Eight Travelers - EN PAUSE

Chapitre 3 : Ophilia la prêtresse

5589 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/03/2019 14:07

Bonne lecture à tous !

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Il faisait froid dehors. Comme d’habitude dans les Terres de givre. La neige tombait sans s’arrêter. Don-des-flammes était ensevelie d’une couverture blanche. Cette ville, la plus grande des Terres de givres, semblait pourtant vide. Personne n’était dans les rues, excepté quelques enfants qui se lançaient des boules de neiges.

Mais cet extérieur si froid contrastait complètement avec l’intérieur de la cathédrale de la ville. La cathédrale de Don-des-flammes, construite il y a des siècles, se tient entre les montagnes. Elle semble fragile, ses traits sont fins, et la pointe de sa dernière tour semble percer les nuages.

Depuis ces chandails colorés et compliqués, plusieurs flammes brulent. Bougies et lustres rendent l’intérieur chaleureux. Les personnes bravant le froid pour prier la Flamme peuvent se réchauffer. C’est presque si un choc thermique leur arrive en entrant.

Dans cette cathédrale, il y a évidemment des membres de l’église de la Flamme, qui vivent dans ce lieu renommé. Des dizaines de chambres, contenant des dizaines de lits chacune, se trouvent vers la droite de l’entrée de la cathédrale.

Une jeune fille se trouve dans l’une des chambres. Elle regarde la neige tomber au dehors. Ses deux mains gantées de noir repose sur les accoudoirs de la longue fenêtre. Elle porte une longue tunique blanche. Ses cheveux blonds tombent sur ses épaules, cachant ses petits yeux bleus. Ses bottes noires lui arrivant au-dessus de ses genoux ne peuvent pas l’agrandir, oui, elle est plutôt petite.

Mais elle était dotée d’un immense cœur. Tout le monde le lui disait. Et son père ne faisait que chanter ses louanges et celles de sa sœur. Tous ceux qui lui parlait un jour savait qui était cette si délicate fleur dans la neige.

Elle s’appelle Ophilia.

Elle entend toquer à la porte. Elle se retourne.

-Entrez. Souffle Ophilia

La porte s’ouvre, laissant entrer une nouvelle fille plus âgée. Elle a des cheveux châtains longs, et une tunique identique à celle de la blonde. La tunique obligatoire des prêtresses de la Flamme.

La blonde rejoint sa collègue au centre de la pièce, et rejoint ses mains, les mettant en position de prière. L’autre fait de même.

-Que la Flamme sacrée illumine son chemin en cette belle journée. Souffle la brune

-Et qu’elle te baigne toujours de sa douce chaleur. Répond Ophilia

La plus âgée laisse s’échapper un petit rire.

-Hé hé... Répond la plus jeune

-Ha ha ha !

Les deux filles rient en cœur. Comme pour se détendre. Elles laissent ensuite leurs mains revenir le long de leurs corps.

-Combien de fois avons-nous répété ces mots ? Demande la plus jeune. Ils semblent prendre un tout autre sens maintenant...

-Chaque jour me rapproche un peu plus de mon départ. Je suis peut-être plus nerveuse que je ne le croyais... Souffle celle aux cheveux châtains

Elle baisse un peu la tête.

-Lianna ? Souffla la blonde 

Ladite Lianna relève la tête et la secoue. Comme pour chasser une mauvaise pensée.

-Ne t’inquiète pas pour moi. Je suis née pour faire ce pèlerinage.

Lianna part un peu plus loin vers la fenêtre, regardant la neige mélancoliquement. Elle le savait, depuis le début, elle devait faire ce pèlerinage... Elle est l’ainée, elle est la fille de l’archevêque, elle est née pour ce long voyage. Qu’elle le veuille ou non.

-Mon père l’a effectué avant moi il y a vingt ans. Je dois me montrer digne de lui. Elle souffle

La plus jeune la regarde quelques secondes. Elle finit par lâcher, accompagné d’un soupir :

-Tu es vraiment incroyable, Lianna. Je ne sais pas comment tu fais.

Lianna se retourne pour regarder son amie.

-Comment ça ?

-Tout le monde en attend énormément de l’unique fille légitime de l’archevêque. Répond Ophilia. Pourtant, tu parviens toujours à te montrer à la hauteur. Chacun de tes sermons est plus exaltant que le précédent.

La plus jeune baisse la tête.

