Rathlands

Chapitre 31 : Chapitre 28 (Astalian POV)

2529 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 03/08/2022 18:03

Les clameurs s’élevèrent au loin.

Ce n’était qu’une question de secondes avant qu’ils les repèrent.

Astalian sentit le Seregios se tendre dans ses ailes. Elle resserra sa prise sur lui.

-        Tercel … chuchota l’Astalos, brisée.

Tercel demeura silencieux, un fin soupir filant entre ses dents serrées.

-        Foutre dieu … ! articula finalement la mâchoire crispée du Seregios, ses propres serres se refermant avec colère. Pourquoi … ?!

Astalian laissa échapper une plainte similaire, secouée de sanglots.

Le frère qu’elle venait de retrouver était sur le point de disparaître à nouveau.

Tercel se retira durement de son étreinte, lançant un bref regard aux cieux, grouillant de soldats à l’horizon.

-        Je dois partir, déclara-t-il, brisé, l’amertume palpable dans sa voix devenue rauque.

Astalian était dévastée.

-        Tercel … Il y a forcément un moyen … !

Pour la première fois de sa vie, la générale ne trouvait rien à répondre à cela.

Pas un mot ou un geste ne semblait apte à aider la situation.

-        Puisse Akantor nous grâcier de pouvoir nous voir à nouveau, souffla-t-il, reculant de quelques pas.

-        T-Tercel … sanglota-t-elle doucement, le monde vrombissant et instable autour d’elle.

Le Seregios s’avança, posant brièvement son front contre le sien.

-        Adieu, grande soeur, dit-il en se redressant.

-        A-adieu … balbultia la générale, étourdie, dont les jambes se dérobèrent soudain sous elle.

Elle se sentit être retenue par le Seregios, qui s’était avancé pour amortir sa chute.

“Le tranquillisant …” pensa-t-elle amèrement en se souvenant du couteau qui l’avait effleurée, perdant progressivement conscience, entendant vaguement le Seregios lui murmurer quelque chose, puis le discerner prendre la fuite, avant d’être aspirée dans le néant.

 

 

 

**********************************************

 

 

Jamais dans sa vie, Astalian n’avait eu aussi peur. Jamais n’avait-elle eu autant envie de tourner les talons, et de fuir, fuir … Fuir le chaos, la douleur, et la confusion. Fuir pour enfin réussir à penser clairement, depuis que cette tempête s’était abattue sur elle.

Il lui semblait que ses pieds avançaient contre son gré, dans ce couloir de marbre qui ne lui avait jamais semblé si froid.

“Je ne peux pas faire ça … ”

La guerre faisait rage dans sa tête, d’habitude si claire et apte à trancher les plus dures décisions.

“C’est un criminel !”

Mais que pouvait son esprit rationnel face à la réalisation que ce criminel n’était autre que son frère, disparu depuis si longtemps ?

Elle souhaitait tant ne pas avoir à faire cela. Elle aurait préféré rester assommée des jours durant. Que Tinarg fasse son rapport à sa place. Que Tercel ne soit jamais identifié. Qu’il disparaisse à jamais, avec la douce amère pensée qu’il puisse enfin vivre une vie paisible. Et peut-être, oh peut-être, qu’Astalian puisse le rejoindre …

Mais c’était impossible.

Car Lunastra l’avait remise sur ses pieds sitôt que le Seregios eut déserté les lieux. Pour la première fois de sa vie, l’idée lui vint d’insulter la déesse Rathienne.

“Mais tout autant que Tercel est à présent Burutien, je suis Rathienne … “ se rappela-t-elle alors, les yeux embués de larmes qu’elle réprima sévèrement.

“On n’a plus rien en commun … Ni patrie, ni famille …” essaya-t-elle de se convaincre.

De vagues images emplirent son esprit par successions de flashes.

Macha. Astradi. Tercel.

Cette maison dont elle se souvint clairement, qui fut la leur ...

“C’est révolu, tout ça ...”

Et pourtant, restait le sang. Une preuve qu’elle ne pouvait ni nier, ni oublier.

“Quoi qu’il arrive, il est condamné … !”

Au lieu de réussir à alléger sa culpabilité, Astalian réalisa que la situation était d’autant plus tragique.

“Il est condamné … Tercel est condamné …”

Mais il était hors de question de craquer.

L’Astalos réalisa qu’elle se tenait devant la porte de la Griffe d’Or.

-        Bonsoir, générale, la salua l’un des gardes Seltas. Que nous vaut l’honneur de votre visite ?

-        ‘Rapport, maugréa-t-elle bassement, tentant de dissimuler sa voix éraillée.

