Bleu de méthylène
Les iris verts de la jeune femme se baladaient de part et d'autre de la pièce. Des sueurs froides lui parcouraient le corps, celui-ci luttant continuellement contre le poison qu'on lui avait administré. Les effets se dissipaient peu à peu et il lui était à présent plus aisé de malaxer son chakra. Elle serait prête à se libérer au moment opportun. Pour l'instant, se sentir aussi impuissante était insupportable, d'autant pluq que Harui n’émettait plus aucun son et l'appréhension s'emparait d'elle au fil des minutes. Elle retint sa respiration lorsqu'elle entendit deux brigands du pays de la pluie discuter entre eux.
« Il a l'air drôlement en colère !
- Tu m'étonnes ! Il n'a toujours pas réussi à mettre au point sa technique, soupira l'un des deux ninjas.
- Rappelle-moi pourquoi on a accepté de travailler pour lui déjà ?
- Pour la mise à prix de Sasuke Uchiwa, il faut dire que c'est une proie de choix. »
Sakura serra les dents de frustration, le déserteur était devenu un véritable trophée pour tout homme qui se respecte ; mais comment aurait-il pu en être autrement alors que tout le monde connaissait son parcours chaotique ? De plus, Oboro ayant été l'un de leurs premiers adversaires, il n'avait probablement toujours pas digéré sa défaite. Les pas s'éloignèrent, et elle se retrouva une fois de plus, plongée dans le silence. Si seulement elle arrivait à se libérer, elle pourrait tenter d'extraire le poison de son corps et accélérer le processus de guérison. La kunoichi tourna la tête lorsqu'elle entendit la porte s'ouvrir, laissant apparaître un Kabuto pâle et fatigué, bien loin de ce qu'il était il y a quelques heures auparavant. Il n'avait même plus la force de se tenir droit, et ce fut d'un pas lent qu'il approcha de la prisonnière. Debout devant elle, il leva une main à l'aspect squelettique et Sakura se tendit comme un arc, les yeux brillants de colère.
« J'ai tellement entendu parler de toi tu sais. »
La jeune femme fronça les sourcils, perturbée par cette révélation. Ils s'étaient pourtant déjà rencontrés, à maintes reprises en plus. Pourquoi agissait-il en parfait inconnu avec elle ? Lorsqu'il posa l'un de ses doigts sur son cou, elle sentit le froid parcourir tout son être, suivant le tracé du membre glacé de l'homme à lunettes. Elle aurait voulu rétorquer quelque chose, mais n'arrivait pas encore à articuler correctement. Il la devança alors :
« Ne te fatigue pas, tu auras bien du mal à émettre un son. J'ai besoin de te garder en vie, du moins pour quelques temps, j'ai des projets pour toi. »
Il s'assit alors à côté d'elle, la scrutant silencieusement, n'ayant visiblement pas l'intention de partir. Sakura sentait qu'elle pourrait bientôt bouger et se libérer de ses entraves, mais tant qu'il serait là, elle feindrait l'impuissance, afin qu'il n'ait pas l'idée de lui en administrer une nouvelle dose. Elle ferma alors les yeux pour échapper à la folie qui se reflétait dans les globes oculaires de Kabuto.
Comment avait-il pu s'échapper de l'Izanami ? C'était une question que Sasuke ne cessait de se poser depuis que Karin lui avait révélé le but de leur mission. Quelque chose clochait et l'Uchiwa découvrirait ce qu'il en était, mais pour le moment il devait venir en aide à l'enfant et son ancienne coéquipière, qui passaient probablement de sales moments. La route se faisait en silence, celui-ci étant rompu de temps en temps par les soupirs agacés de Suigetsu.
