Jardin de cendres

Chapitre 3 : Celle des flammes, celle de mon père

2080 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 14/04/2022 23:54

Bonjour à tous !


Merci d'avoir lu jusqu'ici. Je vais m'installer sur un rythme d'un chapitre le Jeudi et un chapitre le Dimanche. N'hésitez pas à commenter si vous le souhaitez. Bonne lecture à tous !




— Je n’étais pas sûre de vous voir revenir, Shoto, mais je suis contente que vous soyez-là. Vous voulez reparler de ce qui vous avez blessé la dernière fois ?

Cette fois il se lève et va se mettre près de la fenêtre avant de croiser ses bras et sa poitrine.

— Non.

— D’accord très bien, comme je vous l’ai dit c’est vous qui décidez.

— Je suis venu vous parler de mon père et de sa nouvelle lubie.

— Je vous écoute.

Finalement, l’adolescent consent à s’assoir à nouveau.

— Oui, vous savez que je travaille avec lui en ce moment n’est-ce pas ?


— Shoto, attends un peu, je voudrais te parler.

Ils se tenaient debout dans l’immense bureau d’Endeavor à l’agence. Izuku et Katsuki venaient d’être congédiés. Shoto n’avait aucune envie de rester auprès de son père pour avoir il ne savait quelle conversation. Il ne voulait pas l’entendre critiquer ses performances de la journée alors que les deux autres stagiaires étaient partis, et encore moins l’entendre s’excuser une énième fois. Dans sa tête, des pleurs indistincts retentissaient, ceux de sa mère, comme une toile de fond, chaque fois qu’ils discutaient d’autre chose que du travail.

— Qu’est-ce que tu veux ? Je t’ai dit que je n’étais pas venu ici pour renouer avec toi mais pour profiter de ta place. Si ça ne te convient plus, je chercherais une autre agence.

— Je voulais te dire que j’ai acheté une maison pour vous.

— Nous acheter ça ne marchera pas non plus.

Shoto vit distinctement son père ouvrir et fermer ses poings pour se forcer à se calmer. Ce geste aussi, cette respiration rendue erratique par la colère, tout cela était familier.

— Écoute-moi, s’il te plaît, laisse-moi finir. J’ai compris que je ne pourrais pas réparer cette famille si je veux absolument en faire parti. Alors j’ai pris une maison, comme ça, quand ta mère sortira, vous pourrez tous aller vivre là-bas avec elle.

— Ah.

Un silence gênant s’installa entre eux, pendant lequel Shoto essaya vainement d’imaginer la chose. Face à lui, son père bouillait et ses flammes grandissaient subrepticement.

— Qu’est-ce que tu en penses ? Je ne veux pas que vous pensiez tous que je vous abandonne. Je veux juste essayer de faire ce qui est mieux pour tout le monde maintenant.

Shoto haussa les épaules et ravala un douloureux élan de tristesse.

— C’est parfait.

L’adolescent prit la porte avant de laisser son père ajouter quoique ce fut.


— Vous n’avez pas l’air de penser que c’est parfait du tout.

— En fait, je ne sais pas quoi penser.

— C’est à dire ?

— Je crois que mon père est sincère quand il dit qu’il essaye d’arranger les choses en ce moment et je suis heureux de me dire que je pourrais partir de l’internat pour les congés, sans avoir à cohabiter avec lui.

— Mais ?

— Mais à chaque fois je m’imagine devant la porte de cette nouvelle maison, avec mon petit bagage.

— Devant la porte ?

— Oui, cette nuit j’ai rêvé que j’étais devant la porte et que je ne pouvais pas rentrer. Ma mère et mes frères et soeurs riaient à l’intérieur et moi je ne pouvais juste pas soulever mon bras pour pousser la poignée.

— On dirait que vous vous imaginez ce que peux ressentir votre père ?

