Et grandir...
Et grandir...
Chapitre 5 : Retrouvailles
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La désillusion. Tous les êtres humains, qu’ils soient pauvres ou riches, forts ou faible, jeunes ou vieux, ils tous ont connu cela. Quand on croit avoir gagné une bataille et que la victoire nous est retirée à la dernière seconde. Quand on aime passionnément son amant et que l’on s’aperçoit qu’il nous trompe. Quand un enfant réalise que le monde, hors des bras protecteurs d’un foyer, est plus dangereux et plus violent que tous ce qu’il pouvait imaginer. Ou même, quand un ami vous délaisse subitement pour une cause dont vous ne comprenez pas le sens.
Tout cela, tous les incidents de la vie, nous font vivre la désillusion en permanence. Certains choisiront peut-être de l’ignorer et de continuer à porter leurs œillères toute leur vie, et c’est peut-être ce qu’il y a de mieux à faire, en un sens. D’autres, moins lâches ou plus fous, affronteront la réalité et ses obstacles sans essayer de les fuir. Ceux-là souffriront peut-être plus que les autres pour avoir osé défier leur destin.
Mais tous ceux qui ont enduré cette épreuve, à des intensités diverses, qu’ils aient fuis ou affronter leur existence, ont au moins un point commun : ils savent tous que c’est lorsque l’on est au plus bas, au plus profond du trou obscur dans lequel on a sombrer malgré soi, que l’on parvient enfin à entrevoir une lumière, même infime, qui nous guide à travers les ténèbres et qui nous chuchote à l’oreille qu’il y a encore de l’espoir. L’espoir de pouvoir remonter à la surface, l’espoir de sortir du piège dans lequel on est tombé.
Le trou a beau sembler un gouffre interminable, il y a toujours un fond. Un fond qui décide du moment où l’on arrêtera de plonger. Il y toujours de l’espoir.
Toujours.
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Hinata respirait difficilement. Non, plus que ça, pire que ça. À vrai dire, elle ne pensait même pas être capable de tenir encore debout avec un souffle aussi saccadé. Elle avait l’impression de porter une enclume sur la poitrine. C’était insupportable.
C’était insupportable et pourtant elle aurait été prête à subir dix fois, mille fois cette épreuve pour ne pas avoir à se trouver... là. Devant sa soeur, devant des ninjas de Konoha. Devant ses ennemis. Devant ses enfants, aussi. À les protéger de leur propre sang. Elle essaya de ne pas y penser. Pas à ça. Elle ne voulait pas, ne pouvait pas. Pas maintenant.
Quand Hinata était apparue, Hanabi n’avait rien dit. Pas un mot, pas un cri, rien. Elle s’était juste tendue, avait activé son byakugan et attaqué. Violemment. Silencieusement.
Elle évita la paume qui frôla son visage en se baissant et en profita pour viser son ventre, entre les points vitaux. Entre les points vitaux. Éviter les points vitaux. Surtout ne pas toucher les points vitaux. Elle avait conscience qu’elle ne pourrait que perdre le combat si elle n’attaquait pas sérieusement, mais elle ne pouvait pas faire autrement. Elle ne pouvait pas attaquer sa soeur pour la tuer, aussi nombreuses que soit les années qui s’étaient écoulées depuis la dernière fois qu’elles s’étaient vues. Non, elle ne pouvait tout simplement pas faire ça.
Hanabi se rapprocha soudain et visa sa gorge, l’artère. Hinata bloqua l’attaque et l’envoya valser un peu plus loin, d’une poussée puissante et bien placée. Séparées de quelques mètres, elles se regardaient, les yeux dans les yeux. Ceux d’Hanabi ne montraient que de la haine, de la colère. Un véritable appel à la vengeance. Ceux d’Hinata aussi devaient montrer de la colère, car elle ne pardonnait pas à ceux qui s’en prenaient à sa famille. Mais de la colère... et sans doute rien de plus. Elle en serait incapable. Pas contre Hanabi. Parce qu’Hanabi était aussi sa famille. Et puis, sa haine était justifiée, après tout, pour peu qu’elle ait reçue des informations factices sur sa fuite de Konoha. Ou plutôt sa désertion. Oui, Hanabi devait sans doute penser « désertion » quand elle pensait à sa soeur.
Désertion.
Alors que du point de vue des soi-disant déserteurs, ils avaient plutôt été chassés. Chassés du village par la politique, chassés par la mort de Tsunade, chassés par la capture de Naruto.
Dans les yeux de sa soeur, Hinata voyait l’incompréhension, la peine, la souffrance, derrière le voile de haine. Elle la connaissait si bien. Hanabi lui en voulait, bien sûr (et comme c’était réciproque, à cet instant précis !). Elle lui en voulait et, peut-être – sûrement – la détestait pour l’avoir abandonner. Hinata lisait en elle comme dans un livre ouvert.
Sous la coupole de son bouclier, ses deux enfants peinaient à reprendre leurs esprits. Mais c’était prévisible. Hagane avait toujours son byakugan activé et ne tenait pas en place, nerveuse et affolée. Shun essayait de la faire tenir tranquille pendant qu’il bandait ses bras abîmés, et regardait à droite à gauche en paraissant chercher quelque chose. Intriguée de les voir aussi agités, Hinata regarda autour d’elle à son tour. Elle comprit ce qui perturbait ses enfants en même temps qu’elle remarqua le sourire narquois d’Hanabi.
