Rathlands

Chapitre 22 : Chapitre 19 (Tinarg & Astérion POV)

3374 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 30/12/2020 15:09

Tinarg finit sa chope de bière en une gorgée.

-        Camarades, vous m’excuserez, mais le devoir m’appelle, déclara-t-il à ses compagnons en se levant.

L’un d’eux, un Rathalos, fit une moue dépitée.

-        Le roi, j’imagine ? Bah ! Ainsi va la vie. Mais j’étais pas pressé de repartir au front, c’est moi qui te l’dis.

-        Pour sûr, renchérit un Espinas, ça passe vite, une seule journée de repos !

Le général Rathien ressentit un léger malaise planer dans la salle.

-        Mes amis, comprenez que la crise ne nous laisse guère le loisir de divaguer davantage. Nous sommes en guerre ! Et nous devons nous battre pour notre royaume ! les raviva-t-il. Eh, pensez-bien, si nous n’avons plus de royaume, vous ne pourrez plus jamais vous reposer. Parfois, il suffit de voir les choses très simplement.

Cette maigre sagesse sembla étrangement suffire à tout le monde.

-        Ce n’est pas si faux que ça, avoua un Gravios Onyx.

-        Bien dit ! Penser d’abord au confort est le début de la paresse ! gronda un Nargacuga en claquant son verre de liqueur sur la table.

Le Gravios était content de lui.

-        Bien, sur ce, je me dois de rejoindre le roi. Camarades, passez une agréable fin de journée, leur souhaita-t-il.

Après avoir payé son ardoise, il quitta la taverne de la Flamme Bleue, et se dirigea vers le château.



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Lorsqu’il arriva devant la salle du trône, la porte de la Griffe d’Or était grande ouverte. Le roi était là, de dos, visiblement profondément plongé dans ses pensées.

Le Gravios repensa aux évènements ayant eu lieu 3 jours auparavant.

« C’était bien étrange quand même. Pourquoi le roi voudrait empêcher le prince d’assister à cette réunion, aussi secrète soit-elle ? Le risque d’espionnage était-il si élevé que cela ? Pourquoi ne pas avoir déployé davantage de gardes, si c’était le cas ? »

Il avait beaucoup de mal à comprendre cette volonté. Mais ce qui est fait est fait, et au final, le prince Zénith avait pu bénéficier de l’expérience d’une entrevue politique. Il l’avait même trouvé fort présentable et maniéré.

« Ce prince est une bénédiction pour notre peuple. Une fois dans la force de l’âge, il fera un bien bon souverain. » songea Tinarg.

Tinarg s’annonça en toquant deux fois la porte avec les pointes de ses ailes, puis en s’éclaircissant la voix.

Le roi eut un sursaut, et se retourna.

-        Excusez-moi, Votre Majesté, je voulais simplement vous faire part de ma présence, dit le Gravios.

-        Bonjour, Tinarg. Astalian n’est point avec toi ? demanda-t-il.

Tinarg se balança brièvement d’un pied à l’autre.

-        Hum, non, Votre Majesté. Mais elle ne saurait tarder.

A ces mots, un raclement de gorge se fit entendre derrière lui.

-        Excusez mon retard, Votre Majesté, déclara Astalian, légèrement essoufflée.

Le général remarqua que l’Astalos arborait une mine fatiguée.

-        Excuse accordée. Mais entrez donc, nous avons fort à discuter, n’est-ce pas ? demanda Khryselios en s’asseyant sur son trône.

Le Gravios s’avança jusqu’au souverain. Astalian ferma la porte derrière eux avant de les rejoindre.

-        Bien. Avant de commencer ce pour quoi nous sommes ici, il y a un élément que je souhaiterai rapidement aborder. Général Tinarg, pouvez-vous me faire un petit récapitulatif de nos dernières livraisons d’or en provenance des Terres Ecumiennes ? s’enquit le Rathalos argenté.

-        Bien sûr, mon roi. La reine Irisée nous a fourni sa dernière contribution la veille de la bataille d’Ignis. Cela est arrivé un peu tard, mais a pu être exploité tout de même. A noter que la quantité livrée a été doublée.

Khryselios fronça les sourcils.

-        Mais d’où provient cet or supplémentaire ?

-        La reine Irisée a déclaré qu’il provenait du lit de la Larme du Roi, en aval, sur leurs terres.

