Rathlands

Chapitre 30 : Chapitre 27 (Knivlann POV)

7020 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 03/08/2022 18:00

Planant au-dessus de la plaine des Rathlands, porté par la brise nocturne, le Seregios aperçut au loin les lueurs de la capitale.

“ Nous y voilà … Ignis.” songea Knivlann, savourant les couleurs se dégageant de ce paysage peu familier, si différent de la Burutie.

Le ciel semblait lui offrir sa bénédiction, tant l’absence de lune et l’abondance de nuages sombres relevait du miracle. La nuit ne pouvait lui offrir davantage de discrétion. Une situation rêvée.

“ Et celle-ci joue contre vous, Rathiens. Nous aurons ces terres, car notre peuple en est le plus méritant. Même le ciel est avec nous !”

Le contentement le submergea d’une vague chaleureuse, contrastant brièvement avec la fraîcheur de la nuit.

“ … Mais ne nous précipitons pas. Après tout, ce ne fait que commencer.”

Lorsque la lumière des torches commença à trahir sa présence, le Burutien amorça sa descente, se dissimulant dans les fourrés alentours, la végétation offrant une sécurité merveilleuse.

“Hélas pour eux, on n’a pas le loisir de se servir d’une végétation si luxuriante, en Burutie. Les zones découvertes sont notre quotidien. Nous savons comment les exploiter à bon escient.”

Le véritable obstacle était le mur d’enceinte d’Ignis à franchir.

Bien entendu, la porte Est était bien gardée. Deux gros Gravios Onyx se tenaient devant elle, leur face effrayante faiblement éclairée par les braseros. Nul doute qu’à l’instant même où ils détecteraient sa présence, le Seregios serait cuit. Il ne pouvait rien faire face à leur puissance de feu, et encore moins à bout portant. Quand bien même il survivrait à la première salve, les brûlures occasionnées lui seraient fatales.

Ce qui l’amenait donc à exécuter les choses discrètement.

La muraille était davantage déserte. De là où il était, Knivlann vit une poignée de Seltas patrouiller la zone, sous la supervision d’un Nargacuga et d’un Gypceros Améthyste.

“Le Gypceros ne pose pas tant de problèmes. Le Nargacuga en revanche … Il est aussi vif que moi, il est potentiellement dangereux.”

En plus d’une discrétion parfaite, il allait devoir faire preuve de vitesse.

Il passa à l’action lorsque le Gypceros dépassa sa position, et que le Nargacuga disparut de son champ de vision, happé par les ténèbres.

Knivlann contracta les muscles de son cou, projetant une de ses écailles tranchantes sur un buisson sur sa gauche, au loin. Le projectile fendit l’air sans émettre aucun son, avant de disparaître dans le fourré, provoquant un léger craquement.

Presque instantanément, ce trouble capta l’attention des gardes Seltas. L’officier Nargacuga se figea, puis se hâta vers la source du son, la queue hérissée de ses piques caractéristiques. D’un sifflement, la wyverne noire darda son propre projectile, qui heurta le même buisson, sans réaction aucune.

-        Foutue bestiole, grogna le Nargacuga.

Le Seregios grinça des dents.

“Je vais avoir besoin d’une ruse plus convaincante que ça … Réfléchissons.”

Sans quitter du regard la muraille et les soldats, il fouilla à tâtons la besace attachée sur son torse. Il sentit alors sous ses griffes alaires le métal froid d’un de ses couteaux de lancer.

“Ça devrait faire l’affaire.”

Il lança le couteau au même endroit. Sans surprise, malgré le bruissement provoqué par sa rencontre avec le buisson, aucun soldat ne s’y intéressa, croyant encore aux tours d’une bête farceuse. De là où il était, Knivlann repéra la faible lueur de la lame. Il réitéra la manoeuvre précédente, lançant une de ses écailles sur le buisson, visant expressément juste à côté de lu couteau.

-        Cette satanée chose commence à m’agacer … pesta la wyverne volante aux allures de panthère.

L’officier s’approcha davantage du bord de la muraille, faisant tournoyer sa queue dans un sifflement menaçant. Cette fois-ci, trois dards fusèrent sur le buisson dans l’espoir de déloger une créature malhonnête. Mais, à leur grande surprise, c’est l’écho d’un son métallique qui parvint à leurs oreilles.

-        Qu’est-ce que c’était que ça !? s’exclama le Nargacuga, bondissant au pied du rempart, scrutant les fourrés.

Et, durant cet infime instant où tous les regards furent braqués sur le Nargacuga et le son métallique, le Seregios, fila, comme une ombre, par-dessus la muraille. A peine l’eut-il franchi qu’il se cacha silencieusement derrière une habitation.

-        Que fais ce couteau ici ?! entendit-il rugir depuis la muraille.

