Jardin de cendres

Chapitre 12 : Triste par contraste

2471 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 15/05/2022 10:56

Bonjour à tous. Vous êtes a peu près à mi parcours de cette lecture. J'espère que la suite vous plaira. N'hésitez pas à commenter !


Bonne lecture !


— Je suis très contente de vous revoir, Shoto.

L’adolescent se racle la gorge.

— Je suis désolé, pour la dernière fois. J’étais en colère.

— Comme je vous l’ai dit, ça ne me dérange pas que vous soyez en colère. J’ai reçu un appel d’All Might il y a quelque jours, qui m’informait que finalement vous avez pu réintégrer l’internat. Comment allez-vous depuis ?

— C’est très dur de répondre à cette question ?

— Ah ?

— D’un côté, c’est plus facile de vivre à l’internat que chez mon père. Mais d’un autre côté, je me sens tout le temps mal et angoissé. Mes amis, ceux qui s’inquiétaient, ils sont venu m’espionner chez mon père. Et ils ont vu…

— Dites-moi.

— Le directeur a dit les choses comme ça « Ils ont vu ton père t’attaquer de manière répétée. Ils l’ont vu continuer alors que tu lui demandais d’arrêter, ils l’ont vu t’attaquer alors que tu étais au sol avec une puissance suffisante pour te faire vraiment mal. » Ce sont ses mots exacts.

— Et vous qu’est-ce que vous en pensez ?

— C’est comme je vous disais la dernière fois, je ne sais pas quoi penser. En tout cas, j’aurais aimé que personne ne voit ces moments-là, que ça reste secret. Alors maintenant, je n’arrive plus à parler à mes amis, je n’arrive plus à supporter qu’ils me regardent. Je reste dans un coin de la classe et je me débrouille pour manger seul.

— Ils ont essayé de vous parler ?

— Non, mais c’est parce qu’ils croient que je leur en veux.

— Et ce n’est pas le cas ?

— Non… je commence à comprendre pourquoi vous et eux, vous avez décidé d’intervenir. J’ai juste dit que je dormais à l’internat, pour rassurer tout le monde.

— Et votre père, comment il a réagit ?

— Très mal.


Le premier matin, Shoto s’était réveillé vraiment très tôt. C’était l’heure habituelle, la lune était encore haute. Il poussa la fenêtre parce qu’il mourrait de chaud. Son coeur frappait dans sa poitrine. Il avait devant lui bien cinq heures avant que les cours ne commencent. Se demander ce qu’il allait en faire l’angoissa quelque peu puis il se souvint ce que Mr Aizawa avait dit sur ses notes en cours théoriques, alors le plus silencieusement possible, il alluma la petite lumière de son bureau et ouvrit ses cours de droit héroïque. Avant de s’y mettre pourtant, il attrapa son téléphone. Son frère et sa soeur avaient eu toute une discussion pendant son sommeil, ils avaient posé milles questions sur ce qui s’était passé ou non avec leur père. Sa mère avait tiré la même conclusion. « J’espère qu’il ne s’est rien passé de grave. Appelle-moi s’il te plaît. » Shoto résolu de le faire dès que l’heure serait propice. Il répondit à Natsu et Fuyumi en restant évasif. Restait un message à ouvrir, celui de son père qu’il avait laissé sur son répondeur. Shoto prit son courage à deux mains et baissa le son jusqu’à ce qu’il ne soit plus qu’un murmure.

Mais même à ce degré si bas, la voix de son père envahit la chambre.

« Qu’est-ce que tu as fait Shoto ! Qu’est-ce que tu es allé raconté ? Tu ne pouvais pas juste me parler au lieu d’aller pleurer dans les chaumières ? J’espère que tu es fier de toi ! Ils m’ont menacé Shoto ! All Might et Aizawa sont venus et toi tu n’as même pas eu le courage de me regarder en face ! Et tu ne réponds même pas au téléphone ! Quel genre de héros tu vas faire ? Tu es ridicule ! Ridicule et ingrat ! Tu n’es plus mon fils ! Oublie-moi et retourne donc geindre dans les jupes de ce vieux croulant d’All Might ! »


— C’est vraiment ce que votre père a dit ? « Tu n’es plus mon fils » ?

— Oui.

— Et comment ça vous a fait vous sentir ?

— J’aurais pensé que ça me ferait un peu plaisir, mais en fait non.

— Pourquoi ?

