My Lost Hero

Chapitre 2 : La génération perdue

1845 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 02/09/2024 17:24

Comme elle l'avait promis, la gamine les attendait chaque soir au même endroit. Quelques fois, elle s'approchait pour leur adresser la parole, d'autres fois, elle ne bougeait pas et ne prononçait pas un mot, mais ses yeux les suivaient jusqu'à ce qu'ils disparaissent. Aizawa et Yamada avaient pris l'habitude de l'ignorer, mais au bout de deux semaines de ce manège, Hizachi en eut assez. Dés qu'ils aperçurent la gamine au coin de la rue, il marcha vers elle à grands pas. Aizawa n'eut pas d'autre choix que de le suivre.

- Ça ne sert à rien d'insister, on ne te laissera pas entrer à Yuei ! Il faut te le dire en anglais peut-être ? Tu n'as pas autre chose à faire de tes journées ?

Sans se démonter, elle répondit simplement :

- Non.

- T'es majeure, c'est ça ? T'as pas de boulot ?

- Non.

- Et ta famille ?

-- Ma mère est restée en France, et mon père, au cimetière.

Yamada allait reprendre ses interrogations, mais AIzawa posa une main sur son épaule pour le forcer à reculer.

- Laisse tomber.

Le professeur la fixa de toute sa hauteur et de son regard perçant pendant que son collègue lui laissait la place.

- Je n'hésiterai pas à appeler la police si je te vois ici encore une fois. C'est du harcèlement.

Loin de se démonter, elle continua de planter ses yeux dans les siens.

- Je n'ai pas le choix. Je ne peux m'adresser qu'à vous.

- Comment ça ? interrogea le blond.

- Je ne suis pas sûre que les autres professeurs soient ravis de me voir. On dit que la "génération perdue" porte la poisse.

- What ?

- Peu importe, reprit l'homme blasé. Va-t'en d'ici.

Enfin, elle manifesta une émotion. Ça ressemblait à de l'inquiétude ou de la colère, sans doute un mélange des deux. Son regard impassible se fit plus insistant.

- Si je fais ça, Yuei sera en danger. J'en suis pratiquement sûre.

- Qu'est-ce que tu racontes ? Yuei est l'endroit le plus sécurisé, répliqua le professeur d'anglais.

- Sauf si un espion rôde.

Loin de se sentir inquiet, Aizawa s'agaça. Il en avait assez de cette gamine impertinente et de ses paroles. En quelques secondes, il déploya son écharpe et l'immobilisa. Même Yamada eut un mouvement de recul.

- Tu vas trop loin. Tu vas aller raconter toutes ces bêtises à la police et nous laisser tranquille.

Cette fois, elle se débattit avec un mélange de hargne et de peur.

- Vous n'avez pas le droit ! Si vous faîtes ça, c'en est fini de Yuei ! Vous devez m'aider !

Si elle avait fini par s'excuser, peut-être que le professeur aurait été plus clément. Or, ce n'était pas le cas. Il ignora ses supplications et la déposa au commissariat le plus proche, tout en expliquant la situation. Quelques minutes plus tard, il était sorti, Yamada sur ses talons.

- Ce n'était pas un peu trop... ?

- Ce genre de personnes, si on ne leur montre pas de quoi on est capable, elles continuent de nous embêter.

Son meilleur ami ne démentit pas. Ou du moins, n'osa pas le faire devant son ton froid.

...


Sa menace envers Aiko avait fonctionné. L'exercice du jour, empêcher - ou commettre, selon le groupe - un braquage fictif, porta largement ses fruits. Bien que ce n'étaient que des embryons de héros, les élèves s'en étaient sortis, même s'il y avait encore du travail à faire. Aiko et Kitsuna, une amie qu'elle s'était visiblement faite, avaient combiné leur alter - l'une libérant un champs magnétique sur un maximum de un mètre pour le moment, l'autre les emprisonnant dans une barrière électrique - pour déjouer les plans de deux autres élèves qui s'étaient montrés trop laxistes. Après avoir fait un débrief de chaque groupe, il les invita à se changer. Il n'attendit pas de les voir disparaître pour regagner la salle des professeurs, où l'habituelle odeur de café l'accueillit.

Sekijiro, alias Vlad King, prenait son thé en jetant un coup d'œil aux dossiers de ses élèves. Nemuri, alias Midnight, discutait avec lui et adressa un signe de tête à Shota quand il entra. Il s'installa à l'écart, quand les paroles de la gamine lui revinrent en tête.

- C'est quoi cette histoire de génération perdue, exactement ?

- Génération per... ?

Sekijiro s'interrompit, venant de comprendre où il voulait en venir. Nemuri toussota avant d'afficher un sourire taquin.

- Tu t'intéresses à ça, maintenant ? Shota Aizawa est superstitieux ?

Devant son regard noir, elle retrouva son sérieux et se leva.

- Très bien, je vais directement te montrer.

Elle adressa un signe de tête à Sekijiro et sortit, suivi par le professeur. Ils traversèrent les couloirs déserts, Shota n'avait pas besoin de regarder à travers les hublots pour savoir que les élèves assistaient aux cours. Il savoura ce silence qui, il le savait, serait de courte durée.

Enfin, ils arrivèrent à leur destination finale : la salle des archives. L'odeur de vieux documents et de renfermé atteignit les narines des professeurs. Quelques fois, le professeur principal des Secondes A s'isolait ici pour travailler en paix ou se glisser dans son sac de couchage pour dormir et ne pas être dérangé. Le nombre de fois où Hizachi le retrouvait en train de roupiller alors qu'il le recherchait partout, quitte parfois à demander à ses élèves où il était parti...