Un des ninjas avait disparu pendant qu’elle se concentrait sur le combat. Ils s’étaient montrés si passifs, jusqu’à présent, qu’elle avait les complètement négligés ! Tâchant de ne pas céder à la panique – cela ne rassurerait pas le moins de monde sa progéniture, que diable ! – elle réfléchit à ce qu’il conviendrait le mieux de faire. Tout d’abord, mettre sa soeur hors d’état de nuire. Ce qui ne constituait pas en soi une mince affaire, la brave petite ayant toujours eu une certaine avance sur elle. Ensuite – s’il pouvait y avoir une suite, et vive les pensées optimistes – elle s’occuperait de ce gêneur mystérieusement disparu. Et avec sensiblement moins de pitié qu’elle n’en aurait pour Hanabi. Ils pouvaient compter là-dessus. Oh oui.
Celle-ci, tout en gardant prudemment sa posture de combat, examinait son kimono blanc avec un certain mépris. À coup sûr, elle allait tenter la tactique que Neji leur avait apprit à toute les deux : « se moquer de l’adversaire, le provoquer, l’inciter à perdre son calme pour le déconcentrer et frapper au bon moment ». Dommage, petite soeur, Hinata n’avait encore jamais perdu à ce jeu-là. Hanabi renifla d’un air dédaigneux et bondit pour attaquer, à la fois physiquement et verbalement.
- Ton kimono est blanc comme neige et n’a pas la moindre trace de couture ni même de poussière, fit-elle tout en portant un coup au visage. Bravo, je te félicite, tu ne dois pas t’entraîner beaucoup pour qu’il reste aussi immaculé !
Ne pas répondre. Rester concentrée sur le combat.
En constatant son flagrant manque de réaction, Hanabi ne se découragea pas et tenta de l’atteindre aux jambes.
Sauter. Atterrir sur les pieds. Ne pas tomber.
- Je suppose qu’il n’y a pas grand-chose d’autre à vendre, dans ce village minable. Est-ce que tous les habitants d’habillent avec cent ans de retard, eux aussi ?
Chercher son point faible. Trouver les méridiens. Rester concentrée.
- Et dis-moi, à part pondre des marmots à ton Naruto-kun, tu as fais quelque chose de ta vie ? Parce que sur ce plan-là, je crois bien que je t’ai battue à plate couture. Enfin, tu me feras remarquer que c’est sûrement nettement plus pratique quand on n’a pas les chasseurs de tous les Pays aux fesses !
Salope. Rester concentrée. Ne pas l’écouter. Ne pas l’écouter.
Une attaque érafla sa joue et elle sentit la brûlure caractéristique qui suivait une touche du Poing Souple.
- En parlant d’enfants... Il y en a une qui te ressemble plutôt pas mal, dans le lot. Est-ce qu’elle est aussi faible que toi à son âge ? Du peu que j’en ai vu, ça n’a pas l’air d’être le cas. Heureusement car je n’aurais pas aimé devoir la prendre en pitié, elle aussi !
Ne l’écoute pas. Contourne la technique qui rend leurs méridiens invisibles et trouves-les !
- Par contre, l’autre n’est pas à toi, n’est-ce pas ? Ou alors, il n’est pas d’Uzumaki. Vu ce que tu es devenue, je pencherai plutôt pour la deuxième solution. Le pauvre, il est si nul que ça au lit ?
Espèce de...
- En plus, vu sa tête, tu as du coucher avec un ancêtre ! Ou bien peut-être, mais rassures-moi tout de suite, as-tu poussé le vice jusqu’à le tromper avec Uchiha Sasuke ?
Petite conne... Tu n’as sûrement pas du avoir beaucoup de chance dans ce domaine pour être aussi cynique.
- Et tu n’as pas honte de les montrer comme ça ? Ils sont habillés comme des pouilleux, et le meilleur de la situation c’est qu’ils n’ont même pas l’air de savoir se battre sérieusement ! Si j’étais toi, je ne chercherai même pas à les sauver, ce sont des bons à rien. Enfin, pour l’instant ! Tu sais que je m’en occuperai certainement mieux que toi ? Laisse-les moi, je te dis ! Pense un peu aux avantages que cela leur apporterait. Ils pourraient vivre normalement, sans être obligés de se cacher aux yeux du monde. Je saurai en faire de véritable ninjas, crois-moi !
Hinata ne perdait jamais son sang-froid. C’était vrai. Mais personne n’avait encore osé insulter ses enfants de la sorte, et certainement pas en cherchant à les lui voler.
Lui voler... ses... enfants... ? Lui prendre ses enfants ?
Soudain, elle vit rouge. Rouge sang.
Et elle attaqua avant d’avoir réalisé ce qu’elle faisait.
Elle bondit en avant, mains ouvertes chargées de chakra jusqu’à s’en brûler les paumes. Droit vers le coeur.
Et elle s’arrêta. Brusquement.
... Oh putain.