-Et maintenant, le pèlerinage... Tu portes un si lourd fardeau à toi toute seule.

Lianna approche de son amie. Elle sourit, et affirme :

-Allons, je ne suis pas seule ! Tu es là, non ? Toi et tous les autres à la cathédrale...

Ophilia relève faiblement la tête.

-D’ailleurs, c’est toi qui m’as aidée à trouver un sujet pour mon dernier sermon, Ophilia. Rappelle Lianna. Tu t’es même privée de sommeil pour l’écrire avec moi !

-Je n’ai fait que te prêter une oreille attentive et de jolies formules, c’est tout. J’aurais voulu t’aider tellement plus... Affirme Ophilia

Lianna part vers la sortie de la chambre. Elle souffle :

-Oh, oublie donc ça et accompagne-moi, ma chère sœur. Père nous attend dans la chapelle.

Ophilia hoche la tête, et les deux sortes pour rejoindre la chapelle principale de la cathédrale.

La cathédrale mère de la religion de la Flamme. La religion la plus prolifique du continent d’Orsterra.

Ophilia, en marchant dans les couloirs, ferme les yeux quelques secondes pour se remémorer cette histoire qu’on lui conte depuis l’enfance.

 

Au commencement, les treize dieux créèrent la terre.

Ils façonnèrent les montagnes, emplirent les mers, donnèrent vie aux arbres majestueux et aux puissantes bêtes...

puis ils créèrent l’homme, qui finit par s’imposer en maître sur le monde.

Mais l’un des dieux, Galdera, était trop avide pour se séparer de sa création.

Les douze divinités du Bien furent alors contraintes d’engager une lutte désespérée contre le cruel Galdera, maître des magies les plus infernales.

Ce fut Aelfric, le porte-flamme et seigneur de tout ce qui est sacré, qui parvint finalement à mettre un terme au conflit.

Il fit s’abattre un déluge de feu astral sur Galdera pour l’affaiblir, avant de l’emprisonner dans l’outre-monde.

Une flamme divine pour chasser les ombres...

Telle est la Flamme sacrée qui baigne Orsterra de sa sainte lumière, offrant à son peuple sa chaleur et ses enseignements.

 

Ophilia ouvre les yeux, et sourit. Elle a toujours cru en la bonne fois de la Flamme. Et la Flamme l’a toujours aidée.

Lianna et Ophilia arrivent à la chapelle. Une grande salle bondée de banc en bois s’ouvre à elles. Elle se place devant un petit autel, afin de préparer l’office du matin. La grande Flamme bleue brille devant elles. Les éclairant d’une lueur bleutée au visage.

L’archevêque Josef arrive derrière elles. Il s’agit de la personne la plus important, dans cette cathédrale. Peut-être même dans l’Eglise de la Flamme toute entière.

En effet, puisque cette cathédrale contient la Flamme originelle... Elle est la plus importante de toute la religion de la Flamme.

Alors, Josef, cet homme aux cheveux court et bruns et à la tunique blanche, assez âgé, ayant deux filles mais aucune barbe, est l’un des hommes les plus importants du continent.

-Ah, vous voilà, mes enfants. Souffle l’archevêque

Lianna et Ophilia se retournent vers leur père. Ophilia, en le voyant, se dépêche de s’incliner respectueusement.

-Votre Excellence. Que la Flamme sacrée illumine votre chemin.

-Vous avez besoin de nous, Père ? Demande Lianna en s’approchant à son tour.

Josef sourit.

-Je souhaitais simplement vous voir. Vous pouvez vaquer à vos tâches.

-Très bien, Votre Excellence. Répond Ophilia en se redressant

Les deux sœurs se retournent vers l’autel pour retourner travailler.

-Dire qu’hier encore, vous me paraissiez des enfants. Vous voilà devenues des femmes. Souffle Josef

Il se retourne vers sa plus jeune fille, et lui demande :

-Combien de temps s’est écoulé depuis que tu nous as rejoints, Ophilia ?

-Quinze ans, Votre Excellence. Ou presque. Répond Ophilia sans se retourner

-Quinze ans... Je ne devrais pas m’étonner que tu aies tant grandi. Affirme Josef

Les deux filles se retournent vers leur père.

-Je n’étais qu’une orpheline, Votre Excellence, malade et affamée. Je n’aurais jamais survécu si vous ne m’aviez pas recueillie. Rappelle Ophilia

Elle approche encore un peu de son père.

