Bleu de méthylène

Cette haine. Cette violence qui l'avait soudain envahi. Sasuke Uchiwa se passa la main sur le visage, se couvrant les yeux. Il ne voulait plus être aussi mauvais que ce qu'il avait pu être autrefois, il n'avait pas agi par un instinct de protection, non, la violence qui l'habitait en était la cause. Pourtant il ne voulait plus être ce meurtrier, mais ça avait été plus fort que lui. Il avait eu envie de les étriper, avait eu envie de les faire souffrir, tout comme il souffrait encore face au dilemme qui se jouait en lui. Perdu et en colère, voilà ce qu'il était. Il avait honte. Honte que la jeune femme ait encore une fois assisté à une démonstration de sa noirceur. La rose sembla réaliser que le brun était plongé en plein désarroi et elle posa sa main sur la sienne, tentant de l'apaiser. Pourtant rapidement, le brun la rejeta, les pupilles rouges de colère.

« Ne me touche pas. »

Énième coup de poignard. Pourtant, elle ne lui en voulait pas. Elle savait qu'il était en conflit avec lui-même, que tout ça était encore nouveau pour lui.

L'Uchiwa recula, partir. Il devait partir, s'éloigner d'elle, car tôt ou tard il lui ferait du mal. Il serait amené à se battre de nouveau et il suffisait qu'une seule fois, il cède à ses pulsions pour que la jeune femme soit la première victime de sa nature dormante. Il ne pouvait pas se le permettre. C'était décidé, il ne resterait pas avec eux, il refusait de tout gâcher une nouvelle fois. Elle accompagnerait Harui à Suna, mènerait sa mission à bien et lui serait déjà loin. Des flashs, des souvenirs affluaient en lui. Il revoyait les visages de ses victimes, les morts, les blessés, des inconnus... des camarades. Tout ça pour le sauver des ténèbres qui obscurcissaient sa raison et son cœur. Fermant les yeux, il murmura alors :

« Ramène Harui à Suna s'il-te-plaît. »

Sasuke se téléporta vers une autre zone, grâce à une technique qu'il avait acquise il y a maintenant un petit bout de temps.

Sakura écarquilla les yeux. Il était parti. Encore une fois il l'avait laissée là. Pourtant, il ne devait pas être bien loin, il ne pouvait se téléporter qu'à quelques mètres. Encore une fois, elle avait été tellement naïve, elle avait cru qu'elle pourrait l'aider, que sa présence à ses côtés l'apaiserait, mais il n'en était rien. Il la fuyait encore, la laissait toute seule.

Une petite main vint se blottir dans la sienne. Sakura n'était pas seule cette fois. Elle devait veiller sur Harui, il avait besoin d'elle. Elle ne devait pas lui montrer la peine qu'elle ressentait, cet enfant avait besoin d'une présence rassurante auprès de lui. Il était déjà terrorisé par ce qu'il vivait et elle ne voulait pas en rajouter. Pourtant, la peine sur son visage était bel et bien visible, tout comme celle de l'enfant, ils avaient un point commun : tous les deux avaient été abandonnés.

« Il va revenir Sasuke tu crois ? »

Elle aurait aimé lui dire que oui, que Sasuke finissait toujours par revenir, mais elle n'en était pas si sûre cette fois. Il s'était laissé submerger par sa folie meurtrière et Sasuke Uchiwa n'avait peur de personne à part de lui-même. La rose porta doucement une main à son cœur, serrant doucement son débardeur rouge, fermant les yeux, priant pour que tôt ou tard, il leur revienne. C'était un nouvel échec et elle en avait déjà accumulé trop à son goût. Sakura porta alors son attention vers Harui et hocha doucement la tête, bien qu'incertaine de sa réponse.

« Je l'espère. »

Maintenant la main du petit garçon dans la sienne, ils se remirent en route. Malgré son désir profond d'aller chercher Sasuke, elle ne pouvait plus se montrer égoïste. Elle devait protéger cet enfant et faire un détour ne pouvait que compromettre sa sécurité.