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Hagane le vit avant sa mère. Shun aussi. Comme le bouclier ne laissait pas passer le son, ils ne purent pas la prévenir, même s’ils criaient à s’en déchirer la gorge. Heureusement, Hinata le remarqua, elle aussi, et se figea avant qu’elle n’ait commit l’irréparable. Juste à temps.
Le ninja qui avait disparu quelques instants plus tôt était revenu. Il abordait un sourire triomphant et vint se placer aux côtés de son capitaine, fier d’avoir accompli sa mission avec succès. Il était visiblement très satisfait d’avoir été si rapide et efficace. Le sourire de la femme s’élargi, lui donnant l’air encore plus folle qu’elle ne devait l’être réellement. Le shinobi jeta nonchalamment à ses pieds la silhouette qu’il tenait dans ses bras, inconsciente et amorphe. Le petit corps roula, ne se réveilla même pas. La sacoche en fourrure blanche et grise était restée accrochée, par un quelconque hasard.
Takibi.
Hagane se jeta sur la paroi de chakra. Non, pas ça...
- Non ! cria-t-elle. Takibi !
Pas ça. Pas sa soeur. Pas elle !
Elle frappa sur le bouclier en continuant à crier. À hurler. Ses bras bandés se remirent à saigner. Pourquoi sa mère ne se bougeait-elle pas ? Pourquoi est-ce qu’elle ne tentait pas de récupérer sa fille ? Takibi ne méritait pas ça ! Pas sa soeur qui n’a rien demander à personne. Elle ne méritait pas ça ! Qu’on la laisse tranquille ! Qu’on la laisse... Qu’on la laisse, bon sang ! Il y a du sang sur son visage. Le connard a frappé fort, en plus ! Elle n’a que dix ans ! Putain, maman, bouge ! Fais quelque chose !
Essoufflée, elle arrêta de crier et de frapper. Cela ne servait à rien, vraiment. Mais elle sentait sa colère croître en elle, se transformer en haine, toujours plus forte. Comme une vague brûlante montant dans sa gorge, prête à exploser. Elle sentait le goût du sang dans sa bouche insuffler en elle des envies de meurtre. Elle dévisagea le ninja qui avait capturé sa soeur. Ses traits pointus, ses yeux de fouine et son air sournois. Elle avait envie de lui déchirer le visage, de lui ouvrir le ventre pour lui faire payer ce qu’il avait fait à sa petite soeur. Elle l’aurait TUÉ !
Elle voulait sortir. Sortir de ce fichu bouclier pour aller crever ce type. Au hasard, elle tourna la tête vers son frère. Il avait toujours des tas d’idées, même si les trois quarts étaient souvent inutiles. N’importe laquelle ferait l’affaire. Sa rage était visible dans ses yeux, elle en était certaine. Alors il pourrait bien réagir, lui aussi ! Et ne pas rester planté là, à la regarder comme un merlan frit, aussi mou qu’un… qu’un… qu’un hanneton !
- Shun... Shun-le-Perfide... Takibi... !
Shun l’avait regardé hurler, rager, s’acharner sur le rempart de chakra. Lui aussi craignait pour sa petite soeur. Évidemment ! Comment pourrait-il en être autrement ? Mais il n’aimait pas quand Hagane était comme ça, quand elle avait ce regard-là, cette expression-là. Quand elle perdait son habituelle gaieté aussi soudainement. Elle devenait bizarre. Pas bizarre comme si elle venait d’avoir une autre de ses idées loufoques, celles qui le faisaient rire plus qu’autre chose... Bizarre, comme si elle devenait dangereuse. Dangereuse et infiniment puissante. Incontrôlable. Mais Hagane n’était pas dangereuse, se rassurait-il quand cela arrivait, elle n’était pas dangereuse et ce n’était qu’une impression due à sa colère démesurée. N’est-ce pas ?
... N’est-ce pas ?
- Calmes-toi, Hagane, dit-il en faisait semblant d’être sûr de lui. Maman ne peut pas aller la chercher alors qu’elle est juste aux pieds de l’adversaire, ce serait bien trop dangereux ! Enfin quoi, tu ne vois pas qu’elle est prise en otage ?
- Mais... !
- Calmes-toi, j’ai dis ! Moi aussi je m’inquiète, je te signal !
Hagane le regarda sans comprendre. Il s’inquiétait ? La belle affaire ! C’était Takibi qui devrait s’inquiéter ! C’était elle dont la vie ne tenait plus qu’à un fil ! Elle regarda les yeux sombres de son frère, son teint encore plus pâle qu’à l’accoutumée et sa mâchoire crispée. Terrifié. Il avait peur ? Shun avait peur ? Confuse, elle essaya de faire ce qu’il disait et de se calmer. Il s’inquiétait vraiment, en fait. Elle devenait toujours incohérente quand elle paniquait. Cela lui faisait un peu perdre les pédales. Cela ne lui arrivait pas souvent, mais quand même. Elle devait faire attention si elle ne voulait pas faire quelque chose qu’elle regretterait sérieusement, un de ces jours. Elle n’arrivait même plus à se contrôler, c’est pour dire…
De l’autre côté du bouclier, la femme s’était remise à parler à sa mère, visiblement avec délectation. Elle savait qu’elle avait l’avantage. La salope. Hinata s’était complètement figée, dans une posture qui laissait envisager qu’elle était prête à sauter à la gorge de n’importe qui passerait à sa portée. Ni Shun ni Hagane ne l’avait jamais vu dans un tel état de rage. Son byakugan ne brillait plus et ses cheveux ne flottaient plus sous la pression du chakra, mais ils devinaient que cela ne pouvait être qu’un mauvais présage. Contrairement à sa fille, prompte à s’emporter et à saccager tout ce qui se trouvait sur son chemin quand elle se trouvait dans un état similaire, elle s’était contrôlée et affûtait sa haine pour la transformer en arme dévastatrice. Une colère maîtrisée à la perfection et canalisée pour n’en devenir que plus acérée. Mortelle.