-Je ne l’ai peut-être pas dit assez souvent au fil des ans, mais mon cœur déborde de gratitude pour tout ce que vous m’avez donné.

Josef se tourne vers elle et lui sourit encore plus.

-Je ne mérite pas tant de reconnaissance, mon enfant. Nous suivons tous le chemin que la Flamme sacrée illumine pour nous.

Lianna s’approche aussi.

-Allons, Phili... Tu fais partie de la famille ! Affirme Lianna. Toi, Père et moi. Ce n’est pas la peine de faire tant de manières !

Elle se colle à sa sœur, pour prouver ses dires.

-Pourquoi devrais-tu nous remercier d’être à tes côtés ? C’est le rôle d’une famille ! Rappelle Lianna

-Bien sûr... Tu as raison, Lianna. Soupire Ophilia

-En plus, Père est peut-être un archevêque respecté ici, mais nous savons toutes les deux que ce n’est qu’un vieux fainéant à la maison. N’est-ce pas, Père ? Fait Lianna

Josef à un petit mouvement de surprise, mais il finit par éclater joyeusement de rire.

-Ha ha ha ! Un vieux fainéant ? Je suis blessé, Lianna ! Rétorque Josef

Lianna se tourne vers son père, et prend un petit regard malicieux.

-Je sais que vos obligations à la cathédrale vous prennent beaucoup de temps, Père, mais franchement... vous n’êtes d’aucune aide pour ce qui est des tâches ménagères !

Elle approche de son père.

-Est-ce donc trop vous demander de préparer le repas ou d’épousseter une étagère de temps en temps ? Elle demande

Josef recule d’un pas, et prend un sourire... Forcé. Gêné, même.

-Ma foi... De ce point de vue-là, il faut bien avouer que je ne suis pas d’une grande utilité. Il affirme

Ophilia met sa main devant son visage, laissant échapper un petit rire.

-Ainsi, notre bien-aimé archevêque lui-même a des défauts aux yeux exigeants de sa fille. Insiste Ophilia

-C’est bien ce qu’il semblerait, Ophilia. Répond Josef

-Hé hé hé... Ricane Lianna

Elle et sa petite sœur rient en cœur pendant quelques minutes. Mais elles se font couper par Josef :

-Mais dis-moi, Lianna...

Elles se calment, et se tourne vers leur père.

-T’es-tu préparée pour ton périple jusqu’à la Grotte des origines ? Demande Josef

Lianna hoche la tête.

-Bien entendu, Père. Je suis prête.

Ils regardent tous la Flamme. Elle brille intensément. Le bout de sa flamme atteint presque le plafond de la cathédrale. Josef souffle, en regardant la Flamme :

-C’est dans les profondeurs de cette grotte que tu trouveras la Flamme primordiale. Tu apporteras les braises aux églises du royaume, où elles serviront à raviver les feux sacrés qui réchauffent et protègent toutes les terres.

Il se tourne vers sa fille ainée, qui elle regarde toujours la Flamme.

-Il s’agit de l’Attisement, le rite consacré que nous effectuons immanquablement tous les vingt ans depuis des temps immémoriaux. Ton pèlerinage sera semé d’embûches. Dès que tu t’aventureras hors de nos murs, tu t’exposeras à la menace des hors-la-loi et des bêtes sauvages. Oui, nombreux sont les servants de l’Eglise qui ont entrepris ce périple au cours de l’histoire. Et certains... n’en sont jamais revenus.

Lianna se tourne enfin vers son père.

-Mais je sais que tu en es capable, ma fille. Tout le monde a foi en toi.

Lianna hoche la tête.

-Faites-moi confiance, Père. Je saurai me monter à la hauteur de vos attentes à tous. J’accomplirai le rite, comme vous l’avez fait il y a vingt ans.

Elle semble déterminée à rendre son père fier d’elle. Ce dernier lui sourit.

-Très bien mon enfant. Très...

Mais Josef est coupé dans sa phrase par un toussotement. Ses deux filles ont un mouvement de surprise.

-Père... ? Souffle Lianna

-Tout va bien, Votre Excellence ? Demande Ophilia

-Il n’y a pas lieu de s’inquiéter. C’est seulement le poids des années qui se fait sentir. Affirme Josef

Il baisse un peu les yeux. Ayant soudain un ton morose. Presque triste.

