Kitsune's trap
Chapitre 5
On commence donc à préparer la fameuse mission, mais aucun de nous deux n'est vraiment concentré. Nos échanges sont bizarres, ils sonnent faux. Comme s’ils étaient remplis de non-dits. C'est désagréable mais... Pas seulement. Même si je n'aime pas vraiment qu'on nous assigne une mission commune, je crois que ça va nous permettre de parler de pas mal de choses.
On finit par se focaliser sur notre travail et le malaise disparait, écrasé par la concentration. Ce n'est qu'au bout de plus de trois heures de préparatifs que nous pouvons empiler les feuilles et s'étaler sur le canapé. Naruto en a plus que marre, et il me le fait savoir :
- "Pouaah c'était long. Je déteste cette partie du travail.
- Pas étonnant.
- C'est quelle heure ?
- Vingt heures passées. Tu dors là ?"
J'ai posé la question sans même y réfléchir, comme une habitude. Et Naruto n'en a pas l'air perturbé le moins du monde. Mais le problème est que les choses ont légèrement changées... D'un autre côté, je n'ai qu'à me comporter comme je l'ai toujours fait, je ne vois pas pourquoi je me prends la tête.
- "Vaut mieux oui, comme ça on part en même temps demain.
- Hn.
- Pis on peut en profiter pour rendre la soirée plus sympa !
- Hein ?
- Bah ouais, t'as pas des chips et une pizza ? Doit bien y avoir un truc sympa à la télé.
- Ah, si.
- T'as peut être pas envie de faire une soirée de gros comme ça ?
- Si, ça changera. Faut juste être en forme demain matin.
- Sois pas rabat joie, elle est nulle de toute façon cette mission. T'as des bières ?
- Tu sais où elles sont."
En temps normal, je l'aurais peut être envoyé balader. Pourtant, ce soir, j'ai envie de pouvoir me détendre un peu. Lui ne s'en est certainement pas rendu compte, mais notre relation a pris une drôle de tournure depuis que le fameux renard est venu me rendre visite. Et bien plus depuis qu'un chat noir à l'esprit torturé est allé s'installer chez le blond... Pourquoi j'ai fait ça ? Peut-être que je ne penserais absolument pas à Naruto comme je le fais à l'instant si je n'y étais jamais allé. D'un autre coté c'est bizarre de ne jamais y avoir pensé avant...
- "Tiens !"
Une bière glacée se colle sur ma joue et me fait grimacer. Je la saisie et la décapsule.
- "Merci.
- C'est quand même plus sympa de se retrouver à deux !
- Hn.
- T'en pense quoi ?
- De ?
- Bah, de pas se retrouver tout seul !
- Encore cette histoire ?
- ... Santé !"
Il lève sa bouteille pour qu'elle touche la mienne et s'étale à côté de moi, enfoncé dans le canapé. Seulement, vu qu'il a l'air de tenir à ce qu'il dit, je veux le relancer encore un peu.
- "Tu vas être content alors.
- Hm ?
- Tu vas être avec moi pendant plusieurs jours, tu pourras plus dire que t'es seul."
Il rate une gorgée, et son nez semble piquer jusqu'à ce que ses yeux s'humidifient.
- "Effectivement... Dis Sasuke, ça te dirais qu'on se mette en coloc ?"
Cette fois c'est moi qui m'étouffe, mais beaucoup plus franchement.
- "Hein ?!
- Non mais, juste comme ça hein. On s'entend pas trop mal, et c'est quand même plus sympa que de... Enfin je vais pas me répéter quoi.
- ...
- ... Laisse tomber, c'est bizarre comme idée, je sais pas pourquoi j'ai proposé ça.
- Si tu veux.
- …Quoi ?
- On peut se mettre en coloc si tu veux.
- T'es sérieux ?
- On aura tout le temps de voir si on se supporte assez pendant la mission. Si ça se passe bien, on peut envisager."
Je ne sais pas si j'ai dit ça juste sous le coup de l'impulsion, ou seulement par curiosité. Ce ne sont certainement pas les trois goulées d'alcool prises qui ont pu me pousser à quoi que ce soit, mais j'aurais presque préféré. En fait je n'arrive pas vraiment à savoir si c'est une bonne décision ou non.
- "Ok !"
Cet immense sourire me force à accepter qu'il s'agit d'une bonne décision. Au pire, j'aurais tout le temps d'y réfléchir cette semaine. Si jamais je me rends compte que j'ai fait une erreur, je pourrais toujours revenir sur mon choix. Et puis c'est vrai que c'est chiant d'être tout le temps seul chez soi, ça pourrait être pas mal au final.
