Noriko
Il ne fallut que dix jours, dix petits jours avant de voir les premiers avis de recherche apparaître un peu partout dans les rues, placardés sur les murs, les vitrines et même glissés entre les pages des journaux. Noriko crut que son cœur allait lâcher sous la frayeur, la prime s'élevait à 25 millions de Berrys, ce qui s'avérait être une somme exorbitante pour une première. Debout devant un mur, les mains et les jambes tremblantes, elle observait l'image qu'elle avait devant les yeux. Cette fillette âgée d'une dizaine d'années qui la fixait et qui lui renvoyait son propre reflet. Elle ne connaissait même pas l'existence de cette photo. Aussi loin qu'elle s'en souvienne, elle n'avait jamais vu Mihawk avec un appareil dans les mains. Elle avait 13 ans maintenant, son visage avait légèrement changé, mais on la reconnaissait parfaitement. Elle ne comprenait pas pourquoi elle était recherchée, ni pourquoi elle était considérée comme une criminelle, elle n'avait rien fait de mal. Personne ne l'avait surprise en train de voler cette pomme il y a quelques jours, personne ne s'était jamais plaint d'elle. Alors pourquoi ? Pourquoi la Marine était à sa recherche, pourquoi placarder autant d'affiches ? Son regard s'attarda quelques instants sur l'affiche et ce qu'elle aurait dû remarquer dès le début lui sauta aux yeux.
« RECHERCHÉE VIVE »
On la voulait vivante, pas morte ou vive, mais bel et bien vivante.
- Mihawk, lâcha-t-elle à voix basse, les lèvres tremblantes.
Les larmes lui étaient immédiatement montées aux yeux et avaient commencé à rouler sur ses joues. Par réflexe, elle cacha son collier sous son haut puis rabattit sa manche sur son tatouage. Elle avait ensuite agrippé le châle qu'elle portait autour du cou et l'avait rabattu sur sa tête, masquant partiellement son visage afin de ne pas être reconnue et avait rapidement tourné les talons pour marcher vers la sortie de la ville.
Tout prenait sens, Mihawk avait prévenu la Marine, Mihawk avait envoyé la photo et Mihawk voulait qu'elle se fasse arrêter. Il avait dû être fou de rage en constatant son départ et maintenant, il voulait lui mettre la main dessus afin qu'elle revienne chez lui. Tout en marchant, Noriko avait passé ses doigts sous ses yeux afin de sécher ses larmes et avait pesté intérieurement, elle avait comprit qu'il ne la laisserait jamais tranquille. Elle avait prit une inspiration et s'était dirigée sans plus attendre vers le port, il fallait qu'elle quitte cette ville au plus vite. Perdue dans ses pensées, il lui avait été impossible de s'ôter une question de la tête : la Marine était-elle au courant pour ses capacités à contrôler l'eau ? Elle avait toujours fait en sorte de ne jamais les utiliser en public et elle était d'une extrême prudence en toute circonstance. Refoulant ses pouvoirs, elle n'était même plus sûre de savoir bien les maîtriser. Et si la Marine la considérait comme dangereuse ? Si Mihawk était bel et bien à l'origine de ces avis de recherche et qu'elle se faisait arrêter, est-ce qu'elle serait ramenée à lui ou bien emprisonnée ? Noriko frissonna de terreur, il y avait peu de chance qu'on porte atteinte à sa vie, l'affiche avait été très clair à ce sujet, mais si elle se trouvait à fuir et que la seule solution était de l'abattre à bout portant, devrait-elle se défendre ? En serait-elle seulement capable ? La jeune fille avait soudainement trébuché et était tombée à genoux. La vision brouillée par les larmes, elle ne voyait même plus devant elle. Jurant intérieurement, maudissant tout ce qu'il lui venait à l'esprit, elle s'était mordu la lèvre inférieure jusqu'à avoir un goût métallique dans la bouche. Depuis sa naissance, toute sa vie avait été dictée par quelqu'un d'autre et voilà que le destin continuait à s'acharner sur elle. Noriko avait cru être libre pendant un bref instant, elle avait cru qu'elle pourrait vivre sa vie sans rendre de comptes à personne. À cet instant précis, elle avait été loin de se douter qu'elle se trompait lourdement et que cette situation lui ferait perdre le sommeil pour les prochaines semaines à venir. Même seule et loin de tout, même en voyageant, même en marchant de ville en ville, même en pouvant naviguer d'îles en îles, Noriko s'était sentie prisonnière. Elle avait craché du sang au sol, s'etait relevée lentement, puis avait cherché le bateau sur lequel elle allait embarquer avec une seule décision en tête : quoiqu'il lui en coûterait, qu'importe le temps que cela lui prendrait, elle se battrait pour sa survie ainsi que pour sa liberté.