-Oh, ne prenez pas ce ton morose, Votre Excellence ! Réplique Ophilia. Vous avez encore beaucoup à nous apprendre avant que nous ne vous laissions prendre votre retraite !

-Ophilia a raison, Père ! ... Comme toujours. Affirme Lianna

Elle sourit à son père.

-Vous devriez-vous retirer pour aujourd’hui, et permettre à votre corps de récupérer. Nous nous occuperons de tout en votre absence.

-Nous informerons le pontife que vous vous reposez dans vos appartements. Renchérit Ophilia

-Si mes deux filles insistent, comment pourrais-je protester ? Dans ce cas, je vous laisse préparer la liturgie du jour. Répond l’archevêque d’un ton fatigué

Ophilia hoche la tête et sourit à son tour.

-Vous pouvez compter sur nous, Votre Excellence. Elle affirme

Lianna se tourne vers sa sœur, et prend la main de son père.

-Je vais accompagnez Père jusqu’à ses appartements. Fait Lianna

-Merci, Lianna. Je vais me charger de nos tâches ici. Répond Ophilia

Les deux complices font un petit signe, et Lianna part avec l’archevêque Josef. Ophilia les regarde, et soupire :

-Je ferais mieux de préparer au plus vite la liturgie suivante...

Elle commence à sortir quelques bougies, mais s’arrête en entendant quelque chose derrière elle. Elle se retourne immédiatement. Il y a un enfant pleurant plus loin, entre les bancs et l’entrée de la cathédrale.

-Oh... Mais que fait cet enfant ici tout seul ? Se demande Ophilia

L’enfant, un jeune garçon brun portant un grand manteau rouge, approche de lui-même de la prêtresse. Il semble chercher quelque chose...

-Que t’arrive-t-il, mon petit ? Demande Ophilia

Le jeune se tourne brusquement, surpris. Des torrents de larmes coulent de ses joues. Sans oublier son regard complètement perdu.

-C’est ma maman ! Il répond. Elle est partie et j’arrive pas à la retrouver !

Il pleure de plus en plus.

-Reviens, maman ! Me laisse pas ici tout seul ! Il gémit

Ophilia tente de le calmer un peu. Elle n’a jamais aimé voir des gens pleurer.

-Allons, allons... Sèche tes larmes. Que dirais-tu que je t’aide à chercher ta mère ? Propose Ophilia

Le jeune semble enfin calmer ses larmes. Il renifle bruyamment, et demande :

-Tu peux la trouver, tu crois ?

-Bien sûr, mon garçon. Répond Ophilia. La Flamme sacrée nous montrera le chemin.

Elle lui sourit. Mais au fond d’elle-même, elle pense : (Mais je dois aussi préparer la liturgie...)

Elle ferme les yeux quelques secondes pour réfléchir, puis les rouvres. (Non. Je ne peux pas abandonner ce pauvre enfant. Si je me dépêche, je devrais avoir le temps de tout faire.)

Elle hoche la tête, et part avec l’enfant.

-Bien. Ou était-elle, la dernière fois que tu l’as vu ? Demande Ophilia au petit

-Elle... Elle était dehors, devant la cathédrale. J’ai lâché sa main, et elle est partie... Répond le garçon

-Bien ! Alors commençons les recherches dehors !

Ils sortent tous les deux dans le froid mordant. Bien qu’Ophilia n’ai pas de manteaux aussi chaud que le jeune garçon, la robe des prêtresses est fourrée. Et elle-même est habituée au froid.

-Alors... Ou est-elle... Souffle Ophilia

Elle regarde de partout, cherchant une femme qui chercherait un enfant.

-Là ! S’écrie l’enfant

Ophilia se tourne. Une jeune femme en manteau bleu semble chercher quelqu’un. Le petit n’attend pas et court la voir.

-Maman ! Crie le petit

-Ah, te voilà ! Répond la dame

La mère serre son petit dans ses bras. Ophilia s’approche, et la mère la remarque enfin.

-Sœur Ophilia ! Je ne sais comment vous remercier d’avoir veillé sur mon petit garnement... Souffle la mère

Elle se retourne vers son fils.

-Et toi ! Combien de fois faut-il te répéter de ne pas t’éloigner de maman ? Elle gronde

-Ne grondez pas ce pauvre garçon, je vous prie. Souffle Ophilia. Il a été si sage et si courageux.

