Jardin de cendres

Chapitre 15 : Statue de glace

2761 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 26/05/2022 13:01

Bonjour à tous !


Comment allez-vous en ce jeudi férié?


Un chapitre un peu plus long aujourd'hui...


N'hésitez pas à commenter.


Shoto était presque surpris de se trouver à nouveau devant la porte d’entrée de la petite maison que son père leur avait offerte. Il lança un regard au petit bout de trottoir sur lequel il avait attendu All Might. Certes, il était venu voir sa mère depuis mais il se sentait un peu comme un ami de la famille vient rendre visite. Aujourd’hui, franchir cette porte prenait encore une signification particulière. Jusqu’au dernier moment, il avait hésité et puis, il avait conclut qu’il ne se pardonnerait pas d’avoir renoncé.

Fuymi lui ouvrit.

— Merci d’être venu, vraiment merci, Shoto.

Il hocha simplement la tête. Il avait envie de lui dire d’attendre de voir le résultat de cette discussion avant de le remercier de quoique ce soit. Nastu avait l’air particulièrement grave. Shoto devina qu’il avait dû hésiter autant que lui, mais ni l’un ni l’autre n’était vraiment capable de refuser quoique ce soit à leur soeur. Leur mère les attendait dans le salon, assise sur le canapé. Sur la table basse se trouvait du thé et des gâteaux mais tous avaient l’estomac bien trop noués pour se servir.

— Je… je suis contente que tu sois venu, Shoto, déclara-t-elle.

Il ne trouva pas les mots pour lui répondre, parce qu’il avait envie de faire demi-tour. Il s’assit sur une des chaises, assez loin de sa mère pour qu’elle se sente en sécurité. Dans un silence de mort, ils attendirent que leur père daigne se montrer. Shoto laissait son regard se perdre au dehors, parce qu’il avait du mal à supporter le visage de sa soeur, face à lui, qui luttait visiblement contre les larmes.

— Il ne va pas venir, lâcha soudain Natsu.

— Je pense que si, répondit Shoto tranquillement.

— Comment tu fais pour rester toujours aussi calme ?

L’aspirant héros ne répondit rien à son frère, parce qu’il ne se sentait pas calme du tout. La colère bouillait en lui un peu plus à chaque minute qui passait.

Leur mère continuait de fixer le vide et Fuyumi de serrer les dents.

Finalement, la porte d’entrée s’ouvrit et Shoto constata que malgré tout, son père possédait les clefs de cette demeure. La colère retomba d’un cran lorsqu’il l’aperçut dans le petit couloir de l’entrée. Shoto était habitué à toujours voir son père en costume de héros mais aujourd’hui, il avait revêtu un jean et une chemise. Aucune flamme ne brûlait sur ses épaules et ses cheveux se montraient pour la première fois depuis longtemps.

— Je suis désolé, commença-t-il immédiatement. J’allais partir et puis… on a été appelés sur une urgence. Il fallait que je sois sur l’explosion, parce que je ne crains pas les flammes pour sortir les civils…

Natsu ouvrit la bouche et la referma dès que sa soeur lui adressa un regard. Shoto remarqua que sa mère s’était repliée, tenant ses genoux dans ses mains. Il se leva et poussa une chaise pour son père. Ils étaient tous les deux du même côté, celui de ceux qui font peur.

Une fois qu’il fut installé, personne ne dit rien pendant un long moment. Dehors, les oiseaux chantèrent.

— Bon… quelqu’un veut bien m’aider, s’il vous plaît ? commença Fuyumi.

— Je suis venu pour écouter ce que vous aviez à dire, répondit Endeavor en premier. Mais si vous ne pouvez pas me parler je ne sais pas comment…

— Je veux qu’on m’explique ce qui est arrivé à Toya de nouveau, coupa soudain Shoto.

— Tu ne sais pas ce qui est arrivé à Toya ? s’étonna Natsu.

