Rathlands

Chapitre 25 : Chapitre 22 (Zénith POV)

4745 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 22/01/2021 23:09

Le champ de bataille. Les soldats, les armures scintillantes et les encouragements des généraux. La colère et la détermination dans les rangs. Le vent rugissant des hauteurs de King’s Gate. Derrière eux, au pied des remparts, des gamins qui les encourage au milieu de la foule en panique. L’adrénaline dans les veines, qui compensait la terreur interne à laquelle ils faisaient tous face. La peur qui leur retournait les tripes. Le manque d’armures pour les protéger de la boucherie à venir. La désorganisation des rangs, attribués à la va-vite, dans la panique réactionnaire. Trop tard. Ils arrivaient déjà trop tard. Si seulement ils étaient arrivés un peu plus tôt …

Le clairon retentit. La bataille commença. Tous se ruèrent vers l’avant, résolus à écraser l’ennemi quoi qu’il en coûte. Zénith courut, puis s’envola. Blast apparut à ses côtés, ainsi que Phénix. Soudain, devant eux, Tourmaline émergea de la masse de wyvernes qui prenaient leur envol.

-        Pour les Rathlands ! rugit-elle.

Zénith ressentit une sensation étrange. Mais avant même qu’il ne puisse mettre le doigt dessus, un large éclair se matérialisa, et Tourmaline se le prit de plein fouet. Zénith cria et se jeta vers elle pour la rattraper. Au moment où il allait étendre ses ailes pour l’attraper, un autre éclair le foudroya de part en part. Paralysé, il chuta comme une pierre vers le sol. Le contact avec la terre ferme l’étourdit davantage. Il vit Tourmaline, gisant à côté de lui. Il rampa jusqu’à elle. Elle était carbonisée.

-        Ça va aller, lui chuchota-elle faiblement. Ce ne sera pas en vain …

Elle ferma ses yeux.

Le vide et l’engourdissement l’envahirent.

Tout autour de lui, abasourdi, paralysé, les cadavres se mirent soudain à pleuvoir. Au loin, derrière eux, il entendit des cris déchirants. Il se retourna. Les Rakuriens avaient déjà pénétrés King’s Gate. Les paysans fuyaient, abattus par de cruels éclairs. Zénith rugit et fit demi-tour, boitant vers eux. Il rugit de nouveau pour prévenir ses frères et sœurs. Il vit Blast l’entendre et sonner la retraite. Phénix accourut, plongeant en piqué, arrosant de flammes tout Rakurien qu’il voyait. Zénith essaya de s’envoler. C’était peine perdue. Il courut le plus vite qu’il pouvait, traînant ses ailes paralysées derrière lui. L’impuissance s’empara de lui. Devant ses yeux terrifiés, deux Zinogres déchiquetaient les cadavres des gamins qui les encourageaient quelques secondes plus tôt … Il cracha une sphère de flammes qui percuta l’un des deux soldats. Sa gueule, maculée de sang, se tourna vers lui, dévoilant derrière le monstre un plus horrible carnage encore. Un Blangonga brisait méticuleusement les membres d’une jeune Rathian, sans doute âgée de moins de cinq ans. Un Rathalos azur se débattait férocement contre trois Barroths de Jade, qui avaient déjà trucidés les autres membres de sa famille. Plus loin, du haut de la muraille de laquelle ils avaient décollés, des Rakuriens précipitaient des gamins dans le vide, qui s’empalaient sur la roche acérée une quarantaine de mètres plus bas. Partout, les cris d’agonie et de souffrance. Le tonnerre rugissant. La détonation des éclairs. Le rugissement des flammes. Les habitants paniqués. Les corps lacérés. Blister chuta non loin de lui, ses ailes complètement gelées. Blast, qui avait percuté un autre soldat Rathien en vol, se retrouva au sol, une aile brisée, et se fit broyer par les sabots d’un Gammoth … Phénix, ayant voulu venir à son secours, fut écrasé par une roche lancée par un Tetsucabra… Il cria. Il cria leurs noms, atteint d’une douleur à rendre fou. Dans un dernier élan de désespoir, il se mit à chercher Arsenic, et il pria pour qu’elle soit en vie. Il avançait difficilement à travers les monts de cadavre, où il trouva Tinarg, Astalian, et même Knart … Il s’enfonçait dans ces tas, la succion du sang et de la boue l’entraînant lui aussi dans la mort. Il se débattit, il cria, il cracha des flammes qui n’avaient aucune utilité. La boue collait à ses ailes engourdies et l’empêchait de s’élever de cette fange putride et macabre. Soudain, il vit Arsenic, en vie, se battant vaillamment contre un ennemi. Le soulagement et l’adrénaline coulait dans ses veines, et il se rua vers elle pour l’aider. Mais lorsqu’il arriva, Arsenic vacilla et s’écroula. Il rugit, s’apprêtant à bondir sur son agresseur avec la plus féroce haine qu’un individu pouvait éprouver … Qui n’était autre qu’Oxiderr, une lame ensanglantée serrée dans ses griffes, les babines retroussées en un affreux sourire …

