Une annonce de paternité

Chapitre 4 : Chapitre IV

Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/11/2016 20:50

Chapitre IV

 

 

 

 

 

Le coeur battant d'impatience, la jeune femme s'engouffra dans l'escalier qui menait au fief de Shino. L'immeuble était vieux, sombre et il y régnait une odeur bien particulière, un mélange de fumée de cigare accumulée depuis des années et des émanations des produits utilisés dans le salon de coiffure en bas.

Avec un sourire amusé, Sakura se remémora sa déception lorsque, toute jeune avocate, elle était venue ici pour la première fois. Elle qui, dans sa naïveté, s'était attendue à un immeuble ultramoderne avec d'épaisses moquettes en laine et un détective aussi séduisant et viril que les héros des séries télévisées ! Très bien, Shino n'est pas laid loin de là. Seulement, elle s'attendait à voir une vrai bombe ! Alors, quel choc lorsqu'elle avait pénétré dans le petit bureau encombré ou le maître des lieux, un individu avec des lunettes de soleil, toujours remplis d'insectes autours de lui et mâchonnait un cigare en fixant sur l'arrivante un regard morne et désenchanté ! Pendant tout le temps ou la jeune femme lui avait exposé son problème, il s'était contenté de ponctuer ses explications par des grognements tout à fait incompréhensibles...

Sakura était repartie furieuse, persuadée qu'elle n'entendrait plus jamais parler de lui. Or, quelques jours plus tard, il l'avait appelée pour lui livrer d'une voix impassible le résultat de son investigation : l'homme sur qui portait l'enquête menait depuis plusieurs années une vie de parfait  bigame, avec deux identités, deux épouses, deux villas et des enfants dans chaque foyer ! La presse s'était emparée aussitôt de cette incroyable histoire et c'était ainsi que Sakura avait acquis une certaine notoriété... Depuis lors, elle avait placé en Shino Aburame une confiance qu'il n'avait jamais déçue.

Lorsque Sakura poussa la porte vitrée, elle trouva les pieds balancés sur le bureau, son éternel cigare à la bouche.

- Ah ! Vous voilà, vous, grommela-t-il sans s'embarrasser de manières. Vous tombez bien. Je viens de terminer le rapport que vous avez commandé sur le dénommé Uchiwa.

Il tendit à la jeune femme une photo découpée dans un journal.

- Tenez, le voici en personne, votre M. Uchiwa. Il est très beau garçon, n'est-ce pas ? Votre cliente n'a pas de chance. Aucune femme sensée ne songerait à divorcer d'un homme pareil.

Sakura ne put s'empêcher de sourire, ravie de ce jugement ! Sur le cliché on voyait Sasuke en maillot  à la proue d'un voilier, brandissant fièrement une coupe.

- En effet, il est assez séduisant, aquiesça-t-elle avec une feinte indifférence. Parlez-moi un peu de lui, monsieur Aburame. Il fait de la voile, de toute évidence. Mais encore ?

- C'est un amateur de sensations fortes, semble-t-il. Il a piloté son propre avion, s'est essayé à la compétition automobile. Mais depuis la mort de son père, il a abandonné toutes ses activités sportives pour se consacrer presque exclusivement à son travail.

Shino se tut pour compulser ses notes et entreprit de les lire à voix haute avec une lenteur qui mit la jeune femme à la torture.

- Voyons... Sasuke Uchiwa, le troisième du nom. Age trente-quatre ans. En aura trente-cinq le dix mars prochain.

Parfait, approuva Sakura en silence.

- Né à Konoha. Scolarité élevé.

- Très bien. Continuez, monsieur Aburame, l'encouragea-t-elle, sans parvenir à dissimuler sa curiosité.

- Voyons... Son père est décédé il y a deux ans. Sa mère, Mikoto, soixante-cinq ans, vit à Suna. Il a un frère, Itachi, marié avec deux enfants et établie à Kiri.

Ainsi Sasuke avait été conçu lorsque sa mère avait trente ans, calcula la jeune femme avec un sourire en coin. C'était plutôt bon signe !

- ... Simon, lui, est resté célibataire, poursuivit Shino d'un ton monocorde avant de s'interrompre net.

Il décocha à Sakura un regard interrogateur.

- Je me souviens maintenant que ce cas m'a intrigué. Comment ce Uchiwa peut-il se séparer de qui que ce soit s'il n'a jamais épousé personne ?

Sakura arqua un sourcil.