Karin marchait derrière le ténébreux, le contemplant discrètement comme à son habitude. Il n'avait pas changé, hormis peut-être des cheveux un peu plus longs et … un bras en moins. Elle mourrait d'envie de savoir de quelle façon il avait pu perdre son membre, la question lui brûlait les lèvres mais elle n'osa la poser, sachant très bien qu'elle se heurterait à un mur. Avec le temps elle avait fini par comprendre que l'Uchiwa ne dévoilait rien sur sa vie et qu'il parlait seulement lorsqu'il le jugeait nécessaire. La jeune femme aurait aimé un mot de lui, un sourire, quelque chose qui lui montrerait qu'il était heureux de la revoir... Elle n'avait eu le droit qu'à son indifférence, sa froideur. Au fond, n'avait-il jamais vu en eux qu'une substitution de l'équipe sept ? L'amertume ne la quittait plus et elle avait espéré qu'il y mettrait un terme. Il lui avait déjà souri pourtant, une fois, lorsqu'elle avait été blessée, lui accordant cette unique faveur. Peut-être la croyait-il alors au bord du précipice et pensait réaliser le dernier souhait d'une mourante.
Sasuke sentit le regard insistant de Karin sur lui et tourna instinctivement la tête, celle-ci devint écarlate en croisant son regard ébène, gênée d'avoir été prise en flagrant délit.
« Et on peut savoir pourquoi tu tiens tant à nous accompagner ? Certainement pas pour reformer l'équipe Taka j'imagine, ricana Suigetsu qui avait finalement décidé de briser le silence.
- Mêle-toi de tes affaires. »
Suigetsu s'arrêta de marcher, le corps tendu, la colère irradiant par tous les pores de sa peau.
« Tu nous abandonnes du jour au lendemain pour te ranger du côté de tes anciens ''amis'' et tu reviens vers nous comme si rien ne s'était passé ? Tu es un traître Uchiwa. »
Sasuke le toisa de toute sa hauteur, un sourire mauvais aux lèvres.
« Ferme-la et avance. »
Karin sentit qu'elle devait intervenir avant que les deux hommes n'en viennent à dégainer leurs katanas. Elle prit le bras de Suigetsu, le forçant à avancer, ses yeux lui lançant des éclairs.
« Ça suffit Suigetsu, avance, nous n'avons pas de temps à perdre, la mission que nous a confiée Orochimaru est plus importante que tout le reste. »
Bien forcé d'avouer qu'elle avait raison, il grogna néanmoins :
« Tu ne perds rien pour attendre Uchiwa. »
La situation n'affectait pas le moins du monde Sasuke, il avait toujours servi ses intérêts personnels et cet égoïsme qui le caractérisait si bien ne changerait probablement jamais. Juugo quant à lui était plus réservé, analysant la situation plutôt que de se jeter dans le tas. La route promettait d'être longue.
Oboro entra précipitamment dans le laboratoire, sortant Kabuto de son mutisme. La jeune femme aux cheveux roses rouvrit les yeux, se demandant pourquoi il avait l'air aussi paniqué.
« Maître, les nouvelles ne sont pas bonnes. »
L'anxiété de Sakura monta crescendo tandis qu'il enchaînait :
« L'enfant ne répond pas au traitement que vous lui avez administré et j'ai bien peur qu'il ne passe pas la nuit. »
Kabuto se releva promptement, serrant les poings.
« C'est impossible ! Il détient le démon loup, il devrait être plus résistant que ça ! »
La panique s'empara visiblement de lui, la tension se lisant dans ses iris et la jeune femme aurait voulu lui crier que tout était de sa faute. Harui n'était qu'un enfant et ce vil serpent mettait sa vie en jeu pour une stupide histoire de pouvoir ! Dieu qu'elle haïssait la convoitise qu'il créait dans le cœur des Hommes. Sasuke s'était perdu comme cela et elle ne voulait pas que quelqu'un d'autre en soit la victime.
