Chat noir

Chapitre 15 : Secrets d'Etat

1447 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/11/2016 00:03

Kiku passa une main rêche sur son visage.

Le désert du Pays du Vent s'étendait à perte de vue. Elle n'était plus qu'à quelques jours de marche du Pays du Feu mais elle s'était perdue en chemin.

Et impossible de retrouver ses esprits sous un soleil de plomb.

En passant par Suna, elle avait appris que le kazekage avait été enlevé par l'Akatsuki. Elle pensait, en opérant un détour par le désert, pouvoir croiser de nouveau Itachi avant de rentrer au village.

Elle s'humecta les lèvres et attrapa sa gourde.

Vide.

Elle leva des yeux morts sur un ciel aveuglant, planta son bâton de bois dans le sable et avança en titubant : elle se sentirait mieux au couché du soleil.

 

Les jours suivants, les dunes de sable cédèrent la place aux forêts luxuriantes et humides du pays du Feu.

Kiku Hojo ne s'arrêta pourtant pas devant le portail de Konoha et contourna le village en direction de la rivière Naka. Elle s'attarda quelques instants sur la falaise avant de courir se hisser de l'autre côté des remparts.

Le domaine des Uchiha avait manifestement été laissé à l'abandon : elle ne reconnut les petites habitations envahies par le lierre qu'à l'aide de correspondances sensorielles et souvenirs d'enfance. Elle arriva enfin au sanctuaire Nakano et se glissa entre les deux planches de bois qui en condamnaient l'entrée. Elle aperçut l'autel débarrassé de tous ses objets dans l'obscurité, fit un dernier tour dans la petite pièce avant de s'asseoir sur le tatami.

Posa une main à terre et frappa quelques coups.

Ça sonnait creux : ses sens ne l'avaient pas trompé.

Elle se redressa, et parcourut à quatre pattes la pièce avant de localiser une trappe sous le septième tatami en partant par la droite. Elle la força et se laissa atterrir dans la salle secrète du clan.

Kiku alluma un cierge sur la stèle installée contre le mur du fond et se pencha sur les inscriptions qui y étaient gravées.

« Indéchiffrables pour quelqu'un qui n'est pas membre du clan. » Conclut-elle en soupirant.

Elle laissa ses doigts se promener distraitement sur la pierre froide. Des images ensevelies du passé remontèrent par vagues à la surface.

Le lieu de rencontre accueillait les réminiscences des Uchiwa. Ils y descendaient dans un brouhaha nerveux pour s'y réunir. Fukagu Uchiwa annonça avec fermeté qu'il n'y aurait plus de compromis avec Konoha avant d'être acclamé par ses pairs.

Elle reconnut Shisui dans l'assistance. Il avait l'air grave, figé à quinze ans. La tristesse brouilla le jutsu silencieux de Kiku et le visage de l'adolescent s'effaça avec la rumeur contrariée de la foule.

Kiku referma la trappe et replaça soigneusement le tatami.

Le clan Uchiwa préparait donc une révolte.

Une idée terrible s'imposa alors à elle.

 

Il faisait déjà nuit lorsqu'elle sortit du temple. Elle hésita avant de diriger ses pas vers la maison d'Itachi.

Elle devait en avoir le cœur net.

Kiku fit glisser la porte coulissante du séjour. Les persiennes avaient été tirées sur une pièce nue. Elle déglutit avec peine avant de fermer les yeux.

Elle s'était promis en développant son justu sensoriel de ne jamais fouiller dans le passé des autres. Elle s'était toujours dictée une morale éthique draconienne mais en vain : le monde des shinobis l'avait souvent confondu. Elle avait, elle aussi, fini par lutter dans le sang.

Une pleine lune blafarde illumina la scène. Itachi plongea à deux reprises son katana à la fin de leur entretien.

Fukagu et Mikoto Uchiwa s'effondrèrent l'un après l'autre, résignés à mourir.

Itachi essuya ses larmes avant de faire face à son jeune frère effaré :

« Si tu veux me tuer, hais-moi, abhorres-moi et survis dans l'obscurité. Fuis et accroches-toi à la vie. Ensuite, reviens avec le même œil que celui que je possède et enfin tu pourras assouvir ta vengeance. »

Kiku n'y tint plus et rompit le jutsu sur l’œil sanglant d'Itachi.

 

 

***

 

Les Hojo avaient fermé boutique.

Leur fille avait disparu depuis deux ans.

Le père Hojo était devenu un homme aigri par le temps et la solitude.

« Notre fille, répétait-il souvent à son épouse, savait des choses que personne d'autre n'aurait soupçonné. Ils l'ont fait taire, voilà tout. »

Ils ? Une autorité inconnue du village. En partant, sa fille lui avait laissé ses coups de gueule de l'époque.

« Kiku avait raison : le monde des shinobis est pourri. » Crachait-il à tout bout de champs comme pour lui rendre hommage.

 

Et puis un jour, sans crier gare, Kiku Hojo était revenue.

Les voisins l'avaient vue, traverser le village dans sa longue cape de voyage, bâton à la main et regard éteint.

Son père avait poussé un cri en ouvrant la porte et s'était précipité dans ses bras solides. Kiku avait la peau sèche et balafrée par endroits. Il songea avec amertume qu'elle avait bien l'allure majestueuse de la kunoichi qu'il avait toujours voulu lui voir.

Elle s'était ensuite débarrassé de son arsenal avant de s'installer à table pour expliquer à ses parents les raisons de son absence. Elle omit seulement les fragments d'une vieille histoire de famille qu'elle avait reconstitué au mausolée des Uchiwa.

Le passé appartenait au passé. Elle rouvrirait l'atelier de poterie et n'y penserait plus. Elle avait renoncé à crier au mensonge d’État en regardant une nouvelle fois les apprentis ninjas jouer dans la cour de l'académie.

Elle avait finit par comprendre. C'était aussi cet ordre-là qu'Itachi n'avait pas voulu menacer. Il ne s'agissait pas seulement de maintenir le pouvoir bien établi de l'hokage et de ses conseillers mais de la prospérité d'existences plus localisées, au-delà de celles des shinobis : celle de la femme, de l'homme et de l'enfant.

Mais en apprenant que Sasuke avait rejoint les rangs d'Orochimaru qu'il avait anéanti pour poursuivre une quête de vengeance, Kiku avait failli tout révéler.

D'abord à ses parents qui avaient pris de l'âge. Son père n'avait jamais oublié les Uchiwa et ressassaient le souvenir de leur gloire avant la Troisième Grande Guerre lorsqu'elle l'interrogeait.

« De braves gens. » Se désolait-il d'une voix chevrotante.

Puis au cinquième hokage : Tsunade semblait être plus disposée à écouter les voix isolées.

Néanmoins, elle était aussi tourmentée par l'idée de ne pas avoir toutes les chances de son côté. Cette affaire remontait à bientôt dix ans, elle s'était contentée de déduire l'innocence d'Itachi et n'avait pas encore connaissance de toute la mesure de la conspiration. Elle aurait été, par exemple, incapable de donner des noms aux commanditaires.

Kiku suivit des yeux les académiciens rejoindre leur salle de classe.

Sasuke.

Quitte à se lancer dans une nouvelle chasse à l'homme. C'était à lui qu'elle allait s'adresser.

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