Sasuke avait maintenant atteint plusieurs kilomètres. L'âme d'Orochimaru n'était plus prisonnière dans son corps, et pourtant, il avait l'impression qu'elle lui avait laissé de séquelles indélébiles. Une vie en solitaire, c'est ce qui l'attendait pour expier ses péchés et il n'était pas sûr qu'un jour il puisse revenir au village. Pas tant qu'il n'aura pas la certitude qu'il n'est plus dangereux pour personne. Finalement, le seul danger pour Konoha encore présent : c'était lui. Il devait trouver le moyen de se débarrasser de cette colère, de cette haine qui envahissait son âme, il devait trouver le moyen d'expier ses fautes pour trouver la paix. Il l'avait laissée seule, encore une fois, mais c'était pour son bien. Cette fois-ci, il ne l'avait pas assommée. Car il se souvenait très bien de cette nuit de pleine lune. La jeune Sakura avait tenté de le retenir corps et âme, afin qu'il oublie sa vengeance et sa soif de pouvoir. Ses mots, noyés par ses larmes et ses reniflements avaient atteint son cœur, mais il ne pouvait les accepter. Un autre sentiment bien plus fort le dominait alors. Il n'avait eu d'autre choix que de la laisser là, inanimée sur un banc. Ainsi, l'ennuyante gamine ne pouvait plus faire flancher sa détermination. Un simple ''merci'', à l'époque c'est tout ce qu'il avait été capable de lui donner. Finalement, il avait atteint son but, mais au prix d'une vérité difficilement acceptable, il lui en coûta la mort d'un frère, il perdit également un bras. Cette colère ne l'avait poussé à rien de bon, cette noirceur ne l'avait mené que dans les bas fonds de ce monde et aujourd'hui il avait bien du mal à s'en sortir. Il porta la main sur son œil gauche, son mangekyou greffé par Itachi. Dernier héritage qu'il lui restait de lui. Soupirant, il regarda autour de lui, il devait atteindre le village du Son au plus vite afin que le serpent puisse l'aider à remédier à son problème. L'Uchiwa ferma les yeux, s'adossant contre un tronc d'arbre, il ne serait jamais l'homme qu'elle attendait. Il ne serait jamais capable de lui apporter tout l'amour qu'elle méritait. Sakura courait derrière une chimère.

La jeune femme portait Harui depuis maintenant une bonne demi-heure et quelque chose lui disait que son dos n'appréciait pas vraiment le traitement qu'elle lui infligeait. Le petit était en effet exténué mais ils ne pouvaient pas prendre le risque de s'arrêter maintenant, la rose n'avait aucune envie de se retrouver de nouveau face aux brigands du village de la pluie. Ils ne s'arrêteraient pas, tant qu'ils n'auraient pas atteint un village afin de prendre du repos dans une auberge, ils y seraient en sécurité. Harui fronçait les yeux, semblant perturbé par quelque chose dans son sommeil. Des petits bruits lui échappaient et très vite, ils laissèrent place à des cris. Sakura le posa doucement par terre, effleurant de sa main le front de l'enfant, elle laissa sortir son chakra tentant d'éloigner les cauchemars qui hantaient l'enfant. Pourtant, elle comprit bien vite qu'il ne s'agissait pas là de ça, mais plutôt de souffrance. Qu'est-ce qui pouvait lui causer autant de mal ? La jeune femme releva alors le T-shirt d'Harui, cherchant une quelconque trace de coups, un bleu, mais ce qu'elle vit dépassa toutes ses attentes. Muette de stupeur, elle comprit alors pourquoi il était si important aux yeux de ces brigands. Leur chef désirait ce que beaucoup d'autres avant lui avait tenté de dérober, et que seul l'Akatsuki avait obtenu. Ce n'était pas l'enfant en lui-même que ces hommes voulaient, mais ce que son corps contenait. Paralysée un instant, Sakura secoua finalement la tête, reprenant ses esprits. La seule personne qui pouvait protéger cet enfant était Gaara. Il n'y avait pas de temps à perdre, surtout sans la protection que leur avait prodiguée jusque-là Sasuke. Elle devait faire vite, car ces ninjas devaient déjà être à leurs trousses, ils ne renonceraient pas, c'était une évidence.

