Je t'aime moi non plus
Je n’ai quasiment rien avalé au petit déjeuner. Le repas d’hier soir pèse encore sur mon estomac. Il va falloir que je me pose des limites sinon je vais vite prendre du poids avec ces mets délicieux. J’aimerai aller courir pour dépenser le surplus de calorie et me vider la tête mais ma tante a prévu de m’emmener faire des achats. Je la retrouve dans l’allée en train de parler avec le chauffeur. Elle se retourne en m’entendant descendre les escaliers du perron.
- Sakura, tu arrives à point nommé. Je revenais juste de la banque.
Elle s’approche de moi en fouillant dans son sac à main de luxe. Elle sort son porte-monnaie et me tend une carte bancaire dorée.
- Voilà ta carte bleue. C’est la même que la mienne, n’ai pas peur de dépenser je doute que tu arrives à atteindre les bénéfices de Sakumo en dépense.
Je suis tellement hébétée que ma bouche refuse de se fermer. Ma tante rigole en me mettant la carte dans la main. Je baisse le regard et admire les paillettes dorées. J’ai la sensation qu’elle me brûle les doigts. J’essaie de reprendre contenance et tend la carte vers ma tante. Elle fronce les sourcils pendant que je balbutie :
- Tsunade, c’est beaucoup trop je n’ai pas besoin de ça.
- Je n’accepte aucun refus.
Sur ces mots elle referme ma main tenant la carte avec les siennes et sourit à nouveau.
- Tu es l’enfant de cette maison, c’est normal que tu aies de l’argent de poche.
- Mais ce n’est pas seulement de l’argent de poche, m'emportait-je, il s’agit de tout votre argent !
- Tu es suffisamment responsable et je te fais confiance. De toute manière même si tu t'achètes une voiture tous les jours tu n’arriveras pas à sécher notre compte.
Elle hausse les épaules avant de poursuivre :
- J’ai déjà dépensé beaucoup sans que cela ne se voit alors ne te prive pas et fais toi plaisir.
Je secoue la tête, complètement sonné.
- C’est beaucoup trop d’argent…
Ce que je dis contrarie Tsunade, elle fronce de nouveau les sourcils alors je me reprends :
- Je veux dire, merci ! Je ne sais pas si je vais beaucoup m’en servir par contre.
Tsunade retrouve le sourire avant de me serrer la main.
- Tu sauras vite t’en servir je t’assure.
La rue dans laquelle le chauffeur nous a déposés offre des boutiques de toutes les sortes sur une longue allée. Tsunade respire un grand coup en sortant de la voiture puis sourit. Elle a l’air de beaucoup apprécier faire les magasins, ce qui n’était pas le cas de ma mère.
- On va commencer par aller t’acheter le nécessaire pour les cours, le magasin n’est pas très loin.
On passe devant quatre boutiques avant de rentrer dans le magasin de fourniture. Tsunade charge les bras du chauffeur de cahiers, feuilles, classeurs. Je suis consciente que c’est pour moi mais je reste indifférente à la situation et attend simplement la fin. Après avoir payé, ma tante demande au chauffeur d’aller mettre le matériel en voiture puis se tourne vers moi.
- Maintenant il faut qu’on aille prendre tes mensurations pour ton uniforme. Je connais la gérante, ça ne devrait pas prendre trop de temps, tu auras ton uniforme pour la semaine prochaine.
- L’uniforme est obligatoire ? ronchonnait-je.
- Malheureusement dans cette école oui, mais tu verras il est beau, tu seras à croquer dedans.
Je ne relève pas, plutôt mal à l’aise. Ce qui me dérange dans les uniformes c’est plutôt l’impression que ça donne de ressembler à tout le monde. Mais après tout ce n’est peut-être pas plus mal que je ne me fasse pas remarquer dès mon arrivée. Avec un peu de chance les étudiants de cette école de riche ne remarqueront pas ma différence.