- Souvenez-vous ne notre pacte, monsieur Aburame. Je ne vous demande pas comment vous obtenez vos informations et vous ne posez pas de questions sur la façon dont je les utilise.

- C'est juste, bougonna-t-il, manifestement déçu. Ou en étais-je ? Ah oui... Pas de scandales particuliers dans sa vie sentimentale. C'est un individu plutôt sérieux, apparemment. Il a beaucoup fréquenté une femme il y a quelques années mais elle est mariée à présent avec un autre. Ses affaires l'accaparent, semble-t-il.

- C'est justement ce dont je voulais m'enquérir. Quelle est donc cette société qu'il dirige ?

Shino qui s'était nonchalamment balancé sur sa chaise jusqu'ici, se leva d'un mouvement solennel et se pencha vers elle par-dessus son bureau.

- C'est là que notre homme devient intéressant, annonça-t-il d'un air mystérieux en lui soufflant au visage la fumée de son cigare.

Sakura toussota en agitant la main devant ses yeux mais ce signe de protestation passa, bien tentendu, complètement inaperçu.

- Dépêchez-vous, monsieur Aburame, pour l'amour du ciel, l'exhorta-t-elle, excédée par ce suspense.

D'un geste emphatique, il pianota du bout des doigts sur la coupure du journal.

- Cet homme, Miss Haruno, vaut de l'or ! Et quand je dis de l'or, il ne s'agit pas de quelques modestes millions. M. Uchiwa est presque milliardaire, ma chère !

Abasourdie, Sakura détacha les yeux de la photo de Sasuke pour regarder Shino. Un milliardaire ! Elle comprenait mieux à présent pourquoi il avait paru amusé lorsqu'elle avait parlé de rémunération ! Et cela rendait d'autant plus étonnant le fait qu'il ait répondu à son annonce... Par curiosité, avait-il dit. Mmm... Bizarre. Mais elle avait beau se creuser la tête, Sakura ne parvenait pas à lui trouver un autre motif un tant soit peu logique.

- Comment se fait-il que Sasuke... je veux dire M. Uchiwa soit déjà en possession d'une telle fortune alors qu'il n'a que trente-quatre ans ?

- Il a repris l'entreprise familiale à la mort de son père. Il a su faire prospérer les affaires, en deux ans.

Sakura se leva pour arpenter le bureau d'une démarche nerveuse.

- Et dans quelle branche d'activité se situe-t-il ? s'enquit-elle, en se demandant s'il serait un riche diamantaire, un magnat du pétrole ou un armateur.

- Dans le mobilier pour enfants, précisa Shino d'un ton laconique.

Sakura s'immobilisa pour lui jeter un coup d'oeil incrédule.

- Des meubles pour enfants ? Devient-on milliardaire par ce biais-là ?

- Puisque je vous le dis, Miss Haruno ! Il les conçoit d'ailleurs lui-même pour la plupart. Il semble qu'il ait occasionné une petite révolution dans ce domaine. Vous vous souvenez peut-être de la publicité qui est passée à la télévision l'année dernière juste avant les fêtes de Noël ? Vous savez, ce robot surnommé Juka qui assemblait différents meubles à partir d'un nombre réduit d'éléments de base.

Afin de stimuler la mémoire de la jeune femme, Shino entreprit de déambuler dans le bureau, les jambes raides, comme un automate, en émettant de petits sons grinçants. Il avait plutôt l'air d'un pingouin, se dit Sakura en se retenant de pouffer.

- Cela me revient ! s'exclama-t-elle. "" Diks, le meuble qui grandit en même temps que votre enfant ! "".

- Bravo, c'est cela ! Voyons... Passons au raport médical, à présent. C'est bien la première fois que vous me demandez une chose pareille, cela dit. Est-ce que... ?

- Monsieur Aburame !

- C'est entendu, grommela-t-il. Je ne poserai aucune question. Votre Uchiwa est d'ailleurs en parfaite santé.

- Etes-vous formel, monsieur Aburame ? Avez-vous vérifié très srcupuleusement ? C'est important, vous savez.

- Miss Haruno ! Vous est-il arrivé une seule fois d'avoir à vous plaindre de mes services ? riposta-t-il d'un ton lourd de reproches. Je peux vous assurer qu'il a subi un examen complet pour une histoire d'assurance, il y a tout juste quelques mois. Et il a été testé, examiné, contrôlé des pieds à la tête.

- Aucune anomalie n'a été détectée, vous en êtes certain ?