— J’étais petit, j’ai peu de souvenirs de lui. Je me souviens que les pompiers sont venus et que Natsu disait que c’était de la faute de papa. Je n’avais pas vraiment de raison de penser le contraire.

Le père prit la parole avec calme.

— Ton frère a eu un accident Shoto, tout simplement.

Natsu renchérit, avant-même que Shoto ne puisse poser une autre question.

— Un accident tu te moques de moi ? Toya s’est suicidé, papa et c’est tout sauf simple.

Le coeur de Shoto rata un battement. Il n’aurait pas dû poser cette question. Endeavor et Natsu se hurlèrent dessus des choses qu’il ne comprit pas jusqu’à ce que Fuyumi intervienne.

— Assez, assez ça suffit !

Leur mère ne disait rien mais deux épaisses larmes roulèrent sur ses joues et Shoto se maudit encore une fois.

Endeavor croisa ses bras épais sur sa large poitrine.

— D’accord Nastu, raconte ta version de l’histoire à ton frère.

— Toya était comme toi, Shoto, enfin pas tout à fait. Je veux dire… il n’était pas « raté ». Et puis, il vénérait papa et faisait toujours tout ce qu’il lui disait de faire. Il pouvait construire d’immenses structures de glaces très complexes et il contrôlait la température de l’eau jusqu’à la rendre bouillante. Mais papa trouvait que ses murs de défenses n’étaient pas assez épais. Alors ça a duré… des jours… Je me cachais pour regarder parce que j’avais peur pour lui. Papa le chargeait toutes flammes dehors et il devait se protéger, le plus vite possible, avec un mur le plus épais possible.

Shoto se força à respirer, parce qu’il connaissait cette scène.

— Il n’y avait pas de quoi avoir peur, lâcha Endeavor.

— Dois-je te rappeler qu’il est mort maintenant ? cracha Natsu, avant de poursuivre, plus calme. Je voyais bien qu’il fatiguait mais Toya ne se plaignait jamais. Ce soir-là… il s’est levé en plein milieu de la nuit. Je l’ai entendu alors je l’ai suivi. Je voulais lui parler, parce que papa dormait, je pensais que ça serait peut-être possible. Il s’est assis en tailleur près de l’étang qu’on avait avant. Il a prit le temps de regarder la lune, les étoiles. J’ai vu son souffle s’accélérer, je n’ai pas compris. La seconde après, ton frère était devenu une statue de glace. Il est mort sur le coup.

Natsu rassembla ses mains entre elles pour les empêcher de trembler et détourna le regard.

— Je suis sûr qu’il a fait exprès, acheva-t-il. Il a regardé le ciel, comme si c’était la dernière fois. Il était parfaitement calme.

— Tu n’as aucune preuve de ce que tu avances, reprit Endeavor. À mon avis, il s’est réveillé parce qu’il voulait essayer quelque chose d’autre et les choses ont échappé à son contrôle. Un accident, rien de plus. Je sais que tu voudrais croire que Toya était malheureux comme vous tous, mais il aimait ce qu’on faisait ensemble. Il a toujours fait de son mieux, comme tu l’as dit, il ne s’est jamais plaint de quoique ce soit. Cependant, je veux bien reconnaître que j’ai sûrement participé à sa mort en le poussant trop loin.

Shoto n’entendait que la moitié de leurs échanges.

— Quel âge avait-il déjà ? questionna-t-il encore;

— Neuf ans, répondit Natsu avec toujours autant d’émotion dans la voix. Qu’est-ce que tu en penses, Shoto, toi qui produit beaucoup de glace aussi ? Tu crois que c’est possible de se faire ça par accident ? 

— Je n’en sais rien, répondit-il. Son frère sembla lui en tenir rigueur mais il n’en dit rien.


— Vous pensez que c’est possible ?

— De ?

— De se suicider avec son alter, comme ça, juste parce qu’on le veut ?