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Hinata fit un pas en avant, lentement, comme si elle marchait au bord d’un précipice ou sur le fil d’un rasoir. Comme si le moindre mouvement brusque était susceptible de provoquer définitivement ses ennemis. Elle allait faire un second pas, mais le ninja posa son pied sur la tête de Takibi d’un air menaçant, et elle dut s’arrêter de nouveau, son corps tendu à craquer. Elle était piégée. D’un côté, sa fille à la merci de ses ennemis et, d’un autre, aucun moyen de lui venir en aide. En otage. Elle était définitivement piégée.
Elle jeta un coup d’oeil aux deux autre shinobis, ceux qui n’étaient pas encore intervenus. L’un d’eux était un jeune blond qui paraissait complètement dépassé par la situation, il se balançait d’avant en arrière et avait l’air de vouloir plus que tout au monde se trouver ailleurs que sur la zone de combat. L’autre ressemblait à une espèce de grizzly qui assistait à la scène d’un air impassible, comme une statue immense et imperturbable. Ces deux-là n’avaient pas encore effectué le moindre geste, mais n’hésiteraient pas une seconde à répondre à un ordre de leur capitaine. Elle ne devait plus continuer à les ignorer, aussi inoffensifs qu’ils puissent paraître. Ils étaient dangereux et la mauvaise posture de Takibi en était la preuve. Hanabi la regarda examiner ses ninjas, parfaitement à l’aise. Elle rit méchamment. D’un rire odieux qui ne lui allait pas.
- Tu les remarques enfin ! Mais n’est-ce pas un peu tard pour changer quoi que ce soit à la situation, à présent ?
Hinata ne lui prêta aucune attention et détailla soigneusement celui qui avait le pied sur la tête de sa fille. Il était grand, mince, avait des cheveux noirs, avec des yeux perçants et des traits pointus. Il avait l’air d’être le plus intelligent des trois, et c’était sûrement vrai pour qu’il soit désigné pour une mission de capture nécessitant autant de discrétion. Il était d’ailleurs très habile, dans ce domaine : elle ne l’avait vu ni partir ni revenir, n’avait remarquer sa présence qu’au dernier moment, et sa concentration sur son combat avec Hanabi ne pouvait pas en être la seule explication.
- Zurui Kikaku n’est peut-être qu’un simple médico-nin, fit celle-ci. Mais il a au moins l’avantage d’être perspicace. Même moi, je n’aurais jamais deviné que tu puisses avoir un troisième enfant ! C’est que tu ne paraît pas du genre à être suffisamment bonne mère pour cela, vois-tu.
... Huh ?
Hinata cligna des yeux, interloquée. Bon sang, sa soeur était peut-être devenue une experte du Poing Souple et un capitaine d’équipe, mais le nouveau gouvernement de Konoha devait lui avoir grillé quelques neurones ! Dans cette seule réplique, elle venait de dévoiler lequel de ses ninjas était médico-nin, ce qui en faisait une cible de premier choix, le mépris qu’elle éprouvait à leur égard, et sa propre bêtise de ne pas avoir envisagé qu’il puisse y avoir plus d’enfants qu’elle n’en avait vu de ses propres yeux. Le « simple médico-nin » était sans aucun doute le véritable cerveau de l’équipe et celui qui leur sauvait la mise – et l’honneur.
Consternée, elle secoua la tête pour se concentrer de nouveau. Elle vit Hanabi faire un signe de main à un de ses ninjas, le grand trapu, pour qu’il s’approche. Lorsqu’il fut près d’elle, il se pencha et elle lui murmura quelque chose à l’oreille, sans lâcher Hinata du regard. Tendue comme un arc, celle-ci se prépara à esquiver une attaque, à déjouer un plan, ou n’importe quoi de ce qui aurait pu lui être chuchoté. Elle n’eut pas à attendre très longtemps, malheureusement. Pendant que le ninja reculait d’un pas et exécutait les signes d’une technique – qu’elle ne connaissait pas, bien sûr, cela aurait été trop facile – Hanabi bondit brusquement en avant pour l’attaquer. Elle voulait l’empêcher de gêner son shinobi dans sa manœuvre.
Pendant la fraction de seconde dont elle disposait avant d’être obligée d’éviter l’attaque de sa sœur, Hinata devina que si celle-ci voulait l’éloigner du ninja, la technique qu’il préparait ne lui était pas destinée. Et que si elle ne lui était pas destinée, elle l’était forcément pour les seules autres cibles potentielles présentes. Pas Takibi, elle était déjà hors combat.
Shun et Hagane. C’était eux qui étaient visés.
