Rathlands

Chapitre 21 : Chapitre 18 (Khryselios POV)

2891 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 04/11/2020 12:27

 Il ne fallut guère beaucoup de temps pour que l’empereur des Skypiercers, Ingred Etrapanob, ne fasse son apparition plutôt discrète au Château des Rathlands. Le soir-même où il avait reçu la lettre, Khryselios, fort intrigué par cette soudaine démonstration d’intérêt, s’était empressé de rédiger sa réponse. Le lendemain, à l’aube, son messager s’envolait pour Tengoku, la capitale. Deux jours plus tard, le Malfestio confirmait l’entrevue prévue trois jours plus tard, soit tout juste le temps de se rendre à Ignis. Et voici que le jour tant attendu était arrivé. Tout était allé très vite.

Le Rathalos argenté se tenait en bout de table de la salle d’entrevue. Tandis qu’une Rathian Rose finissait de disposer les couverts le long de la vaste table, le roi des Rathlands rejeta un œil pensif à la lettre qu’il avait gardé avec lui pour l’entrevue. Il savait que les Skypiercers n’agissaient que lorsque leur intérêt, ou leurs valeurs, sont titillés. Il devait faire preuve d’une certaine méfiance. Leur peuple n’était pas connu pour sa charité.

« J’eus bien fait de prévoir un repas. Cela montrera une façade affable qui lui plaira, je crois. » songea Khryselios, en laissant errer son regard sur les flammes qui brûlaient dans la cheminée.

Astalian et Tinarg firent discrètement leur entrée dans la salle.

-        Bonsoir, Votre Majesté, salua Astalian pour eux deux.

Khryselios releva les yeux.

-        Astalian, Tinarg, bonsoir, répondit aimablement le roi.

Les généraux prirent place de part et d’autre du roi.

-        L’empereur Skypiercer devrait arriver d’une minute à l’autre, Votre Majesté, l’informa Tinarg.

Le Rathalos argenté hocha lentement la tête.

-        Bien. Sakura ? héla-t-il la Rathian rose, qui releva la tête, intriguée. Demandez à Knart d’apporter les premiers amuse-bouches. Notre invité ne va pas tarder à se manifester.

La servante s’inclina puis s’en alla répondre à la demande du roi.

-        Avez-vous convié votre fils, Zénith, à cette entrevue, mon roi ? s’enquit Tinarg, purement curieux.

Khryselios sentit une sueur froide se former dans son dos.

Non, bien sûr que non qu’il que ne l’avait pas convié. C’eut été le pire moment pour le laisser venir. Il aurait été parfaitement capable de se comporter de manière totalement indisciplinée, et ce sans aucun scrupule. S’il y avait bien une chose qu’il ne voulait pas exposer à l’empereur Skypiercer, qui semblait disposé à l’épauler dans l’effort de guerre, c’était la tension qui le liait lui et son fils aîné. Au-delà de son image, c’est celle de Zénith qui se retrouverait elle-même entachée pour les années à venir s’il faisait à nouveau des siennes … Alors non, bien entendu, il ne voulait pas prendre ce risque, quitte à lui dispenser une utile expérience d’une séance de négociations.

Tandis qu’il avait ces pensées à vive allure, il y eut un court blanc. Khryselios s’en rendit compte un peu tardivement.

-        Oh, pardonnez-moi, général. Hélas, non, j’aimerai garder cette entrevue la plus secrète possible. Moins de personnes l’on impliquera, mieux la discrétion persistera. J’y ai pensé, vous savez. Cette expérience aurait été fort enrichissante pour Zénith en tant que futur roi mais, je le crains, il devra patienter une autre occasion pour la vivre, répondit-il avec un léger sourire.

Tinarg parut sensiblement confus. Le roi des Rathlands sentit également Astalian, à sa gauche, l’interroger du regard. Mais il garda le silence pour appuyer une forme de certitude.

Heureusement, ce silence planant ne dura pas bien longtemps, car l’escorte qu’il avait envoyé chercher son invité frappa à la porte.

-        Entrez, répondit Khryselios.

-        Messire, votre invité, Son Excellence Ingred Etrapanob, annonça en s’avançant l’un des Seltas qui escortaient l’empereur, ainsi que sa garde rapprochée.

Le néoptéron s’inclina avant d’ouvrir entièrement la porte, révélant Ingred ainsi que deux autres Skypiercers. Ceux-ci pénétrèrent dans la salle sans plus de cérémonie.

-        Vous pouvez disposer, ordonna le roi des Rathlands.

Les quatre Seltas s’inclinèrent, puis quittèrent la pièce en refermant soigneusement la porte derrière eux.

-        Bonsoir, Votre Excellence. Bonsoir, messieurs. J’espère que vous avez fait bon voyage, et vous souhaite la bienvenue à Ignis, salua-t-il.

L’empereur s’avança davantage, jusqu’à l’autre bout de la longue table.

-        Bonsoir, Votre Majesté. En toute honnêteté, nous avons été pressés par le mauvais temps, mais cela ne fait aucune différence. Ce sont les enjeux de l’hiver, après tout.