La thérapeute n’aime pas répondre à cette question, mais elle le fait malgré tout.

— Oui. C’est arrivé à certains patients de l’hôpital. Est-ce que vous avez déjà pensé à mourir, vous Shoto ?

— Oui… parfois, mais c’était juste une idée comme ça. Même au milieu de la nuit, je n’ai jamais pensé que je pourrais le faire pour de vrai. Et puis, je n’aurais jamais imaginé que mes alters pourraient me tuer.


— Dans tous les cas, insista Natsu, c’est de ta faute. Accident ou pas, si Toya est mort, c’est à cause de l’entrainement de fer que tu lui faisais subir.

— Là-dessus, je suis d’accord, répondit Shoto en s’adressant à son père, mais dis-moi. Ce qu’on faisait avant que je partes à l’internat, c’était la même chose non ? Tu me chargerais, je devais me défendre avec un mur le plus épais possible. C’était le même exercice n’est-ce pas ?

Endeavor baissa les yeux.

— Oui. Et c’était une erreur, je sais.

— Comment tu as pu recommencer ! explosa Natsu. Tu voulais qu’on enterre Shoto entre quatre planches aussi ? C’est bon ! C’est trop pour moi ! Comme je peux croire que tu es vraiment désolé de ce que tu fais, si chaque fois, tu recommences ? Je n’en peux plus ! J’abandonne !

Natsu se leva brusquement du canapé. Sa mère ne fit pas un geste, toujours recroquevillée sur elle-même. Fuyumi lui attrapa le bras, désespérée.

— Natsu s’il te plaît ! Reste !

Il la chassa sans ménagement et quitta le petit salon. La porte d’entrée claqua et tous restèrent silencieux, parmi les sanglots de Fuyumi qui alla se lover dans les bras de sa mère.

— Je dois me rendre à l’évidence, Natsu ne me pardonneras jamais, lâcha Endeavor.

Shoto songea qu’étrangement, il n’avait pas l’air triste, plutôt d’un héros qui a commis un erreur de stratégie. Il ne s’attendait pas à ce que son père se tourne vers lui.

— Et toi Shoto, tu crois que tu me pardonneras un jour ?

— Je ne sais pas, répondit-il, mais ce qui est sûr c’est que plus jamais je ne m’entraînerais avec toi.

— Je comprends, conclut son père qui consentit à s’asseoir à nouveau.

— J’ai encore des questions, poursuivit Shoto, des questions pour maman.

Celle-ci sembla si surprise qu’elle s’interrompit dans ses pleurs.

— À l’hôpital, tu disais que tu n’avais pas vu papa pendant toutes ces années parce que tu avais peur de lui. J’ai beaucoup de souvenirs de toi qui t’interpose entre papa et moi quand ça devenait trop dur… Mais il y a plus que cela n’est-ce pas ? J’ai besoin de savoir, qu’est-ce que papa t’as fait, vraiment ?

— Shoto, essaya Fuyumi, je crois que ça ne nous regarde pas.

— Ça me regarde, répondit Shoto toujours aussi calme, puisque c’est pour ça que je suis assis sur cette chaise et pas sur le canapé avec vous.

Son père comme sa mère restèrent silencieux.

— Shoto, ta soeur a raison, essaya Endeavor très doucement, je ne crois pas que ça t’aiderait d’en savoir plus.

— Non, au contraire. Je comprends que tu voulais être le numéro un des héros et que pour ça, tu étais prêt à tout et que c’est pour ça que tu m’obligeais à m’entraîner aussi dur. Je comprends aussi que maman s’interposait quand elle le pouvait et que tu lui reprochais de le faire et que c’est pour ça que vous passiez votre temps à vous disputer à propos de moi. Mais tu ne t’en es pas seulement pris à moi… et à Toya. Tu n’as jamais levé la main sur Fuyumi ou Nastu du moins pas que je sache. Alors ce n’est pas logique. En quoi t’en prendre à maman servait tes plans ?

