’aurait rendu victime de la sélection naturelle, sans aucun doute. Il était partagé entre la douleur d’un tel constat et le sentiment profond d’avoir quelque chose à prouver. La reconnaissance qu’il éprouvait face à sa situation était mitigée d’amertume.

« Je devrais être heureux. J’ai tout pour l’être. Et pourtant … »

Il essaya de chasser le pessimisme de son esprit car il commençait à se sentir consumé par ces mauvaises pensées, qu’il attribuait à Oxiderr pour l’avoir tant persécuté.

« Peut-être que je tombe dans le piège d’Oxiderr, en pensant ainsi. C’est ce qu’il voudrait. Je ne dois pas me laisser abattre si je veux prouver que j’ai une valeur. » songeait-il. « Et je ne peux pas le laisser ainsi croire qu’il a raison. Il a tort, et plus que jamais, je sens qu’il va être une fois de plus la cause même de nos malheurs … »

Le Zinogre Stygien se leva pour ranger le livre au sein de la grande étagère qui recouvrait un mur entier de la bibliothèque impériale.

« Je devrais continuer à chercher, il existe un indice quelque part … »

-        Je dois penser rationnellement … Que ferait un Skypiercer ? pensa-t-il à voix haute.

Son regard s’arrêta sur un ouvrage plutôt gros, titré « Légende des 3 Héros »

-        Bingo !

Il se saisit du livre avec enthousiasme. Celui-ci ravivait tous ses espoirs comme une brise soufflant sur des braises.

Le livre traitait aussi bien de la légende populaire des trois Héros que des théories à leur encontre. Et Kirin sait qu’elles étaient farfelues ! Certains affirmaient que les Héros ne seraient autres que d’anciennes Montures, affiliées aux humains Riders avant le Soulèvement. Celles-ci, contrairement au reste de leur peuple, auraient demandé à racheter leur erreur, que fut celle d’aider les humains pendant le Soulèvement. Les dieux les auraient alors contraints à servir les Nations pour l’éternité, en leur offrant l’immortalité.

Ce qu’oubliaient les auteurs d’une théorie si alambiquée, c’est qu’une Monture possède, même adulte, une petite taille. Pour avoir vu Akalash et Gamala d’assez près, Achéron pouvait affirmer qu’ils étaient tout sauf petits. Ils étaient même géants !

« Je doute que ce « Falkav » fasse exception au trio … Ils ne peuvent pas être des montures … »

Achéron avait également déjà vu des Montures. Il y en avait, dans l’enclave des Charognards. Ce petit Etat sans dirigeant officiel regroupait l’entièreté des Montures encore vivantes de tout Solahtar. Par plusieurs fois, celui qu’il considérait comme leur chef venait leur rendre visite à Voltarr. Il venait demander des terres supplémentaires dans les Monts Nordiques, à la frontière, pour avoir accès à davantage d’eau. Il fallait dire que dans cette enclave désertique inhospitalière, le Mur, leur fleuve, était régulièrement tarit. Malgré leur population peu élevée, les Charognards faisaient face à une pénurie d’eau récurrente. Alors, tout aussi régulièrement, il envoyait le plus apte à négocier, Diakera, si Achéron s’en souvenait bien, en Rakuria.

Il fallait dire qu’il était sans doute le seul à pouvoir effectuer ce voyage.

Diakera était un petit Diablos, conformément à sa nature de Monture. Mais, à l’instar de certaines Montures, il faisait partie de ceux ayant subis une modification génétique, dont seuls les anciens Riders avaient le secret. Diakera possédait des cornes d’un rouge vif, ainsi qu’une capacité à cracher des lasers comme un Gravios. Ce feu lui était sans doute d’une grande aide pour franchir les Monts Nordiques depuis le côté Charognard.

En tant que Charognard, il ne pouvait pas franchir une autre frontière que celle de la Rakuria sans risquer sa peau, car les autres Nations méprisent leur peuple, voire les persécutent. Sa seule option pour rencontrer l’empereur consistait donc à traverser les Monts Nordiques et son terrible blizzard.

Parfois, Achéron pensait à sa condition. Il y avait bien pire que de naître au fin fond de la campagne Rakurienne. Naître dans le mal-aimé Vallon des exclus était bien plus grave en soit. Mais il aurait pu mieux naître, aussi.

« N’aurais-je pas été heureux d’être un Skypiercer ? »

Il aurait eu tout ce qu’il considérait être de plus cher à ses yeux, du savoir, de la sagesse, et sans doute des proches affectionnant ces mêmes choses …

Il divaguait. Son but était de trouver un contre au héros Gamala.

-        Mais mettons qu’il ne revienne plus ? J’aurais fait tout cela pour rien, non ?

Il pesta contre cette possibilité. Enfin, ça l’arrangerait bien, mais pour une fois qu’il pouvait se sentir utile et important !

Il reposa le livre à sa place.

« Nous aurons Akalash avec nous à la prochaine bataille. Il y a fort à parier que Gamala ne reviendra pas. Du moins, il n’y a pas de raison qui fasse qu’il ne soit pas pas là. Waoh, ça devient compliqué. »

Ce raisonnement peu fructueux lui avait ouvert l’appétit, et malgré sa passion pour les livres et l’habitude de vivre à leurs côtés une bonne partie de son temps, le Zinogre Stygien eut envie de prendre l’air. Il prit cependant la précaution, une fois tous les ouvrages rangés, de dissimuler ses ouvrages personnels dans son coffre. Depuis une mésaventure avec Irodim, il évitait soigneusement que ces ouvrages à la valeur inestimable ne finissent entre ces griffes malintionnées. Il avait failli perdre un de ces livres dans un lac, et seul son père à l’époque avait su sauver l’ouvrage d’une mort certaine …

Une fois ceci de fait, il soupira de satisfaction, puis quitta la salle.

-        Ça ne peut me faire que du bien … prononça-t-il à voix haute.

Il marcha plutôt rapidement dans les couloirs du palais, craignant de croiser Irodim en cette maudite heure du midi. Il attendait en effet qu’Oxiderr rentre de son entraînement personnel pour partir chasser avec lui.

C’est ainsi que que se déroulaient les repas la semaine. Rakuraï étant souvent fortement occupé par les devoirs qui lui incombent, il chassait à des heures irrégulières et ne consacraient que peu de temps à son repas. Ses fils en faisaient de même. Ils vaquaient à leurs occupations et chassaient chacun de leur côté. Enfin, Achéron, lui, chassait de son côté, car Irodim et Oxiderr s’entendant à merveille, ils chassaient ensemble. Le samedi et le dimanche, en revanche, Rakuraï leur consacrait davantage de temps et mangeait avec eux ces deux jours-là. Ils chassaient également tous ensemble, en règle générale.

En sortant du palais, Achéron avisa la forêt qui regorgeait de gibier facile et qui possédait l’avantage d’être proche du palais. Cependant, le risque d’y croiser Oxiderr en plein entraînement, ou pire, de croiser après coup Oxiderr et Irodim en pleine chasse le dissuada de s’y rendre.

Avec une pointe d’amertume, il se dirigea vers la toundra, en contrebas du palais.

« Combien de temps encore serais-je contraint de subir en silence ces deux-là ? Comment expliquer à mon père tout le mal que représente Oxiderr pour non seulement notre famille, mais aussi notre Nation ? »


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