-        Voilà qui est regrettable. Mais en effet, cela ne tient pas de notre ressort. Mais trêve de mondanités, prenez place, je vous en prie, les invita le Rathalos argenté d’un geste de l’aile.

Les trois invités s’asseyèrent. Ingred s’installa naturellement en bout de table, tandis que ses accompagnateurs se placèrent chacun d’un de ses côtés. Les deux individus lui paraissaient étrangers. Il fallait bien avouer qu’il ne connaissait pas vraiment les Skypiercers, et n’avait rencontré leur dirigeant qu’une fois. Or, à l’époque, ce n’était pas Ingred …

A sa droite se tenait vraisemblablement son général principal. Il s’agissait d’un vieux Yian Garuga borgne. Son unique œil brillait d’un mélange de vice et de sagesse, et sa cuirasse laissait présager l’expérience de nombreux combats. Khryselios était, en toute honnêteté, un peu malaisé par la présence de la wyverne aviaire.

A sa gauche se tenait un parfait inconnu qu’il ne semblait pas pouvoir identifier. Mais, en tant que banal Yian Kut Ku, le roi devina qu’il devait s’agir d’un quelconque scribe.

-        En tout cas, je tiens à vous remercier pour votre sérieux, messire Khryselios. J’aime quand les choses se font rapidement, et ma foi, sur ce point, je n’ai pas été déçu, déclara Ingred avec un authentique sourire.

-        Vous de mêmes, messire, répondit le Rathalos argenté. Cela n’aurait pas pu être possible sans votre participation.

-        Cessez la flatterie, mon brave ! Nous ne sommes pas là pour ça, n’est-ce pas ? lança le Malfestio.

-        Vrai. Bien. Parlons affaires. Votre lettre fut fort aimable, mais vous n’avez guère formulé quoi que ce soit. Quel intérêt souhaitez-vous nous partager ?

Le hibou au plumage bleu nuit posa ses coudes sur la table. Khryselios remarqua que le Yian Kut Ku était bel et bien en train d’écrire.

-        J’ai cru comprendre que vous étiez fort embêtés avec les Rakuriens, ma foi, dit-il.

-        C’est bien là quelque chose de fort vrai, affirma Khryselios.

-        Après mûre réflexion, nous voulions vous rencontrer en personne pour discuter d’une aide en votre faveur. Vous n’êtes pas sans savoir que, au-delà du plan politique, nos échanges économiques sont primordiaux en ces temps de crise, hm ?

-        Tout-à-fait, Votre Excellence.

-        Alors vous comprendrez bien que, naturellement, l’envie est forte de vous porter secours.

-        Excusez ma témérité mais, est-ce là l’unique raison d’un tel élan de charité ?

Le Malfestio laissa planer un bref silence afin ponctuer sa réponse.

-        Ma foi, c’est bien la seule qui fasse office d’hypothétique inconfort dans l’immédiat.

-        Je vois, dit Khryselios. Que proposez-vous ?

Deux tocs se firent soudainement entendre sur la grande double porte fermée. Khryselios fut tout aussi surpris qu’Ingred en face de lui, ainsi que toutes les personnes présentes dans la pièce.

-        Je vous prie de m’excuser, Votre Excellence, s’excusa le roi, qui dissimula plutôt habilement sa confusion. Qui est-ce ? demanda-t-il en élevant la voix.

Quelque part, au fin fond de son esprit, Khryselios eut un mauvais pressentiment.

-        C’est moi, Père.

Khryselios se figea.

Il aurait dû s’y attendre. Jamais il ne l’écoutait. Même pour un enjeu si important, il était incapable de se tenir tranquille.

« Par Teostra, qu’ai-je donc fait de mal ?!» s’écria-t-il mentalement.

Il regagna son calme. Ou du moins, il dissimula la terreur à l’idée que Zénith ne fiche tout en l’air.

-        Entre, mon fils !

Zénith fit son apparition en ouvrant calmement l’une des deux portes, et en la refermant soigneusement derrière lui.

-        Messieurs, bien le bonsoir.

Khryselios grinça des dents à l’idée qu’il ait délibérément choisi de ne pas employer le titre de noblesse de l’empereur. Son objectif était-il de ruiner cette séance ?

-        Votre Excellence, messieurs, veuillez excuser mon fils, le prince Zénith, pour son arrivée tardive, déclara Khryselios en regardant aimablement ses invités, avant de dériver sur son fils afin d’en juger la réaction.

Il vit les iris de Zénith luire d’une étincelle sournoise.

« Par Teostra, prends garde à ce que tu vas dire, pauvre fou ! » jura Khryselios intérieurement.

Mais lorsque Zénith ouvrit la bouche, cette lueur disparut.

-        En effet, veuillez excuser mon retard. Un tel manque de sérieux est certainement détestable. J’espère que vous mettrez ça sur le compte de mon jeune âge, s’expliqua-t-il en une grâcieuse révérence.

« Que les deux Lions Astraux soient loués … »

Ingred parut peu irrité de cette intrusion soudaine.