« Laisse-moi prendre possession de toi.

- Non, tu es méchant, tu vas leur faire du mal.

- Je te rendrai plus fort petit.

- Je ne veux pas être fort, je veux juste rentrer à la maison. Laisse-moi tranquille.

- Tu finiras pas m'accepter. Tu n'auras pas le choix. »

Harui se réveilla en sursaut. Il lui fallut un certain moment pour comprendre pourquoi ses pieds ne touchaient pas le sol. En levant la tête, il aperçut la jeune femme aux cheveux roses, celle-ci le portait afin d'avancer plus vite. Il la contemplait de ses yeux marron. A cause de lui, tout le monde avait des problèmes. A cause de lui, tout le monde était en danger. Le petit garçon s'enferma alors dans un mutisme qui lui était propre lorsqu'il était confronté à des fautes, à des erreurs dont il était responsable. La jeune femme esquissa un grand sourire.

« Nous sommes enfin dans un village ! Nous allons pouvoir nous reposer Harui. »

Le petit garçon hocha la tête, ce qui étonna la jeune femme. Lui qui était habituellement joyeux paraissait perturbé. La Kunoichi ignora pour le moment ce détail et se dirigea vers l'auberge qui se présentait à eux. Posant l'enfant à terre, celui-ci lui prit la main comme pour se rassurer. Ils se présentèrent à la réception.

« Nous aurions besoin d'une chambre s'il-vous-plaît. »

Le réceptionniste, qui n'avait franchement pas l'air sympathique, leur tendit une clé. La jeune femme monta à l'étage suivie de près par le petit garçon. La nuit n'allait pas tarder à tomber et ils étaient arrivés au bon moment. Pourtant, les pensées de la jeune femme voguaient indéniablement vers Sasuke, se demandant où il pouvait bien être et ce qu'il pouvait bien faire. Sasuke. Elle en revenait toujours au même point avec lui. Lui, la fuyant, et elle s'accrochant. Encore et encore, elle espérait. Avait-elle tort? Elle commençait à se le demander. Et s'il ne revenait jamais vers elle, qu'il ne parvenait jamais à trouver la paix ? Tellement de questions qui restaient sans réponse. Pourtant elle avait envie de continuer à y croire, envie d'espérer et de ne pas abandonner comme la première fois. Elle avait été convaincue que Sasuke ne sortirait jamais de ses ténèbres, contrairement à Naruto, mais le ténébreux était revenu à la raison et cette fois-ci elle devait croire en lui. Elle ne devait pas le laisser tomber, alors elle continuerait d'espérer même si au fond d'elle, elle était brisée par le chagrin et l'épuisement qu'elle ressentait.

« Sakura, j'ai peur. »

La voix du petit garçon la sortit rapidement de ses pensées. La jeune femme s'approcha de lui, s'asseyant sur le lit à ses côtés.

« De quoi as-tu peur ? »

Le petit garçon leva les yeux vers elle et Sakura comprit. Il lui rappelait tellement Naruto et il était indéniable qu'il avait tout autant peur que lui autrefois. Elle lui prit tendrement la main et murmura :

« J'ai un ami qui a vécu la même chose que toi. Mais il s'en est très bien sorti. Si Gaara t'a choisi ce n'est pas pour rien.

- Tu... Tu connais Gaara ? »

Sakura hocha la tête, souriant à Harui.

« Oh que oui ! Et il en a fait du chemin crois-moi. »

Les yeux de l'enfant se voilèrent et la jeune femme fronça les sourcils. A l'évocation du nom du Kazekage, les yeux du garçon s'étaient fais plus durs et quelque chose lui disait qu'il ne voulait probablement pas en parler. Elle préféra donc ne pas en rajouter et caressa doucement ses cheveux rouges.