- La boutique est plus loin dans la rue, j’ai quelques achats à faire ici, ne t’éloigne pas trop.
Elle me montre un magasin de vêtements d’une grande marque. Elle a raison de ne pas me laisser entrer avec elle, j’ai l’air d’une pouilleuse dans mon jean usé et mon t-shirt rouge acheté dans un marché. Mes baskets blanches, que je traîne depuis 2 ans, sont décolorées et jaunies. Ma tante est tellement classe en comparaison dans son tailleur blanc. Je ferais mieux d’aller me cacher ailleurs plutôt que de rester devant la devanture de ce magasin de marques. Par chance j'aperçois une librairie deux magasins plus loin.
- Je vais t’attendre là-bas, dis-je en pointant la librairie du doigt.
Tsunade suit mon doigt du regard avant d’hocher la tête.
- Je ne devrais pas en avoir pour longtemps, à tout de suite.
Je lui fais un signe de la main avant de me diriger vers la librairie. Avant de rentrer, je regarde les livres exposés à travers la vitre. La section “nouveauté” comporte 5 rangées de livres et j’aperçois la suite de ma lecture en cours. Je vois aussi quelques autres romans d’amour dans le lot. Je suis heureuse en touchant la carte de crédit dans ma poche, fini les lectures clandestines dans les rayons des magasins ! Je cours presque vers la porte sans faire attention à ce que quelqu’un sorte à ce moment-là. Ma tête se cogne contre le blouson en cuir de l’homme face à moi. Je recule en me tenant le front, c’est assez embarrassant.
- Fais attention, dit l’homme d’une voix sèche.
Il époussette sa veste comme si le fait d’avoir eu un contact physique avec moi lui avait mis de la saleté. Mon embarras fait place à de la colère.
- Je suis désolée, assénait-je avec sarcasme.
L’homme hausse un sourcil face au ton que j’ai employé et me détaille de ses yeux noirs. Je le fixe à mon tour sans me laisser déstabiliser malgré qu’il soit au moins 40 cm plus grand que moi. Il avait l’air d’avoir à peu près mon âge. De si près je peux voir tous les détails de son visage fin, sa peau blanche fait ressortir ses yeux noirs et ses cheveux ébène. Deux mèches sont plus longues sur l’avant, encadrant son visage d’une parfaite symétrie. Je n’ai jamais vu un visage avec aussi peu d’imperfection, il était bel homme je devais bien me l’avouer. Quel dommage que ce beau visage me regarde si froidement à cet instant.
Après avoir fini de me détailler, il affiche un sourire moqueur et un regard qui en dit long. Il était en train de me prendre de haut. J’ai envie de lui faire ravaler son sourire quand il se désintéresse de moi et me contourne dans une démarche qui respire la confiance en soi. Son jean troué aux genoux épouse ses mouvements à la perfection et ses bottes en cuir tape le sol à mesure qu’il s’éloigne de moi. Il se met une paire de lunettes de soleil sur le nez et même si son attitude me met hors de moi, il a vraiment la classe. Mais je ne vais pas le laisser me prendre de haut comme ça. Je rassemble le peu de courage que j’ai et lui lance :
- Crétin !
Avant de m’enfuir dans la librairie par peur des représailles.
A travers la baie vitrée je le voie se retourner vivement et revenir sur ses pas. Mon courage envolé fait place à la peur et je cherche un endroit où me cacher. Je contourne plusieurs étagères quand j’entends la porte s’ouvrir à nouveau. En jetant un œil en direction de l’entrée, je constate qu’il va chercher à l’opposé, vers la section “langues étrangères”. C’est ma chance, je me précipite vers la porte avant qu’il fasse demi-tour. Je ne m’arrête pas de courir avant de rentrer dans la boutique de vêtements où ma tante fait ses achats. Avec un peu de chance il ne pensera pas que je puisse rentrer dans ce type de magasin vu mes fringues. Je m’en veux de m’être laissé emporter, je me retrouve dans un magasin ou je n’ai visiblement pas ma place vu le regard que m'envoient les vendeuses.