Hinata plongea sur le côté au dernier moment. Elle roula et reprit appui un peu plus loin, accroupie. Elle tourna vivement son regard vers le ninja trapu. Ou plutôt, l’endroit où il s’était tenu auparavant. En tout cas, il n’était plus là. Toujours au sol, elle força son byakugan à le débusquer, tout en s’appliquant à éviter les attaques d’Hanabi. Elle le localisa quelques mètres sous terre, creusant un tunnel vers le dôme protecteur qu’elle avait dressé. Vers ses enfants. « Merde ! » jura-t-elle en elle-même.
Elle se releva d’un bond et se précipita vers le bouclier, oubliant même qu’elle mettait Takibi en danger si elle faisait cela. Hanabi tenta de lui barrer la route mais elle la contourna sans lui prêter la moindre attention, comme si elle n’avait jamais eu aucune présence matérielle. Comme si elle n’avait plus aucune importance. Comme si elle n’existait plus. Le ninja dénommé Zurui se mit en travers de son chemin, lui aussi. Mauvaise idée. Zurui n’était pas sa sœur, et ne bénéficierait sûrement pas de la même attention. Elle arma ses paumes, sans daigner ralentir, et porta un coup sans même vérifier s’il avait bien porté. Personne ne pourrait l’arrêter, personne n’était assez fort pour l’empêcher de défendre sa famille.
Hinata le réalisait, maintenant. Seulement maintenant. Sa rencontre imprévue avec sa sœur, qu’elle n’avait pas vue depuis des années, l’avait secoué plus qu’elle ne l’avait pensé. Malgré ses enfants en danger, malgré qu’Hanabi soit maintenant son ennemie… Surtout maintenant qu’Hanabi était son ennemie. Elle était secouée, et le choc l’avait empêché de se battre à son niveau habituel. Elle s’était laissé abattre, s’était laissé emporter par la panique (pour ne pas changer. Il était des choses que l’on ne changeait pas avec le temps). Et maintenant qu’elle avait reprit ses esprits, elle s’apercevait – se souvenait ! – qu’elle était plus forte que sa petite sœur. Beaucoup plus forte. Et Takibi, pour qui elle n’avait plus osé faire le moindre geste sous prétexte qu’elle était retenue en otage, ne risquait rien. N’avait jamais rien risqué, puisqu’ils la voulaient vivante.
Eux, et leur semblant de vanité…
Ils étaient insignifiants et ridiculement faibles.
Rien ni personne ne pouvait l’empêcher d’aller secourir sa fille et son fils.
Hinata était plus forte que sa sœur, plus forte que n’importe lequel de ses ninjas. Mais elle avait beau être infiniment plus puissante qu’eux… Les ninjas de Konoha étaient des spécialistes en ce qui concernait l’esprit d’équipe. Ils étaient entraînés en ce sens depuis qu’ils avaient appris à se servir d’un kunai. Et trois shinobis combattant de front, ensemble, étaient une tout autre paire de manche que de se confronter à un seul d’entre eux.
Cela aussi, elle aurait du s’en rappeler.
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Hagane regarda sa mère se précipiter vers eux, sans comprendre. Elle avait bien vu le ninja disparaître sous terre, mais…
- Hagane ! s’exclama Shun. Active ton byakugan !
Sursautant, elle fit ce qu’il disait en se réprimandant elle-même. Elle aurait pu y penser. Elle aurait du y penser, bon sang ! Elle n’eut pas le loisir de se lamenter davantage car elle s’aperçut que le shinobi-taupe se dirigeait vers eux. À toute vitesse. Elle se tendit, se crispa. Sa mère n’arriverait jamais à temps. Vite, prévenir son frère, avant qu’il ne passe à l’attaque.
- Shun ! Il vient vers nous… !
- J’avais compris !
Connard.
Tâchant d’oublier la douleur de ses bras, elle se prépara nerveusement à se défendre. Le bouclier de sa mère ne les protégeait pas des attaques venant du sol, sinon elle n’aurait peut-être même pas sourcillé en voyant son ennemi disparaître de son champ de vision. Shun avait tiré ses sabres courts de leur fourreau et scrutait le sol, incertain, ne sachant pas où le ninja apparaîtrait exactement. Hagane devait le forcer à remonter à la surface, ou bien son frère ne tiendrait pas longtemps face à un adversaire invisible.
Le premier assaut vint sous la forme d’un roc propulsé du sol, aussi gros que la tête boursouflée d’orgueil de Shun, et presque aussi rapide que lui lorsqu’il était lancé à pleine vitesse. Comme un boulet de canon tiré depuis les profondeurs de la terre, laissant un trou béant dernière lui. Il traversa la parois de chakra (« Pourquoi est-ce qu’il peut la traverser, lui !? ») et retomba quelques mètres plus loin, projetant de la terre un peu partout à l’atterrissage, encore fumant de vitesse.
Un bref coup d’œil vers sa mère lui informa qu’elle s’était fait interceptée par les ninjas, et qu’elle ne pouvait donc pas leur venir en aide. Pire, le bouclier protecteur qu’elle avait dressé pour les protéger se transformait en véritable guêpier, les piégeant dans un étroit périmètre sans qu’ils puissent s’en échapper. Elle frissonna. Elle détestait plus que tout être enfermée.