Knivlann ne s’inquiéta pas trop de ce que les Rathiens pourraient penser d’un couteau trouvé en lisière de forêt. Après tout, maintenant qu’ils vivaient au quotidien avec des Skypiercers, ce peuple féru de technologie et d’outils de toute sorte, ce genre de choses pourrait arriver. L’alcool faisait des choses formidables, parfois …

Maintenant que la muraille était franchie, il devait trouver l’endroit où était stocké le matériel des Skypiercers. C’était sa cible. Les saboter déstabiliserait beaucoup les Rathiens, dont le salut ne tenait plus qu’à leur bon vouloir. Cependant, c’était plus facile à dire qu’à faire, car bien sûr, les Skypiercers avaient pris leurs précautions : rien ne laissait deviner où ils avaient pu planquer leurs armes.

Knivlann avait beau progresser lentement mais sûrement dans la ville, il ne trouvait aucun indice sur son chemin. Juste des gardes. Beaucoup de gardes.

“A ce rythme, mon seul indice pour dénicher l’endroit sera de comparer les densités de soldats” songea le Seregios en rasant les murs.

Il voyait une vague différence depuis son entrée dans la cité d’Ignis, mais rien de bien flagrant. Certaines zones étaient légèrement mieux gardées car elles abritaient des forges, de riches commerces, ou un nid potentiel de rebelles.

Un détail lui vint soudainement à l’esprit.

“Il y a fort à parier que les Skypiercers aient refusé de confier leur matériel aux Rathiens. Se pourrait-il qu’ils soient donc les seuls à le surveiller ?”

Cette perspective ouvrait plus de pistes. Ce qui ressemblait à un donjon miniature, à sa droite, pouvait bien être le lieu qu’il cherchait. Il répondait aux deux critères : bien gardé, et ce par une grande majorité de Skypiercers.

Cela dit, la simple possibilité qu’il ne s’agisse que d’une simple trésorerie -ce qui signerait son arrêt de mort- le fit frissonner.

“Si je me trompe et me fait repérer, c'en est fini de cette mission. Je n’ai pas le droit à l’erreur, pour changer ...” souria-t-il intérieurement, pensant aux entraînements impitoyables que lui avait déjà fait subir le général Dhorn.

Au vu du succès de son précédent stratagème, le Seregios décida de le réitérer. Il arma de nouveau un couteau, qu’il lança dans la direction dans laquelle il souhaitait tous les regards tournés. Cette fois-ci, le simple sifflement du couteau dans l’air suffit à faire tressaillir les soldats.

-        Qui va là ? gronda la voix rugueuse d’un Barioth des sables, apparaissant au détour du bâtiment.

“En voilà un qui pourrait me poser problème.”

Knivlann réfléchit, mais il n’avait que peu de temps pour solutionner la situation. Les soldats cherchaient déjà le coupable de ce son.

“Je n’ai pas d’autre choix que de les rendre hors d’état de nuire !”

Il allait devoir mettre en oeuvre tous ses moyens.

Il compta ses ressources. Il lui restait huit couteaux, un bout de tissu, sa fiole de goudron d’Uragaan, trois fioles de toxines somnifères, et une fiole de gaz d’Uragaan d’acier.

Knivlann avait toujours aimé fabriquer des outils. Plus ils se révélaient utiles, plus il en tirait de la satisfaction. Son enfance, il l’avait passé à tailler des couteaux de lancer dans des cornes de Kelbi. Son père avait l’air fort ravi de ses expériences souvent probantes. En grandissant, il s’était intéressé à davantage de choses. Tout l’intéressait et suscitait son insatiable curiosité. La poisse des Brachydios, l’acier abrasif des lames de Glavenus … Il sentait en chaque chose un mystère à élucider et une infinité d’utilités à trouver. Le contenu de sa besace concentrait le fruit de ses recherches. Les plus fins couteaux qu’il eut jamais créé, un enduit somnifère à base de gaz d’Uragaan, une bouteille du goudron qui recouvre leur corps, semblable à un mucus noir, adhésif et colorant, et une bombe odorante, issu du soufre expulsé par les Uragaans d’acier.

Et tout ceci allait l’aider à accomplir sa mission.

Rapidement, il sortit de sa sacoche le minuscule récipient rempli d’un liquide gluant noirâtre, qu’il déboucha. Avec ses serres d’ailes, il appliqua cette mixture sur tout le pourtour de son cou, s’assurant de bien en glisser entre ses écailles.

“Et maintenant …”

Il projeta alors une de ses écailles, à présent noire comme du charbon, qui ricocha contre un mur au loin. L’effet fut immédiat.

-        Je crois qu’on a affaire à un fouineur ! grogna le Barioth couleur de dune, précipitant deux Yian Kut Ku à la recherche du projectile.

Knivlann effectua de rapides calculs, comptant le nombre de menaces à neutraliser. Il grinça des dents.

“Fichtre, ça va être tendu. Trente gardes … !“ pensa le Seregios en voyant défiler les rondes de soldats.

Il attendit patiemment que les soldats retrouvent son projectile.

-        C’est une écaille, adjudant ! Et elle est noire comme du jais !