- Je viens de vous le dire qu'il était en pleine forme ! Que voulez-vous de plus ? Un certificat signé directement de la main de son médecin traitant ?

Mais Sakura avait cessé d'écouter. Elle exultait ! Sasuke serait sans conteste le père rêvé ! Son esprit scientifique équilibrerait harmonieusement sa nature plus littéraire. Il était élégant, distingué sans être prédant et surtout... incroyablement attirant. S'il n'avait pas changé d'avis depuis leur entretien, Sakura serait mère dans moins d'un an...

- Vous avez été plus efficace que jamais, monsieur Aburame ! le complimenta-t-elle avec effusion.

Sakura se sentait des ailes ! Comme elle se levait d'un bond aprèd avoir salué Shino d'un signe de main, celui-ci s'éclaircit la voix.

- Euh... vous oubliez de me payer, Miss Haruno.

- Oh ! Mon Dieu ! Excusez-moi.

Elle se hâta d'établir un chèque et le lui tendit. Shino fronça les sourcils.

- Tiens... c'est beaucoup plus que ce vous me versez d'habitude. Et il est à débiter sur votre compte personnel et non pas professionnel.

Sakura lui décocha un sourire sibyllin.

- C'est exact. Vous êtes un très bon détective, monsieur Aburame.

- Mais vous n'avez pas l'intention de lâcher un mot de plus sur cette affaire, c'est bien cela ?

- C'est exact, monsieur Aburame... et ne vous dérangez surtout pas. Je connais le chemin. Au revoir !

Pour la première fois depuis une bonne dizaine d'années, Sakura dévala l'escalier quatre à quatre. Le coeur battant, elle s'immobilisa devant une cabine téléphonique. Puisque sa résolution était prise, autant appeler Sasuke sur l'heure pour fixer un nouveau rendez-vous ! Ce fut le jeune homme lui-même qui répondit. Elle prit une profonde inspiration :

- Allô ? Ici Sakura Haruno.

Pendant quelques secondes, ce fut le silence à l'autre bout de la ligne. Oh ! Seigneur, il m'a complètement oubliée ! songea-t-elle, mortifiée. C'est alors seulement que sa voix légèrement teintée d'ironie résonna à ses oreilles.

- Tiens, tiens... Vous vous êtes donc décidée, Sakura. Non pas sans accumuler les précautions, cela dit. Il semble que j'ai été l'objet d'une enquête tellement approfondie que même le F.B.I. n'aurait pas fait mieux.

Sakura tressaillit. Maudit Shino ! Lui qui avait coutume de vanter sa discrétion légendaire...

- Oh, c'était une simple formalité, balbutia-t-elle. J'espère que cela ne vous a pas trop perturbé.

- En vérité, ce soudain intérêt pour ma personne n'est pas passé inaperçu. Mon banquier a même téléphoné à ma mère pour essayer de savoir si je m'apprêtais à travailler pour la C.I.A. !

Sakura éclata de rire, heureuse qu'il prenne les choses avec tant d'humour.

- Eh bien, Sasuke, si mon offre vous intéresse toujours, vous pourriez peut-être passer à mon cabinet afin que nous discutions des modalités du contrat ?

De nouveau, il y eut un long silence. Il devait consulter son agenda, conclut-elle. Faites qu'il puisse se libérer dans les jours qui viennent ! Elle avait préparé tous les papiers et Sasuke n'aurait plus qu'à signer. Ensuite... ensuite, il verraient bien comment ils s'organiseraient, se dit-elle, les joues en feu...

- Etes-vous dans votre bureau ?

Sakura sursauta.

- Euh non... je suis en ville. J'avais une petite affaire à régler. Je...

- Parfait, l'interrimpit-il. Dans ce cas, j'aimerais autant que vous passiez ici. Je serai disponible dans une demi-heure.

- Mais ce n'est pas possible ! protesta-t-elle, décontenancée. Je n'ai pas le contrat sur moi.

Il lui sembla entendre un rire étouffé à l'autre bout du fil.

- Je ne suis pas certain que nos transactions aient atteint ce point d'aboutissement, observa-t-il d'un ton sibyllin. Avez-vous l'adresse de ma société sur vous ?

- Eh bien oui, mais...

- Parfait. A tout de suite alors, trancha-t-il en raccrochant.

