Rathlands

Chapitre 23 : Chapitre 20 (Gnatos POV)

2021 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 30/12/2020 15:11

-        Quelle déception …

Le grondement du Deviljho sembla résonner dans tout l’Eridan. Mais la wyverne brute n’était pas à l’origine de ce soudain tremblement. C’était le volcan qui faisait encore des siennes. De toute façon, quand ce n’était pas celui-là, c’était l’autre …

La Burutie avait hérité de ce qu’on l’on pourrait considérer comme le pire territoire de tout Solhatar. Escarpé, stérile et abritant un volcanisme très actif, l’état ne bénéficiait pas de beaucoup d’avantages. Les Burutiens s’étaient adaptés, au fil du temps, notamment grâce au potentiel sidérurgique, mais ces terres souffraient toujours des mêmes carences. Pas de terres arables, pas de cultures, et donc pas de nourriture pour la partie végétarienne de la population, ni même de gibier abondant pour celle carnivore. Seules les espèces ne consommant que des minéraux parvenaient à survivre aisément dans cet habitat. C’était l’une des raisons pour lesquelles la Burutie était principalement peuplée d’Uragaan et de Gravios. Cependant, tout peuple pouvant se contenter de flore sèche tels que les cactus vivaient relativement bien cette aridité. Ainsi, l’on comptait également parmi le peuple Burutien de nombreux Diablos, Monoblos ou encore Duramboros Rouillés.

Gnatos se réenfonça dans son siège, regardant la lave s’écouler à travers un grand tube de verre blindé, qui formait l’une des nombreuses colonnes présentes dans la salle.

Tout ce magma en fusion illuminait la pièce d’une clarté chaude et tamisée.

Le Deviljho froissa le rapport que l’individu en face de lui venait de lui apporter.

-        Tu me déçois beaucoup sur ce coup-ci, Rakuraï … marmonna-t-il en jetant le papier froissé au feu, dans la cheminée située près de lui.

Il regarda le papier se consumer en une fraction de seconde, la chaleur ambiante et la férocité des flammes induites par la roche volcanique placée dans l’âtre ayant facilement raison de lui.

-        D’autres informations ? prononça-t-il en se retournant vers le Glavenus.

-        Non, Père, répondit-il en baissant les yeux.

Gnatos gronda.

-        Alors qu’est-ce que tu attends ? File ! tonna-t-il.

Le Glavenus fila sans demander son reste.

« Maudit soit cet avorton de Svaerd … »

Gnatos reprit sa pose, en contemplation devant l’âtre.

La défaite des Rakuriens embêtait fortement le dirigeant Burutien. Il espérait pouvoir agir plus vite. Mais cela le retardait considérablement.

« Tout cela à cause d’un sombre étranger … Un Héros ? Foutaises ! Ce ne sont que des légendes. Les Rathiens se reposent sur cette supercherie pour effrayer les troupes de Rakuraï … Mais je suis lucide, moi ! Je trouverai l’imposteur et l’exposerais à tous, une fois cette guerre gagnée ! Il verra ce qu’il en coûte de plaisanter ainsi … »

Gnatos n’en avait en soit pas grand-chose à faire des effectifs Rakuriens. Ce qui l’enrageait, c’était que son escouade de renfort soit mêlée à tout ça. Sur la trentaine de soldats qu’il avait envoyé là-bas pour tâter le terrain, une dizaine étaient déjà morts, notamment par cette maladie qui avait frappé le camp Rakurien.

« Il est bien facile d’attribuer une telle épidémie à une entité divine ! Ces fiers chiens n’oseraient pas admettre que leur hygiène au front était déplorable, pour sûr ! »

Il avait demandé à faire rapatrier les corps. Seul trois étaient revenus sur le sol Burutien. Les autres n’avaient pas pu être récupérés, selon l’un des généraux Rakurien. Ils craignaient que la maladie puisse se répandre davantage en transportant des macchabées.

« Une belle bande d’incapables. Leur génie se serait-il perdu au fil de toutes ces années ? »

Les cadavres étaient partis en analyse. Rares étaient les érudits en Burutie, si bien qu’il avait fallut attendre quatre jours supplémentaires pour que des scientifiques soient trouvés et le processus soit lancé. Les corps étaient déjà dans un état pitoyable, et leur décomposition s’accélérait démentiellement avec la chaleur ambiante. Si bien que les analyses ne révélèrent rien de fiable. Il semblerait que les faits rapportés par les Rakuriens soient vrais, mais il n’en croyait pas un traître mot, d’autant plus qu’il n’y avait aucune preuve viable pour l’assurer.

Le plan de Gnatos, cependant, ne changeait pas.

-        Je vais encore devoir déployer des forces supplémentaires … Ma discrétion va en prendre un sacré coup. J’aurais préféré que ce plan se déroule de manière propre, marmonna le Deviljho.

Il se rassit dans son siège, contemplant à nouveau les colonnes de lave qui soutenaient la pièce.

« L’Eridan reste une bien belle création. Les futurs dirigeants de cette belle Nation me seront bien reconnaissants, un jour … » songea-il avec satisfaction.

L’Eridan était la demeure du dirigeant Burutien. Le président et sa famille y résidaient tout au long de son mandat. Ce bâtiment, à la fois somptueuse demeure et bâtiment national, rayonnait de la puissance Burutienne. Gnatos l’avait fait bâtir « pour illustrer la suprématie de la République Buruto » à l’aube de son règne. Aujourd’hui, le peuple l’appréciait tant qu’il avait été réélu pour un troisième mandat. Tous l’adoraient. Tous vantaient ses bienfaits et sa sagesse. Beaucoup disaient que c’était grâce à lui que la Nation était en paix avec l’extérieur depuis si longtemps. Et pour cause, il avait fait ériger de splendides murs infranchissables, afin que plus jamais un ennemi ne souille les terres Burutiennes. Il ne lui restait plus qu’une chose pour accomplir sa volonté en totalité : obtenir une grande quantité de terres arables à offrir à son peuple, pour endiguer cette famine qui guettait la Burutie depuis quelques années.

