Chat noir
Kiku avait vu les adversaires de Shisui suppliciés et entendu leurs hurlements.
Elle s'était alors demandée ce qu'ils avaient bien pu voir.
« Montres-moi. »
Shisui avait eu l'air surpris, Kiku l'avait prise à part à la fin de l'examen chûnin.
« Je veux voir, montres-moi. » Avait-elle répété avec un air grave qu'il ne lui connaissait pas.
Il lui avait demandé ce qu'elle voulait voir.
« Tu plaisantes... » Avait-il murmuré lorsqu'elle lui répondit.
Non, ce n'était pas une blague.
« Très bien. » Avait-il simplement dit, l'air toutefois mal assuré.
Elle s'était assise devant lui et avait rapproché son visage, les yeux fixés sur les siens. Shisui avait ensuite activé son sharingan puis l'avait embrassée avant de s'enfuir en riant. Kiku s'était aussitôt mise à le pourchasser en tendant les lèvres avec malice.
Itachi qui avait surpris la scène en retrait avait eu du mal à comprendre.
Kisame jeta un coup d’œil derrière eux. L'estomac du crapaud invoqué par Jiraya s'était refermé sur les flammes noires.
« Et un échec total, un. » Ironisa-t-il.
Itachi ne lui répondit pas. Kisame le dévisagea à découvert.
Cette fille ne portait même pas de bandeau ninja.
Sa défense avait été difficile à percer, même au combat rapproché. Itachi avait décrété leur repli en connaissance de cause : c'était comme si chacune de ses actions annulait les siennes. Son adaptation et sa maîtrise, il fallait le reconnaître, étaient impressionnantes : même ses offensives semblaient avoir été calculées pour ne pas causer trop de dommages ; elle n'avait jamais eu l'intention de les affronter. Et elle s'en était abstenue jusqu'à la fin du combat.
Le pire des outrages pour des membres de l'Akatsuki : être ménagé.
Il en arrivait à se demander ce qu'elle aurait fait si le combat s'était prolongé : en refusant plus longtemps de se montrer plus offensive, elle n'aurait probablement pas tenu à sa seule défense.
C'était parce que le temps leur était compté qu'Itachi avait décidé de mettre un terme aux hostilités. L'issue du combat s'ils l'avaient poursuivi était toutefois incertaine et Kisame avait encore du mal à se l'avouer.
« Pourquoi est-ce que tu l'as délivrée de ton genjutsu ? » Lâcha-t-il au bout d'un moment.
« Elle a brisé d'elle-même l'illusion. » Répondit Itachi, inébranlable.
Kisame eut l'air surpris mais s'abstint de toute réflexion.
***
La lune était encore ronde dans le ciel bleu sombre. Le jour allait bientôt se lever.
Kiku bailla longuement et parcourut une dernière fois le rayonnage des archives locales.
Les annales n'en disaient pas long sur les litiges qu'il y avait pu avoir au sein du clan Uchiwa. Quelques mentions, par ailleurs, par-ci, par-là, de désaccord avec le cercle des aînés mais toujours discrètes et vagues.
Elle avait commencé par se pencher sur la genèse du clan : un certain Madara Uchiwa à l'origine de sa fondation, ses rivalités avec le premier hokage à la tête des Senju et d'autres histoires à dormir debout.
Une simple date renseignait enfin l'extinction du clan.
Rien de plus.
Elle referma doucement la porte de la bibliothèque et s'engagea dans les rues désertes de Konoha. Elle avait aussi jeté un coup d’œil à ce qui avait été recensé à propos de l'Akatsuki. Les informations recueillies et divulguées au public étaient toutefois encore maigres.
Kiku étouffa le carillon de la porte de la boutique pour ne pas réveiller ses parents et décrocha le bandeau ninja suspendu au-dessus du comptoir.
Elle avait tu son altercation avec les deux membres de l'Akatsuki qui remontait désormais à plusieurs mois. La disparition de Sasuke Uchiwa avait néanmoins interrompu ses recherches et précipité son départ. Une unité avait déjà été dépêchée à sa suite mais elle leur emboîterait le pas et si tout rentrerait dans l'ordre, elle bifurquera pour retrouver Itachi.