Zénith rouvrit brutalement les yeux et chercha l’air comme s’il allait se noyer. Il aspira l’air à grandes goulées erratiques et irrégulières.

Encore un cauchemar.

« C’est qu’un cauchemar … Rien qu’un cauchemar … »

Zénith ne parvenait pas à dormir.

Trois jours. Il ne restait que trois jours avant que l’armée de Rakuraï n’atteigne King’s Gate et mette la ville à feu et à sang. Comme à Ignis. Des victimes, toujours plus de victimes …

Trois jours que vivrait la population sans se douter de rien. Ignorant l’Epée de Damoclès pesant sur eux, insouciant du terrible fléau qui allait les frapper.

Leur vie se terminerait brusquement dans trois jours. Dans la violence, le sang et la douleur. Et par-dessus tout, l’ignorance.

L’ignorance de ce fléau que leur roi aura préféré leur cacher. Et regarder. Sans rien faire.

Cela rendait l’héritier du Royaume des Rathlands malade.

Le Rathalos Roi-Enfer se leva sur des jambes tremblantes. En plus de cette sueur qui le rendait moite et poisseux, de l’acide lui brûlait la gorge.

Et tout cette horreur, ce carnage d’entrailles et de sang …

Il avisa le pot de chambre à côté de la fenêtre. Il se leva et le saisit. Il régurgita un mélange de bile, de cendre et de salive dans le malheureux contenant. De la fumée s’échappa également de sa gorge tandis qu’il crachait.

« Alors c’est ça, être un roi ? »

La bile lui remontait déjà dans l’œsophage. Dans un nouveau hoquet, il rendit de l’acide gastrique.

« Ne pas pouvoir sauver tout le monde ? Enfin, ne pouvoir sauver personne ? »

Il réprima un nouveau haut-le-cœur.

Zénith se leva et reposa le pot de chambre au sol. Il regarda la lune lutter avec les nuages d’un air vide.

« Les laisser se faire massacrer ? Humilier ? Violer ? Et dans quel ordre ? »

Il se souvint de la bataille d’Ignis. Tous ces cadavres, tous ces cris …

La salive afflua dans sa gueule, et il se calma un instant pour ne pas avoir à se servir encore du pot de chambre.

« Pour faire encore d’autres « Tourmaline », en plus, hein ? C’est ça ton plan, Papa ?! »

Sa vision devint embuée.

Il réalisa qu’avec tout cela, il n’avait pas même eu le temps d’effectuer proprement son deuil. Tout avait été enveloppé dans un voile de colère et de haine, de vengeance aveugle qui avait étouffé le reste.

« Ma volonté d’écraser Rakuraï … Elle a corrompu tout le reste. » songea lucidement le prince des Rathlands, morose.

Le deuil, l’horreur de la guerre, les plus basiques émotions, tout cela avait été scellé au plus profond de lui. Il ne s’en était même pas rendu compte.

Alors, dans le silence et l’intimité de la nuit, il laissa les larmes enfouies refaire surface. Et couler.

Sa sœur si douce et aimante … Une victime de plus dans cette ignominie …

Et il y en aurait des centaines d’autres dans trois jours … Des sœurs, des frères, des fils, des pères et des mères … Des orphelins, des veuves et des familles déchirées …

… Et tout ça pour quoi ?

« Pour rien … ! »

Il ressaisit le pot de chambre.

« Tout comme Tourmaline est morte pour rien … !»

Il éclata en de silencieux sanglots étranglés.