Alors, Gnatos avait longtemps cherché à qui s’attaquer. Il s’était mis d’abord en tête de s’emparer du Col de la Prospérité, cette terre à deux pas de leur frontière, de l’autre côté de la Mâchoire du Diable, où s’étendaient des plaines fertiles. Malgré des offensives très musclées, il n’avait pas réussi à s’emparer de ces terres. Même les Rafles du Diable, où ses hommes prirent en otage des Skypiercers pour faire chanter l’empereur, n’avaient su faire ciller l’Etat voisin. Les Skypiercers étaient de bien trop vigoureux adversaires. Alors il avait joué la pression. Après quelques recherches, il constata qu’historiquement, les Collines de la Paix fut autrefois un territoire Burutien. C’était un massif plutôt escarpé, mais ses nombreuses vallées étaient cultivables. Il avait alors revendiqué ces terres auprès des Rathlands. A l’époque, le roi n’avait pas tiqué. Il aurait apparemment consulté son peuple par référendum, et il aurait ainsi décidé de ne pas s’opposer.

Gnatos obtint donc de quoi contenter son peuple à court terme. Mais il lui fallait bien plus. Or, il ne lui restait plus aucune option. C’était les Skypiercers ou les Rathlands. Le choix fut facile, étant donné que les Rathlands étaient en guerre. Il lui suffisait d’attendre la fin de la guerre pour profiter de leur faiblesse, car il ne faisait déjà presque aucun doute que les Rakuriens les vaincraient. Cependant, lorsqu’un armistice fut annoncé, Gnatos vit rouge. Il fallait absolument que la Guerre Sanglante continue. Or, il ne voulait pas s’introduire tout de suite dans l’équation. Alors, il fit en sorte que l’accord n’aboutisse pas. Il fit disparaître le trésor et la fille aînée promis par le roi Rathien.

Ensuite, dans le doute, le Deviljho avait envoyé en guise d’amitié une escouade de support aux Rakuriens. Ses hommes étant des machines à tuer, une simple poignée, aussi discrète soit-elle, suffisait à produire un soutien conséquent. C’était sans même compter leurs avantages naturels : la majorité des Burutiens ne craignaient pas les flammes des Rathiens. Ajoutez à cela des armures de très bonne facture, une fierté Burutienne, et vous obteniez des monstres invincibles.

Maintenant, il attendait patiemment le moment de faire son entrée. Enfin, pas vraiment lui …

Il détourna un instant son regard qui avait dérivé sur l’âtre pour poser des yeux chaleureux sur la wyverne volante, couchée en chien de fusil à côté de lui.

Knivlann.

Son arme personnelle. Mais avant tout, son fils de substitution.

Le Seregios était dans la force de l’âge. Jeune, vif et entraîné par ses soins, il était le fer de lance des aspirations de Gnatos. Il était le seul Burutien capable de voler. Une capacité extraordinaire pour un peuple si strictement terrien, seulement capable de marcher ou, au mieux, de se déplacer sous terre pour certains. En plus de cela, son espèce lui valait le don d’utilisation de projectiles. Ses écailles, si particulières, pouvaient être projetées sur ses ennemis.

Il était né pour se battre. C’est ce qu’il appréciait tant chez son fils : la Nature l’avait conçu pour être une arme, et l’était devenu. Il avait satisfait toutes les attentes de sa destinée, de Gnatos, et mêmes de ses généraux. Même Dhorn, cet exigeant perfectionniste, le portait dans son cœur. Le petit accomplissait les missions qu’il lui confiait avec brio. Un véritable guerrier, doublé d’un esprit aussi aiguisé que la lame qu’il gardait auprès de lui.

Gnatos le lui avait laissé. Il avait l’air de porter cette épée dans son cœur. Comme il savait la manier avec une dextérité exemplaire, il le laissait s’en servir à certaines occasions.

Knivlann était son plus grand atout. Et il n’allait pas tarder à le faire entrer en jeu.

-        Ton temps arrivera bientôt, Knivlann, dit-il posément au Seregios assoupi, qui ouvrit un œil. Si les Rakuriens peinent encore autant, il va nous falloir leur donner un petit coup de pouce.

Le Seregios ouvrit son second œil, et s’étira.

-        Vous savez bien, Père, que je ne vis que pour ce moment. Vos récits m’ont grandement intrigué. J’ai hâte. Ces Rathiens semblent à la fois de piètres et redoutables adversaires.

Le Deviljho fit une moue.

-        Je ferais renvoyer des troupes, grogna-t-il. J’en informerai Dhorn. Les Rathiens semblent habiles à exploiter la situation, à l’heure où nous parlons. Mais c’est bien là leur seul talent.

Knivlann sourit.

-        Je verrais bien par moi-même. Ma seule expérience à leur encontre fut fort inéquitable. Il m’est impossible d’en juger, pour le moment, dit-il en passant une griffe sur le fourreau de son épée, qu’il rapprocha de lui. Mais loin de moi l’idée d’un plaisir égoïste. J’accomplirai ma tâche avec honneur, pour le bien de la Burutie. Mais ça, vous le savez bien, Père.

Le Deviljho contempla à nouveau les braises de la cheminée.

-        Oh oui, Knivlann, je le sais très bien.


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