Elle n'avait rien dit non plus à Akisada-sensei : il serait probablement parvenu à la dissuader.
« Itachi a décidé de rompre dans le sang avec un clan qu'il a toujours secrètement abhorré, tu n'y peux rien. » Lui aurait-il répété pour toute explication.
Kiku s'emmitoufla dans sa cape de voyage et hissa son baluchon sur son épaule gauche. L'ombre du chat se découpa sur le mur nu de l'arrière-boutique.
« Je m'en vais. » Lui annonça-t-elle simplement avant de braquer sa lanterne sur lui.
Kiku franchit le portail de Konoha sous le regard vigilant des veilleurs de nuit. Elle inclina la tête en guise de salut et répondit qu'elle avait à faire dans la province du coin. On la mit en garde contre les mauvaises rencontres : des mercenaires de rang S rôdaient manifestement dans le coin. Elle acquiesça en souriant et disparut derrière la brume matinale.
La fille des Hojo ne rentra malgré tout pas à la fin de la journée. Il lui arrivait de faire des achats dans les bourgades voisines pour ses poteries, peinture à huile, pinceaux fins ou blocs d'argile mais elle ne s'attardait jamais. Aucun avis de tempête ne l'avait pourtant empêché de rebrousser chemin. Les vieux Hojo avaient parcouru les jours suivants la région sans relâche avec l'aide de volontaires mais en vain. Leur fille avait disparut et n'avait laissé qu'un petit mot rieur à leur chevet : « Je veux manger du bouillon à mon retour. »
Cette nouvelle disparition avait fait jasé le voisinage : Sasuke Uchiwa et maintenant Kiku Hojo. Tous ceux qui avaient eu le malheur de fréquenter de près ou de loin les Uchiwa étaient-ils maudits ?
Kiku avait d'abord suivi l'équipe chargée de poursuivre Sasuke puis les avait perdu à mi-chemin. Elle en avait conclut, non sans regret, que Naruto Uzumaki était un brave petit garçon et que l'histoire qu'il s'apprêtait à écrire n'était pas la sienne.
Ses pas l'avaient ensuite conduite aux frontières du Pays du Feu. Elle grimpait les collines qui surplombait la région pour se repérer, chassait les moustiques, la nuit, de son sac de couchage et demandait son chemin aux habitants des contrées étrangères.
Elle avait finit par entendre parler du Village Caché de la Pluie et de son mystérieux gouverneur.
« Un déserteur étranger qui a profité de la guerre civile pour s'accaparer le pouvoir. » Lui avait soufflé un shinobi avec le drôle d'accent des habitants de Kusa, le Pays de l'Herbe.
D'après des sources fiables, ce dernier aurait désigné à couvert le village comme la base des opérations de l'Akatsuki.
Kiku ne déclinait jamais son identité à ses rencontres successives. Elle se contentait de porter son bandeau ninja. Les ninjas de Konoha étaient souvent les bienvenus parce qu'on voyait en eux des diplomates pacificateurs. En arrivant au pays de la Pluie en revanche, ravagé par les guerres ninjas successives et les velléités de ses voisins, l'animosité à l'encontre des étrangers était palpable. Kiku avait rangé son bandeau ninja dans son sac mais ses joues rebondies et son teint frais la trahissaient. Elle n'était visiblement pas de ces miséreux qui cherchaient leur repas dans les sillons creusés dans la terre. Elle avait eu donc affaire à des détrousseurs qui lorgnaient avec avidité son baluchon mais avait volontiers partager ses repas à ceux qui le quémandaient.
Ame, le Village Caché de la Pluie était encore plus rongé par la misère: des ruines escarpées autour d'une tour de pierre démesurée, résidence du régent.
« Pain. » Le dénommait les villageois dans un murmure.
Kiku s'était résolue à déambuler dans le village inondé par les pluies orageuses jusqu'au jour où elle croiserait Itachi de retour d'une de ses missions pour le compte de l'organisation.
Mais comme ce jour ne sembla pas arriver, elle se décida de se présenter au régent du village.