— Déjà, il me reproche de ne pas être allé lui parler, mais je vous promets, j’ai vraiment essayé de lui dire. Alors c’est injuste. Aussi… je ne sais pas… ça fait bizarre de me dire que je n’ai plus de père. Je sais bien ce que vous pensez de lui, mais… c’est mon père vous comprenez. Et il a raison d’un côté quand il dit que je lui dois beaucoup. Je comprends pourquoi il me traite d’ingrat.

— Peut-être aussi qu’il était sous le choc en quelques sortes. Mais s’il est déterminé à améliorer les relations au sein de votre famille, alors peut-être qu’il reviendra sur ses propos.

— Je ne sais pas… en attendant je ne lui ai pas répondu.

— Vous avez dit tout à l’heure que vous étiez souvent mal et angoissé.

— Oui et je n’arrête pas de me disputer avec Mr Aizawa et All Might.

— Ah ?


 — Shoto, viens une seconde ! Mr Aizawa rangeait ses notes avec nervosité. Shoto attendit patiemment que le reste de la classe sorte en devisant joyeusement.

— Tu es allé courir cette nuit non ? demanda le professeur dès qu’ils furent seuls.

— Oui un peu…

— Eri t’as entendu rentrer à 7h. À quelle heure tu es parti ?

Shoto haussa les épaules.

— Je ne sais pas vers 4h ?

— Ça fait trois heures de courses en pleine nuit ça, Shoto.

— Je sais compter.

Le professeur se retourna vers lui et chercha son regard.

— Ne soit pas impertinent avec moi. Tu as besoin de dormir Shoto, tu comprends ça ? Si tu te pousses à bout, rien ne bon n’en sortira, nous te l’avons déjà expliqué.

— Je voulais juste travailler un peu mon endurance…

— Pas en pleine nuit, Shoto. Maintenant nous sommes responsables de toi. A partir de maintenant, l’entraînement commence seulement quand le jour se lève d’accord ? Et il ne reprend pas après le repas du soir.

— D’accord.


— Et vous avez pu vous y tenir ?

— Non, je fais de la musculation dans ma chambre.

— Qu’est-ce qui vous pousse à faire ça ?

— Je n’arrive pas à arrêter.

— Et si vous arrêtiez que se passerait-il ?

— Ma tête serait pleine de pensées et d’images.


Ce soir-là, Shoto avait résolu d’essayer de suivre les conseils de ses professeurs. Après le repas, il avait quelque peu révisé pour se remettre à jour puis à 23h30, il avait décidé d’aller se coucher, poussant son réveil à 6h30 pour le lendemain matin. Il ferma les yeux et attendit mais le sommeil ne vint pas. Il n’entendait que son coeur battre à ses tempes et sentait comme un poids épais sur sa poitrine. Au bout d’une heure, n’y tenant plus, il se mit en devoir d’aller au moins prendre un peu l’air. Malheureusement Eri avait le sommeil aussi difficile que lui.

— Tu ne dors pas Shoto ? demanda la petite fille qui se tenait assise sur le canapé du salon.

— Toi non plus on dirait, répondit-il, je voulais prendre un peu l’air…

Shoto ne s’y attendait pas, mais la gamine le suivit dehors où ils s’installèrent sur les escaliers qui menaient à leur maison.

— Mirio trouvait toujours quelque chose à dire de gentil, quand je ne dormais pas avant, commença Eri.

— Je ne suis pas Mirio, répondit Shoto qui juste après regretta la dureté de cette parole. La petite fille ne sembla pas se laisser impressionner. Il songea qu’elle avait appris la doctrine All Might avec Lemillion et Deku : toujours sourire quoiqu’il arrive. Ne pas laisser les mauvaises choses nous atteindre.

— Ce soir, c’est moi qui vais dire quelque chose de gentil reprit-elle… attends… laisse moi réfléchir.

La petite plissure sur son front amusa quelque peu Shoto. Il n’était pas près pour la suite.

— Je suis contente que tu sois là, avec Aika et moi, déclara-t-elle sûre d’elle.

Shoto la regarda, décontenancé.

— Tu dis rien… c’est que ça n’a pas marché, reprit la gamine. Attends…

Elle plongea dans une intense réflexion à nouveau.

— Tu veux qu’on fasse un gâteau au chocolat ?

Shoto voulait se sortir de cette situation alors il se força à sourire.

— D’accord, mais alors il va falloir qu’on soit très silencieux, Aika dort… Elle en aura pour son petit déjeuné comme ça.

La petite Eri ne put étouffer un cri de joie.

— Shhht, essaya-t-il.