« Et tu voudrais continuer à souiller sa mémoire, Toi, Son Père ?! »

Il frappa du poing contre son lit.

« C’est ça, être roi, selon toi ?! »

Il avait tort. Khryselios avait tort. Il le savait, il le sentait, il le pensait. Tout cela était faux. C’était une erreur.

Tout cela était sa faute. Et uniquement sa faute.

Toutes ces morts … C’était lui, le coupable.

Personne n’avait retrouvé l’assassin de sa sœur. Arsenic lui avait dit ce qu’elle pensait à ce propos. Pas un Rakurien … Pas un Rathien …

Et pourtant, il voyait bien un Rathien coupable dans cette affaire.

« Khryselios … »

Il se servit à nouveau du pot de chambre.

« Il faut que tout ça cesse. Je dois arrêter ça. Et je ne peux pas laisser ces gens vivre ça. »

Il ferma les yeux.

Il imagina mille fois cette douleur qu’était la perte de Tourmaline, comme ces mille sœurs et frères qu’avaient perdu les habitants de son cauchemar, et cette simple imagination lui fit ressentir tout autant de petites lames acérées qui lui déchirait les entrailles, à l’instar de ces munitions qu’employaient les humains, autrefois …

Il essaya de respirer calmement, essayant d’oublier cette sensation.

-        Un mauvais rêve … Rien qu’un mauvais rêve … murmura-t-il, les yeux clos et froncés.

Mais ses propres paroles n’eurent aucun effet.

Car à présent, il ne voyait son père qu’à travers le prisme d’une menace.

Il revit Blast et Phénix écrasés, Arsenic tuée … Tourmaline lui assurant que c’était la meilleure chose à faire …

« A-t-elle pensé cela lorsqu’elle s’est fait trancher la gorge ? »

Il rouvrit les yeux. Les larmes l’aveuglèrent à nouveau.

Il tremblait. Le manque de sommeil de ces derniers jours, causés par ces cauchemars incessants et son esprit hanté cogitant en permanence, aggravait son mal-être physique. L’humidité couvrant son corps le fit trembler de froid.

« Ça ne peut pas continuer … Je dois … Je ne peux pas laisser faire ça … ! »

Si ça continuait … Il les perdrait tous. Comme ses cauchemars le lui montraient.

Et à qui ce serait la faute, dans ce cas ?

« A moi … »

Mais que pouvait-il faire ? Le menacer ?

« Le forcer à abdiquer ? »

Il se sentait aussi galvanisé que terrorisé par cette idée.

« Mais est-ce que j’ai encore le choix ? »

Il repensa à ses frères. A ses sœurs. A Arsenic.

Il n’y avait qu’une solution.

Zénith se leva à nouveau de son lit. Mais cette fois-ci, sur ses jambes toujours frissonnantes, il se dirigea vers la porte. Il regarda par la fenêtre. Dehors, la lune claire continuait lentement à s’élever dans les cieux.

Le Rathalos Roi-Enfer sortit, en prenant soin de ne faire aucun bruit. Il jeta un œil au grand couloir désert qui connectait sa chambre avec celles de ses frères et sœurs.

« Je dois vous sauver tous. »

« Je ferais ce qu’il faut … ! »

Il descendit les escaliers avec les mêmes pas de loup. Le silence régnait dans les couloirs du château. Le seul son perceptible était celui des torches qui flamboyaient doucement.

Il continua à avancer. Droit, tout droit vers la salle du trône. Il savait qu’il y serait. La lune n’était pas encore si haute dans le ciel.

Vide, et mut par une force étrange, il marcha. Le prince ne rencontra pas une âme dans les couloirs. Il ne s’arrêta que lorsque la porte de la Griffe d’Or se trouva sur son chemin. Il inspira. Longuement. Cette inspiration fut parasitée de tremblements.

Il observa la porte un instant. La tension crispait tout son corps.

Il poussa la porte.

-        Père.

Il n’avait pas haussé la voix. Il n’avait pas craché son ressentiment. Il l’avait prononcé. Il avait prononcé ce ressentiment, ainsi que sa résignation. Zénith vit son père tressaillir, puis se retourner. En dépit de la haine qui consumait leur lien, Khryselios pouvait toujours lire en lui, dans sa voix, dans ses yeux, avec cette même facilité que l’on a à voir à travers la transparence d’un cristal de roche.

