La Cité sous les Mers

Chapitre 3 : Les Dents de la Mer.

2760 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 17/03/2018 09:34

Au sein du navire des Heart, chaque section accourait vers son poste. Les bruits de machines que l'on activait résonnaient dans les couloirs, les écoutilles étaient vérifiées, les barres de température et de pression surveillées alors que le sous-marin entamait son immersion. Habitués à ces sons caractéristiques, les pirates veillaient simplement à ce que tout se passe bien, des ordres étaient criés, des messages transmis et les grincements se répercutaient le long des murs alors que la plongée s'effectuait.


Rapidement après s'être assuré de la stabilité du sous-marin, le gigantesque phare à l'avant du navire fut allumé. Si en temps de brouillard il leur servait tout juste à éclairer deux mètres devant eux, il était bien plus efficace sous l'eau pour identifier les obstacles. C'était pourtant une bien maigre consolation face à l'idée que la plupart de leurs instruments de navigation étaient détraqués, radars compris. Les moteurs tournaient à bas régime, ils ne pouvaient pas se permettre d'avancer à grande allure alors que les radars étaient perturbés, incapables de dessiner correctement un aspect des fonds marins.


Si au départ l'eau était suffisamment vaste et dégagée pour qu'ils puissent encore se permettre un peu de vitesse, ils ralentirent très vite lorsque l'obscurité se densifia et que les courants s'avérèrent plus turbulents. Adieu les eaux calmes de la surface, il semblait qu'en contrebas la mer se déchaînait. Des monceaux d'algues fendaient les eaux noires, les obligeant à ralentir, et les créatures marines qu'ils croisaient étaient de plus en plus grosses également.


Leur descente continua alors que la salle des machines était en effervescence, il fallait continuellement ajuster la puissance des moteurs pour contrer les courants, stabiliser le vaisseau. Le périscope était constamment occupé par deux personnes qui scrutaient les alentours en cherchant à déterminer si la voie qu'ils empruntaient était sûre ou non. Les avertissements fusaient de part et d'autres, les communications par escargophones à courte portée étaient saturées, prudence était de mise lorsque l'on progressait à l'aveuglette dans un environnement aussi instable.


Ils finirent par quitter les forts courants pour une zone plus calme et largement dégagée, leur permettant de souffler un peu. La pression et les machines ayant tourné à plein régime avaient augmenté la température intérieure, le système de refroidissement étant totalement mobilisé par les engins surchauffés. Ils profitèrent de ce répit pour distribuer des serviettes afin d'éponger les fronts en sueur, le pirate en souffrant le plus étant un ours polaire intelligent, de la race des Minks, également second des Heart.


Celui-ci était étalé par terre, le plus loin possible de la salle des machines, et langue dehors. Son pelage était trempé et ses paroles essoufflées alors qu'il ne cessait de se plaindre, parfois rabroué par les autres qui tentaient de se concentrer. Ils ne pouvaient pas vraiment le soulager, et c'était un comportement connu de toutes leurs immersions à durée prolongée. Et cela faisait déjà près de deux heures qu'ils se battaient pour rejoindre les fonds marins, et si le sous marin était capable de résister à une forte pression, ils ne savaient pas jusqu'où devraient-ils encore descendre comme cela.


Désaltérés et la plupart des combinaisons s'étant retrouvées nouées autours des tailles, les Heart retournèrent sérieusement à leur poste lorsque de hauts rochers furent annoncés par ceux surveillant la progression du navire. Des dents de pierre se dessinaient dans le halo lumineux que diffusait le puissant phare avant du sous-marin, faisant frissonner certains Heart face à l'aspect menaçant que cela donnait. De larges bancs de poissons argentés se dispersèrent sur leur passage pour se reformer plus loin, les laissant progresser au sein de deux gigantesques parois rocheuses.