Mais il surprit cette fois un vrai sourire sur son visage. Il s’avéra qu’Eri n’avait à peu près aucune idée de comment faire un gâteau au chocolat. Il demanda la recette à sa soeur, oubliant qu’ils étaient au milieu de la nuit. Finalement, ils improvisèrent quelque chose avec ce qu’ils avaient sous la main et une recette trouvée sur internet. Ils en étaient quelque part à la confection de la pâte lorsque Aika fut finalement réveillée par la chute d’un plat. Celle-ci se mit en devoir de les aider jusqu’à ce que Eri décide de déclencher une bataille de farine. Shoto constata avec plaisir que la jeune femme n’avait plus peur de lui comme le jour de son sauvetage. Après il fallut nettoyer la cuisine qui était dans un salle état, pendant la cuisson.

— Bon.. on devrait tous aller se coucher. Tu ne diras rien à Mr Aizawa, Eri si ?

La petite fille secoua la tête et mimant le geste de fermer une fermeture éclair sur ses lèvres.

Shoto rejoignit son lit vers 2h du matin. Il espérait s’endormir joyeusement mais il n’en fut rien.


— Pourtant on dirait que vous aviez passé un bon moment tous les trois ?

— Oui, plutôt. Mais après c’était pire.

— Pire ?

— Oui. Quand All Might est venu me chercher chez ma mère, je lui ai dit « Mes problèmes de famille, ils sont pire que ce que je pensais. » Et à ce moment-là je pensais avoir vraiment pris la mesure des choses. En fait non. Dès que je me couche, je repense à mon père, aux entraînements, à ma mère, mes frères et soeurs. Je pense que je ne sais toujours pas ce qui est arrivé à Toya exactement. Du coup, j’ai fait une crise cette nuit là vers 3h du matin. Au final, il a fallu réveiller Mr Aizawa. Mais heureusement, il a rien dit sur le fait qu’il y avait un gâteau tout chaud dans le four.

— Je suis désolée de vous dire ça, Shoto, mais il se peut que vous alliez encore au devant d’une période un peu difficile. Finalement, si on mets de côté les quelques mois d’internat pendant votre année de seconde et les camps d’été, vous avez toujours vécu avec votre père. Déjà, vous avez visiblement construit une idée erronée de ce qui était normal ou non. Et puis, quand on vit des choses très pénibles, on a tendance à s’absenter de soi en quelque sorte.

— S’absenter de soi ?

— Oui, c’est une manière de se protéger. On se coupe de ce qu’on ressent pour éviter de trop souffrir. Mais quand la menace est passée, et là peut-être pour vous, c’est la première fois que cela arrive vraiment, alors il faut faire cet effort de revenir à soi, en quelques sortes.

— Ça me fait penser à ce que vous disiez « Il y a deux Shoto »

— C’est exactement ça. Le Shoto de la glace a encaissé ce qu’il y avait à encaisser, il a permis d’avancer de continuer de progresser, de travailler pour devenir un héros. Pendant ce temps, le Shoto du feu a enfoui toutes sortes d’émotions. Maintenant, il va falloir aller au devant. Et cela risque d’être un peu douloureux.

— Je ne peux pas l’éviter ?

— C’est à cela que servent vos crises, Shoto, il faut autant de douleur pour éviter de ressentir. C’est aussi pour cela que vous n’arrivez pas à dormir, ou à arrêter de pousser votre corps trop loin.

— Affronter les choses, je sais faire. Mais des émotions qui sont à l’intérieur de ma tête, je ne sais pas.

— Dans votre lit ce soir-là, vous pensiez aux entraînements, à votre père à vos frères et soeurs et au fait que vous ne savez pas ce qui est arrivé à Toya… Et qu’est-ce que ça vous faisait ressentir ?

Shoto prend le temps d’y penser. Il s’agite sur son fauteuil, comme s’il se débattait faiblement et puis ses yeux se mouillent de larmes qui se refusent à couler.

— Ça me rend très très triste, articula-t-il.

— D’accord…

Il se lève pour aller se mettre face à la fenêtre et il se raidit à nouveau.

— Je comprends mieux pourquoi je fais des crises lorsque je me sens entouré. En fait… je suis triste par contraste… je ne sais pas si vous comprenez.

— Je comprends tout à fait. Plus vous faites des expériences de relations humaines chaleureuses et plus cela vous pousse à voir que c’était pire que ce que vous pensiez, avant. Plus vous vous rendez compte à quel point… ça manquait en quelques sortes, cette chaleur.

Shoto serre et desserre les poings, il ne la regarde pas.

— Je peux partir, s’il vous plaît ?

— Oui bien sur. Je vous vois la semaine prochaine. Vous me direz comment vous avez traversé ça, d’accord ?

Il hoche la tête et s’en va sans dire au revoir.


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