Chat noir

Chapitre 14 : Pluie

1623 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 01:25

Kiku tira sur la persienne.

Encore et toujours de la pluie.

Les journées étaient grises à Ame. Elle les passait dans sa chambre d'auberge lorsqu'elle ne descendait pas au village pour des rondes nocturnes. Le tavernier suivait en silence ses allées et venues et acceptait en maugréant les pourboires. Il n'irait pas éveiller les soupçons des ninjas locaux tant qu'elle aurait la bourse pleine.

Kiku s'assit, dans la pénombre, sur le petit lit défait et déroula les parchemins de ninjutsu qu'elle avait apporté avec elle.

Dans l'idéal, elle aurait voulu éviter tout affrontement mais elle n'était plus sûre de savoir à qui elle était sur le point de s'adresser. Elle avait vu déplacer des cercueils jusqu'à la tour et les réticences à divulguer des informations sur les activités du régent avaient ranimé sa méfiance.

Kiku se redressa et fit coulisser ses kunais sous sa cape de voyage. Elle ne porterait pas son bandeau ninja : inutile d'être à l'origine de nouvelles tensions en politique étrangère.

Dévala les marches qui menaient au hall d'entrée et abaissa son capuchon avant de sortir.

La pluie sembla redoubler de force. Elle rasa les murs en cherchant au passage une prise qui ne fût pas glissante et se hissa enfin sur les toits.

Les panneaux publicitaires clignotaient au-dessus des maisonnées. La plus haute tour penchait bizarrement au loin, derrière le rideau de pluie. Elle parcourut à vive allure la distance qui l'en séparait, le visage fouetté par l'averse, dérapa sur les tuiles rouges avant d'atteindre dans un bond vertigineux le plus haut point. Elle se laissa ensuite glisser jusqu'à l'entrée principale qui n'était pas gardée. Personne, pas même les villageois ne s'aventuraient à l'intérieur. De rares shinobis défilaient mais ne restaient pas bien longtemps.

Il faisait très lourd dans la cage d'escalier. Elle laissa courir ses doigts sur la rampe humide en montant, s'arrêta au sommet et frappa deux coups. Attendit un long moment avant d'actionner la poignée. La porte s'entrouvrit sans résistance sur une pièce nue.

Une femme lui faisait vis-à-vis. Kiku s'attarda sur sa tenue : un manteau et des nuages rouges. Elle n'eut pas l'air surprise de la voir mais lui demanda toutefois sur un ton monocorde ce qu'elle voulait.

« Je cherche un ami, répondit Kiku, Itachi Uchiwa. J'ai cru entendre dire qu'il serait là. »

« Il n'est pas là. »

« Où pourrais-je le trouver ? » S'empressa-t-elle de lui demander.

Konan ne répondit pas. Elle s'éleva dans les airs, des ailes de papier déployées derrière son dos et se dématérialisa dans un grand bruit de friction.

Kiku se protégea le visage des feuilles volantes. C'était donc elle l'« Ange messager » dont lui avaient parlé les habitants d'Ame les plus bavards : le second de Pain.

Elle essaya de chasser les feuilles blanches qui s'accrochaient à ses bras mais en vain. Elles envahirent très vite son corps et commencèrent à barrer son visage. Kiku eut le temps d'apercevoir le visage froid de Konan qui la surplombait avant d'être plongée dans l'obscurité. Elle tira dans un ultime effort sur la feuille qui lui couvrit la bouche et chancela.

L'air lui manqua. Kiku se laissa tomber à terre, étouffée. Mobilisa ses dernières facultés et concentra son chakra au niveau des pores de sa peau.

Elle avait longtemps travaillé sur son chakra : son point faible à l'époque où elle s’entraînait avec l'équipe. Elle savait désormais parfaitement le malaxer et lui donner suffisamment de consistance pour en faire une arme de défense à part entière.

Konan recula sensiblement lorsque de fins rayons bleus dessinèrent des halos sur le corps de son adversaire momifiée. Les feuilles de papier se désintégrèrent. Elle battit des ailes lorsque Kiku inspira profondément et lui fit face.

« Je-ne-demande-qu'un-renseignement. » Articula-t-elle, essoufflée.