-        Il y en aurait donc également en amont, penses-tu ? demanda Khryselios.

-        Sans doute. Cependant, la reine a insisté pour que cela reste une information confidentielle. Elle craint pour la sûreté du Royaume Ecume, si jamais cela sortait de notre péninsule.

-        Nous y prendrons garde. Les seules personnes mises au courant sont dans cette pièce, et garderont respectueusement cette information, déclara le souverain en les regardant tour à tour.

Il y eut un bref silence pendant lequel il sentit Astalian, à côté de lui, tendue et mal à l’aise.

« Elle est vraiment étrange, ces temps-ci. Je devrais lui parler » pensa Tinarg, concerné.

-        Abordons maintenant la planification de la suite des opérations, décida le Rathalos argenté. Vous vous doutez que l’urgence est de fortifier Ignis en prévision d’une réplique des Rakuriens. Ils vont, sans l’ombre d’un doute, revenir s’attaquer directement à notre capitale tant que nous sommes faibles. Hélas pour eux, d’ici là, les forces Skypiercers -si Teostra le veut- auront eu le temps d’arriver. Nous inverserons rapidement le rapport de force. Les Rakuriens ne déploieront sans doute pas plus de trois mille hommes. Avec les forces prêtées par l’empereur Skypiercer, nous atteindrons aisément les cinq milliers.

Tinarg réfléchit. Ce plan semblait effectivement fort correct.

Astalian prit cependant la parole.

-        Je préconise de renforcer notre patrouille aérienne frontalière quotidienne afin de pouvoir réagir rapidement dès qu’ils auront franchis la frontière.

Le roi sembla réagir à cette suggestion.

-        Voilà une idée fort sage. Nous ferons ainsi.

-        Une fois cette entrevue terminée, je recontacterai les Ecumiens pour demander à nouveau leur soutien, dit Tinarg.

-        Oh oui, bien sûr. Je vais d’ailleurs rédiger une nouvelle lettre de remerciements pour notre cher confrère Tidal. Prévois les prochaines livraisons d’or, également, lui demanda Khryselios.

Tinarg effectua une respectueuse révérence.

-        Ce sera fait.

Le Rathalos argenté se tourna vers Astalian.

-        Quant à toi, Astalian, je te confie le suivi de l’arrivée de nos invités Skypiercers. Assure-toi qu’ils ne manquent de rien et soient traités convenablement par nos soldats, ainsi que la population.

L’Astalos effectua elle aussi une révérence.

-        Assurément, Votre Majesté.

Le Rathalos argenté se redressa dans son siège.

-        Bien, il semblerait que tout soit au clair, alors. Vous pouvez disposer.

-        Merci, Votre Majesté, répondirent en chœur les deux généraux.



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Le vieux Rajang déambulait dans le couloir principal du palais Rakurien avec flegme. Malgré ses vieux os, il conservait la force de ses puissants muscles. Il n’avait rien perdu de ses fortes années, aussi lointaines soient-elles, Kirin soit loué. Dans ses larges mains, il avait broyé bien des os. Notamment durant la guerre d’Agnovie. Mais cela remontait à si longtemps …

« Ce bon vieux temps, où j’étais jeune … Ah ! C’est en pensant ainsi qu’on s’enterre tout seul. J’aurais encore de nombreuses occasions de distribuer des beignes, à n’en point douter. »

Il continua plutôt paisiblement sa route vers la salle du trône, où l’attendait son ami et souverain, Son Excellence Rakuraï II. Paisible n’était peut-être pas le terme, cependant, car dès qu’Astérion remarquait quelqu’un le fixer, ses terribles orbes rouges que constituaient ses yeux déversaient leur fureur sur lui. Cela avait vraiment le don de l’agacer.

« Oroshi sait qu’ils jugent mon âge. Mais qu’ils soutiennent mon regard ! Si au moins l’un d’entre eux y parvenait ! Cela leur ferait une raison légitime de me mépriser ! »

Mais ils étaient tous faibles. Sitôt qu’il figeait son regard aguerri et empreint de son passé sur eux, ils détournaient les yeux en une fraction de seconde. Au-delà de craindre le Rajang personnellement, ils craignaient grandement tout ce qu’il avait pu voir et vivre.