- "Je vais mettre la pizza à chauffer."
Je joins le geste à la parole en me levant, laissant Naruto. Je crois qu'il a eu une bonne idée, j'ai vraiment besoin de décompressé en ce moment, et c'est mieux de le faire avant la mission. Malgré tout, je ne peux m'empêcher d'imaginer tout ce qu'il pourrait arriver dans les jours à venir. Nous allons vivre un ennui mortel, mais à deux. Le risque que les choses dégénèrent, à n'importe quel niveau, est plutôt probable.
- "Sasuke ?"
Je me suis arrêté de bouger le temps de ma réflexion. Je fais vite ce que j'ai à faire et retourne à la même place que précédemment.
- "T'endors pas hein !
- Hm. Je crois que je manque un peu de sommeil.
- T'auras tout le temps de dormir vu la mission !
- Abuse pas.
- On aura qu'à se relayer. C'est pas comme si c'était vraiment dangereux.
- Je comprends pas vraiment pourquoi on nous a refilé ça d'ailleurs. Une équipe moins qualifiée aurait pu s'en occuper.
- C'est sûr. Faut pas chercher à comprendre des fois."
Même si je suis assez d'accords avec lui, je trouve ça un peu étrange. Mais bon, les mystères de Tsunade sont impénétrables je crois. Après ça, on se met à parler de pas mal de choses : les personnes qu'on a pas vues depuis longtemps, les dernières choses que l'on a faites, puis arrivent le tour des souvenirs plus ou moins anciens. Naruto a notamment l'air très enjoué de reparler d'une soirée bien particulière.
- "Tu te rappel chez Kiba ? Ce merdier ! On était combien entassés chez lui ?
- Je dirais une bonne trentaine. Mais ça remonte.
- C'était y'a quelques années oui ! J'ai bien envie de dire que j'oublierais jamais cette soirée, mais j'ai tellement bu qu'il m'en manque un bon morceau.
- Sale poche.
- Tu peux parler ! T'as vu dans quel état tu étais toi ?
- Mais moi je me rappelle.
- Ah ouais ? Bah vas y raconte tout ce qu'il s'est passé !"
Aïe. Je n'aime pas du tout parler de ça avec lui. Et la raison n'est pas moindre : Naruto avait effectivement beaucoup, vraiment beaucoup bu. L'ensemble de la soirée n'avait rien d'exceptionnel, tout le monde était en train de rigoler, chanter ou danser. Moi, je sortais des toilettes pour rejoindre les autres et Naruto est arrivé à l'autre bout du couloir qui me séparait du reste de la foule. Je l'ai entendu hurler mon nom, puis il a couru à toute allure dans ma direction pour me sauter dessus.
Le réel problème, c'est que la suite est plutôt embêtante à raconter. Il est arrivé tellement vite qu'il m'est lamentablement tombé dessus. Heureusement, personne ne nous a vus étalé l'un sur l'autre en plein milieu de ce couloir. Surtout lorsque Naruto m'a regardé dans les yeux, a lâché un rire plutôt bizarre, et m'a embrassé innocemment... Le pire, c'est que lorsqu'il a eu finis il m'a juste dit avec un immense sourire : "Comme quand je t'étais tombé dessus au tout début à l'école !". Et il est reparti comme il était venu.
Ça m'avait tellement choqué que j'étais resté pétrifié. En y repensant aujourd'hui, je me demande si ce qu'il s'est passé avait un sens... Enfin, dans tous les cas, je ne peux pas raconter ça à Naruto.
- "Je le savais, tu te rappelles pas !
- Hn. Si tu veux.
- Arrête de faire le beau, j'étais pas le seul dans cet état la, hein.
- Tu étais quand même le pire.
- Tsk ! ça c'est toi qui le dis !"
Je me contente de sourire de façon narquoise, car nous savons tous les deux ce qu'il en est.
- "Raconte-moi au moins ce que j'ai fait d'ailleurs ! Tout le monde me dis que j'ai disparu pendant quelques minutes et que je devais être avec toi puisque tu étais absent aussi."
...
- "J'ai pas passé ma soirée à te surveiller, Naruto. Je t'ai croisé quand je suis sorti des toilettes, t'as juste du y aller.
- Sérieux, c'est tout ? Je suis déçu.
- Seule la façon que tu avais de marcher mérite un commentaire.
- ... à ce point ?