Le court silence qui suivit l’informa que cette ruse n’avait été d’aucune utilité. La porte s’ouvrit lentement avec une pénibilité aussi grinçante et mélancolique que l’état d’esprit de l’Astalos à ce moment précis.

La générale Rathienne reprit sa marche avec lenteur et mollesse, ses serres agissant indépendamment de sa volonté, mécaniques et régulières.

Astalian essayait de parvenir à se résoudre à l’inévitable, en vain. Quand bien même Tercel fut condamné à l’instant même où elle l’avait repéré, elle ne pouvait contribuer -en plus- à sa traque.

La culpabilité enserrait son coeur d’une poigne cruelle et féroce.

Devant elle, le couloir s’étira en cette grande salle voûtée qu’était celle du trône.

Trône où siégeait à présent Zénith, la couronne royale coiffant sa crête, ses yeux acides comme le soufre rivés sur elle, tandis qu’elle pénétrait dans le majestueux espace.

Elle sentit son regard la sonder de toute part. Contrairement à Khryselios, son regard n’avait rien d’innocent et passif. Le jeune roi portait une attention bien particulière à travers ses prunelles, qui, bien qu’elle puisse être bienveillante, laissait la désagréable sensation d’être fouillé des yeux.

Sa présence était incomparable à celle du défunt Rathalos argenté.

-        Bonsoir, générale Astalian, la salua-t-il, ni doucement, ni fermement, avec la cordialité du souverain irrité, mais calme.

-        Bonsoir, mon roi, souffla doucement Astalian, les mots sonnant toujours aussi étranges dans sa bouche, vis-à-vis de ce prince qu’elle entraînait encore quelques semaines plus tôt.

Le Rathalos Roi-Enfer se racla la gorge.

-        J’imagine que votre présence signifie que vous possédez un exposé des faits survenus il y a peu, prononça Zénith, s’étirant brièvement les ailes.

Des ailes si grandes et sombres qu’elles pourraient éclipser le soleil, pensa-t-elle soudain.

-        Un saboteur a été repéré au sein d’Ignis, Votre Majesté, débuta Astalian, durcissant sa voix comme elle le pouvait. On ignore comment cet individu a pu se défaire si facilement du dispositif de sécurité déployé tout autour de la muraille. La garde était conséquente, et un seul individu, même discret, n’aurait pas dû être capable de la franchir si facilement. Mais là n’est pas le sujet, concéda-t-elle. Ce même saboteur, un Seregios, a repéré le lieu de stockage des armes des Skypiercers. Il a abattu une dizaine de gardes sur sa route, et ce, par ses propres moyens. L’entièreté des armes ont été neutralisées, ou sévèrement endommagées, résuma-t-elle. Nous avons cerné le bâtiment, nous préparant à l’intercepter dès qu’il tenterait de s’échapper. Il s’est avéré que l’individu disposait d’outils, dont une sorte de fumigène dont il s’est servi pour couvrir sa fuite. Il s’était également emparé d’un baril de poudre pour nous empêcher de faire ouvertement feu sur lui. Une fois ce baril évincé, j’ai pu moi-même l’appréhender. Comme énoncé plus tôt, c’était un Seregios, un de ces peuples connus pour fréquenter nos terres, ainsi que celles des Skypiercers. Tout laissait à croire qu’il s’agissait d’un Skypiercer, puisqu’il portait également une lame. Cependant …

L’Astalos laissa planer un bref silence.

Un silence lourd de l’Epée de Damoclès qui flottait, invisible, dans l’air.

Un instant figé dans le temps.

Le dernier instant avant que tout ne se scelle à jamais.

Le roi des Rathlands la fixait de prunelles d’autant plus ardentes.

-         Je l’ai soumis à la question, déclara l’Astalos. Il a avoué être un Burutien, et oeuvrer pour Gnatos lui-même.

Ce n’étaient plus de virulentes braises qui sommeillaient dans les yeux du nouveau roi, mais bien les flammes de la haine.

-        Naturellement, au-delà de la surprise que m’a évoqué cet aveu, son profil m’a frappé par sa compatibilité avec celui que nous recherchons, continua-t-elle, dissimulant tant bien que mal ses tremblements qui menaçaient de parasiter sa voix. Léger … Volant … énuméra-t-elle, les yeux dérivant au sol, dans le vide, avant de les relever. Maniant une lame, prononça Astalian, sentant ses mots trancher la corde de la destinée de Tercel.

Zénith avait froncé de façon significative les sourcils.

-        Il a avoué les faits, acheva dans un souffle l’Astalos, la force la quittant soudainement après cette tirade.