Le Barioth sableux scruta brièvement les environs, avant de se retourner vers les deux wyvernes aviaires.

-        Noire ? Faites-moi voir ça, dit-il en s’avançant vers eux, faisant dos au Seregios, toujours à couvert derrière son mur.

Prestement, Knivlann enduisit son premier couteau de liquide soporifique, et le lança sur le garde le plus proche, à sa gauche. La lame se planta dans l’encolure du Toridcless, qui n’eut pas le temps de réagir. Le puissant somnifère s’engouffra immédiatement dans ses veines, l’assommant la seconde suivante.

Knivlann se déplaça vivement, se cachant derrière le mur à sa gauche, auquel il ne pouvait accéder auparavant sans échapper au regard du garde. De là où il était, il se situait dans l’angle mort du Barioth des sables et des deux Yian. Mais pour progresser davantage, il allait devoir neutraliser dix autres gardes, et ceci avant qu’ils ne réalisent qu’un des leurs eut déjà été touché.

Quoi qu’il fasse, il serait repéré. Le tout s’agissait d’empêcher la divulgation de cette information.

“ ... Et ces écailles noires les mèneront sur une fausse piste.”

Lorsque deux soldats revinrent de leur ronde, s’approchant dangereusement du Toridcless neutralisé, le Burutien dû agir.

D’un silencieux lancer, il projeta deux de ses écailles, qui se fichèrent toutes deux dans la gorge de leurs victimes. Celles-ci, les cordes vocales tranchées, ne purent émettre le moindre son avant de s’affaisser.

Le faible bruit émit par leur chute attira l’attention d’un autre garde, provenant encore de sa gauche. Très vite, le Seregios avança encore d’une vingtaine de mètres, s’éloignant davantage de la zone surveillée par le Barioth des sables. Il allait le contourner.

Cependant, le Chramine qui s’avançait semblait sentir sa présence, derrière les habitations, et s’approchait dangereusement de sa position.

“Il semblerait que je n’aie pas le choix pour celui-ci .”

La wyverne rapace, bien que méfiante, se rapprocha bien trop naïvement du mur. Dès que Knivlann discerna sa tête, il saisit le bec du Chramine d’une serre et le tira vers lui, le plaquant au sol. Sentant que l’oiseau n’allait pas tarder à lui échapper, il dégaina vivement sa lame, la plantant dans son torse. Le Skypiercer étouffa un cri, rendant l’âme peu de temps après.

Une fois assuré de sa mort, le Seregios retira doucement le glaive, essayant de provoquer le moins d’effusion de sang possible afin de limiter les traces. Puis, à l’aide de son chiffon, il essuya la lame pour l’empêcher de goutter.

Il analysa de nouveau la situation. Le Toridcless endormi ne semblait pas trop attirer l’attention. Les deux corps, en revanche, risquaient de reposer bientôt problème. Le corps du Chramine, étant dissimulé derrière le mur, était moins dangereux. Une nouvelle poignée de gardes allait bientôt revenir sur les lieux ; le Seregios devait agir vite.

Il s’assura que la voie était libre, puis fila comme une ombre jusqu’au Toridcless, récupérant prestement son couteau, disparaissant ensuite derrière une autre habitation, en face de lui. La ruelle dans lequel il se trouva engouffré lui permit d’avancer sur une trentaine de mètres sans problèmes. Celle-ci déboucha sur une rue principale, donnant sur la large voie où le Barioth des sables et les Kut Ku se trouvaient toujours. Ils semblaient avoir cessé de patrouiller, étudiant l’écaille retrouvée avec perplexité. Et pour cause, à l’exception des Nargacugas, Diablos noires ou Zenaserisu, aucun monstre n’arborait de telles écailles. Or, les Nargacugas et les Zenarisus faisaient partie des peuples endémiques des Rathlands. Cela leur laissait penser que la menace viendrait ainsi de l’intérieur, car un monstre de la taille d’une Diablos noire ne pourrait passer inaperçue bien longtemps, dans ces ruelles étroites et bondées de soldats.

Le Seregios était donc fort satisfait de les voir déstabilisés par cette ruse.

“Plus que trois.”

Le Barioth étant trop près, et n’ayant aucune possibilité de l’écarter des autres, Knivlann ne pouvait se charger d’eux en deux temps. Il fallait leur régler leur compte simultanément, ou l’un d’entre eux aurait inévitablement le temps de donner l’alerte.

Décidément, tout se jouait sur la vitesse.

Silencieux comme une ombre, le Seregios s’élança, ses serres effleurant à peine le sol, sans un son. Lorsqu’il fut à hauteur des deux Yian Kut Ku, il bondit, éliminant le premier d’une écaille tranchante dans la gorge, et tranquillisant le second. Le Barioth, qui n’avait eut le temps que de se retourner, ne put rien faire face à la lame qui s’abattit avec force sur sa tempe.