Le simple reflet de sa vie suffisait à les épouvanter.

Selon un autre point de vue, il paraît qu’on le croit enclin à effrayer gratuitement les petites gens. Mais le Rajang n’était pas un tyran. Astérion le savait, et pour cause, il en avait renversé un ! Il voyait parfaitement comment définir un tel être. Or, il ne répondait pas à cette définition.

Bien entendu, ça n’empêchait pas toute la Rakuria de croire qu’il n’était qu’un vieux guerrier aigri, bondissant tous crocs dehors sur quelqu’un au moindre faux pas.

Il entendit soudainement des pas plutôt précipités derrière lui. Il ne se retourna pas. C’était, à n’en point douter, le Barioth qui lui servait de Général adjoint.

-        Encore à la bourre, Blizzard ? Dire qu’après, on va encore s’étonner que je crache sur les jeunes générations. Mais vous ne faites aucun effort, soupira le Rajang, sensiblement agacé, en s’arrêtant.

La Barioth arriva à sa hauteur, légèrement essoufflé.

-        Pardonnez-moi, Général. Je comprends votre agacement, mais il se trouve que j’avais à finir les préparatifs concernant le relais des forces Burutiennes. J’ai fais au mieux, mais cela m’a considérablement retardé. J’espère que vous m’excuserez, s’expliqua humblement le tigre à dents de sabre volant.

Astérion fit une moue.

-        Disons que ce récit a le mérite d’être cohérent. Mais baste ! Ne faisons guère plus attendre l’empereur, répondit le vieux Rajang en reprenant sa marche.

Le dénommé Blizzard hocha la tête, visiblement gêné.

Il fallait dire qu’il l’avait toujours plus ou moins été.

Blizzard était sans doute le seul être sur cette Terre à subir réellement une forme d’agression chronique gratuite. Il fallait dire que le Rajang se plaisait à se montrer dur avec le général, plus jeune que lui d’une vingtaine d’années. A son sens, cependant, ce n’était que pur service, car lui-même avait été formé ainsi plus jeune à son entrée dans l’armée. C’était, comme il l’appelait, « l’affection du vieux temps ». Qui aime bien châtie bien. Et puis bon, il devait bien l’avouer, il aimait bien quand le Barioth ne savait plus trop où se mettre suite à ces accusations. Il était assez drôle de voir le presque quadragénaire réagir comme un gosse. Parfois, il se demandait s’il faisait si peur que ça …

« C’est à se demander comment cet avorton a fini général ! » pensa-t-il.

Astérion arriva devant la porte de la salle du trône. Il annonça sa présence d’un franc coup de poing sur la porte. C’était sa signature.

-        Astérion ! Entre, mon ami ! répondit immédiatement l’empereur.

Blizzard s’empressa de venir ouvrir la porte, se sentant obligé. Astérion eut mentalement un sourire en coin.

-        Sincères salutations, salua le Rajang.

Il entra tandis que Blizzard refermait la porte derrière eux.

-        Bonjour, Votre Excellence, salua à son tour l’autre général.

Rakuraï se redressa.

-        Salutations, messieurs. Mon ami, général, je pense que vous savez tout deux ce qui m’amène à vous convoquer ici, déclara le Zinogre Feu-du-ciel.

Blizzard hocha ostensiblement de la tête. Astérion, lui, indiqua son savoir d’un geste de la main.

-        La reprise de la guerre, quoi d’autre ? ajouta moqueusement le Rajang en souriant en coin.

Blizzard resta silencieux.

-        Il va de soit que nous ne pouvons en rester là avec les Rathiens. Cette dernière défaite a été plus qu’humiliante. Au-delà de nos intérêts, c’est notre honneur qui se trouve en jeu à présent, grogna Rakuraï, agacé.

-        Bien entendu, grogna Astérion, se remémorant le fiasco de la dernière offensive. La question n’est pas de savoir si une riposte aura lieu, mais plutôt de savoir combien d’hommes elle impliquera et quand.

-        Parfaitement. Ainsi, je suggère qu’on élève les effectifs déployés à 2000 guerriers, généraux.

-        C’est tout à fait faisable, dit Blizzard.

-        Et sensé, ajouta Astérion.

Si ce maudit dragon repointait le bout de son nez, ils seraient encore dans un sacré pétrin.