- Tu t'es quand même pris un sacré paquet de murs.
- Mouais 'fin, comme je le disais ça arrive à tout le monde, hein.
- Si tu le dis."
J'aime l'embêter avec ça. En soirée il finit presque toujours dans ce genre d'état, mais après il a toujours honte d'en parler. Pourtant il fait rire tout le monde à chaque fois.
- "Et... T'es sur que j'a i rien fais d'autre ?
- Non je te dis.
- Tu mens pas ... ?
- T'es lourd Naruto, si tu penses à quelque chose dis-le.
- Ben... Shikamaru m'a dit que j'ai fait un truc vraiment honteux...
- T'as qu'à demander aux autres, je vois pas de quoi il parle.
- Bah en fait, il m'a dit qu'à part lui, y'a que toi qui es au courant..."
... On aurait été vu ... ?
- "Je vois vraiment pas Naruto. C'est vieux tu sais.
- Oui, je sais. Le truc, c'est qu'il m'en a parlé y'a pas très longtemps, un jour ou on discutait de ton retour...
- Quel est le rapport avec moi de toute façon ?
- Sasuke, sois honnête s'il te plaît. Est-ce que je... J'aurais...
- Quoi ?"
Je le vois devenir écarlate, puis balancer soudainement d'un bloque :
- "Est ce que je t'ai tripoté ...?"
... Shikamaru, je vais te tuer. Aller, on garde son calme. Il l'a peut être vu me tomber dessus, mais il ne peut pas en savoir plus. Au pire, il sera toujours possible de dire que c'était qu'une impression et qu'il ne s'est rien passé. Je pousse un soupir forcé :
- "Non. Qu'est-ce que tu entends par 'tripoté' ?
- Sasuke ! Pas besoin de te faire un dessin !
- Tu es juste tombé sur moi comme une merde Naruto.
- ... C'est tout ?
- C'est tout.
- ... Alors pourquoi tu me l'as pas dit tout à l'heure ?
- Par ce que ça n'a rien d'important, quelqu'un qui tombe quand il a trop bu c'est courant.
- Oui mais quand même...
- Arrête tes conneries, Shikamaru s'est foutu de toi c'est tout.
- ..."
J'ai beau m'être exprimé comme si j'étais parfaitement honnête, Naruto reste songeur. En même temps je me sentirais un peu mal à sa place je pense. M'avouer un truc pareil, et moi qui lui répond que c'est une connerie, il y a de quoi avoir honte. Il vaudrait mieux s'en arrêter là je crois.
- "Bon, on a raconté assez de conneries, on devrait aller dormir si on veut être en forme demain.
- Ouais.
- T'as pris des affaires ?
- Ah, non. On est pas passé par chez moi du coup.
- Et tu comptes faire comment pour la mission ?
- J'ai pas grand-chose à prendre, on passera demain avant de partir.
- Et pour ce soir ?
- Je dors en boxer de toute façon. C'est bon c'est pas grave.
- Ok."
Chacun part de son côté, moi dans ma chambre et Naruto dans la chambre d'amis qu'il a l'habitude d'occuper dans ce genre de situation. Il dort en boxer... Hum, à quoi je pense moi. D'un autre côté, si je trouve une raison d'aller le voir, je pourrais... Hn... Je suis vraiment dérangé. Je me déshabille puis entre dans mon lit, décidé à dormir.
Seulement voilà, le fait est que mes yeux restent grands ouverts, même dans le noir. Impossible de trouver le sommeil. Il est vraiment con de dire des trucs pareil lui... Et de mon côté, plus le temps passe et moins je me comprends. Ne pas avoir vu Naruto pendant une semaine m'aurait presque fait oublier cette sensation étrange. J'ai vraiment envie d'aller le voir, au moins être à côté de lui. Le souvenir de ma transformation arrive même à me faire ressentir ne serait-ce qu'un peu la sensation d'être contre lui la nuit.
Lentement, je me lève et tend la main au fond de mon armoire pour saisir une fiole qui m'a causé bien trop d'ennuis. Et si, rien que pour cette nuit... ? Je distingue à peine l'étiquette dans la pénombre, et ma main ouvre d'elle-même le petit récipient. Sans que je ne puisse m'en rendre compte, je lève ce dernier jusqu'à ce qu'il atteigne mes lèvres, frôlant de mon épiderme le verre froid. Soudain, je fais marche arrière. Qu'est-ce que je suis en train de faire ?