-        Nous vous pardonnons, cher Prince. Eh ! Il faut bien que jeunesse se fasse. Veillez à ce que cela ne se reproduise pas, et nous ne vous en tiendrons pas rigueur.

Zénith esquissa un sourire.

-        Cela va de soi, Votre Excellence, répondit le Rathalos Roi-Enfer en s’asseyant aux côtés de Tinarg.

Les deux généraux Rathiens se regardaient discrètement sans comprendre. Khryselios tâcha d’agir comme si cela était prévu, mais il ne pouvait rien faire concernant les généraux. Il ne pouvait compter que sur leur perspicacité à ce moment précis.

-        Bien, messieurs, reprit Khryselios en regardant tour à tour Tinarg, puis Astalian, puis ses invités Skypiercers, je nous suggère de reprendre là où nous en étions.

Cela sembla faire réagir les généraux qui reprirent leurs esprits.

-        Bien, commença Ingred. Voilà ma proposition : nous vous fournissons une aide militaire durant l’entièreté de cette guerre, et, en échange, vous rembourserez matériellement au cours d’un délai dont les conditions sont encore à fixer.

-        Est-ce là votre seule condition, messire ? demanda le roi des Rathlands, confus.

Ingred laissa à nouveau naître un court silence.

-        Trouvez-vous cela tant généreux ? Je peux modifier mon offre, si cela vous incommode …

-        Absolument pas, Votre Excellence. Mais vous nous excuserez bien de trouver cela suspect, déclara Zénith en prenant la parole inopinément.

Le sang du Rathalos argenté se glaça dans ses veines l’espace d’un instant.

« Ne pouvait-il pas se contenter d’observer ? Que veut-t-il donc, par tous les Dieux ?! »

Le Malfestio plongea ses yeux dans ceux du prince.

-        Voilà un négociateur-né ! fit-il en brisant le silence. Vous faites bien de vous méfier, prince Zénith, cela vous sera fort utile plus tard. Mais voyez, j’ai des intérêts dans cette affaire que je ne peux communiquer. Sachez juste que cela est suffisamment important pour venir vous proposer une telle offre.

Khryselios fut soulagé. Il ne savait pas si Ingred réagissait authentiquement ou évitait consciencieusement de tomber dans le quelconque piège de Zénith, mais qu’importe.

-        Nous acceptons votre proposition, qui est bienvenue en ce temps de crise, Votre Excellence.

Ingred reposa ses iris dorées sur le roi.

-        Parfait. L’Empire Skypiercer vous fournira le soutien de trois mille hommes, qui seront sous le commandement exclusif du général Scarface, ci présent, déclara l’empereur en désignant le Yian Garuga borgne. Ces troupes resteront sur le territoire Rathien jusqu’à la fin avérée et officielle de la guerre contre l’Empire Rakuraï. En cas de décès du général Scarface, les troupes se battront temporairement sous les ordres Rathiens. Cependant, il conviendra d’envoyer sous deux jours un émissaire pour m’informer si ce cas de figure se produit. Enfin, si votre Royaume venait à perdre cette guerre, nous nous réservons le droit de réclamer les Rathlands comme étant notre propriété absolue. Bien entendu, ce droit souverain cessera à la fin de la guerre, en même temps que cette alliance, termina Ingred en se rasseyant plus en arrière sur son siège.

« J’aurais dû me douter que ce Skypiercer possédait plus d’un tour dans son sac … » songea Khryselios.

Zénith fut désireux de s’exprimer à nouveau et n’attendit l’avis de quiconque pour le faire.

-        Excusez-moi, Votre Excellence, mais n’est-ce pas fort excessif de nous révéler ce terme du contrat seulement maintenant ? demanda-t-il, poli, un grondement sourd malgré tout perceptible au fond de sa gorge.

Le Malfestio semblait intrigué par le Rathalos Roi-Enfer.

-        Sans doute, cher prince, mais cela ne reste qu’une formalité. Si j’eus voulu simplement me saisir de vos terres, j’aurais employé de plus francs moyens, vous savez. Voyez cela comme une forme d’assurance en contrepartie de ma générosité.

Il est vrai qu’il n’y avait rien à redire à ce sujet. Trois mille hommes, c’était amplement suffisant, à priori, pour mettre un terme au conflit avec les Rakuriens.

-        Si la confiance n’est pas réciproque, croassa sèchement le Yian Garuga dénommé Scarface, rien ne vous empêche encore de renoncer.

Zénith se réenfonça sur son siège, calmé, mais toujours ennuyé. Il fixa le général Skypiercer avec une lueur farouche dans les yeux.

-        Non, nous acceptons les termes de cette alliance. Cela me paraît fort honnête au vu de son contenu, trancha Khryselios.

L’empereur Skypiercer se leva. Khryselios fit de même, et ils se rejoignirent à mi-chemin chacun au niveau du milieu de la table.

-        Alors, qu’il en soit ainsi, conclut Ingred Etrapanob en lui tendant la main. Ce fut un plaisir de négocier avec vous.

-        Vous de mêmes, conclut également Khryselios en lui serrant la main.

 



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