Plusieurs projectiles suivirent le premier, et si Hagane n’eut aucun mal à les éviter grâce à son byakugan, ce n'était pas le cas de Shun qui manquait de justesse de finir écrasé à chaque nouveau tir. Elle tenta de l’aider en lui indiquant les emplacements où apparaîtrait le prochain tir, mais cela ne faisait pas beaucoup d’effet. Elle perdait patience. La vie de son frère ne tenait qu’à un fil, là ! Décidant que la comédie était terminée, elle joignit ses mains et forma un sceau. « Putain ! Ça fait mal ! » jura-t-elle en sentant ses bras la rappeler à l’ordre.
- Clonage de l’ombre !
Avec le nuage de fumée caractéristique de la technique, quatre autres Hagane apparurent sous la coupole. Elles se répartirent en cinq points réguliers tout autour du périmètre délimité par le bouclier, presque collées aux parois bleutées. Les cinq Hagane formèrent un autre sceau – « Aaaïe ! » – parfaitement synchronisées, pendant que Shun dansait toujours avec les rochers.
- Technique du Filet Venteux !
Elles plaquèrent chacune les mains au sol et le chakra du Vent s’infiltra sous terre. Avec le byakugan, Hagane suivit les cinq traits coupants se rejoindre au centre du cercle qu’elles formaient, sous le ninja enterré. Les traits s’étirèrent et se transformèrent en filet, telle une toile d’araignée géante qui piégeait le shinobi comme une mouche. Nouvelle injonction de chakra et le filet commença à rétrécir, à remonter vers la surface. La Taupe avait tout intérêt à se manifester si elle ne voulait finir découpée en morceaux par le Filet Venteux.
Les tirs de roche avaient cessés. Le ninja avait du se rendre compte que quelque chose clochait. Surtout quand le Filet lui avait frôlé les orteils (Hagane était sûre qu’elle avait réussi à lui en trancher quelques uns). Elle l’observa remonter à la surface méthodiquement, en procédant par impulsions régulières de chakra. L’avantage d’avoir placé ses clones – et elle-même – près des parois était que son ennemi ne pouvait pas émergé ailleurs qu’à l’intérieur du bouclier. Le piège s’inversait à leur avantage. Celui qui réussirait à tenir Hagane-la-Tête-de-Plomb prisonnière n’était pas encore né.
Shun avait arrêté de tournicoter à tors et à travers depuis qu’il ne risquait plus de se prendre un rocher en pleine tête. Il se rangea à côté d’elle (comment diable faisait-il pour la distinguer de ses clones ? Il avait à peine prit le temps de les regarder !) et fixa l’endroit où leur ennemi devait apparaître (ça, c’est elle qui le lui avait dit, tout de même), se tenant prêt à attaquer. Hagane se chargerait de maintenir le Filet sous la surface du sol pour que leur adversaire ne s’enfuie pas avec une nouvelle technique de Terre. Si l’on comptait qu’elle devait aussi s’occuper de sa propre sécurité – bien qu’elle n’accordât qu’une fraction de seconde de réflexion à cette éventualité – Shun serait le seul à pouvoir frapper. Il avait une fois de plus le beau rôle de l’histoire, mais elle ne s’en faisait pas pour son ego : sans elle, il serait déjà mort.
Leur adversaire surgit finalement, juste à temps pour ne pas se faire réduire en charpie par le Filet. Comme prévu, elle le maintint sous la terre, à la fois parce que c’était moins fatigant de le faire reposer sur une surface matérielle, et aussi parce que si la Taupe était suffisamment stupide pour replonger en croyant qu’elle l’avait retiré, ils se débarrasseraient d’un ennemi sans risquer leur peau. Elle ne croyait pas vraiment à cette hypothèse, cela dit, le ninja n’ayant pas exactement l’air de quelqu’un d’imprudent ou de naïf.
Shun n’avait jamais rengainé ses sabres, même lorsqu’il avait faillit se faire écraser par les rochers. Il était prêt à charger. Et c’est ce qu’il fit, sa garde en position d’attaque bien en place lorsqu’il bondit vers le ninja. Il tenta de l’atteindre au cou avant qu’il n’ait eut le temps de sortir complètement de son trou. Raté. Il avait sauté, vif comme l’éclair. Hagane peinait à croire qu’un corps aussi grand et aussi massif puisse se déplacer aussi rapidement. Mais Shun avait d’autres ressources. Il se calcula rapidement la trajectoire de son ennemi et se plaça à l’endroit où il devait retomber. Il se ferait embroché sur les sabres courts à l’arrivée.
Hagane ne sut jamais comment la Taupe parvint à éviter ce coup-là, mais c’était bien la dernière de ses préoccupations du moment. De l’autre côté du bouclier, sa mère était aux prises avec les trois autres ninjas qui virevoltaient autour d’elle comme des abeilles tueuses. Et elle ne parvenait visiblement pas à s’en défaire. Son kimono était déchiré et tâché de sang à plusieurs endroits. Les tâches rouges formaient des auréoles qui contrastaient péniblement avec le blanc pur du vêtement. Pendant un instant, Hagane croisa le regard de sa mère. Un instant si court qu’elle douta que cela se fut vraiment produit. Un regard semblable à une ombre furtive qui paraissait, puis disparaissait, tel un fantôme indécelable. Et ce regard qu’avait eu sa mère, ce regard si mortellement sérieux, si profond, ne pouvait signifier qu’une chose.