— Pas du tout, je me fiche de ce qu’il peut bien ressentir. Qu’il souffre tout seul dans son coin, ça me va très bien. Par contre… je suis celui qui lui ressemble le plus.


« — Et même Shoto, il lui ressemble de plus en plus… Je dois vraiment tous les élever ? »

Lorsqu’elle le vit, le visage de la mère de Shoto s’alluma d’une profonde terreur. Derrière elle, la bouilloire hurlait.


— C’est à dire ?

— Aucun de mes frères et soeurs n’ont de flammes comme moi. C’est pour ça qu’il pensait qu’ils étaient ratés. C’était les mots qu’il employait. Parfois je voulais jouer avec eux quand j’étais enfant et rire avec ma mère. Il disait « Vous n’êtes pas du même monde. »

— Ce n’est pas facile d’être l’enfant réussi non plus. Vous pensez que votre place est plutôt auprès de votre père ?

— Non, je hais mon père.

— Alors, vous n’avez pas de place auprès de votre mère et vos frères et soeurs, et pas non plus auprès de votre père.

— Ma place est au lycée, à l’internat avec Izuku, Ida et tous mes amis là-bas.

— Ça n’a pas l’air de vous rendre joyeux non plus de penser à ça.

— J’ai refais une crise cette semaine.

— Vous voulez me raconter ?


L’internat débordait de vie. Tous s’étaient démenés pour tout décorer et cuisiner un bon repas. Les terminales étaient invités et plus ou moins tous ceux qui avaient participé à l’assaut de près ou de loin, pour une grande fête. Kyouka avait mis une playlist dont elle avait le secret, tout le monde mangeait en parlant de tout et rien. Quelqu’un quelque part avait dit à Katsuki quelque chose qui l’avait mis en colère. Ida distribuait des instructions pour éviter toute dégradation des locaux, Izuku riait. Lorsqu’Eri arriva avec Mirio, tout le monde tomba en pâmoisons devant la petite fille à la corne dorée. Derrière eux se tenait Aika la jeune femme du sauvetage. Elle se cachait presque derrière le grand blond et son regard était parfaitement vide.

— Bonjour, lui dit Shoto, je suis désolé pour la dernière fois.

Il n’obtint aucune réaction, sinon qu’elle tourna brièvement le regard vers lui avant de se remettre à fixer le vide.

— Ne le prends pas mal, ça fait beaucoup pour elle, intervint Lémillion. 

Shoto haussa les épaules. Sans savoir quoi ajouter il alla se mêler à la foule, prétextant aller se chercher à boire.

— Il parlait qu’elle était presque à poil quand tu l’as trouvée, intervint Minoru à quelques centimètres de son oreille. Shoto ne sut pas bien comment répondre à cette constatation sinon part des faits concrets.

— Elle avait subi la catastrophe oui, expliqua-t-il.

— Et alors ? reprit Denki, elle est sexy ?

Heureusement, Tsuyu tira Shoto de ce mauvais pas, en leur administrant tous deux une sévère baffe derrière la tête.

— Dis Shoto, reprit-elle, tu vas bien ? Je te trouve taciturne depuis que tu as fait cette crise.

Shoto voulu répondre que tout allait bien, et puis il se força à dire quelque chose en plus parce que c’était ce qu’il convenait de faire s’il voulait vraiment devenir ami avec les élèves de la seconde A.

— Je suis toujours en train de me soigner tu sais ? Tant qu’on ne comprends pas d’où ça vient, ça peut recommencer. Je dois aller à l’hôpital toutes les semaines voir un médecin.


— Vous avez parlé un peu de nos séances et en quoi elles consistent ? 

— Non, je voulais juste lui expliquer pourquoi j’avais la tête ailleurs. De toute façon, on ne peut rien lui cacher.


 — Ah… Je comprends mieux… reprit Tsuyu Tu sais qu’ici tout le monde te soutient non ? Si moi, ou les autres, on peut faire quoique ce soit pour t’aider, n’hésites pas, hein ? Toi aussi tu as le droit de te reposer sur les autres parfois, d’accord ?