- Sakura, tu as déjà fini ?
Je me tourne vers ma tante qui est complètement interloquée. Les vendeuses, quant à elles, arrêtent de me dévisager avec dédain à l’arrivée de Tsunade.
- Il n’y avait rien d’intéressant alors j’ai préféré te rejoindre, dis-je en haussant les épaules.
J’espère qu’elle ne voit pas le mensonge dans mes yeux ou mon essoufflement dû à ma course poursuite. Je n’ose d’ailleurs pas me retourner en espérant que si je ne le vois pas il ne me voit pas non plus.
- Tu tombes bien, je voulais te faire la surprise en t’achetant cet ensemble mais en fait je ne connais pas ta taille.
Elle semble gênée que sa surprise soit gâchée. Je constate qu’elle a choisi un ensemble avec goût. Je m’imagine déjà portant ce chemisier blanc ouvert sur le devant avec deux rubans. Le pantalon noir taille haute à l’air sexy également.
- Merci, dis-je touchée, ça à l’air d’être ma taille, j’ai hâte de les porter.
- Alors en cabine ma chérie.
Après avoir acheté nos vêtements, nous sortons de la boutique et marchons en direction de celle pour mon uniforme scolaire. Je ne peux m'empêcher de scruter toutes les personnes que l’on croise de peur de voir le visage du brun. Je lâche un soupir de soulagement en arrivant devant la boutique, il a sûrement laissé tomber la poursuite.
- Tsunade, c’est ta nièce ?
Une femme d’âge mûre se dirige vers nous, il doit s’agir de la gérante.
- Je te l’amène pour prendre les mesures.
Elles se parlent chaleureusement, peut-être sont-elles proches. La gérante se tourne vers moi avec un sourire qui creuse encore plus les rides sur ses joues.
- Très bien jeune fille, suis-moi.
Je la suis sur le devant de la boutique, la baie vitrée à ma gauche m’embarrasse me mettant à la vue de tous les passants. Je surveille que personne ne me remarque pendant que la gérante me passe un mètre autour de la cuisse gauche. Après avoir pris les mesures de mes hanches, poitrine et bras, elle s’exclame fièrement.
- Nous avons là une taille standard. Je suis sûr d’avoir un uniforme en stock, je vais vérifier.
Tsunade semble ravie de cette nouvelle, et je ne sais pas si je dois me sentir offensé d’être quelqu’un de “standard”. C’est vrai que je suis plutôt fine et mon bonnet B ne me met pas en valeur mais quand même. La gérante revient avec un uniforme rouge et gris qu’elle me demande d’aller essayer. J’enfile d’abord la jupe grise qui m’arrive un peu au-dessus du genou, elle frotte sur mes hanches et la sensation est agréable. Après avoir enfilé la chemise blanche et le veston rouge je sors de la cabine.
- Je m’en doutais, la taille est parfaite, s’exclame la gérante.
- Sakura va te regarder dans le miroir.
Tsunade me montre le miroir face à la place ou je me tenais pour les mesures. L’image que me renvoie le miroir est celle d’une étudiante plutôt séduisante. Le veston met en valeur ma taille fine, mes cheveux roses tombent jusqu’à ma poitrine et leur couleur ressort encore plus en contraste avec le rouge de ma veste. Je souris à mon reflet, complètement satisfaite du résultat. A ce moment, je tourne le regard en direction de la rue et croise des yeux noirs qui me fixent à travers la baie vitrée. L'inconnu brun est face à moi, les bras croisés et sourit de satisfaction. Je me pétrifie face à lui, n'ayant plus nulle part où fuir. Tandis que mon cerveau imagine mille façons dont il pourrait se venger, l’inconnu décroise les bras sans se dévêtir de son sourire et s’éloigne dans la rue.