Ophilia et le garçon se regardent, et sourient. La mère soupire.

-Vous êtes trop bonne, Sœur Ophilia. Je sais que vos tâches à la chapelle ne vous laissent gère de répit. Merci d’avoir pris le temps de m’aider.

La mère sourit.

-Il n’est pas étonnant que l’archevêque soit si fier de ses deux filles.

-Ses... deux filles ? Souffle Ophilia

-Allons, vous devez bien savoir qu’il ne tarit pas d’éloges sur vous et sœur Lianna !

Ophilia est surprise. Très surprise. Elle laisse même s’échapper un petit rougissement de surprise et de joie.

-C’est... c’est vrai ? Elle insiste

La mère hoche la tête.

-Mais oui ! Il me le serine presque à chaque conversation ! Affirma la mère

Ophilia secoue un peu la tête.

-Allez, mon garçon, il est temps de partir. Remercie sœur Ophilia et on rentre à la maison.

Le jeune s’approche d’Ophilia.

-Merci, Sœur Ophilia.

-Il n’y a pas de quoi, mon enfant. Sourit Ophilia. Mais dorénavant tâche de ne plus t’éloigner de ta mère, tu veux bien ?

Le jeune hoche la tête en souriant, et la petite famille part plus loin, laissant Ophilia devant la cathédrale.

Ophilia croise alors les mains devant elle, en position de prière.

(Votre Excellence...) Pense Ophilia. (Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour me montrer digne d’être considérée comme votre fille.)

Elle reste encore quelques secondes dans la neige, regardant les flocons tomber. Mais elle finit par rentrer dans la cathédrale. Elle doit terminer la liturgie.

Elle rentre. Il y a déjà quelques fidèles en train de prier la Flamme. Ophilia s’apprête à reprendre ses occupations...

-Auriez-vous un instant à m’accorder, ma Sœur ?

...Quand une voix la demande.

Ophilia se retourne. Elle trouve sur le côté un homme. Un jeune homme, il a sans doute le même âge qu’Ophilia. Il est brun, a des cheveux courts, et un manteau bleu foncé à fourrure beige. Dans ses petits yeux brillaient la malice.

-Oui ? Que puis-je faire pour vous, mon bon Monsieur ? Demande Ophilia

-Sauriez-vous où je peux trouver son Excellence l’archevêque ? Demande l’homme

-Puis-je savoir qui le cherche ? Insiste Ophilia

L’homme semble réaliser qu’Ophilia ne le connait absolument pas. Il sourit, et sort :

-Ah ! J’oublie les bonnes manières. Je m’appelle Mattias, je suis un marchand du Consortium de Léoniel. L’archevêque a généreusement accepté de négocier une transaction avec nous.

-Un marchand ? Je vois. C’est un honneur de faire votre rencontre, Monsieur. Je suis sœur Ophilia.

Mattias approche, et aborde un grand sourire.

-Oh, vous êtes la fameuse Sœur Ophilia ! J’ai beaucoup entendu parler de vous. Lorsque l’archevêque m’a consacré pour requérir mes services, il n’a pas manqué de me parler de ses deux filles.

Ophilia rougit à nouveau de gêne. Entendre des compliments lui faisait infiniment plaisir. Mais elle se ressaisit. Rougir pour un compliment est ridicule.

Mattias, quant à lui... Sourit. Mais un sourire différent de son sourire précédent. Un sourire plus... Indescriptible.

-J’ai aussi entendu dire que sœur Lianna sera la prochaine porte-flamme. Le royaume entier vous est redevable de lui être tous si loyaux. A vrai dire, c’est pour fournir à votre sœur ce dont elle aura besoin pour son pèlerinage que l’archevêque m’a fait venir aujourd’hui.

-Vraiment ? Nous vous sommes très obligés de votre soutien. Affirme Ophilia

-Il n’y a pas de quoi, ma Sœur ! Répond Mattias. Les fidèles se doivent d’apporter leur concours à l’Eglise qui œuvre sans relâche pour les servir.

Ophilia s’apprête à le remercier une nouvelle fois, quand un bruit de pas pressé arrive de derrière elle. Ophilia se retourne. Une prêtresse complètement paniquée fonce vers Ophilia.

-S-Sœur Ophilia ! Venez immédiatement !

-Que se passe-t-il ? Demande Ophilia

-Oh, Sœur Ophilia, c’est l’archevêque... Son Excellence a été prise d’un malaise !