« Endors-toi Harui. Je veille sur toi, tu peux dormir en paix. »

Le garçonnet lui adressa un sourire et ferma les yeux, se glissant dans les couvertures moelleuses du lit. Le temps était compté et elle devait le ramener rapidement. La jeune femme ne trouverait certainement pas le sommeil et elle s'assit au bord de la fenêtre, une carte dans la main, étudiant avec précision le chemin le moins dangereux pour la sécurité d'Harui. Une fois qu'elle aurait mené à bien sa mission et que l'enfant serait hors de danger elle retrouverait l'Uchiwa.

Non loin de là, Oboro, agenouillé, parlait à un homme recouvert d'une grande capuche violette.

« Maître, nous avons localiser l'enfant.

- Et qu'attendez-vous pour le récupérer dans ce cas ?

- Il était protégé par Sasuke Uchiwa et la disciple de Tsunade.

- Sasuke … Mon vieil ami. La disciple de Tsunade vous dites ?

- Oui, ils sont actuellement dans une auberge non loin de là et l'Uchiwa n'est pas avec eux.

- C'est maintenant que nous devons intervenir alors.

- Bien maître. Quand attaquerons-nous ? »

Un sourire carnassier étira les fines lèvres de l'homme. Ainsi donc ils avaient enfin retrouvé le gamin. Une fois qu'il serait entre ses mains il pourrait s'implanter son incommensurable pouvoir et serait plus fort que son maître de l'époque. Il deviendrait absolu. Il posa la main sur la tête de son sous-fifre et répondit alors :

« À l'aube. »

Oboro hocha la tête se retirant rapidement. Ils mèneraient à bien leur mission. Harui serait amené sain et sauf à leur maître.

« J'oubliais. Ramenez-moi également la disciple de Tsunade. Vivante. »

Ce ne serait, encore, pas une mince affaire.

Sakura s'étira doucement. Elle avait réussi à s'assoupir. Pas assez longtemps pour s'endormir mais ça lui faisait tout de même du bien. Le sommeil était sans aucun doute salvateur, c'était le seul moment où elle ne réfléchissait pas, où son corps s'abandonnait à la quiétude.

Le soleil allait bientôt se lever et le petit garçon dormait paisiblement, harassé par leur voyage. Son innocence avait quelque chose de réconfortant et elle contempla les traits détendus de son visage, la peur semblant avoir quitté son corps pour un temps malheureusement limité. Pourtant, quelque chose la chiffonnait. Elle n'entendait aucun bruit. A cette heure-là, le réceptionniste s'activait normalement pour préparer les petits déjeuners, pour qu'en se réveillant les clients n'attendent pas. Rien. Pas un bruit ne provenait d'en bas. La kunoichi se leva, vêtue d'un kimono rouge en soie qui lui faisait office de pyjama. Descendant doucement les escaliers afin de ne pas faire grincer les marches, s'immobilisant un instant, elle scruta le rez-de-chaussée. Rien. Il n'y avait pas âme qui vive. Y-avait-il seulement quelqu'un d'autre à part eux ici ? Elle n'en était pas si sûre. Instantanément alertée, elle aiguisa ses sens et comprit ce qu'il se passait. Ils étaient pris au piège et l'évidence sauta aux yeux de la jeune femme lorsqu'un étrange gaz se répandit dans l'auberge. Elle grimaça, reconnaissant le produit par sa couleur caractéristique. Celui-ci endormait automatiquement ses victimes, il était notamment utilisé lors de délicates opérations. Qui avait bien pu en répandre ici ? En revanche, le pourquoi elle le connaissait parfaitement. Harui était en danger et elle tenta de remonter en quatrième vitesse les marches afin de le récupérer et de partir au plus vite. Mais elle sentait les effets du gaz sur son organisme. La fatigue envahissait progressivement son corps, ralentissait ses mouvements et bientôt il lui serait impossible de réfléchir, tombant dans l'inconscience. Un traquenard finement imaginé. Ils étaient perdus. Alors que ses yeux se fermèrent, un seul nom lui vint aux lèvres :

« Sasuke... »