Konan jugea avec flegme l'énergie lumineuse qui jaillissait de ses poings et dessinait des nervures sous sa peau.

Elle aurait difficilement pu nommer son justu mais ce dont elle était persuadée c'était qu'elle ne pouvait pas se risquer à engager un combat alors que Nagato était encore faible. Et s'il était plus sûr de faire taire à jamais cette inconnue, elle ne semblait pas non plus travailler à la solde de leurs opposants.

Si elle cherchait à compromettre leur entreprise, Itachi, qui avait le jugement sûr, saurait toujours l'en empêcher.

« Itachi et Kisame passeront dans quelques jours par la province de Mio. »

Son interlocutrice se contenta d'acquiescer et s'éloigna sans toutefois baisser sa garde.

Konan la suivit des yeux depuis son perchoir ; elle traversa l'allée déserte et disparut derrière une rangée de maisons ; avant de jeter un petit oiseau en papier animé.

Il valait mieux annoncer son arrivée à celui qu'elle poursuivait.

 

Kiku ne s'attarda pas plus longtemps à Ame, empaqueta ses affaires et prit aussitôt la route.

La province de était située à l'extrême nord du pays de la Pluie. Il fallait compter une journée de marche si elle ne traînait pas trop.

Elle avait pensé à acheter un parapluie avant de repartir.

La rumeur lugubre d'Ame s'estompa lorsqu'elle s'engagea dans les bois. Le sentier était boueux. Elle finit par se suspendre aux branchages et se hisser sur les arbres.

Tira un kunaï pour forcer le passage entre les branchages. La lumière du jour déclinait lentement mais sûrement.

Elle retombait en enfance : un mauvais souvenir que celui de l'épreuve dans la forêt de la mort. Itachi et Shisui l'avaient bien couverte à cette époque-là : combattaient lorsqu'elle jouissait d'une quiétude coupable et se contentait de leur offrir des glaces pour toute contre-partie à la fin de chaque épreuve.

« Pauvre Shisui. » Songea-t-elle amèrement.

Elle dérapa soudain sur une branche qui céda sous poids, se rattrapa de justesse à une liane et atterrit au sol en riant nerveusement.

« Qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour un Uchiwa ! » Fredonna-t-elle dans le noir.

C'était une des chansons moqueuses qu'elle avait inventé à l'époque avec de vieilles amies à leur insu.

Crève-cœur lorsque Orino avait été désignée en heureuse élue. Kiku avait essuyé les foudres de ses amies en leur expliquant qu'Itachi l'aimait profondément.

A vrai dire, Itachi aimait tout le monde profondément. Orino, Shisui, Sasuke, son père, sa mère... jusqu'aux poules qui courraient dans leur basse-cour.

Le village tout entier.

C'était un petit garçon très doux qui en grandissant avait commencé à se montrer d'autant plus affectueux.

Et puis Shisui était mort.

Et puis il s'était fâché avec Kiku.

Et puis il aurait assassiné tous ceux auxquels il tenait.

C'était à peu près comme cela qu'elle se figurait toute l'histoire : un grossier non-sens.

A bien y réfléchir, une mascarade.

Kiku avait compris qu'Itachi n'était pas le fou furieux qu'on avait banni du village à leur dernière rencontre.

D'abord parce qu'il semblait avoir choisi de partir et soutenir amplement l'organisation qu'il avait rejointe.

Ensuite parce qu'Itachi ne lui avait jamais paru aussi humain que ce jour-là.

 

***

 

 

Itachi ouvrit des yeux rouges depuis son perchoir. Ses doigts se refermèrent autour de la missive de Konan.

« Nous avons de la visite. »

Kisame hocha la tête en ricanant : ils seraient suivis par une kunoichi de Konoha, celle qui leur avait tout bonnement cédé le passage quelques semaines plus tôt...

 

Kiku parcourut l'étendue verte et s'arrêta devant le grand rocher.

Personne.

Elle chassa à lancer de kunaï l'oiseau noir posé à proximité et suivit son envol du regard.

Ils étaient là. Elle arrivait trop tard.

« Tant pis. Ce sera pour une autre fois. »

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