Toute vigilance retrouvée, les pirates s'activèrent pour surveiller leur distance par rapport aux obstacles, déterminer le chemin le plus fiable, car un demi-tour pourrait être compliqué dans ce type de zone. Le stress grimpait peu à peu alors que les radars demeuraient désespérément muets, seule l'aiguille de l'eternal pose leur indiquant toujours fidèlement de s'enfoncer toujours plus loin dans cette obscurité. L'angoisse commençait à allumer les regards, ils n'avaient aucune destination précise, combien de temps cela durerait-il encore ? Bien entendu, ils avaient déjà fait le trajet vers l'Île des Hommes-Poisson, cependant à ce moment-là ils étaient sûrs d'entrevoir l'objectif s'ils suivaient l'aiguille, alors que là...


Certaines paires d'yeux inquiets se tournèrent vers le capitaine, debout dans la salle de navigation à observer comment se déroulaient les choses, donnant des ordres par moment. Depuis le début de leur plongée, son visage était demeuré impassible, ne laissant pas transparaître le moindre doute, et ils avaient suivi parce qu'ils avaient confiance en lui. C'était toujours le cas bien entendu, et personne ne s'oserait à le remettre en question, cependant la crainte d'un voyage sans retour commençait à s'immiscer dans les esprits, alimentant les conversations à voix basse.


Un rappel à l'ordre les fit rapidement taire, il leur fallait se concentrer sur la difficulté actuelle, c'est-à-dire évoluer dans un endroit étroit en occasionnant le minimum de dégâts au sous marin. Ils se focalisèrent donc à nouveau sur la descente, jusqu'à ce qu'une masse noire ne se dresse en travers du chemin.


« - Capitaine il n'est pas possible de le contourner par le côté.


- Passez par le haut, nous redescendrons après l'avoir passé, il ne semble pas très épais alors ne prenons pas de risques. »


Le membre de son équipage à qui il s'était adressé hocha la tête avant de faire passer les ordres pour qu'ils changent de direction.


« - Attendez... lâcha soudainement Law en se rapprochant des écrans reflétant ce qui était vu au périscope et par l'avant direct du navire. »


Le suspend fut transmis à son tour et le supernova plissa les yeux alors que le halo lumineux se rapprochait de l'obstacle. Il lui semblait l'avoir vu bouger, et plus le dessin se précisait, plus il lui paraissait entrevoir le reflet argenté... d'écailles ? Comprenant soudain ce à quoi ils avaient affaire, Law ordonna immédiatement :


« - Entamez une manœuvre de descente, tout de suite !


- Mais capitaine ? C'est plus étroit, nous devions attendre un passage plus large pour cela...


- Immédiatement ! »


Un cri d'effroi retentit soudain, alarmant son interlocuteur qui s'empressa de transmettre les ordres en intimant les équipes de se presser. Une paire d'yeux jaunes et luisants s'était soudain ouverte pour se braquer sur eux, dérangée et attirée par la présence de lumière dans ces lieux si obscurs. Ce qu'ils avaient initialement pris pour un amoncellement de rochers leur bloquant la voie, n'était autre qu'un gigantesque monstre marin hantant les lieux.


Affolant ceux scrutant les écrans, la créature fondit sur eux, baignant soudain dans le halo de lumière et leur permettant pleinement de détailler le monstre auquel ils avaient affaire. A sa longueur de plusieurs dizaines de mètres, on aurait pu croire à un serpent, s'il n'avait pas été aussi épais, et affublé de quatre membres griffus et palmés, dont il se servait pour changer rapidement de trajectoire. Alors que la manœuvre était entamée à toute vitesse, les crocs vinrent taper contre la coque métallique, l'écho résonnant dans les couloirs du sous marin en faisant paniquer certains.


Prenant l'escargophone des mains de son subordonné, Law intima sèchement le calme à tout le monde, et de se concentrer sur la descente, en veillant à ne pas laisser les assauts du monstre leur faire percuter la paroi. Le cerveau du chirurgien tournait à toute vitesse alors qu'il analysait la situation en tentant d'en retirer la meilleure option pour lui et ses hommes. Ils ne pouvaient pas sortir se battre, et l'utilisation de torpilles était dangereuse dans un endroit susceptible de faire s'effondrer des roches sur eux. La seule possibilité qu'il entrevoyait, était de se servir de la taille du monstre pour le semer dans un passage plus étroit. C'était dangereux, surtout considérant que chaque attaque de cette créature faisait dangereusement dévier le vaisseau de sa trajectoire, mais c'était la seule solution.