L’empereur fut pensif un instant, les yeux dérivant vers le plafond.

-        Il va également de soit que nous ne pouvons nous réattaquer immédiatement Ignis. Il y a fort à y parier qu’ils s’y attendent. Toutes leurs forces, pour ce qu’il en reste, seront concentrées là-bas à n’en point douter. Il en va de leur survie. Les villes davantage excentrées, en revanche …

-        Sont sans défense, conclut le Rajang avec un large sourire.

Rakuraï lui rendit son sourire.

-        Je miserai bien sur King’s Gate, mais franchir les montagnes nous ferait perdre un temps considérable, en plus de risquer d’être aperçus. La meilleure option reste Nogard. Plus proche de notre frontière que n’importe quelle autre ville, à égale distance entre Voltarr et Ignis … Voilà notre meilleure action. Et les Rathiens ne s’en doutent certainement même pas. Mais vous êtes les chefs de guerre, donc je vous laisse la parole afin de m’indiquer votre avis et impressions sur cette idée, finit le Zinogre Feu-du-ciel en se réenfonçant dans son siège.

Astérion regarda son camarade Barioth. Il comprit qu’il le laissait commencer.

-        En ce qui me concerne, je trouve cette suggestion fort bonne et applicable. J’aurais néanmoins tendance à penser que cibler King’s Gate renforcerait l’effet de surprise, avec un lot de précautions prises en amont. Qui attaquerait une zone si escarpée ? Tandis que Nogard … C’est en soit une cible facile, perdue au milieu des plaines des Rathlands … Je pense que les sous-estimer serait téméraire de notre part, déclara le général.

Le Rajang le regarda parler, ses arguments lui rentrant par une oreille pour en sortir de l’autre.

-        Les Rathiens peuvent se douter d’une attaque excentrée, grand bien leur en fasse ! Mais le fait est qu’ils n’oseront pas déployer des forces pour défendre une bourgade au bord de leur frontière. C’est bien trop risqué au vu des effectifs qui leur reste. On peut leur estimer 2500 soldats au maximum. S’ils prennent le risque d’envoyer des renforts, ce qui serait à mon sens extrêmement stupide de leur part, ce sera une part si faible qu’elle sera complètement négligeable dans le rapport de force, argumenta Astérion, qui s’adressait à l’empereur, mais fixait du coin de l’œil Blizzard.

Rakuraï II le fixa pendant quelques secondes, avant de regarder brièvement le Barioth, avant de revenir à Astérion. Il semblait jauger la conviction de chacun des deux généraux. Il but une gorgée de sa coupe d’hydromel, posée à côté de lui, puis la reposa.

-        Vous m’excuserez, général Blizzard, mais nous prenons effectivement un risque minime en nous attaquant à Nogard. J’assume volontiers le peu de différence que procure l’attaque de Nogard au lieu de King’s Gate.

Blizzard parut embêté.

-        Il y aurait peut-être un intérêt stratégique majeur à s’emparer de King’s Gate, Votre Excellence, déclara-t-il soudain.

Astérion tourna la tête, incrédule, pour le regarder de ses deux yeux.

« Mais de quoi parle cet idiot ? »

Rakuraï parut tout aussi surpris.

-        Un intérêt majeur ? Explique-toi, par Kirin !

Le Barioth regarda ses pieds, le regard fuyant, avant de se décider à le regarder droit dans les yeux avec une once de confiance.

-        King’s Gate est situé près de la source d’un fleuve … La Larme du roi, dit-il. Et dans ce fleuve … On raconte qu’il abrite de l’or. En grande quantité.

Astérion était effaré, bien que son visage ne laisse rien transparaître.

« D’où tient-il une telle information ?! »

Rakuraï était fortement irrité, tant que sa fourrure se hérissa légèrement.

-        Général Blizzard, ne me dites pas que vous tenez tant à votre idée que vous me suggérez de croire à une vulgaire rumeur ?! gronda-t-il.

Etrangement, le Barioth reprit de l’assurance à cette réaction.

-        Absolument pas, Votre Excellence. Puisqu’il ne s’agit pas d’une rumeur.

L’empereur se calma, au profit de sa curiosité.

-        Et comment pouvez-vous affirmer cela ?

Le Barioth ne cilla pas.

-        Par le biais d’une source sûre se trouvant sur place. 


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