Galaz

Chapitre 3 : Galaz

1785 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 24/07/2019 09:56

Sur Vindàr, les endroits pour boire, manger et jouer pullulaient. Mais les meilleures maisons de jeux et de plaisir étaient tenues par Feilah. Runholt de l'Héritage, elle incarnait l'impulsion du feu primitif, son dynamisme comme sa violence. C'est pourquoi on l'appelait Feilah « D'où naît la flamme ». Elle était aussi belle et désirable qu’impitoyable et dangereuse.

Galaz se rendit au « Temps Suspendu », la plus grande maison de jeux de Vindàr. A dire vrai, c'était même plus que cela. Il n'y avait rien que l'on ne trouva point en ce lieu. Feilah avait créé un endroit qui puisse combler toutes les soifs et tous les désirs. L'endroit recevait même la visite de certains dieux et grande en était la fierté et l'orgueil de Feilah.

Galaz préférait les lieux qui respiraient davantage la bière rance que le faste. Il aimait traîner dans la fange, parmi les humains et autres basses créatures, aussi ne le voyait-on que rarement au « Temps Suspendu ». Ce soir-là, il se présenta devant une table de jeu, et commença à lancer les osselets. Bientôt, sa chance insolente poussa nombre de badauds à se rapprocher. Feilah avait installé à chaque recoin de la maison des artefacts qui rendaient tout jeu malhonnête impossible, mais pourtant la chance de Galaz était telle que nul doute ne plana pour la tenancière. Il buvait autant qu'il gagnait, offrant de généreuses tournées à tous ceux présents autour de la table. Il chantait, embrassait les femmes, riait à gorge déployée. Feilah, courroucée, envoya ses golems de feu le chercher. Elle vrilla un regard d'acier sur le jeune homme quand on le présenta devant elle. Elle était vêtue d'une robe dont les reflets de feu changeaient à chacun de ses mouvements et qui mettait remarquablement ses atouts en valeur. Comme chaque fois qu'il la rencontrait, Galaz se sentit attiré par son corps. D'un geste, elle renvoya ses golems.

« En voilà une agréable surprise. » Amorça Galaz quand ils furent seuls.

« Je te dirais bien qu'il en est de même pour moi, mais ce serait te mentir. » Répondit Feilah avec un sourire sans joie.

Galaz avisa quelques bouteilles sur une console.

« Je peux ? » Demanda-t-il. Puis, sans attendre la réponse, il remplit deux verres d'un liquide ambré.

« Que me vaut alors ce bonheur si solitaire ? » S'enquit-il en tendant un des verres à Feilah.

« Cela fait des heures que tu es là, dit Feilah en saisissant le verre, et que tu joues. »

« On ne voit pas passer le temps quand on s'amuse ! »

« Et pas une seule fois tu n'as perdu, énonça-t-elle. Me prends-tu pour une simple d'esprit ? »

« Je n'aurais pas la prétention de dire que j'ai déjà vu ton esprit. » Rétorqua Galaz.

« Tu triches. » L'accusa Feilah sans relever l'insulte. « Personne ne peut autant gagner. »

Elle affichait un air calme et serein, mais Galaz savait qu'il n'en était rien. Elle était connue pour s'emporter aussi rapidement que l'argent changeait de main.

« Je t'assure que tu te trompes. Tes artefacts auraient détecté toute tricherie n'est-ce pas ? »

« C'est pour ça que tu es là, et pas encore entre les crocs de mes amours. Quiconque est surprit à tricher est jeter dans la fosse des Fauves Ardents. Je suis sûre que tu les as déjà vus. »

Galaz eut une grimace.

« Tu es une femme terrible. Ces bêtes rendent préférable n'importe quelle torture au fer rouge. »

« Je crains que tu ne saches que peu de choses à ces propos. » Fit Feilah d'une voix douce.

Galaz sentit remonter un frisson le long de son échine, à mi-chemin entre le danger et l'excitation. Celle « D'où naît la flamme » posa son verre et se rapprocha du jeune homme, si près de lui qu'il pouvait compter les minuscules tâches de rousseurs sur ses pommettes.

« Si tu me dis comment tu t'y es pris, je promets de ne pas te livrer aux Fauves. » Susurra-t-elle au creux de son oreille.

Galaz respira son parfum. C'était un mélange indicible, capiteux et enivrant, qui rappelait ces fleurs somptueuses, qui pour emprisonner leurs proies, dégageaient un parfum irrésistible. On s’y jetait avec délice avant de comprendre, trop tard, que le piège s’était refermé.

« Disons que je sois d'accord, supposa-t-il en caressant sa joue, cela me coûterait probablement tout l'or que j'ai amassé ce soir, n'est-ce pas ? »

Feilah eut un petit sourire.

« On cherche à négocier ? »

« Peut-être. Je sais que tu as en ta possession un objet qui me serait grandement utile.

Imperceptiblement, Feilah se raidit. Galaz effleura des doigts la courbe de son cou, fin et délicat, son regard s'attardant sur ses lèvres rouges et pleines.

« Et de quel objet s'agit-il ? »

« Je sais que tu détiens les boucles de pouvoir de Makana. J'ai besoin de leur puissance. »

Subitement, l'alchimie se rompit, et Feilah recula.

« Je ne sais pas de quoi tu parles. »

« Qui joue à présent ? Demanda Galaz, amusé. Ne te fatigue pas à essayer de me berner, les Vents ont parlés, et eux ne mentent jamais. »

Feilah laissa tomber le masque.