Ils devraient se débrouiller sans elle s’ils voulaient parvenir à s’enfuir de la Vallée.
Sans elle.
Elle accepta cette réalité en même temps qu’elle la réalisa. Une vérité qui la frappa comme un coup de tonnerre. Comme un tunnel obscur que l’on éclaire soudainement d’une lumière vive. Elle ne tenta pas de se voiler la face, ni de rejeter l’évidence. À quoi bon, après tout. Elle essaya de réfléchir à ce qu’elle devait faire. Et d’ignorer à quel point ses bras la faisaient souffrir, d’ignorer que Shun perdait peu à peu du terrain face à son adversaire, d’ignorer que sa mère était en train de livrer son dernier combat. Son dernier combat. Elle devait réfléchir. Elle devait récupérer Takibi pendant que leurs ennemis étaient occupés. Non, d’abord elle devait trouver le moyen de sortir du bouclier. Et faire en sorte que Shun puisse s’échapper, lui aussi. Et se débarrasser de la Taupe. Et…
Et elle ne savait plus. Elle ne savait plus – n’avait jamais su – par où commencer. Elle ne savait pas si sa mère se chargerait elle-même du bouclier une fois qu’elle aurait commencé à bouger, ou si elle devait elle-même trouver une solution pour en sortir. Elle ne savait pas comment elle pouvait aider son frère à éliminer leur ennemi, si elle pourrait le faire avant qu’il ne se fasse tuer ou capturer. Elle ne pouvait même pas vérifier si sa petite sœur était encore vivante.
Elle ne savait pas par quoi commencer. Elle n’arrivait pas à choisir. Elle ne voulait pas choisir. Choisir entre sa vie et celle de Shun, ou celle de Takibi, ou celle de sa mère. Elle n’avait jamais été capable de faire un choix de cette ampleur. Si elle l’avait été, elle serait partie depuis longtemps de la Vallée du Démon, quitte à creuser elle-même un passage dans les montagnes. Ou alors elle aurait définitivement abandonné cette idée et serait resté bien sagement chez elle, à attendre que la vie s’écoule. Son indécision. Un des rares points communs qu’elle partageait avec sa mère. Celui qu’elle aurait préféré éviter.
Elle déglutit et regarda son frère. Son frère reculer, perdre, plier, devant son ennemi. Elle regarda sa sœur, inconsciente et vaincue par plus puissant qu’elle. Elle regarda sa mère tournoyer au milieu de ses adversaires. Elle se souvint du regard qu’elles avaient partagé. Ce regard si bref qu’il en était presque fictif.
Pour une fois dans sa vie, elle devait se résoudre à prendre une décision. Et arrêter de se laisser tirailler entre plusieurs options en laissant faire le hasard. Arrêter de se plaindre et de se faire passer pour une incomprise.
Pour une fois, elle devait arrêter de fuir.
Elle respira profondément. Pour essayer de se calmer, pour se concentrer, pour profiter de son dernier répit avant d’agir pour de bon, et pour prendre son élan. Son élan avant le grand saut. Son élan avant de tourner une page de son histoire.
Elle coupa net le Filet Venteux. Ses quatre clones disparurent et elle bondit sur ses pieds. Il n’était plus question de faire marche arrière, à présent. En la voyant annuler sa technique, Shun et l’autre ninja durent cesser de combattre pendant un court instant. La Taupe sauta brusquement en arrière pour se mettre hors de portée de son adversaire et la fixa, méfiant, afin d’essayer de déterminer si elle allait attaquer. Shun, lui, devina immédiatement qu’elle ne prendrait pas part au combat. Il la connaissait trop bien. Trop bien pour ne pas voir que ses yeux n’étaient plus les mêmes. Pour ne pas voir qu’elle n’était plus la même. Ils se connaissaient trop pour ne pas remarquer tous les changements qui s’opéraient en eux, tout au long de leur vie. Son frère jumeau ne pouvait pas être passé à côté de ça.
Hinata aussi avait remarqué son mouvement. Sans doute le guettait-elle depuis qu’elle avait croisé le regard de sa fille. Elle se contorsionna comme un chat et parvint, par un quelconque miracle, à échapper à ses assaillants. Elle fut près du bouclier en quelques foulées, pendant lesquelles elle effectua quelques sceaux. Elle apposa ses mains sur le rempart de chakra et le fit disparaître. Il se volatilisa comme s’il n’avait jamais existé. Ils étaient libres. L’instant d’après, Hinata était à nouveau engagée dans le combat.
Hagane se mit à courir avant que la Taupe ne reprenne ses esprits et ne décide de s’intéresser à elle, et Shun fit pareil de son côté. Elle se dirigea à pleine vitesse vers Takibi et l’attrapa au vol en passant à côté d’elle, ne ralentissant qu’à peine. Tout en continuant à courir, elle la hissa sur une épaule, puis jeta un coup d’œil vers son frère. Il la suivait. Le shinobi aussi. Merde.