Chassant ses pensées, Aizawa s'assit à une table pendant que sa collègue fouillait dans une étagère. Cette salle était pleine à craquer de dossiers et de piles de documents. L'inconvénient, c'était qu'il fallait parfois rester ici des heures avant de trouver ce que l'on cherchait. L'avantage, c'était que toutes les informations sur Yuei, les élèves et les professeurs étaient rangées quelque part dans la pièce. En général, personne ne venait, les élèves n'ayant pas accès à la salle et les professeurs préférant demander au directeur ou aux autres collègues une information.

Nezumi revint, victorieuse, un dossier à la main. Elle le posa sur la table avant de s'installer, et d'ouvrir la première page. Le professeur se pencha pour observer une photo de classe.

- Voici la génération perdue.

Tous les élèves souriaient, visiblement ravis de se trouver dans cette prestigieuse école. Un professeur, avoisinant les quarante ans selon lui, arborait un gigantesque sourire, le rendant presque inquiétant. Son bras laissait place à un canon, et son visage ressemblait vraiment à celui de la gamine, jusqu'à ses yeux.

- Je te présente Nobu Watanabe. Tout le monde l'adorait, élèves comme collègues. C'était le genre de personne à plaisanter et encourager ouvertement ses élèves. Il ne faisait pas de favoritisme, même envers sa fille. Il était particulièrement proche de Ryo. Jusqu'à sa mort...

Aizawa repéra enfin sa fille. Elle avait un visage moins rond, était plus maigre et semblait assez timide, lui faisant aussitôt penser à Aiko. Ses cheveux bouclés descendaient jusqu'au bas du dos.

- Qu'est-ce qui s'est passé exactement ?

Nemuri soupira.

- C'est assez horrible, en réalité... Nobu, alias Gun Side, était, tout comme toi, un héros et professeur principal des Secondes A. Souvent, il partait juste après la fin de ses cours pour aller capturer des vilains. Un jour, il y a eu un problème avec les bus et il a dû emmener ses élèves à pied au SCA. Pour prendre un raccourci, il a pris des chemins peu empruntés, donc plus dangereux. Un groupe de vilains plutôt nombreux leur a tendu une embuscade. Alors, il a fait ce que tout prof ferait : il a voulu protéger ses élèves et leur a demandé d'aller chercher des secours, ce qu'ils ont commencé à faire. Le problème ? Ils ont décidé de faire demi-tour pour l'aider. Ils sont arrivés au moment où un vilain lui a tranché la gorge. Ils étaient trop nombreux.

Ces gamins avaient à peine seize ans quand ça leur ait arrivé. Ils devaient être traumatisés...

- C'est pour ça qu'on les appelle la génération perdue ?

- Oui et non. Après cet évènement, ils n'ont plus été les mêmes, tu t'en doutes. Beaucoup se montraient taciturnes, fermés, ils ne progressaient pas pour devenir un héros, mais pour oublier. Quand ils ont fini les études, seulement la moitié ont poursuivi leurs objectifs pour devenir un héros. Il y en a un que je croise souvent, d'ailleurs. Cette moitié là est en proie à des problèmes d'addictions, de traumatismes qu'ils n'arrivent pas à gérer, même en leur conseillant de voir une psy. Et ce sont ceux qui s'en ont le mieux sorti.

- Et l'autre moitié ?

- Soit on ignore ce qu'ils sont devenus, soit... Ils ont rejoint des groupes de vilains. Certains sont même en prison, à l'heure qu'il est. Ils n'arrivaient qu'à produire de la violence pour essayer d'aller mieux.

Aizawa fut convaincu que la gamine faisait partie de ceux dont on ignorait leur futur. Un détail lui vint en tête ; il avait bloqué son alter avec le sien, mais à aucun moment elle avait essayé de l'utiliser contre lui. Sans doute parce qu'elle savait que c'était inutile. Ou alors elle craignait de le faire.

- On a vite trouvé un remplaçant, mais il était complètement déboussolé. Les élèves ne s'intéressaient plus à rien, il y a même eu des cas de harcèlement. Nezu est intervenu, ça s'est calmé, mais l'ambiance est restée pesante. Le remplaçant n'est pas resté. Les autres professeurs, dont moi, étions déprimés à l'avance de les avoir. On ne savait plus quoi faire. C'est une génération perdue.

Quelques secondes s'écoulèrent, durant lesquelles le professeur principal essayait de digérer les informations qu'il venait d'obtenir. Des gamins de quinze ans, livrés à eux-mêmes, sans aucun secours... Ça lui rappelait lui et Oboro. Nemuri reprit la parole.

- Pourquoi tu voulais à tout prix savoir ?

Il aurait pu lui dire la vérité, lui parler de la gamine qui le harcelait pour accéder à cette propre salle, mais il n'en avait pas la force. Au lieu de quoi, il pointa le doigt sur elle.

- C'est quoi son nom ?

Nemuri trouvait son comportement de plus en plus étrange. Mais elle connaissait suffisamment Aizawa pour savoir qu'elle n'aura aucune information en insistant.

- Hitomi. Une gamine timide, assez calme, qui ne parlait pas beaucoup. Elle était moyenne dans tous les cours, mais particulièrement forte en littérature.

L'homme se releva, remercia vaguement sa collègue et quitta précipitamment la pièce, laissant une Midnight intriguée.

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