Ophilia a un mouvement de recul, et blêmit. Soudain très inquiète.

-Quoi ?! Je... j’arrive tout de suite !

Ophilia se retourne dans la précipitation.

-Monsieur Mattias, je regrette de devoir vous abandonner alors que vous êtes venu de si loin, mais...

-Ne perdez pas un instant avec moi, ma Sœur. Dépêchez-vous de vous rendre auprès de l’archevêque ! Ordonne presque Mattias

-Je vous remercie de votre compréhension, Monsieur. Veuillez m’excuser !

Elle n’attend plus, et court vers la chambre de son père. Mattias la regarde partir quelques instants, la laisse disparaitre, et sort de la cathédrale.

Ophilia arrive en trombe dans la chambre de Son Excellence. L’archevêque est dans un lit, il semble endormi... Mais aussi un peu souffrant. Lianna est à son chevet. Une prêtresse est derrière elle.

-Votre Excellence ! Lance Ophilia

Lianna relève la tête pour regarder sa petite sœur. 

-Du calme, Ophilia ! Commence par reprendre ton souffle. Elle demande

Ophilia arrive au chevet de l’archevêque.

-Pardonne-moi, Lianna. Comment va Son Excellence ? Demande Ophilia

-Son Excellence a surtout besoin de repos. Tâchez de ne pas le perturber outre mesure. Affirme la prêtresse

-Bien sûr... Toutes mes excuses. Souffle Ophilia

-Li... anna... ?

Les trois jeunes femmes se penchent vers l’archevêque. Lianna lui souffle doucement :

-Oui, Père ?

-Le pèlerinage... La Flamme sacrée... Gémit Josef

-N’ayez aucune inquiétude, Père. J’accomplirai le rite quoi qu’il arrive, comme vous me l’avez appris. Affirme Lianna

-Tu m’en vois soulagé... Affirme Josef

Il tombe dans l’inconscience. Lianna s’agenouille à ses côtés. Elle lui prend le bras, et le secoue un peu.

-Père ? Père ! Elle fait

-N’ayez crainte, Sœur Lianna. Il s’est simplement assoupi. Affirme la prêtresse

Lianna se relève, mais garde la tête baissée.

-Ouf... Elle souffle

-Lianna... Fait Ophilia

Lianna ne répond rien.

-Sœur Lianna, vous sentez-vous bien ? Demande la prêtresse

Lianna reste au silence encore quelques secondes, puis se tourne vers la prêtresse.

-Ce... ce n’est rien... Affirme Lianna. Je crois que... j’ai simplement besoin de prendre l’air.

Lianna sort. Ophilia la regarde sortir, et baisse les yeux. Elle jette un regard furtif vers son père, et sort à son tour de la chambre.

-Lianna... Souffle Ophilia.

Elle soupire.

-Je sais qu’elle s’efforce de faire bonne figure devant les autres... Mais je m’inquiète pour elle. Je devrais être à ses côtés dans ces moments-là. Elle s’affirme à elle-même.

(Ou est-elle...) Pense Ophilia.

Mais elle a soudain une révélation. Elle sait parfaitement ou se trouve Lianna.

Elle sort en trombe de la cathédrale. Il y a un endroit, vers le centre de Don-des-flammes, en face de la cathédrale. Une petite colline sublime, surplombée de fleurs. Le paysage depuis cet endroit est absolument magnifique, et cet endroit a depuis toujours soulagé Lianna.

Ophilia y arrive. Elle grimpe le chemin sur la petite colline, chemin qu’elle a emprunté des milliers de fois auparavant. Elle arrive au sommet. Et entre les fleurs, Lianna se tient debout, observant la cathédrale devant elle.

Ophilia avance un peu, et lance timidement :

-Lianna... Comment te sens-tu ?

-Ophilia ? Fait Lianna

Elle se retourne vers sa petite sœur. Elle la regarde en silence pendant quelques secondes, avant de tomber au sol brusquement.

-L-Lianna ?! S’écrie Ophilia

Lianna est tremblante. Ses forces semblent l’avoir abandonnée.

-Qu’est-ce que je vais faire, Ophilia ?! Père... Mon père est... Elle souffle

-Lianna... Soupire Ophilia

Mais Lianna ne semble même pas l’entendre.