Il sortit rapidement de la pièce, probablement pour aller voir son détenu, Sakura en profita alors pour concentrer son chakra et se libérer des chaînes qui emprisonnaient ses poignets. Elle les brisa et tenta de se relever tant bien que mal, les membres encore engourdis par le traitement qu'ils avaient subi. Elle posa un pied au sol, puis le deuxième, avant de prendre appui sur ses jambes, une douleur lancinante la traversa lorsqu'elle réussi à se mettre debout, la faisant s'effondrer instantanément au sol. Extraire le poison de son corps lui prendrait un temps fou et elle ne pouvait risquer de laisser Harui plus longtemps entre les griffes des brigands. L'esprit dominant la matière, elle se releva péniblement, se servant des aspérités du mur derrière elle pour prendre appui. Contrôlant un nouveau vertige, elle ne bougea pas durant quelques secondes qui lui parurent des heures, puis stabilisée elle se dressa devant le prochain obstacle.
Quatre personnes s'enfonçaient un peu plus dans la nuit, marchant à vive allure. Ils ne s'arrêteraient pas pour dormir, chacun ayant conscience que le temps leur était compté. Sasuke essayer de garder la tête froide mais l'inquiétude était bel et bien présente. Il se demandait constamment si Sakura et Harui étaient en sécurité, s'ils avaient pu atteindre Suna. Ils s'arrêtèrent subitement, arrivant aux portes d'un village qu'ils ne connaissaient pas, non répertorié sur la carte des Ninjas. Karin s'avança, scrutant les alentours de ce qui semblait être une ville fantôme, pas un bruit, pas un souffle, juste des bâtisses s'étendant à perte de vue. Juugo émit alors un son, le premier depuis qu'ils avaient pris la route.
« C'est ici.
- C'est effectivement un bon endroit pour se cacher » concéda Suigetsu.
L'Uchiwa tenta de percevoir une quelconque présence, de détecter une ou plusieurs empreintes de chakra, mais il ne sentait rien. Pourtant ils avaient raison, c'était bien trop étrange pour n'être qu'une simple ville abandonnée.
« Donne-moi la carte Suigetsu, ordonna Karin.
- Et puis quoi encore, tu ne sais même pas la lire ! » s'énerva celui-ci, élevant la carte dans les airs la rendant inaccessible à le jeune femme.
Exaspéré, l'Uchiwa s'en empara ne leur laissant pas le temps de répliquer.
« Avançons. »
Orochimaru avait deviné qu'ils ne le trouveraient pas facilement et avait envisagé l'éventualité d'un village créé uniquement dans le but de mettre à bien son infâme projet quel qu'il soit. Ils étaient proches du but, si Sasuke découvrait qu'ils avaient touché à un seul cheveux de Sakura, il ne reculerait devant rien, peu importe les ravages qu'il causerait sur son passage.
Dans le repaire de Kabuto, des bruits de pas effrénés se faisaient entendre, Sakura sentait que quelque chose avait changé, que ce n'était pas normal et elle pensa immédiatement au petit garçon, espérant que son corps avait su se défendre contre le traitement de l'homme aux cheveux argentés. Pourtant, elle comprit bien vite que ce n'était pas Harui qui était au centre de l'agitation générale mais plutôt autre chose. Des hommes armées se précipitèrent à la surface, tandis que certains discutaient entre eux, une conversation qui arriva bien vite aux oreilles de la kunoichi.
« Ça y est les gars, on va empocher le pactole.
- Il sera venu à nous plus tôt que prévu. »
Le cœur de la jeune femme battit la chamade, il ne pouvait s'agir que de l'Uchiwa.
Sasuke était venu les chercher ? Le cœur de la kunoichi se mit alors à battre un peu trop rapidement. Concentra son chakra dans la paume de sa main, elle donna un coup dans la porte en acier qui la maintenait enfermée. Celle-ci ne bougea pas d'un pouce. Sakura cria de rage, n'ayant pas assez récupéré pour rassembler l'énergie dont elle avait besoin pour la détruire. Le peu qu'elle venait d'utiliser l'avait affaiblie et elle ne tint à nouveau plus sur ses jambes, se retrouvant à genoux avant même d'avoir pu réaliser ce qui lui arrivait.
« Maître, il semblerait que Sasuke ait retrouvé votre trace. »
Kabuto regarda l'homme en face de lui, se demandant de quelle façon il allait le tuer. Les options ne manquaient pas : douloureuse par hémorragie ou rapide par décapitation ?