 

 

 

 

Eberluée par sa propre docilité, Sakura se vit héler un taxi et donner l'adresse de Sasuke. Tandis que le véhicule avançait au pas, ralenti par les embouteillages de fin d'après-midi, la jeune femme eut tout le loisir de méditer sur le phénomène bizarre qui l'avait conduite à obtempérer aussi facilement ! Ce Sasuke Uchiwa était, sans conteste, doué d'une autorité naturelle dont il lui faudrait se méfier comme de la peste...

Troublée, elle appuya le front contre la vitre. Ils empruntaient à présent une allée tranquille bordée de sycomores dans un des quartiers anciens de la ville. Sakura fut agréablement surprise par le bâtiment en brique de style colonial qui abritait les bureaux de Sasuke. Aucun rapport avec les constructions laides et sans âme qui poussaient comme de vilains champignons dans les banlieues industrielles !

Sous le charme, Sakura pénétra dans un vaste hall d'exposition ou des meubles aux formes ingénieuses avaient été disposés et regroupés pour former des chambres d'enfants de tous âges. Tous étaient démontables et les différents éléments se combinaient à l'infini. Ainsi une partie du berceau se retrouvait dans une boîte à jouets, puis dans un chevalet et finalement terminait son existense sous forme de meuble stéréo.

La jeune femme fut interrompue dans sa contemplation par l'arrivée de la réceptionniste. Dès qu'elle fut présentée, celle-ci lui indiquait le bureau de Sasuke et lui assurant qu'il la rejoindrait dans quelques minutes.

Sakura réprima une exclamation incrédule en franchissant la porte du domaine privé de Sasuke. L'endroit ressemblait plus à une salle de jeu qu'à un cabinet de travail ! N'importe quel enfant se serait cru transporté au paradis en pénétrant dans ce lieu brillamment coloré ou avions, cerfs-volants et planeurs pendaient au plafond au-dessus d'un joyeux amoncellement de jouets ultra-sophistiqués. Impossible d'imaginer un homme d'affaires évoluant dans un cadre pareil ! Non, décidément, Sasuke Uchiwa n'était pas un homme comme les autres. Et elle avait le pressentiment qu'il lui réservait encore quelques surprises de taille...

Poussée par la curiosité, Sakura s'aventurait dans la pièce. En contournant une immense table à dessin, elle trébucha sur une voiture de sport miniature. Seigneur, quel sympathique désordre ! Amusée, elle se pencha pour la ramasser et sursauta lorsque les phares s'allumèrent à ce simple contact. S'assurant d'un coup d'oeil que personne ne l'observait, elle s'agenouilla afin d'examiner le jouet de plus près. Ah voilà ! Une commande à distance, c'était l'instrument qu'il lui fallait. Elle actionna une touche et les deux portières s'ouvrirent stimultanément tandis que le klaxon se mettait en marche !

Ravie, Sakura enfonça un autre bouton et le véhicule démarra à la vitesse du vent pour aller heurter de plein fouet l'un des tréteaux.

- Zut !

A quatre pattes, Sakura rampa sous la planche pour récupérer l'objet perdu. Ce fut dans cette position peu habituelle que Sasuke la surpris en revenant de sa réunion. Amusé, il se figea sur le pas de la porte, prenant garde de ne pas faire de bruit. Complètement absorbée, la jeune femme se remit à jouer avec une spontanéité qui le laissa pantois. Comme elle était différente de la trop sérieuse avocate qui l'avait reçu dans son cabinet ! Elle paraissait presque fragile ainsi, féminine et vulnérable. La beauté désarmante de cette femme soudain redevenue enfant provoqua en lui un long frisson d'émotion.

- Je vois que vous appréciez ma nouvelle création ! commenta-t-il en avançant d'un pas.

Sakura tressaillit, rouge d'embarras.

- Sasuke ! Que faites-vous ici ?

- C'est mon bureau, vous savez ! Il n'est pas dans mes habitudes de frapper avant d'entrer chez moi !

Un sourire contrit joua sur les lèvres de la jeune femme.

- Bien sûr, pardonnez-moi. Je... j'examinais vos collections... A ce propos, je suis étonnée de voir tant de jouets, enchaîna-t-elle en hâte. Je croyais que vous produisiez des meubles seulement.

- Depuis la mort de mon père, j'ai étendu nos activités. Mais venez, je vais vous montrer l'atelier.

Sur la défensive, la jeune femme se raidit.

- Une autre fois, merci. Je suis venue parler affaires.

- Eh bien, justement, parlons un peu des miennes !

Il s'avança pour la prendre fermement aux épaules. Levant les yeux, Sakura rencontra un regard amical et chaleureux, presque tendre.