-Quand je pense à ce qui pourrait arriver, je ressens une telle crainte, une telle colère que... mon cœur semble sur le point d’exploser. Elle affirme. Mais si je m’effondre maintenant, tout le monde perdra espoir. Je dois rester forte.

Sa voix semble être en contradiction avec ce qu’elle dit. Elle parle de rester forte, mais sa voix se brise petit à petit.

-Et bientôt, je devrai partir en pèlerinage. Il est impossible d’ajourner le rite ; on ne peut pas déroger à des siècles de tradition. Mais... à l’idée de quitter mon père, sans même savoir si je... si je le reverrai un jour...

Ophilia, toujours debout, tiens Lianna dans ses bras. La poussant contre elle doucement. Lianna pose sa tête contre le corps de sa petite sœur, la sentant respirer.

-Ne désespère pas, Lianna. Je suis avec toi. Ensemble, nous trouverons une solution. Affirme Ophilia

-Ophilia...

Elles restent en silence. Longtemps. Assez de temps pour qu’Ophilia repense à ses souvenirs. Qu’elle se replonge dedans. Elle ferme les yeux.

Quinze ans se sont écoulés depuis le jour où Son Excellence m’a recueillie.

Ma famille ayant péri pendant la guerre, je n’avais plus rien ni personne pour s’occuper de moi.

Je me souviens de Son Excellence. Il me tenait dans ses bras, et montrait Lianna du regard. Elle était si jeune. Et j’étais si perdue.

-Ne désespère pas, Ophilia. Désormais, nous sommes ta famille. Affirma Son Excellence. Voici Lianna, ma fille. Ta nouvelle sœur.

Je ne disais rien. J’avais trop peur pour cela.

-Je m’appelle Lianna. Mais tu peux m’appeler Anna, si tu préfères... Soufflai Lianna

Mais moi, j’étais trop intimidée. En gardant le silence, je suis partie me cacher derrière Son Excellence.

-Qu’est-ce qui lui prend ? Demanda Lianna

-Lianna, il faut que tu saches qu’Ophilia a vécu un grand malheur. Répondit Son Excellence. Nous devons faire tout notre possible pour lui rendre le sourire. Ensemble, dans la lumière de la Flamme sacrée, nous trouverons le bonheur.

-Oui, Père ! Je serais la meilleure sœur du monde pour toi, Ophilia ! Affirma Lianna

Je me serrai encore plus contre Son Excellence, toujours aussi apeurée.

Lors de mes premiers jours dans la demeure de l’archevêque, je suis restée cloîtrée dans ma chambre sans parler à quiconque.

Je me revois, dans une chambre, en train de pleurer, seule... Et Lianna, elle, entrait toujours pour me voir.

C’est elle qui m’a fait sortir de cette pièce... et de ma coquille.

Lianna... Ma meilleure amie. Ma sœur.

-Dit, Phili. Tu n’as pas envie de sortir un peu ? Elle m’avait demandé

Mais je ne lui répondais toujours pas.

-Hmm... Oh ! Je sais ! S’écria Lianna

Elle empoigna soudain ma main, ce qui me fit retourner vers elle sous la surprise.

-Il y a un endroit qu’il faut absolument que je te montre ! Affirma Lianna

-Qu-quoi... ?! Je m’écriai

Lianna m’entraina alors dans toute la ville. Me faisant courir.

-Par ici ! Viens ! Elle insista, voyant que je résistai

-Où... où est-ce qu’on va ? Je demandai

Mais Lianna ne me répondait pas, et continuait de m’emmener au loin. Moi, j’étais confuse ! Ou m’emmenait-elle ! Je voyais une colline devant moi.

-C’est juste un peu plus loin ! Suis-moi ! On y est presque ! Affirma Lianna

Elle m’emmena au sommet de cette colline.

-Et voilà ! Souffla Lianna.

Il y avait des fleurs violettes magnifiques. Mais surtout une vue imprenable sur la cathédrale. Toutes ces mosaïques de verres brillaient grâce à la neige qui se reflétait.

Je regardai le paysage, des centaines d’étoiles dans les yeux, tant c’était beau.

-Où est-ce qu’on est ? Je demandai

-Dans mon endroit préféré ! Affirma Lianna. Peut-être que ça pourrait devenir le tien aussi ?

Je ne trouvai pas quoi dire, alors je me contentai de baisser la tête, imposant un petit silence. Je fis un pas en avant, et soufflai :

-C’est tellement beau...