« Ces boucles sont à moi, tout comme le pouvoir qu'elles renferment ! Cette catin ne remettra pas la main dessus. »

« Ce n'est pas pour elle. Je suis allé lui demander son aide, mais elle m'a renvoyé comme un chien. J'ai besoin de leur pouvoir de croissance. »

« Tu ne les aura pas, rétorqua Feilah. Demande moi autre chose. »

« C'est malheureusement la seule chose dont j'ai vraiment besoin, même si bien d'autres me font envie. » Répondit Galaz.

Feilah lui jeta un regard méprisant, mais ne put retenir l'ombre d'un sourire.

« Que d'animosité envers cette pauvre Makana. » Renchérit-il.

« Cette pauvre ! Les Fauves Ardents seraient même trop doux pour elle ! » Asséna-t-elle avec tout le mépris dont elle était capable.

« Qu'a-t-elle fait pour s'aliéner tant de haine ? »

« Ce ne sont pas tes affaires ! »

« Très bien, fit-il d'un air moqueur. Puisque tu es aussi peu coopérative, je ne peux qu'imaginer. Alors voilà, imaginons que tu ais jeté ton dévolu sur un Runholt. Que celui-ci, comme tous les autres, soit absolument fou de toi et prêt à tout pour satisfaire le moindre de tes nombreux désirs. Mais voilà soudainement qu'un beau jour, il se détourne de tes charmes sulfureux et que la beauté de l'innocence lui semble plus attrayante. Qu'il se sente davantage briller dans les yeux d'une créature qui ne possède pas autant d'ardeurs que toi, pour qui le moindre rayon de bonheur n'est qu'un faire-valoir à la beauté et la réussite qui sont déjà les tiennes. » La chaleur dans la pièce augmenta considérablement. Feilah, immobile restait silencieuse.

« Je parie que tu es le genre de personne qui ne supporte pas de perdre ses jouets, même s’ils te sont indifférents. C'est une question de principe. » Continua Galaz.

« Attention, le prévint Feilah d'une voix trop douce. Tu es en train de dépasser les bornes. »

« Voilà une chose qu'on me dit souvent, répliqua Galaz. J'en déduis donc que j'ai vu juste. Tu détestes Makana pour la raison simple que Sowaz l'aime et que tu l'as perdu. »

« N'es-tu pas fatigué de raconter des âneries à longueur de temps ? Demanda Feilah d'une voix lasse. Il n'y a rien d'étonnant au fait que les Runholts te fuie comme la peste. Je n'ai rien perdu. Cette oie blanche de Makana à jouer les vierges farouches, et c'est ce qui a plu à Sowaz pendant quelques temps, mais c'est déjà de l'histoire ancienne. Figure-toi qu'il m'est vite revenu. Le charme ingénu a apparemment des limites assez étroites. »

« Vraiment ? Alors qu'est ce qui te pousse à tant de jalousie envers elle ? »

« Tu n'as vraiment rien compris mon pauvre. Je ne jalouse pas Makana. J'ai simplement décidé de lui faire comprendre ce qu'il en coûte de s'essayer à jouer à des jeux sans en connaître les règles. »

« Quelles règles ? Les tiennes ? »

« Tout juste. » Répondit Feilah avec un petit sourire cruel.

« A quoi bon Feilah ? Passe à autre chose. Les bons amants ne manquent pas sur Vindàr. J'en connais même quelques-uns si cela peut t'aider. » Proposa-t-il en souriant.

« A part pour les amener jusqu’à ton lit, tu ne comprends rien aux femmes. »

« Il est vrai que certains de vos côtés me restent encore mystérieux. » Convint Galaz.

« C'est parce qu'à part boire et jouer, tu ne comprends rien d'autre. »

Il éclata de rire.

« Je veux bien t'accorder ce point-là. Dois-je donc en déduire que je ne peux espérer aucun geste de ta part ? »

« Bien sûr que si. Je te l'ai dit, rétorqua sèchement Feilah, tu échapperas aux Fauves si tu me dis comment tu t'y es pris pour tricher de la sorte. »

« Mais tu n'as aucune preuve, rappela Galaz. Selon la loi des jeux de Vindàr, tu ne peux rien faire si tu n'es pas en capacité de prouver qu'il y a eu vol. Je vais donc garder mon secret et ton argent, et toi, le feu de ta vengeance puérile et ton objet. »

Un serviteur les interrompit.

« Dame, votre prochain rendez-vous vous attend. »

« Nous en avons alors finis, conclut Galaz. C'était un plaisir, n'hésite pas à faire appel à moi si tu as besoin de quoi que soit. » Proposa-t-il en tendant la main pour caresser sa joue.

Elle le repoussa avec colère, et Galaz, hilare s'en fut.

Quittant le bureau de Feilah, il eut la surprise de rencontrer Sowaz. Celui-ci était resplendissant dans son armure, et arborait un air fiévreux et impatient que Galaz ne reconnaissait que trop bien. Sowaz fut étonné de le voir, et il coula un regard inquiet vers le bureau. Car il fallait bien l'avouer, Galaz était un fort bel homme, et sa réputation avec les femmes n'était plus à faire. Celui-là cacha rapidement sa surprise. Il afficha son plus beau sourire, fit un clin d’œil à Sowaz en passant devant lui, et s'éloigna.

Plus tard, il était assis avec Rimgr à flanc de falaise, et semblait réfléchir, une bouteille à la main. Feilah avait truffé son bureau de ces artefacts de contrôle qui ne laissaient entrer personne qu'elle n'eut invité d'abord elle-même. Il était fort à parier qu'elle eut fait la même chose pour toutes ses pièces à vivre.

« Les choses s'annoncent plus difficiles que prévues, fit-il à son compagnon. Es-tu prêt à prendre quelques risques ? »

Rimgr répondit par un hululement qui semblait tout à fait enthousiaste.

 

Laisser un commentaire ?