Elle entreprit de se repérer par rapport au paysage, et s’aperçut bientôt qu’ils n’étaient pas très loin du ruisseau par lequel étaient passés les ninjas. Même pas besoin de réfléchir. Elle tourna brusquement, presque à angle droit et en dérapant sur les aiguilles de pin, et accéléra. Elle avait trouvé leur sortie de secours.
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Hagane ne le lui avait pas dit, mais Shun savait où ils allaient. Bien sûr. Il savait aussi pourquoi ils y allaient. C’était évident. Et il trouvait même que c’était une excellente idée. Vraiment. Par contre, il était encore indécis à propos de la provenance de ce mauvais pressentiment. Ce pressentiment qui le taraudait depuis qu’ils étaient sortit du bouclier. En y réfléchissant bien, il venait peut-être du shinobi qui les poursuivait sans relâche depuis qu’ils avaient commencé à courir. Ou du fait qu’il n’arrivait pas à distinguer si Takibi respirait encore ou non, sur l’épaule d’Hagane. Ou bien d’avoir abandonné sa propre mère aux prises avec trois agresseurs, dans un combat dont l’issue ne laissait pas même l’ombre d’un doute. Ou encore de la lueur nouvelle dans les yeux de sa sœur jumelle. Cette lueur qu’il n’avait encore jamais vue chez elle. Cette lueur dont il ne parvenait pas à savoir si elle représentait un changement positif ou négatif.
Le ninja l’avait blessé aux jambes et il n’arrivait pas à courir aussi vite qu’à l’accoutumée. Sinon, il aurait déjà collé une sœur sous chaque bras et distancé leur poursuivant depuis longtemps. Il n’avait encore jamais été blessé aux jambes. C’est qu’il en prenait un soin fou, de ses jambes. Sans ses jambes, il ne pouvait plus courir, et s’il ne pouvait plus courir, il souffrait encore plus que s’il était privé de sa chasse au trésor quotidienne. C’était assez désagréable comme sensation. Le plus pénible était sans aucun doute les spasmes de douleur réguliers qui émanaient de ses plaies. Horrible. Presque autant que d’avoir laissé Hagane s’emparer de la direction des opérations.
Il se secoua. La douleur lui faisait sûrement perdre la tête pour qu’il pense à des choses pareilles dans un moment… pareil. Il n’avait jamais supporté la douleur. Pas comme la Tête-de-Plomb qui allait s’écorcher joyeusement sur les rochers tous les jours. Elle poussait même jusqu’à se balader pieds nus ! Non, vraiment, il n’aimait pas du tout la douleur. D’ailleurs, il ne comptait plus les fois où elle l’avait traité de chochotte. Ou de fillette. Ou de pédale. Ou de…
Il perdait vraiment la boule. Heureusement qu’Hagane était là pour le guider, parce qu’il ne savait même plus où ils allaient. Ni pourquoi. Il voyait flou. Il ne distinguait plus que la masse de cheveux blonds de sa sœur, qui courait devant lui. Sa longue et lourde chevelure, qui lui tombait jusqu’aux reins. Presque aussi longue que celle de leur mère. En se concentrant, il pouvait même distinguer les deux rubans de cuir brun de son bandeau, entremêlés dans les mèches blondes. Blondes. Comme le soleil. Le soleil de midi. Éblouissant.
Les rubans n’étaient pas aussi longs que ses cheveux. Ils étaient moitié moins longs. Ils étaient bruns. Comme son jinbei. Comme les arbres. Il aurait bien aimé avoir des cheveux comme les siens, lui aussi. Mais ça n’était pas possible. Pas possible. Parce que sa sœur n’était pas sa sœur. Leurs parents ne lui en avaient jamais vraiment parlé, mais ils ne le lui avaient pas caché non plus. Qu’il n’aurait jamais pu avoir de cheveux blonds. Blond soleil.
Il continua à courir. De toute façon, c’était courir ou crever. Il s’était souvent dit qu’il préférait mourir plutôt que de sacrifier sa fierté. Peut-être qu’il s’était trompé. Mais il en doutait. Sérieusement.
Il avait mal.
Mal aux jambes. Mal au cœur. Mal à l’orgueil.
Mal. Partout.
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Shun ne savait plus comment il s’était retrouvé là. Allongé à côté de Takibi, près d’un ruisseau. Sur une berge qu’il ne connaissait pas. Trempé jusqu’aux os. Ses pieds étaient encore dans l’eau. Il ne savait plus s’il y était arrivé par lui-même ou si quelqu’un l’y avait amené. Il ne le savait plus.
Il ne le savait plus, et il s’en fichait royalement. Parce qu’il avait enfin retrouver ses esprits, malgré la douleur qui le transperçait. Parce qu’il venait de comprendre d’où venait son pressentiment de tout à l’heure.
Parce que le shinobi qui les poursuivait n’était nulle part en vue.
Et Hagane non plus.
… à suivre…
J'ai failli oublier de poster un chapitre cette semaine... ça finira bien par rentrer, à force d'habitude. J'ai encore eu la flemme de tout relire pour corriger les fautes. Tant pis. Mais le passage du combat entre Hinata et Hanabi aurait quand même mérité un petit remaniement, il est un peu trop maladroit à mon goût. Re-tant pis, comme ça c'est plus naturel.
À la semaine prochaine pour le chapitre six, donc. :)
Mizore