Le Rathalos Roi-Enfer en face d’elle se leva sèchement, le corps irradiant de tension, les crocs légèrement découverts.

-        Où est ce maudit chien ? cracha-t-il, un grondement primal naissant dans sa gorge.

Astalian frémit, mais ne cilla pas.

-        Il s’est échappé, l’informa-t-elle, ses yeux voulant fuir les iris brûlantes du souverain, ce qu’elle ne pouvait se permettre de faire.

Le roi exhala un filet de fumée âcre entre ses crocs. Son regard changea d’état. La brûlante colère se dissipa quelque peu, se mêlant de venin acerbe.

-        Comment cela a-t-il pu se produire ? demanda-t-il, ses pupilles jouant dangereusement entre la dilatation et le rétrécissement.

Avant même qu’elle ne réponde, elle savait que son incompétence allait être relevée.

-        Il a profité d’un moment de faiblesse pour me neutraliser, avoua la générale, profondément gênée et prise d’une glaciale détresse.

Sentant l’incompréhension irritée de son souverain, elle lui présenta l’une des armes que le Seregios avait utilisé.

-        Voici, Votre Majesté, l’une des armes qu’il avait en sa possession, et qu’il a utilisé contre nous. Des couteaux de lancer, enduits d’une substance somnifère. Les Skypiercers ont demandé à y jeter un oeil. Ils sont formels : il s’agit de toxines d’Uragaan.

Zénith, en face d’elle, sembla comprendre, la tension quittant brièvement son corps, la réalisation le frappant comme une intervention divine.

-        Une espèce qui peuple minoritairement nos terres, mais surtout la Burutie … (il y eut un blanc) La Burutie … Est-ce donc ça, la réponse ? Est-ce donc la Burutie qui souhaitait la poursuite de la guerre ?

-        … Les autres armes retrouvées vont également dans ce sens. L’enduit qui couvrait une partie de ses écailles n’était autre que du goudron issu du même monstre, l’informa-t-elle.

-        … La dictature Buruto … marmonna le Rathalos Roi-Enfer, fixant un des accoudoirs du trône avec irritation, il semblerait que notre hypothèse soit juste : elle est véritablement de mèche avec l’Empire Rakuraï ...

L’Astalos eut une sueur froide.

-        Ils doivent avoir une raison … dit-elle.

Le Rathalos cherchait la réponse à cette interrogation auprès du plafond qu’il contemplait.

-        Leur dernière agression en date remonte à l’annexion des Collines de la Paix. A l’époque, nous pensions qu’il s’agissait d’une pique pour tester notre répondant et assurer leur puissance, se remémora-t-il, les sourcils froncés. Mais il n’en était rien. Ce que cherchait Gnatos ni le pouvoir ni de l’information : c’était des terres ... (il rabaissa les yeux, sa concentration plus dense et visible) Des terres promises par la Rakuria. En échange d’alliance.

Zénith eut un rictus.

-        Tout fait sens, à présent ...

Un bref silence plana après ces mots.

-        Nous avons les preuves ... murmura le Rathalos Roi-Enfer, le regard élevé dans le vide, une émotion indéchiffrable sur la visage.

Astalian eut un frisson.

-        On a les preuves pour accuser la Burutie d’un crime de guerre, et faire pendre ce fils de catin … répéta-t-il, hochant frénétiquement la tête.

Il se leva.

L’Astalos eut un désagréable pressentiment.

-        Nous lancerons un mandat d’arrêt international afin de capturer ce chien. Vivant, précisa-t-il en la pointant de l’aile. Tout Etat s’opposant à sa recherche sur son sol s’exposera au courroux des Rathlands ainsi que des Skypiercers, qui seront peu ravis d’apprendre qu’un Burutien utilise leur modus operandi. Tout Etat qui dissimulera ou collaborera à dissimuler la présence de ce même individu sera accusé coupable d’un crime de guerre, au même titre que la Burutie, ajouta-t-il, les étincelles de retour dans ces yeux qui n’avaient rien à envier à la chaleur de l’enfer. Enfin, concernant la traque en elle-même, nous aurons besoin de moyens conséquents … énonça le roi. Nous aurons besoin de toutes nos forces disponibles, ainsi que celles de nos alliés.

Astalian s’était figé, saisie d’une horreur qu’elle essayait de balayer. En vain, car celle-ci paralysait chacun de ses membres, et faisait battre son coeur dans ses tempes.

-        Nous allons former une coalition, conclut Zénith. Et lorsque la tête de ce foutu chien sera tombée, articula-t-il avec rage, ce sera au tour de la Burutie.


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