Je repose vite la fiole et reste un instant immobile dans le noir. Cela va faire deux semaines que ma vie est plutôt bouleversée, et je m'apprêtais à en rajouter encore. La fatigue est un vrai poison. Je retourne m'allonger, plutôt perturbé. Je fais vraiment n'importe quoi. Et Naruto doit déjà dormir, qu'est-ce que j'aurais fait s'il s'était réveillé ? Et pour m'en aller ? Je me serais encore retrouvé dans une sacrée merde. Et puis Naruto est peut être bizarrement devenu un fantasme, mais je ne peux de toute façon rien faire sous ma forme animale. Sous ma forme humaine non plus d'ailleurs...
Mon cœur qui s'était mis à tambouriner dans ma poitrine semble se calmer, et la fatigue s'en prend aussi à mon esprit. Il faut vraiment que je dorme. Bien que l'envie n'y soit pas réellement, je ferme les yeux pour laisser le sommeil m'emporter, bien trop lentement à mon goût. Je crois que demain ne pourra pas être pire.
*
* *
Un bruit de réveil strident me force à ouvrir les yeux. C'est difficile... Il est quatre heures du matin en même temps. Et pas le temps de traîner avec ça. Je me lève péniblement et contemple avec effroi le chapiteau matinal présent dans mon boxer. C'est parfois difficile de supporter sa propre condition d'homme. J'enfile un pantalon noir plutôt moulant et attend quelques minutes (inutile de préciser pourquoi).
Une fois le calme revenu dans mon bas ventre, je me dirige vers la chambre de Naruto. Ce dernier, non pourvu de réveil, doit encore dormir paisiblement. La logique voudrait que je toque à sa porte pour lui faire signe de me rejoindre dans la cuisine. Seulement voilà, parfois j'emmerde la logique. Alors, silencieusement, j'abaisse la poignée de la fameuse porte pour entrer discrètement dans la chambre
J'ai visiblement réussi mon intrusion puisqu'il dort encore à point fermé. Je m'approche de lui jusqu'à être capable de distinguer les traits parfaitement détendus de son visage endormi. Il a l'air tellement serein quand il est assoupi. Je m'assois sur le rebord du lit en prenant soin de ne pas réveiller le blond et contemple encore quelques secondes cet être paisible. Dans une petite demi-heure, notre travail ne nous permettra plus d'afficher une telle détente. Je me dis donc que chaque minute précédant le début de la mission est irremplaçable.
Un grognement émane soudainement de la bouche de Naruto, et sa mine se crispe. On dirait un enfant énervé, c'est plutôt mignon. Plus j'y pense et plus je me demande comment j'ai pu rester neutre face à lui durant tout ce temps. Quoi que, j'ai été incapable de le repousser lorsqu'il m'avait embrassé et je n'ai jamais été dégouté en y repensant. Mais de là à en avoir envie moi-même, il y a une différence. Peut-être ne voulais-je tout simplement pas accepter cette idée, puisqu'il a fallu que je me transforme en chat pour que l'instinct animal me pousse à bout.
Il faut aussi admettre que le voir dans les moments les plus... Privés de sa vie ne m'a pas déplu. Au final, je me demande de quoi il s'agit vraiment : certes je me sens bien avec lui, mais depuis le début je ne pense qu'à de l'attirance physique. L'idée de l'existence de sentiments me semble tout bonnement impossible. Naruto est Naruto, et si je veux être à ses côtés, c'est seulement parce que j'aime le contempler, et parce qu'on se supporte. Je ne pense pas pouvoir appeler ça des "sentiments".
Un second grognement me tire de mes pensées et me rappelle que si je ne le réveille pas, nous allons être en retard. L'idée de l'embrasser me traverse évidemment l'esprit, mais je ne peux pas me résoudre à prendre ce risque. Je me contente donc de poser ma main sur son épaule pour le secouer doucement.
- "Naruto, il faut y aller, c'est l'heure.
- ..."
Si seulement les choses pouvaient être simples avec lui. J'accentue les secousses et élève légèrement la voix.
- "Aller, si tu te dépêches pas je te jure que tu vas le regretter.
- Grmph. Tu fais chier Sasuke."
Il accompagne ses mots d'un magnifique "360-degrés-enroulement-dans-la-couverture".
- "Je t'attend à la cuisine."
Il ne répond pas mais je sais qu'il sera là rapidement. Je m'exécute et me rend à mon petit déjeuner que je n'ai absolument pas envie d'avaler. Il faut moins de cinq minutes pour voir le blond débouler, torse nu et l'air parfaitement endormi.