Les machines tournant à plein régime, ils s'enfoncèrent à l'aveuglette et le plus rapidement possible entre les parois pour tenter de semer la créature. Celle-ci passait régulièrement dans le champ des écrans, leur laissant entrevoir le reflet argenté de ses écailles noires alors qu'elle glissait en faisant crisser le métal, donnant parfois un coup de crocs ou de griffes pour en tester les faiblesses. Inéluctablement, il finit par se saisir de l'arrière du sous-marin jaune, rappelant une queue de poisson, la coinçant entre ses puissantes mâchoires et bloquant leur mouvement.


Le pire restait à venir, lorsque la créature secoua le navire, celui-ci allant violemment percuter les parois dans le mouvement, décrochant quelques pierres qui partaient se perdre dans les fonds marins. Avec les fortes secousses, les Heart avaient du mal à se tenir debout, et Law s'accrocha au siège d'un de ses hommes avant de crier dans l'escargophone joignant toutes les sections :


« - Mettez les moteurs à pleine puissance ! »


Cette fois, personne ne vint contester ses ordres, la panique leur donnant un coup de fouet, peu d'entre eux pensaient encore calmement, et ils obéirent par nature au ton le plus assuré et autoritaire. Quittes à faire surchauffer les moteurs, on en exigea toute leur puissance. Les mâchoires du monstre se resserrèrent pour résister, et ils crurent bien qu'ils ne parviendraient jamais à se dégager, avant qu'il ne lâche soudainement, quelques dents s'arrachant au passage. Débarrassé de cette force de résistance, le sous marin fila droit devant lui, hors de tout contrôle.


Le flanc droit du navire s'écrasa violemment contre la paroi, faisant hurler l'alarme d'urgence et projetant toutes les personnes mal accrochées à terre. L'un des ailerons de côté s'arracha sous la puissance du choc, et le métal plia et hurla alors qu'ils filaient vers le fond sans cesser de glisser contre la roche abîmant la coque protectrice sans pitié, jusqu'à ce qu'ils réussissent enfin à en récupérer le contrôle, ralentissant et recentrant le submersible pour que l'avalanche de dégâts cesse enfin.


S'étant accroché à la fois au siège de son subordonné et au tableau de bord, Law se redressa le souffle court et les muscles crispés. Tout en calmant sa respiration, il jeta un coup d'œil aux écrans avant de soupirer discrètement en constatant que le monstre avait abandonné son attaque. Il fallait dire qu'ils s'étaient enfoncés de plusieurs dizaines de mètres à cette allure, et que les lieux s'étaient encore resserrés. Se saisissant de l'escargophone, le supernova déclara en essayant de faire recouvrer son calme à tout le monde :


« - Nous avons semé le monstre marin. Faites-moi un état des lieux et des blessés. »


Après plusieurs minutes sans réponse, il finit par obtenir des informations au fur à mesure. Pour commencer, personne de son équipage n'était gravement blessé, pas mal de bleus, une éventuelle entorse, une commotion à surveiller, mais ce fut très vite pris en charge. Pour ce qui était du Polar Tang, leur navire, celui-ci avait encaissé non sans sévères dégâts. Toute une section venait d'être condamnée en urgence alors qu'une significative augmentation de pression s'était manifestée, probablement dû à une fuite. Heureusement, ce n'était rien d'essentiel sur le moment, mais cela restait handicapant, surtout vis à vis de la stabilité du submersible, d'autant plus que celle-ci était déjà affectée par la perte de l'aileron droit. L'un des moteurs était en surchauffe critique et avait dû être éteint le temps de le refroidir en urgence, ce qui handicapait grandement leur capacité de mouvement.


Ce n'étaient pas de bonnes nouvelles, mais si l'on voulait voir le verre à moitié plein, personne n'avait perdu la vie et le sous-marin, bien que sévèrement secoué et rendu très délicat à manœuvrer, ne menaçait pas encore de couler. Law laissa quelques minutes à chacun pour souffler et s'en remettre, faisant immobiliser le navire et taire l'alarme, avant d'enjoindre de poursuivre leur route. Étant donné l'état du submersible, s'ils tardaient trop, les dégâts pouvaient très bien s'aggraver, il suffisait d'une partie fragilisée qui cède sous la pression en constante augmentation...