Tout comme Khryselios sentait la haine et la résignation irradier de son fils, Zénith sentait la peur s’élever des traits de son père. Mais pas que. Il percevait une résignation, drôlement familière.

« Il y avait peut-être bien matière à nous comparer, finalement » songea-t-il avec un rictus amer.

Ils échangèrent un regard silencieux.

-        Zénith … prononça enfin le Rathalos d’argent.

-        … J’ai fais un rêve, déclara-t-il d’une voix rauque.

Khryselios se tut et se redressa.

-        J’y ai vu … Tout ce qu’il se passerait si les Rakuriens frapperaient King’s Gate. Si tu les laissais faire …

Il revit les images atroces que lui avait révélé son subconscient.

Le roi des Rathlands se gonfla d’une brève inspiration, baissant les yeux devant son propre fils.

-        Pourquoi ne peux-tu donc pas cesser de t’opposer, pour une fois ?

Zénith marqua deux pas en avant.

-        Parce que vous n’avez cessé de faire les mauvais choix jusqu’à présent, Votre Majesté, articula sarcastiquement le Rathalos Roi-Enfer.

-        Les mauvais choix, dis-tu ? Comment peux-tu prétendre différencier si facilement les bons choix des mauvais, Zénith ? gronda-t-il avant de se reprendre. Tu n’es encore qu’un enfant. Tu perçois encore le monde d’une façon beaucoup trop réductrice.

-        Je ne suis pas-

-        Tu es un enfant, répéta son père en appuyant chaque syllabe. Tu crois encore au Saint Bien et au Damné Mal, au manichéisme de ce monde ! Tu crois qu’il suffit d’un peu de jugeote pour déterminer le bon choix du mauvais. Tu crois que je suis devenu idiot, je le sais. Mais il n’y a pas de bonne réponse, Zénith. Il n’y a que des alternatives, dans le meilleur des cas, ou des dilemmes. Rien, rien n’a été et ne sera jamais entièrement juste, ou correct, ou bon. Toute décision est sujette au regret, au remord et à l’échec-

-        Et tu ne nous as conduit jusqu’à maintenant qu’à l’échec ! gronda Zénith, qui se sentit gonfler de colère. Ne prétends pas avoir étudié la situation avec toute cette sagesse dont tu te revendiques possesseur, mon roi, car je sais pertinemment que ce n’est pas le cas. Ne pas poursuivre les Rakuriens ? Passe encore, même si leur couper la route nous aurait permis d’obtenir un temps de répit plus long ! Abandonner King’s Gate, futur cœur économique du pays, ainsi que ses habitants, par pure couardise, sans même demander l’aide des Skypiercers ? Non, Khryselios, (le nom roula étrangement sur sa langue, comme si le pire des maux venait de quitter sa bouche par sa simple prononciation) je ne peux pas croire que tu aies souhaité depuis le début défendre les intérêts des Rathlands, et non les tiens. Tout cela, oui, tout cela, tu ne l’as fait que pour assurer ton existence, ainsi que nôtre existence, et ce, contre notre gré. Qui t’a dit que nous souhaitions, par la simple continuation de notre vie, être coupables de la mort de plusieurs centaines de soldats ? Qui, mon roi ? Personne ! Pas même Blister ! rugit Zénith. (il se radoucit soudain, l’air sombre) Et pourtant, n’était-ce pas toi, Khryselios, qui m’avait énoncé un jour « Un roi ne peut se permettre d’être égoïste » ? demanda-t-il en arborant un sourire mauvais.

-        Je ne suis pas égoïste ! Il était suicidaire d’envoyer l’armée poursuivre les Rakuriens, tout comme il serait suicidaire de l’envoyer défendre King’s Gate! répliqua Khryselios. Tu le sais très bien, et pourtant tu persistes à croire, avec ton ridicule fragment d’espoir naïf, que l’on peut encore changer la donne ! Grandis un peu, par tous les Dieux ! Le monde n’est pas beau ! Il est laid ! Que penses-tu donc ?!

-        Je pense … commença le prince en relevant des iris incandescentes, que le monde est laid si l’on s’en persuade, soi-même et les autres. Je pense … Que si l’on éclipse la lumière qu’est l’espoir à sa source, alors il n’y a effectivement aucune chance pour qu’une population ne s’épanouisse. Et je pense, Père, que celui qui éclipse cette lumière est le plus coupable des hommes, pour empêcher les autres de croire et de vivre, acheva-t-il, ses prunelles ambrées accusatrices.