- "On a pas idée de se lever à une heure pareille chez les gens normaux.
- T'as qu'à considérer qu'on est pas normaux. Je t'ai préparé un bol de céréales.
- Merci."
Il s'assoit à la table avec moi et semble ne pas avoir d'appétit non plus. Le silence matinal est soporifique et nos cernes bien trop visibles traduisent le manque de sommeil. Ce genre de matinée est parfaitement merdique. Naruto brise le silence une seconde fois :
- "Dès qu'on arrive on se relaie pour dormir, ok ?
- Si tu veux."
Les rayons de lunes qui traversent les volets doivent être aussi lumineux que la faible ampoule allumée. Je déteste la lumière trop violente le matin. Du coup, cette atmosphère douce baignée de pénombre me va parfaitement. Elle me permet de distinguer le torse du blond sans que ses reliefs ne soient trop visibles, on dirait un éphèbe. Pourtant Naruto n'a rien de ça, au contraire. Légèrement plus petit que moi, son buste trapu le rend plutôt viril. J'aime ses formes.
- "Sasuke ?
- Hm ?
- Je sais pas, tu me fixes bizarrement depuis tout à l'heure."
Oups. Improviser va devenir une habitude je crois.
- "Je suis encore amorphe, je vais finir par m'endormir sur la table.
- On est deux. Faut qu'on se dépêche si on veut passer par chez moi."
Je ne réponds pas mais nous laissons nos bols à moitié pleins d'un commun accord pour aller se préparer rapidement. Moins d'un quart d'heure après, nous nous trouvons devant la porte de l'appartement du bond qui s'empresse de réunir ses affaires. J'entre et la vision du petit appartement éclairé au milieu de la nuit me rappelle certains souvenirs d'il y a peu de temps. Je le revois arriver de mission, épuisé, prêt à me rejoindre dans le lit. La tendresse avec laquelle il me caressait était pour lui une telle source d'apaisement que je regrette de ne plus pouvoir recommencer.
- "C'est bon !
- T'as fait vite.
- Je prévois toujours un sac plus ou moins complet au cas où."
Ça, je le sais.
- "Tant mieux, c'est partie."
Nous nous éclipsons pour devenir deux ombres dans la nuit. Nous savons parfaitement où nous allons, et les habitudes développées au fil du temps rendent notre coordination parfaite. Ce n'est pas comme si c'était la première mission où nous nous retrouvions seuls tous les deux, surtout depuis que Sakura assiste Tsunade. Nous filons donc d'arbre en arbre en prenant soin d'échanger nos places tour à tour pour permettre à celui de derrière d'être un peu moins aux aguets.
Bien que la fatigue soit omniprésente, je me sens bien. L'air fraie s'infiltre dans mes poumons avec facilité, et de la forêt de Konoha faiblement éclairée émane une grande plénitude. Mais à peine somme-nous sortis du pays du feu que la tension devient palpable. Nous sommes à présent des espions, et tout ninja qui nous croise est en droit de nous identifier comme une menace. Mais avec nos chakras masqués et vêtus de noir, nos mouvements rapides et silencieux nous rendent extrêmement difficile à identifier.
La distance à parcourir n'est pas immense, et rapidement nous atteignons notre point de chute. Nous pouvons constater avec soulagement que nous n'avons visiblement pas été remarqués. Ouvrant la marche au moment de notre arrivée, je fais signe à Naruto de s'arrêter. Ce dernier s'exécute et nous commençons à observer le terrain qui va nous servir de planque. La grande quantité de végétaux va nous rendre invisible, mais n'est vraiment pas pratique.
- "Regarde Sasuke."
Le murmure du blond me force à me retourner pour voir les lumières d'une ville non loin de là. Nous ne sommes qu'à quelques dizaines de mètres de la porte principale, d'où l'avantage de pouvoir récupérer des informations facilement.
- "On a intérêt à ne pas faire trop de bruits."
Naruto hoche la tête, puis nous installons notre campement en silence. Tout est prêt en moins d'une heure, et j'avoue que la taille médiocre de la tente que nous allons devoir partager me stresse un peu. Je veux bien que la discrétion soit prioritaire, mais quand même...
- "Je prends le premier tour de garde, si tu veux aller dormir."
Je ne réponds rien et me dirige dans le petit habitacle pour m'y allonger. Je déteste toujours autant ce manque de confort : seule une fine couverture me sépare du sol rugueux, et je vais devoir dormir intégralement habillé et armes en poche. Malgré tout, je m'endors rapidement, accablé par le sommeil.