Knivlann retint le corps, puis le posa délicatement au sol. Il récupéra son couteau.

L’entrée était dorénavant déserte.

Crocheter la serrure de la grande porte fermée à triple tour fut la partie la plus aisée. Ses couteaux, extrêmement fins, parvinrent à s’introduire dedans sans problème. Une fois à l’intérieur, il réalisa toute l’ampleur du soutien prodigué aux Rathiens. Le bâtiment, au plafond bas, devait abriter une vingtaine de canons pour une trentaine de balistes, avec d’autant plus de munitions, toutes empilées en tas jusqu’au plafond. Bien entendu, comme aucune torche ne pouvait être ainsi à proximité de la poudre à canon, stockée sous forme de barils, c’était une invention Skypiercer qui illuminait la pièce. Une petite boule de verre, fermée par un bouchon de liège et percé d’un minuscule trou, renfermant des foudrinsectes.

Il y avait fort à faire, pour une si petite pièce.

Pressé par le temps, devinant qu’il ne faudrait pas longtemps pour qu’on se rende compte de son intrusion, Knivlann s’attaqua aux balistes en premier.

Il avisa rapidement ce qui était crucial sur ces engins, puis se mit à sectionner systématiquement les cordes et les piliers maintenant les balistes fixées sur leur socle à l’aide de sa lame. Jugeant que le traitement était trop léger, il brisa également la partie courbée des armes.

“Le bois nécessaire pour supporter une telle pression sera difficile à remplacer rapidement.”

La sueur s’accumula sur son front au beau milieu de cette nuit d’hiver. Pour le moment, il n’entendait rien au dehors, mais à tout moment, un soldat pouvait surgir et sonner l’alerte. Il ne cessait de lancer de furtifs regards à travers les fines meurtrières qui lui octroyaient de la clarté supplémentaire.

Il songea un instant à saboter tout aussi bien les munitions de balistes, mais abandonna aussitôt. Le temps était précieux, et mieux valait neutraliser les armes plutôt que leurs projectiles.

Lorsqu’il s’attaqua aux canons, ce fut plus compliqué. Le métal qui les composait presque entièrement rendait difficile tout sabotage par destruction. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était les désolidariser de leur socle, empêchant leur transport. Mais cela ne leur permettrait pas de gagner beaucoup de temps. Il lui fallait une solution plus efficace.

“Si je ne peux rien détruire, peut-être devrais-je obstruer ?”

Il étudia le mécanisme servant à tirer.

“Le canon est chargé en munitions par la culasse, à l’arrière, qui est ensuite refermée … Ce qui signifie que si la culasse venait à être scellée, l’arme serait inutilisable.”

Mais qu’est-ce qui pourrait sceller une culasse de quatre cent kilogrammes ?

“Bingo.”

Il sortit sa bouteille de goudron d’Uragaan. Il lui restait la moitié de son contenu, soit cinq bons litres.

Assez pour sceller vingt canons à l’aide de l’un des plus puissants adhésifs que le monde ait connu.

Soudain, il entendit des éclats de voix au dehors.

“Merde !”

Il se jeta sur le premier canon, enduisant tout le pourtour du cylindre de goudron, puis referma la culasse dessus. Il attendit quelques instants, s’assurant que l’adhésif eut pris, puis passa au suivant.

“Je n’aurais jamais le temps de tous les faire !”

Les voix se rapprochaient de secondes en secondes. Knivlann veillait à n’être aucunement visible de l’extérieur, mais nul doute que s’il pénétrait au sein de bâtiment, il serait repéré. Aussi svelte était-il, il lui était impossible de se cacher dans une pièce si minuscule sans aucun recoin pour s’y dissimuler.

Lorsque Knivlann acheva le huitième canon, les gardes remontaient la rue. De ce qu’il entendait, il en provenait des deux côtés. Ce n’était pas une patrouille de reconnaissance. On avait signalé sa présence en secret, et on s’apprêtait à le cueillir. Le Seregios se maudit de sa propre naïveté.

Et, comme cela ne suffisait pas déjà, les soldats baissèrent la voix, les rendant presque impossible à localiser.

“Qu’Akantor me sauve !”

Il en était à son quinzième canon lorsqu’il perçut nettement les pas des gardes sur le pas de la porte.

“Je ne peux pas me tirer d’ici sans les avoir tous bouchés !”

Tentant le tout pour le tout, le Seregios tira une écaille à travers une des meurtrières située derrière lui, essayant de les mener sur une fausse piste.

Malheureusement, rien ne se produisit, pas même le moindre son.

Knivlann serra les dents.

“Plus que deux !”

La porte s’ouvrit alors à toute volée.

-        PLUS UN GESTE ! Au nom de Sa Majesté, je vous déclare coupable de haute trahison ! rugit le Rathalos Azur en pénétrant à l’intérieur.

Knivlann n’eut plus le choix.

Une seconde plus tard, avant même que le Rathalos ne le discerne, une fiole s’écrasa au sol, répandant un puissant nuage de soufre dans toute la pièce.