— Merci…


— Et c’est a peu près là, que ça a commencé.

— Juste là ?

— Oui, enfin juste après. Elle à posé sa main sur mon épaule. Mon épaule gauche.

— Pourquoi c’est important ?

— Parce que c’est celle des flammes, celle de mon père.

— Et alors ?

— Et alors… et alors je…. Enfin, juste après, j’ai commencé à ressentir cette vague de nouveau, alors je suis sorti. Elle m’a suivi évidemment et quelques autres aussi nous on vu sortir. Izuku avait l’air assez paniqué à l’idée que ça recommence et juste avant de passer la porte j’ai vu Aika se recroqueviller dans un coin. Je me suis assis dehors, cette fois j’ai laissé la glace tranquille alors… j’ai juste eu le sentiment d’être plongé dans l’eau bouillante. Les autres n’ont pas arrêté de me demander si je voulais qu’ils appellent les professeurs mais j’ai refusé tout en bloc. Finalement c’est Hitoshi qui m’a sorti de là avec son alter. Et maintenant mon bras est comme ça.

Shoto relève sa manche pour montrer les bandages en dessous.

— Comme ça comment ?

— Brûlé.

— Vous l’avez montré à l’hôpital ?

— Non, je savais quoi faire, j’avais l’habitude que ça arrive quand j’étais petit et que je m’entraînais avec mon père.

— Ça arrivait souvent ?

— Oui, mais ce n’est pas la question. Je ne comprends pas. Nous étions en train de passer un bon moment entre amis. On venait de me proposer du soutient. La première fois vous m’avez dit que j’avais eu une attaque de tristesse alors je ne comprends pas.

— Prenons le temps d’y revenir, vous voulez bien ? Vous avez dit que ça avait commencé quand elle a touché votre épaule gauche et vous avez ajouté « C’est celle des flammes, celle de mon père ». Vous voulez bien essayer de vous souvenir de ce moment ? Quel a été votre pensée à ce moment-là ?

— Je ne sais pas… Je suppose que…

— Oui ?

Shoto hésite un instant.

— Je me suis dit « Ne fais pas ça ».

— « Ne fais pas ça  ? » Qu’est-ce qui peut arriver si on touche votre épaule gauche selon vous ?


Derrière elle la bouilloire hurlait.


— Rien, je sais bien que rien ne va arriver, rien n’arriverait d’ailleurs si je ne faisais pas ces crises.

— Cette épaule ça n’est pas « celle de votre père » c’est la vôtre Shoto.

Il a un petit rire.

— Oui, je sais, je sais bien, c’est ce qu’à dit Izuku pendant le tournoi, à propos des flammes. Il a dit « ce pouvoir c’est le tien ».

— Parfois, j’ai l’impression qu’il y a deux Shoto. Celui de la glace qui est calme, qui n’a pas peur et qui veut devenir un héros. Et il y a celui des flammes, qui est en colère et qui croit qu’il est un vilain alors que ça n’est pas vraiment le cas, qui a du mal à être touché et qui ressemble à son père.

— Est-ce que vous pensez que je suis fou si je vous dis que parfois, j’aimerais bien couper mon bras gauche ?

— Non, je pense que vous souffrez plus que ce que je pensais au départ. Mais je crois vraiment que si vous pouvez vous autoriser à dire ce genre de choses, c’est que vous me faites assez confiance maintenant pour que je puisse vous aider un peu.

— À votre avis, si je ne suis pas fou, alors quel est mon problème ?

— Je dirais quelque chose comme… la haine de soi. Puisque ce bras que vous voulez couper c’est le vôtre, c’est une partie de vous qui a droit au respect comme toutes les autres.

— Je dis ça…mais je vais pas le faire hein… Je ne suis pas fou à ce point là.

— Je crois que vous commencez à avoir une idée de ce qu’est une métaphore maintenant.

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