-        Me reproches-tu donc d’être réaliste ? rit nerveusement Khryselios. Me reproches-tu bien d’être lucide, par Teostra ?

Zénith fit quatre pas supplémentaires. Il n’y avait plus que quatre mètres pour les séparer.

-        J’accuse Khryselios Ier, 15ème monarque des Rathlands, d’avoir fait preuve d’un égoïsme impardonnable, cracha le Rathalos grenat, continuant d’avancer. J’accuse Khryselios, fils de Téfra et Fengari, d’avoir souillé volontairement son honneur en livrant sa propre fille à l’ennemi et en ayant été incapable d’empêcher son assassinat par ce même ennemi. J’accuse Khryselios, père de Zénith, Blast, Phénix, Blister et de la défunte Tourmaline, d’avoir commis le crime d’occultation d’espoir envers l’entière population du royaume des Rathlands.

Le monarque avait baissé le regard, de manière à dissimuler son visage. Il ne cilla pas.

-        Je réclame donc en guise de peine équivalente à la gravité des crimes commis, continua Zénith, l’abdication de l’actuel roi des Rathlands, Khryselios Ier.

Khryselios était toujours silencieux, sa réaction invisible.

-        Qu’avez-vous à répondre à cela, Khryselios ?! articula le prince, exalté par un mélange de rage et de satisfaction de cette soif de justice qui brûlait en lui.

Le Rathalos argenté semblait stoïque, mais sa colonne vertébrale s’était voûtée de manière immanquable.

-        QU’AS-TU A REPONDRE A CELA, KHRYSELIOS ?! vociféra Zénith.

Cela le fit plier davantage encore, mais pour autant, il ne cédait pas.

-        QU’AS-TU A REPONDRE A CELA ?!

Le roi des Rathlands releva les yeux. Mais tout ce que Zénith pouvait lire en eux, c’était une profonde déception.

-        Le silence, hein ?! Ça a toujours été ta réponse à tout, n’est-ce pas ?!

-        …

-        MAIS REPONDS, PAR TOUS LES DIABLES ! s’époumona le prince, hors de lui, avant de le percuter de l’épaule, le faisant tituber.

Khryselios resta impassible.

-        REPONDS !

C’était un sanglot à présent. Un sanglot étouffé de colère et de flammes menaçant de surgir de sa gorge.

-        Zénith, tu sais très bien que n-

-        Qu’on n’a pas eu le choix, hein ?! cracha Zénith, dont la gorge l’irritait insupportablement. C’est ça ? Que ce n’est pas ta faute ?! Laisse-moi te dire quelque chose, Khryselios. J’en ai plus qu’assez d’entendre cette excuse. De t’entendre dire que si tous ces gens ont souffert, ce n’est pas ta faute … De t’entendre dire que si Tourmaline est morte, ce n’est pas ta faute !

Les ailes du monarque se rabaissèrent.

-        Si c’est le meurtrier de Tourmaline à qui tu souhaites t’en prendre, saches qu’il n’est pas devant toi, répondit-il avec une froideur amère.

Zénith durcit son propre regard.

-        Il n’y en a pas qu’un, rétorqua-t-il en réponse de sa voix enrouée.

Le Rathalos Argenté écarquilla les yeux.

-        Qu’est-ce que tu insin-

-        Si quelqu’un l’a tué, quelqu’un d’autre l’a délibérément envoyé à la mort ! Et c’est toi ! C’est TOI le responsable de ce carnage, Khryselios !

Ledit Khryselios avança d’un pas.

-        Les circonstances sont responsables de ces malheurs, Zénith.

Le prince des Rathlands eut un désagréable frisson de frustration lorsqu’il entendit ces paroles.

-        Et tu oses encore faire appel au hasard ?! Au lieu d’assumer tes actes ?! Toi, Khryselios Ier, souverain des Rathlands, tu oses nier ta responsabilité ?!

Il y eut un nouveau silence.

-        Vas-tu encore te murer dans le silence ?!

-        Je n’ai rien à répondre à ça, Zénith.

Les yeux du vieux Rathalos s’assombrirent.