Le Seregios se préserva de l’odeur ignoble en retenant sa respiration, et acheva de boucher le dernier canon. Puis, avant que l’effet ne s’estompe, il saisit un des petits barils de poudre, et profita de la confusion pour s’échapper par la porte, masqué par le soufre qui avaient forcé à terre les soldats.

Knivlann inspira précipitamment puis fila à toute allure, volant bas à travers les rues en emportant le baril fermement saisi entre ses serres.

“Et c’est là que le plus dur commence ... “

Il essaya de bifurquer dans des rues de plus en plus sombres et étroites, parfois si étroites qu’il ne pouvait déployer complètement ses ailes. Si tout se passait bien, il n’aurait pas à utiliser cette solution de dernier recours que constituait ce baril.

Cependant, comme si le destin s’amusait à le décevoir, il entendit les clameurs s’élever à nouveau derrière lui. Et proches.

-        Capturez ce chien ! mugit une voix tonitruante.

Knivlann bifurqua à nouveau dans une ruelle plus étroite encore. A ce stade, courir aurait été bien plus pratique, mais il ne pouvait se permettre ce loisir, avec ce baril dans les serres. S’arrêter était encore moins une option viable, car dans cet espace, il serait dans l’impossibilité de redécoller.

Il n’avait d’autre choix que de voler le plus vite possible, en espérant les semer sitôt la muraille franchie.

A force d’effectuer des détours dans toutes sortes sortes d’allées sombres, il ne progressait que lentement vers ladite muraille. Il ne savait même pas dire où elle se situait exactement. Le Seregios essayait de maintenir un cap tant bien que mal.

-        Il est là ! éclata une voix venue du ciel.

Knivlann leva les yeux brièvement pour voir la forme d’un Espinas Orange piquer sur lui.

N’ayant d’autre choix, il bifurqua sur une plus grande rue pour pouvoir éviter le Rathien, se plaçant malheureusement à découvert.

“On dirait que je n’ai pas d’autre choix alors.”

D’un geste de serre, il entailla le baril, qui se mit à semer son contenu en continu, avant de le reprendre entre ses deux serres.

-        Il est là ! répéta l’Espinas en surgissant à nouveau. Abattez-le !

“Je suis curieux de savoir comment tu comptes t’y prendre !” songea le Seregios, amusé intérieurement.

En effet, avec toute cette poudre à canon se répandant en continu, aussi bien au sol que dans l’air, tout usage de feu relevait du suicide. Ils risqueraient de faire exploser la cité entière. Les Rathiens, ainsi qu’une partie des Skypiercers, avaient les mains liées.

L’Espinas se hissa à sa hauteur, tentant de lui arracher le baril des serres. Le Seregios l’évita d’un écart sur le côté, l’abattant ensuite proprement d’une écaille dans l’oeil. Le cri d’agonie de la wyverne orange résonna sinistrement dans la pénombre de la nuit.

Knivlann jaugea brièvement ce qui était à sa poursuite. Il discerna un Gravios, ainsi qu’une poignée de Kut Kut et un Yian Garuga.

Soudain, une ombre fila au-dessus de lui.

“Qu’est-ce que-”

Il n’eut pas le temps de saisir ce qu’il se passait, voyant brièvement un vif éclat horizontal fondre sur lui. Instinctivement, il se jeta sur le côté pour l’esquiver, mais une telle embardée lui fit perdre une grande quantité de poudre contenue dans le baril. Il était à présent presque vide.

“Merde !” cracha-t-il intérieurement en constatant la perte de poudre.

Il n’eut le temps de se rééquilibrer que le sillage lumineux frappa de nouveau, tailladant l’un de ses doigts de serre.

Knivlann siffla de douleur, le choc lui faisant échapper le baril des mains.

“Non !”

Il essaya de repérer son agresseur, mais dans la noirceur de la nuit, il ne distingua qu’une nuée verte dotée d’une lueur d’argent en guise de queue.

Il battit vivement des ailes pour reprendre de la vitesse, son immunité à présent sabotée.

“Je n’ai plus qu’à prier pour réussir à les semer … !”

Le seul avantage de cette situation était qu’il pouvait à présent filer à pleine vitesse.

“Cela dit, je ne peux pas laisser ce truc me coller aux basques !”

Il jeta brièvement un oeil à la nuée péridot qui le talonnait, s’apprêtant à relancer une offensive.

“Ais-je le temps d’enduire un couteau ?”

Il projeta une de ses écailles sur son poursuivant, qui l’évita avec aise. Profitant de cette minuscule intervalle d'accalmie, il dégaina un couteau qu’il enduisit de somnifère. Il tira une nouvelle écaille, espérant faire diversion, puis lança son couteau lorsque l’ombre se déplaça pour l’éviter. Hélas, celle-ci n’eut pas plus de difficulté à anticiper le jet, et fut hors de portée du projectile.

“Par tous les Dieux !”