« Et... il n'est pas seul. »
Les yeux de Kabuto s'agrandirent, cela voulait dire qu'Orochimaru était à ses trousses et il ne voulait pour rien au monde retourner auprès de lui. Il avait tellement souffert, seul, dans sa cellule, lui le raté, alors il ne se laisserait pas prendre. Jamais.
« Prenez l'enfant, nous devons partir, et vite ! »
Ils approchaient du but, ils y étaient. Des tunnels, une grotte semblable à celle d'Orochimaru, ils se trouvaient dans l'antre de Kabuto. Traversant les souterrains, ils atteignirent une porte que Suigetsu s'empressa de dégager avec son katana. Une succession de laboratoires virent le jour sous leurs yeux incrédules, et des multitudes de portes ouvertes. Ils n'étaient plus là, ces abrutis avaient fui, sachant qu'ils seraient pris au piège s'ils restaient plus longtemps ici. L'amertume de l'échec envahit l'Uchiwa, néanmoins, ils entreprirent d'inspecter les lieux afin de peut-être trouver un indice.
Étendue au sol, Sakura sentait ses forces revenir peu à peu. Cette fois-ci c'était la bonne. Accumulant une nouvelle fois du chakra dans sa paume, elle donna un grand coup sur la porte qui céda sous l'impact. Le son alerta immédiatement les quatre ninjas qui sortirent leurs armes. Sur la défensive, ils approchèrent prudemment de la cellule d'où il provenait. Sakura ne réalisa pas tout de suite ce qu'il se passa lorsqu'un homme aux cheveux courts se retrouva derrière elle, un sabre sous sa gorge.
« Cette femme doit être un sbire, elle nous en dira peut-être plus. »
Les yeux émeraude de la jeune femme scrutèrent les personnages qui se dressaient devant elle, avant de croiser les orbes ébène du ténébreux.
« Lâche-la imbécile. » dit sèchement Sasuke qui cru qu'il allait le tuer à ce moment-là.
Suigetsu ne comprit pas de suite mais s'exécuta, la relâchant tandis que la jeune femme se sentait à bout de force, éreintée par ce qu'elle avait vécu ici. Il avait probablement senti qu'elle s'écroulerait car Sasuke s'approcha rapidement d'elle, passant un bras autour de sa taille tandis que ses jambes lâchaient prise. Instinctivement, elle s'accrocha à lui.
Karin sentit son cœur rater un battement, elle connaissait cette fille, c'était elle qui l'avait soignée lorsque Sasuke avait tenté de la tuer. En jetant un regard sur eux, elle comprit que quelque chose les liait, quelque chose de profond, de pur, bien qu'aucun mot ne pouvait exactement en nommer la nature. Elle avait mal, elle qui avait toujours espéré être la seule femme respectable dans le cœur de l'Uchiwa.
Ils avaient envie de l'interroger, mais devant le regard glacial du ténébreux, ils s'abstinrent. Karin décida finalement de rompre le silence qui s'était installé :
« La ville est déserte, installons-nous dans une des maisons pour la nuit, afin qu'elle puisse récupérer et nous expliquer ce qu'il s'est passé. »
Approuvant l'idée de la jeune femme, ils sortirent de la grotte, sachant de toute façon qu'ils reviendraient sur les lieux pour faire de plus amples recherches. Sasuke soutint la jeune femme pour marcher et l'observa du coin des yeux. Sakura n'avait pas bronché depuis qu'ils l'avaient retrouvée, gardant les yeux rivés au sol. Cette attitude agaçait fortement le ténébreux qui n'avait jamais eu de patience avec elle. Ils s'installèrent dans la bicoque qui leur semblait la moins en ruine et convinrent qu'ils y passeraient la nuit.
L'échec était cuisant, et les larmes lui piquaient les yeux, mais elle ne craquerait pas devant eux. La douleur se mélangeait à la colère dans son cœur. Il l'avait sauvée mais leur rencontre était un pur hasard. Elle avait eu faux sur toute la ligne, il n'était pas revenu pour eux.