Le prince ne sut dire quelle était cette émotion qu’il venait d’exprimer. Une subtile fusion de colère, de regret et de résignation. Cela le rendait fou.

-        ALORS BATS-TOI ! PROUVE-MOI QUE J’AI TORT ! rugit-il, la vision brouillée, et des flammes s’échappant d’entre ses crocs, serrés à s’en briser la mâchoire.

Le souverain était de nouveau plongé dans son mutisme.

-        PROUVE-LE-MOI ! s’égosilla-t-il, crachant une salve de flammes qui frôla le crâne du Rathalos argenté, laissant une trace de suie sur sa joue gauche

Khryselios s’était redressé, mais demeurait immobile.

-        TU NE VAS DONC JAMAIS RENDRE LES COUPS QUI TE SONT DONNES ?! ESPECE DE LACHE ! rugit le prince, qui cracha cette fois une boule de feu qui toucha la palmure tendre de ses ailes.

La chair se consumait lentement, en une douleur que Zénith imaginait impossible à ignorer. Et pourtant, Khryselios ne bronchait toujours pas, se contentant d’arborer une grimace de douleur.

-        Je ne peux pas te laisser mettre en application ta volonté, Zénith. Pas … de mon vivant, répondit le Rathalos argenté.

Ce n’était plus une impression, sa vision était réellement brouillée, et des larmes dévalaient véritablement sur ses joues.

-        Alors … Alors pourquoi tu ne répliques pas ?! s’étrangla-t-il.

-        Je ne peux pas … croassa son père.

-        POURQUOI CA ? QUEL GENRE DE LOI INTERNE T’EMPECHE DE LE FAIRE ?!

-        Parce que … Parce que je refuse de lever la main sur mon fils, Zénith ! tenta de cracher son père.

C’en était trop.

« Vais-je … Vais-je vraiment ? »

-        Bats-toi … ! gémit le Rathalos grenat. Bats-toi … ! Je … Je te l’ordonne ! Défends-toi ! DEFENDS TA VIE ! rugit-il en crachant une nouvelle sphère de flammes qui percuta le visage du roi, laissant une trace sombre sur toute sa surface.

Il ne répliquait toujours pas.

-        FRAPPE-MOI ! BON SANG, FAIS QUELQUE CHOSE !

« Pleure, bouge, attaque, fais ce que tu veux ! Mais fais quelque chose ! »

-        Bats … Bats-toi … ! s’étrangla-t-il en voulant relâcher des flammes, les retenant juste à temps.

Khryselios tremblait, le regard à nouveau figé au sol.

-        S’il te plait … S’il … Te plait …

Il voulut le frapper de son aile, mais celle-ci se figea à quelques centimètres de la chair qu’il voulait meurtrir.

Zénith eut un sourire humide et tremblant.

-        Pourquoi … Pourquoi ne peux-tu donc pas cesser de t’opposer, pour une fois ?

Il ne répondit pas. Le prince voulut sceller ses paupières pour ne plus qu’une seule larme ne s’en échappe, mais ce fut vain. Son faible sourire se tordit en une hideuse grimace de souffrance et de haine. Il lui donna un autre coup d’épaule, plus violent cette fois. Khryselios tressaillit, mais ne plia pas.

-        Au nom de ton roi … Khryselios, je t’ordonne de te battre … ! grogna vainement Zénith.

-        Tu n’es pas un roi, Zénith, déclara son père, son regard relevé vers lui avec une étincelle de douleur et de colère. Tu ne le seras jamais.

L’adrénaline rejaillit dans ses veines comme un feu liquide dans son sang déjà bouillant de rage.

-        Je vais te prouver que je le serais, dit-il en s’avançant. Je serais roi. Et je prouverai que tu avais tort, promit-il en élevant sa serre droite à hauteur des yeux de Khryselios, qui le regardait faire avec une lointaine lueur de vie dans ceux-ci.

Les griffes de sa serre droite enserrèrent délicatement le col du Rathalos argenté, qui ferma les yeux.

-        Je vais sauver mon peuple, je vais faire payer à Rakuraï la mort de Tourmaline. Et … Et quand ce sera fait, je mettrais fin à cette guerre.

D’une simple pression, sa serre entraîna alors brutalement sa prise vers le sol, provoquant un sinistre craquement de nuque brisée.


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