Il avait affaire à une menace sérieuse.

Une authentique peur s’empara de son coeur, glaçant ses veines d’effroi.

Un étrange grésillement donna naissance au grondement du tonnerre.

Un utilisateur de foudre.

“Il ne manquait plus que ça !”

Un éclair toucha subitement terre en face de lui, et il dût se jeter sur le côté pour l’esquiver. Il réalisa trop tard qu’il fonçait tout droit dans une habitation.

Il redressa in extremis sa trajectoire, s’éraflant l’aile gauche sur la façade du bâtiment, lui arrachant un cri de douleur.

“Pas si prêt du but !”

Déterminé, il lança trois écailles sur son poursuivant, profitant de ce nouvel instant pour enduire un nouveau couteau.

Cette fois-ci, l’une d’entre elle fit mouche, touchant visiblement une aile.

Une stridulation furieuse parvint à ses oreilles, et l’instant d’après, plusieurs éclairs fusèrent autour de lui. Plusieurs d’entre eux frôlèrent ses ailes, et Knivlann dut se retenir de hurler en réponse à la douloureuse et brûlante morsure qui les rongea.

Ses ailes lui faisaient irrémédiablement souffrir le martyr, si bien que battre des ailes devenait une tâche difficile.

“Ça ne peut pas se terminer ainsi ! La Burutie a besoin de moi !”

Il comprit qu’il avait drastiquement perdu en vitesse lorsque la foudre s’abattit avec beaucoup plus de précision à quelques centimètres de son visage.

“Un autre couteau … !”

Il arma un nouveau couteau, qu’il lança précipitamment, la manoeuvre lui arrachant un cri de souffrance étouffé.

Contre toute attente, le poignard érafla une aile de la nuée d’émeraude.

“Enfin !”

Ce n’est qu’en se retournant qu’il comprit son erreur.

Le puissant éclair le transperça de part en part, lui coupant le souffle.

Il se vit chuter, incapable de faire réagir ses muscles paralysés.

Il percuta le sol moins durement qu’il le pensait, réussissant miraculeusement à épargner son crâne d’une fracture certaine.

Knivlann chercha sa respiration à travers ses yeux voilés de noir. Il ne la trouva pas.

“La bouche. Par la bouche, pas par le nez …”

Il parvint à aspirer sa première goulée d’air. Dommage, car elle fut instantanément expulsée d’un violent coup de pied dans le plexus.

“Argh !”

Le coup était si puissant qu’il l’avait retourné sur le dos.

-        Pour qui tu travailles ?! gronda la nuée, dont il reconnut le grésillement.

Il essaya d’inspirer de nouveau. L’air lui fut chassé de nouveau.

-        ARGH ! s’étrangla le Seregios, crachant une gerbe de sang.

-        Ne t’avises même pas d’ouvrir la bouche si ce n’est pas pour me répondre, foutu traître !

“Traître ?”

-        En voilà une situation bien incongrue, pour des retrouvailles … ! ricana froidement son agresseur.

Il réussit à respirer correctement pour la première fois, lui redonnant progressivement accès à l’utilisation de ses yeux.

Il vit la véritable forme de la nuée. Une cuirasse chitineuse sombre, veinée d’électricité émeraude, des ailes élytrées, une crête, une pince.

Un Astalos. Une Astalos familière.

“Toi … !”

-        Dix ans … Je croyais que tu avais fini par crever comme un rat dans ces collines ! Mais il semblerait que tu sois toujours en vie, Maître, siffla sarcastiquement la soldate.

-        Cigale ! s’exclama-t-il de sa voix enrouée, soudainement lucide.

L’Astalos ricana de nouveau.

-        Ah oui, c’était ce nom que je t’avais donné … Cigale … ! répéta la wyverne libellule amusée, se souvenant de celui-ci.

Knivlann était confus.

-        Ce n’était donc pas ton nom ?

Le regard de la soldate se fit sévère.

-        Pourquoi aurais-je révélé mon identité à un paria qui refusait de me partager la sienne ?

Elle marquait un point.

-        C’est vrai, souffla-t-il.

-        Qui plus est un paria qui, du jour au lendemain, s’est tiré comme un voleur ! cracha l’Astalos.

Il se souvenait d’elle. Knivlann, à ce moment là, espionnait dans les Collines de la Paix -alors Rathiennes-, pour Gnatos, effectuant du repérage en vue d’une future annexion. Le Seregios avait trouvé l’Astalos au bord d’un étang, jetant distraitement des pierres de temps à autre. Curieux, il était venu à sa rencontre. Elle disait s’appeler Cigale, et être Rathienne. Elle prétendait avoir trouvé une lame dans la rue. Elle affirmait vouloir s’en servir, mais qu’elle s’en sentait incapable. Qu’elle avait besoin d’apprendre. Qu’elle ne la porterait pas tant qu’elle ne s’en sentirait pas digne.