-Tu l’as dit ! C’est bien pour ça que j’adore venir ici ! S’écria Lianna.

Elle alla plus loin, pour cueillir une fleur, et me la tendre.

-Tiens, Phili. C’est pour toi ! Elle affirma

Je pris la fleur, et la regarda. Elle était magnifique. Absolument magnifique.

-Alors... tu veux bien jouer avec moi maintenant ? Demanda Lianna

Je gardai le silence.

-Toujours pas ? Insista Lianna tristement

Je me mis à trembler sous l’émotion.

-Phili, est-ce que tu pleures ? Demanda Lianna

Je secouai la tête.

-Non... pas du tout.

-Tant mieux ! Répondit Lianna. On va devenir les meilleures sœurs du monde Phili... J’en suis sûre !

Je baissai à nouveau la tête, mais tentai de la regarder un minimum.

-Je... J’aimerais beaucoup... Lianna...

-Alors, c’est décidé ! Oh ! La prochaine fois, je t’apprendrais mon jeu préféré ! Et après...

Après avoir perdu ma famille, je pensais être condamnée à vivre seule et malheureuse jusqu’à la fin de mes jours...

Mais Lianna a dissipé le nuage noir qui plainait au-dessus de moi et m’a donné la force de recommencer à vivre !

Ophilia ouvrit les yeux lorsqu’elle senti un flocon de neige se poser sur elle. Le petit coup de froid la sort de ses pensées. Ophilia regarde sa sœur. Elle lui sourit, et se relève enfin.

-Je suis désolée de m’être sauvée comme ça... Je vais retourner au chevet de Père et je resterai avec lui le plus longtemps possible.

-Bonne idée, Lianna. Répond Son repos sera plus tranquille s’il te sait près de lui.

Lianna sourit, et part, laissant Ophilia seule sur la colline. Ophilia regarde devant elle.

(La maladie de l’archevêque accable Lianna plus que quiconque...) Pense Ophilia (Pourtant, elle ne peut laisser paraître ses craintes... Demain, elle devra partir au loin pour recueillir les braises de la Grotte des origines.)

Soudain, une idée traversa l’esprit d’Ophilia.

(Mais si j’allais chercher les braises à sa place, Lianna pourrait rester aux côtés de son père.)

Mais elle se secoue la tête, reprenant ses esprits.

(Bien sûr, la perspective de le quitter me brise aussi le cœur... Et si quelqu’un d’autre recueillait les braises, c’est à cette personne qu’il incomberait de faire le pèlerinage et d’accomplir le rite... Sans compter que si je pénétrais dans cette grotte sans la permission de l’Eglise, je ne m’en tirerais pas avec une simple réprimande.)

Ophilia regarde devant elle, puis hoche la tête avec détermination.

-Si je me souviens bien, la Grotte des origines se trouve dans les collines à l’est d’ici.

Ophilia sourit, et descend de la colline. Elle court, le plus vite possible. Impatiente d’aider sa sœur.

Elle arrive en bas de la ville. Elle doit, avant de partir dans la Grotte des origines, se préparer un minimum. Au moins prendre des plantes médicinales.

En effet, la Grotte des origines est à deux jours de marches de la ville. Et des monstres se cachent entre les tas de neiges. Sans oublier que même dans la grotte, il y a encore plus de monstres...

Heureusement, Ophilia sait se battre. Elle a appris, avec Lianna et l’archevêque. Elle n’est peut-être pas une guerrière, mais sa piété crée de la lumière salvatrice... Et destructrice.

Cependant, ces lumières sont épuisantes... Et les prunes sont nécessaires pour garder un minimum d’énergie.

La boutique se trouve vers l’entrée de la ville. Elle commence à acheter prunes et raisins, avec le peu d’argent qu’elle a, lorsqu’elle entend :

-Reviens !

Ophilia se retourne...

Et tombe nez à nez avec une panthère des neiges beaucoup trop enthousiastes lui sautant au coup. Ophilia tombe au sol, et lorsqu’elle ouvre les yeux, une panthère, un animal relativement dangereux, avait son visage a quelques centimètres du sien.

Ophilia crie de surprise.

-UN MONSTRE ICI !!!

Lianna sorti de sa tunique son bâton, son arme depuis toujours. Elle s’apprêta à assommer la panthère avec, lorsqu’elle entendit :

-Non, attendez, c’est une erreur, cette panthère est mon amie !

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