La descente reprit, difficile. Ils étaient bien heureux d'avoir quitté les forts courants, et la plupart priaient pour ne pas se retrouver à en affronter d'autres, car ils n'étaient pas sûrs de gagner cette fois-ci. Une bonne demi-heure s'écoula alors que des Heart arpentaient le navire pour vérifier l'état interne de la coque, et faire condamner par précaution les secteurs dangereux, fermant hermétiquement des écoutilles. Les autres bataillaient pour rester stables, et ils rencontraient parfois la paroi sans pouvoir y faire grand chose tant ces manœuvres relevaient du défi. Law demandait régulièrement des nouvelles, et espérait intérieurement qu'ils sortent rapidement de ces lieux étroits et dangereux.


Leurs prières intérieures furent enfin entendues lorsque les falaises s'élargirent enfin, et significativement, ce qui fit soupirer tout le monde de soulagement. Ceci du moins, jusqu'à ce qu'une violente secousse n'ébranle le navire. Maudissant les dieux qui se jouaient ainsi d'eux, les Heart s'affolèrent en constatant que ce creux dans les roches et les gémissements du navire signifiaient qu'un fort courant évoluait ici.


Ils se retrouvèrent impitoyablement happés à l'intérieur sans rien pouvoir faire. Les moteurs ne réussissaient plus à envoyer la puissance nécessaire pour s'en dégager, et ils furent ballottés dans tous les sens, dans l'incapacité de redresser leur trajectoire. Chacun ne pouvait alors plus que s'accrocher à son siège ou son matériel, et adresser une petite prière à toute entité supérieure souhaitant bien leur accorder miséricorde.


Emporté par les eaux noires et tumultueuses, le Polar Tang fut propulsé vers les fonds marins. Son faisceau de lumière pointait désormais dans tous les sens, occasionnant un étrange spectacle. Ils heurtaient parfois un obstacle qu'ils étaient incapables d'identifier, et rapidement des alarmes se mirent à hurler alors que l'eau s'infiltrait à l'intérieur. Quelques Heart tentèrent bien de colmater la coque enfoncée pour ne pas finir noyés, mais ils furent tout simplement projetés violemment contre les murs et malmenés dans tous les sens jusqu'à ce qu'ils réussissent à s'accrocher. Il leur était impossible de lutter contre cette force de la nature, et le comble fut certainement lorsque leur lumière principale lâcha à son tour.


Les écrans étaient désormais noirs, et plus personne ne tentait d'agir, occupés à ne pas se faire arracher à leurs maigres prises. Malgré la cohue qui régnait à l'intérieur, Law fronça les sourcils en constatant que, non, tout à l'extérieur n'était pas encore totalement plongé dans les ténèbres... C'était intermittent, selon le sens dans lequel le navire était ballotté, mais il lui semblait bien entrevoir une légère luminescence vert pâle par moment... et ils se dirigeaient de plus en plus vers celle-ci. Le plus proche ils étaient, plus le supernova plissait les yeux tout en s'accrochant comme il pouvait, tentant d'identifier ce dont il s'agissait.


Il n'eut cependant pas le temps de s'interroger plus, lorsque le navire cessa de tourbillonner pour filer droit. Le sous-marin creva quelque chose, et soudain les estomacs se soulevèrent alors qu'ils tombaient en chute libre, pour aller s'écraser dans le sable couvrant le fond...


~~~



N.A. : Oui oui je viens de m'acharner sur ce pauvre Polar Tang XD Traffy ne m'en veux pas T^T

Law : ...

Nan mais t'inquiète tu le retrouveras flambant neuf ton submersible jaune ! J'ai juste pas dit quand...


Alors, ont-ils survécus ? Comment va mon Traffy ? Va-t-il enfin accepter de m'épous-/PAN/ Non la question ne se pose même pas ici en fait (la réponse est oui, pour ceux qui oseraient me contredire). A suivre ~

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