De là avait débuté cette douce période, où il s’éveillait chaque jour avec la joie de la revoir et de lui apprendre ce qu’il savait, le temps d’une journée. Il se réveillait de plus en plus tôt, gagnant le plus de temps possible à lui consacrer, expédiant ses rapports à Gnatos. Elle avait fini par le rattraper.

Mais toutes les bonnes choses ont une fin, et lorsque Gnatos revendiqua puis annexa les Collines de la Paix plus tôt que prévu, ce que Knivlann avait deviné comme fait exprès, ils durent cesser de se voir du jour au lendemain.

Le Seregios comprit que cette accointance secrète n’était pas au goût de son père adoptif.

Au final, il n’avait jamais pu voir cette épée de ses propres yeux.

-        Et je n’ai jamais eu l’occasion de voir cette lame … sourit Knivlann.

L’Astalos eut une mine dédaigneuse.

-        Pourtant, la voilà, cette lame ! maugréa-t-elle.

Alors, Knivlann posa les yeux sur la lame pointée sur sa gorge.

Une lame dont la simple vue le blessa comme un coup de poignard.

Une lame qui le submergea d’un sentiment enfoui depuis des temps immémoriaux.

Un éclat d’argent gravé d’un crédo.

“Virtutis iustitae”

Bravoure et justice.

Ce qui fut la devise de l’armée Skypiercer, il y a quinze ans.

Il ne pouvait quitter des yeux l’épée pointée sur sa gorge.

Une larme lui échappa.

-        … Alors, tu t’es enfin décidé à répondre ?! D’où viennent tes ordres ?! gronda l’Astalos, dont la patience atteignait ses limites, menaçant d’enfoncer la pointe de la lame.

Tout lui revint. Il vit le soleil. Il vit la plaine. Il vit le canyon. Il vit le fleuve.

Il vit la lame.

La lame de sa mère.

Il vit le visage tendre de la Seregios sans corne. Il vit le visage aux traits marqués et secs de l’Astalos à ses côtés. Puis il la vit.

Il vit la petite Astalos qui jouait avec une épée de bois.

-        As … murmura-t-il, les sanglots étouffés dans sa voix, encore irrégulière.

L’Astalos n’eut aucune réaction.

-        Articules, sans couilles ! Tu faisais bien plus le malin quelques minutes auparavant ! grogna la soldate en lui donnant un nouveau coup dans les côtes.

A nouveau soufflé, il voulut désigner sa propre lame pour lui faire comprendre. Mauvaise idée.

-        Les ailes au sol ! Ne t’avises même plus de les bouger à nouveau ! rugit la wyverne libellule, en assénant un coup de pommeau sur l’aile du Seregios pour l’empêcher d’atteindre sa lame.

Knivlann ne discernait à présent presque plus rien à travers ses yeux noyés de larmes.

-        Asta … !

La lame perça sa gorge, laissant échapper un mince filet de sang.

-        Astalian … parvint-il à prononcer, fermant les yeux sous la pression de l’arme. C’est ça … Ton vrai nom … !

L’épée s’enfonça brutalement un peu plus profondément, arrachant un cri de douleur au Seregios.

-        D’où tiens-tu mon nom ?! tonitrua l’Astalos, sa crête stridulant de manière menaçante.

Knivlann rassembla l’énergie qui lui restait.

-        … Lame … ! croassa-t-il faiblement.

La pression disparut. Il rouvrit les yeux.

-        Lame … répéta-t-il difficilement, de lourdes larmes dévalant sur ses joues. Macha … Astradi … Astalian … !

Astalian lâcha son épée, l’émotion visible sur son visage incrédule.

-        D-D’où tiens-tu ces noms ?! vociféra-t-elle.

Le Seregios réalisa qu’il cherchait un dernier nom, qui ne lui venait pas.

-        Même famille … ! piailla-t-il, le désespoir dans sa voix.

L’Astalos tremblait.

-        T-Tercel ...

Knivlann réalisa qu’il s’agissait du nom qu’il cherchait en vain.

“Tercel …”

-        … C’est toi, Tercel … ?! reprit l’Astalos, abasourdie.

Le Seregios sourit faiblement.

-        … Longtemps … Que je n’avais pas entendu ce nom …

L’Astalos se rua vers lui, le relevant avec délicatesse avant de le serrer dans ses ailes.

-        Tercel … ! sanglota-t-elle.

Knivlann lui rendit son étreinte, tout aussi ravagé par les larmes.

-        Astalian ...

Combien de temps ? Il ne savait plus. Il lui semblait qu’il ne l’avait jamais su.

Il ne se souvenait que d’une chose.

-        Ils- Ils t’ont abandonné aussi ? croassa-t-il, se rappelant une douleur lointaine, si lointaine et pourtant si perçante.

Astalian se recula vivement, tenant ses épaules entre ses ailes.

-        Qui ça ? demanda-t-elle, désemparée.

C’était au tour de Knivlann d’être confus.