- Vous savez, Sakura, les adultes aussi ont le droit de jouer. Il n'y a pas lieu d'avoir honte.

Ainsi il ne l'avait pas trouvée ridicule ! Soudain plus détendue, elle lui rendit son sourire.

- J'avoue que c'est un univers totalement neuf pour moi. Je ne possédais aucun jouet quand j'étais petite. Ma mère était tout à fait opposée à ce genre de distraction.

- Elle s'opposait aux jouets ! Mais quel genre de mère avez-vous donc ?

- Maki estime que les enfants doivent utiliser leurs propres ressources pour se divertir, expliqua-t-elle en riant. Elle a toujours eu des théories un peu spéciales.

- Maki est votre mère ? Vous l'appelez par son prénom ?

- Eh bien, oui. Je me souviens pas qu'il en ait jamais été autrement.

- Grands dieux ! Si je m'avisais de faire de même avec la mienne, elle s'évanouirait sur-le-champ ! Mais suivez-moi, maintenant. Il est grand temps que vous combliez les lacunes de votre enfance.

Renonçant à protester, Sakura se laissa entraîner de bon coeur. Cinq minute plus tard, elle l'aidait à construire un parcours pour voitures de courses et se familiarisait avec les infinies possibilités qu'offre la commande à distance. Sasuke l'observait avec fascination. Assise en tailleur, sa jupe autour d'elle, ses mèches rosés dansant autour de son visage souriant, elle ressemblait si peu à l'avocate distante et austère dont il avait gardé le souvenir ! Sous cette façade se cachait une femme passionnée, pleine de vie, qu'il brûlait d'apprendre à mieux connaître.

- Avez-vous réellement conçu tout cela vous-même ? s'enquit-elle en levant les yeux vers lui.

- Bien sûr ! Je voyais très souvent les enfants de mon frère et c'est à leur contact que j'ai décidé de relever ce défi : inventer des jouets dont ils ne se lassent pas au bout d'une journée. A présent mes neveux sont trop grands, mais j'ai un ami qui a deux fils encore en âge de jouer. Ce sont eux qui testent toutes mes créations. Je ne mets jamais rien sur le marché avant de leur soumettre !

Tout en prêtant une oreille attentive à ses explications, Sakura s'appliquait à construire un pont à bascule.

- Vous pouvez le relier à une commande, observa-t-il en se penchant pour l'aider.

Il s'agenouilla à ses côtés et passa un bras autour d'elle afin de guider ses mouvements. Les mains de Sakura tremblèrent imperceptiblement sous les siennes. Elle percevait avec acuité son souffle tiède contre sa joue et sa concentration en pâtit tellement que le pont s'écroula au lieu de se lever ! Elle éclata de rire, renversée contre le torse du jeune homme.

- Bravo ! fit-il. Vous venez d'inventer le premier pont destiné à s'effronder sur l'adversaire. C'est une idée de génie !

Il la pressa un instant contre lui et Sakura frissonna, le coeur battant. Cette étreinte n'avait duré qu'une fraction de seconde et avait pourtant suffi à la troubler au-delà de toute raison. Elle chercha son regard et découvrit dans ses prunelles sombres une intensité d'émotion qui l'effraya et la combla à la fois. Sasuke, cependant, se remit sur pied et lui serra l'épaule.

- Je parie que vous êtes aussi affamée que moi, Sakura.

- Affamée ?

Stupéfaite, la jeune femme consulta sa montre. L'après-midi s'était écoulé sans qu'elle y prenne garde !

- Mon Dieu, je ne me rendais pas compte qu'il était déjà si tard. Il faudrait que je...

Mais Sasuke avait déjà décroché son téléphone. Peu après, un livreur leur apportait deux plats chauds et une bouteille de vin et il ne resta plus à Sakura qu'à accepter de partager cette dînette improvisée.

- Nous n'avons encore rien mis au point ! fit-elle un peu plus tard en reposant sa serviette en papier. Certes, je n'ai pas la photocopie du contrat sur moi, mais j'espérais que nous réussirions au moins à revoir ensemble les différentes clauses. Peut-être aurez-vous des précisions à apporter que nous pourrons inclure, le cas échéant.

Perplexe, Sasuke attendit la fin de son intervention. L'avocate était revenue ! constata-t-il, mi-amusé mi-contrarié. Même sa façon de s'exprimer avait changé du tout au tout.