— Shoto, tu n’es pas responsable des disputes entre moi et ton père, essaya la mère d’une toute petite voix.

Shoto se leva pour contenir le début de colère qu’il ressentait. S’il la laissait prendre le dessus, qui savait ce qui se passerait ?

— Je voudrais savoir pourquoi ma mère ne peut pas se tenir à côté de moi, poursuivit-il seulement.

À nouveau, seul le silence lui répondit. Les pleurs de Rei redoublèrent et Fuyumi regarda son frère avec colère.

— Pourquoi tu ne peux pas laisser le passé là où il est, Shoto ? demanda-t-elle, Je… je voudrais juste qu’on soit une famille…

— J’étais colérique et impulsif… Mes mots, mes gestes, ils dépassaient souvent ma pensée… admit Endeavor.

Shoto regarda sa mère, qui cachait son visage dans les bras de sa fille, comme une enfant. Il observa le tremblement de ses épaules.

— Regarde-la, elle est toujours terrorisée, souffla-t-il.

Il voulait sortir de cette maison à son tour avant d’exploser, mais sa mère prit la parole.

— Shoto, attends ! J’aimerais tellement que tu reviennes vivre à la maison ! Tu n’est pas obligé de rester à l’internat tu sais ? Tout ce que je veux, c’est avoir mes enfants auprès de moi, vous êtes tout ce que j’ai. Je ne recommencerais plus… plus jamais… je suis tellement désolée…

La douleur familière prit Shoto par surprise. Il eut juste une fraction de seconde pour se décider à sortir. Dehors, il se recroquevilla sur l’asphalte, serrant son bras de feu contre lui. Il ferma les yeux et pendant une seconde encore il crut qu’il pourrait éviter le pire. Mais une gerbe de flammes épaisses monta vers le ciel. Il serra les dents, parce qu’il ne voulait pas crier. Sa soeur fonça vers lui, le visage baigné de larmes.

— Recule ! hurla-t-il.

Juste à temps, il serra sa main gauche dans la droite pour limiter les dégâts mais la vapeur d’eau brûlante fut projetée juste un peu trop loin. Le cri de sa soeur fut comme un poignard s’enfonçant dans son coeur.


— Et après ?

— Elle a appelé Mr Aizawa qui est venu me tirer de là. Elle est brûlée au second degré, sur tout l’avant bras. On est parti tous les deux à l’hôpital parce que mon bras gauche en a pris un sacré coup aussi. Au milieu de la crise, j’ai eu vraiment peur, je me suis dit que j’allais en mourir comme mon frère, mais immolé par le feu. Évidemment, ça n’a fait qu’empirer les choses. J’ai été incapable de garder mon calme alors c’est de ma faute…

— Qu’est-ce que vous pensez de tout ce que vous avez entendu ce jour-là ?

— Je n’en sais rien, je ne sais pas. C’est comme si dès que j’ai passé le seuil de la maison, j’étais là sans être là.

— Jusqu’à la crise.

— Oui… Je crois que ma mère… enfin…

Il se lève pour aller se mettre face à la fenêtre.

— Bien sûr que j’aimerais bien vivre chez ma mère si elle ne risquait pas de… Le fait qu’elle me supplie de revenir comme ça… C’était… juste…

— Trop ?

— Oui…. Après ça, l’hôpital m’a gardé en observation toute la journée du lendemain et j’y suis encore jusqu’à ce soir. Du coup, je n’ai même pas pu aller au cinéma comme prévu. Izuku et toute la bande sont venus me voir, mais je leur ai juste dit que j’avais fait une grosse crise. Ils veulent m’aider mais ils ne savent pas comment.

— De quoi vous avez besoin, vous ?

— J’aimerais bien finalement réussir à faire une sortie entre amis avec eux tous et avec Aika.

— Vous pourriez proposer, non ?

— Tout a toujours l’air si facile, quand vous en parlez juste comme ça.


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