-        Et- et bien, nos parents ? Durant- cette guerre, t-tu te souviens ?

L’incompréhension la plus totale était peinte sur le visage de l’Astalos.

-        M-mais, mais non … !

-        P-pour avoir la vie sauve, ils nous ont l-laissés derrière eux ! s’écria Knivlann.

Astalian devint blême.

-        Mais non … ! Q-qui t’as dit ça ?! s’étrangla-t-elle.

Il voulut ouvrir la bouche pour répondre, mais s’abstint.

Gnatos.

C’était Gnatos.

-        … Celui qui m’a retrouvé, murmura-t-il enfin. Je ne me souviens plus … (il releva les yeux vers elle) Je vois les flammes et les ravines … Je te vois en larmes … Mais je ne vois plus rien d’autre …. ! Il m’a raconté cela, et-et je l’ai cru. (les larmes lui revinrent) Je ne me souvenais plus … Comment ais-je pu … !

Astalian le fit taire d’une nouvelle étreinte.

-        … C’était pendant les Rafles du Diable … débuta-t-elle. Les Burutiens essayaient de dérober nos terres sans relâche. Pas un jour ne s’est écoulé sans qu’ils essaient de prendre le Col de la Prospérité. L’armée Skypiercer n’avait pas tant de mal à les repousser, mais … Il se passait des choses horribles sitôt la nuit tombée. Dès que l’armée baissait sa garde, ils saccageaient tout ce qui passait à leur portée. Ils brûlaient tout sans aucune distinction. Et surtout … Ils enlevaient des gens. (elle releva les yeux vers lui) Des enfants, principalement … Du nourrisson au gamin, peu leur importait … Amatsu seul sait ce qu’ils leur faisaient … Tu avais six ans. Les soldats brûlaient la ferme. Père a voulu sauver les bêtes … (elle s’arrêta) Un Monoblos l’a empalé. Ils sont rentrés dans la maison et ont tenté de la piller. Ils nous ont attrapés. Maman fut prise d’une rage sans nom. Elle fendit le crâne de celui qui essayait de s’enfuir avec moi. Elle m’a ordonné de me cacher. Pas un Burutien ne fut debout dans la pièce lorsqu’elle en eut fini avec eux, recouverte de leur sang. Mais … Tu avais disparu. Alors, sa folie meurtrière continua ... Je ne me souviens que d’une tempête sanglante empreinte d’une haine inextinguible qui détruisait tout sur son passage… Un Brachydios a surgi et l’a massacré. Il l’a laissé pourrir au soleil alors qu’elle agonisait … Elle … (elle se retourna vers l’épée qui gisait sur les pavés, qu’elle ramassa) Elle m’a tendu sa lame alors qu’elle expirait, dit-elle en passant ses griffes alaires dessus. Me confiant son ultime volonté. Te retrouver … Et veiller sur toi … acheva-t-elle.

Knivlann resta silencieux.

-        … Je ne t’ai jamais retrouvé. Je t’ai cru mort … Et j’ai fuis l’Empire … Je me suis retrouvée dans les Rathlands … J’ai rejoins l’armée, faute de ne savoir faire autre chose que me battre ...

Et elle le rencontra plus tard, un jour où elle se désolait de ne trouver nulle part l’expérience nécessaire pour manier une lame. Sans savoir son identité. Sans qu’ils ne sachent leur identité.

-        Et toi Tercel, comment as-tu échappé aux Burutiens ? demanda-t-elle.

Il y eut un long silence.

-        J’imagine que je ne leur ai jamais échappé … sourit-il tristement.

Nouveau silence.

-        M-mais non, tu es bien Skypiercer … ! Tu es Tercel, fils de Macha et Astradi ! … Tu as une lame ! répliqua Astalian, incrédule.

La mine du Seregios devint bien sombre.

-        … Je suis Burutien. Je suis Knivlann, fils de Gnatos et Blada. Quant à cette lame … Il est vrai que je l’ai trouvé en territoire Skypiercer, mais … Elle provient d’un cadavre.

Astalian était interdite.

-        Tu es l’ennemi … chuchota-t-elle, la douleur palpable dans sa voix.

Knivlann baissa les yeux.

Le silence s’établit de nouveau, lourd, dense, irrespirable cette fois.

-        … Tu étais un éclaireur envoyé par la Burutie, il y a dix ans …

Il se tut.

-        … C’est toi qui l’a tuée ? s’étrangla la générale Rathienne. La princesse ?

Il demeura silencieux.

-        Tercel … !

Il se dégagea faiblement de son étreinte.

-        Non … murmura Astalian, la voix serrée de sanglots. Non … Pas toi … !

Il sentit qu’il n’aurait plus jamais la force de relever le regard vers elle. Il recula.

-        Tercel … ! Pourquoi ?! s’étouffa sa soeur en se jetant à nouveau vers lui, le serrant comme si elle ne souhaitait plus jamais le laisser partir.

Elle savait à présent.

Tercel lui rendit son étreinte.


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