- Franchement, Sakura. Votre projet ne tient pas debout, si vous voulez mon avis.

Elle le gratifia d'un regard exaspéré.

- Je ne vous comprends plus, Sasuke ! Je pensais que nous avions réglé cette question une fois pour toutes lors de notre dernière entrevue !

- Ah ! Tiens... je ne me souviens pas avoir affirmé être convaincu ! Je persiste à croire que dans votre cas, le mariage serait la solution indiqué, ajouta-t-il avec une feinte nonchalance.

Sakura fronça les sourcils.

- Le mariage ? Pour l'amour du ciel, pourquoi revenir là-dessus ? Vous connaissez mon point de vue sur ce sujet. Pour moi, c'est de l'hypocrisie pure et simple.

Sasuke s'agita sur sa chaise. De toute évidence, le moment n'était pas encore venu de jouer cartes sur table. Et pourtant, il ne devrait pas être impossible d'aboutir à un accord ! Après tout, il ne lui demanderait pas de s'engager pour la vie, mais pour quelques mois seulement. Aucune hypocrisie possible dans une telle démarche ! Quoi qu'il en soit, il se voyait contraint une fois de plus à différer l'heure des aveux. Mieux valait agir avec la plus grande circonspection et consulter Shikamaru au préalable...

- A chacun ses opinions, commenta-t-il avec un haussement d'épaules indifférent.

Mal à l'aise, Sakura risqua un coup d'oeil à la dérobée dans sa direction. Dans quel but obscur s'obstinait-il à vanter les charmes du mariage ? Décidément, cet homme demeurait un mystère à ses yeux. Et elle comprenait de moins en moins pourquoi il avait répondu à son annonce !

- Ecoutez, Sasuke, il faut vraiment que je parte, maintenant. Maintenez-vous votre candidature malgré tout ?

- Tout à fait.

- Dans ce cas, je pourrais vous envoyer le contrat par la poste, qu'en dites-vous ? Ainsi vous aurez tout le loisir de l'étudier. Il vous suffira de me téléphoner si vous avez des modifications à apporter.

- Ce sera parfait ainsi, aquiesça-t-il avec un sourire. Laissez-moi appeler mon chauffeur pour vous raccompagner. J'aurais préféré me charger de vous reconduire moi-même, mais je n'en aurai hélas pas le temps.

La jeune femme hocha la tête en silence et il l'escorta jusqu'à la porte de son bureau. Elle allait lui tendre la main lorsque, d'un mouvement vif, il l'attira à lui et se pencha pour effleurer ses lèvres. A la grande surprise de Sasuke, il sentit qu'elle nouait ses bras autour de son cou tandis que sa bouche s'entrouvrait sous la sienne. L'espace d'un instant, il la serra contre lui à la broyer, incapable de se résoudre à une séparation, même temporaire.

Reprenant ses esprits, Sakura se dégagea d'un mouvement brusque. Les pommettes en feu, elle se baissa pour prendre sa mallette abandonnée dans un coin du bureau.

- Merci d'être venue, Sakura, murmura-t-il d'une voix légèrement altérée.

La jeune femme détourna les yeux.

- Bonsoir, Sasuke.

Puis elle s'éloigna à grands pas dans le couloir. Qu'aurait-elle pu répondre ? Rien au cours de cet après-midi ne s'était déroulé comme elle l'avait prévu et le souvenir du bref baiser échangé la faisait encore vibrer tout entière. Perdait-elle déjà tout contrôle de la situation ? En proie à la plus totale confusion, elle accéléra son allure. Dire que son projet lui avait paru si simple, si bien organisé. Mais Sasuke s'était dressé sur sa route et déjà il lui semblait qu'elle ne maîtrisait plus rien...

Sasuke la suivit du regard comme elle traversait sans se retourner le hall d'exposition brillamment éclairé.

- Vous êtes une drôle de femme, Sakura Haruno, commenta-t-il doucement lorsque le claquement de ses talons sur le marbre eut décru jusqu'à céder la place au silence.

Avec un soupire satisfait, il retourna à sa table de travail. Sans qu'il puisse vraiment se l'expliquer, il avait la conviction que tout finirait par s'arranger. Dans quelques semaines, il serait un homme marié et les Etablissements Uchiwa et Cie lui appartiendraient. Son sentiment de triomphe fut cependant de courte durée. Déjà l'exaltation de la victoire était remplacée par une image. Cette, éblouissante, obsédante, jeune femme qui venait de le quitter...

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