C'était par hasard que Noriko s'était retrouvée sur cette île, perdue quelque part sur Grand Line. Après avoir voyagé clandestinement à bord d'un navire marchand, elle avait attendu le milieu de la nuit pour se faufiler sur le port et s'enfuir vers la forêt qui ornait la ville. Seule au milieu des arbres, elle avait réussi à faire un petit feu à l'aide d'allumettes volées à bord du navire. Elle n'avait rien eut à manger, rien eut à faire cuire et la température extérieure lui avait permis de ne pas mourir de froid. Cela n'avait pas été pour ces raisons qu'elle avait allumé ce feu, non, son plan avait été plus intelligent que cela. Le lendemain matin, à l'aube, elle avait plongé ses mains dans les cendres froides ainsi que sur le charbon créé par le bois calciné et consumé jusqu'à se noircir les doigts. Très vite, elle s'en était mis sur le crâne et s'était coiffée longuement, jusqu'à faire disparaître le blanc éclatant de sa chevelure. Noriko avait désormais les cheveux gris ornés de noir et avec des reflets argentés. Le tout était très inégal, mais avec son châle posé sur la moitié de sa chevelure, la jeune fille savait qu'elle passerait inaperçue. Elle avait prit une petite branche d'arbuste et l'avait plantée dans les cendres, puis s'était tapotée légèrement les pommettes et le nez afin de se créer un semblant de taches de rousseurs qu'elle avait estompées avec le bout de son doigt. Après s'être assurée d'être toujours seule, elle avait fait apparaître une petite flaque d'eau afin de tenter d'apercevoir son reflet. L'illusion n'était pas parfaite, mais suffisante pour ne pas reconnaître la fillette qui était recherchée.
- Mihawk me reconnaîtrait entre mille, avait-elle murmuré, mais quelqu'un qui ne m'a jamais vue ne pourra probablement pas faire le rapprochement.
Elle avait prit une grande inspiration et s'était dirigée d'un pas décidé vers la grande ville.
Deux années s'étaient écoulées après cela, Noriko avait travaillé dans des restaurants, des magasins, des boulangeries, des kiosques à journaux et avait même fait du bénévolat dans un orphelinat en échange d'un gîte et d'un couvert. Le peu d'argent qu'elle avait gagné avait été investi dans des vêtements, : une cape avec une capuche afin de se cacher, des chaussures de marche, un bandeau pour couvrir son tatouage et une petite bourse fermée hermétiquement afin d'y mettre sa réserve de charbon et de cendres. Tous les matins, elle procédait au même rituel et se teignait les cheveux pour que son identité ne soit pas révélée. Le soir, elle passait une bulle d'eau dessus et enlevait le tout. Lorsqu'elle avait la chance de dormir dans une vraie chambre, elle s'enfermait à double tour et ne dormait que d'un œil, lorsqu'elle était dehors, elle cherchait à se cacher dans une forêt et ne dormait pratiquement pas de la nuit. La peur d'être découverte était constante. Il lui arrivait d'éveiller les soupçons chez certaines personnes et dans ce cas, elle ne perdait pas de temps et prenait la fuite. Une seule fois, son déguisement n'était pas passé inaperçu et elle avait été contrainte de quitter la ville qu'elle venait de découvrir le jour même.
« Je sais qui vous êtes mademoiselle, je ne préviendrai pas la Marine parce que je ne les porte pas dans mon cœur, mais je ne veux pas de problème. Je dois vous demander de partir. »
Depuis qu'elle avait fugué, les mêmes questions revenaient sans cesse.
- Qu'est-ce que vous savez faire ?
- Je sais un peu cuisiner, mais j'apprends vite. Je peux faire du ménage, du rangement...
- C'est vrai qu'il manque une paire de bras dans cette auberge. Très bien, nous pourrions faire un essai.
- Merci beaucoup.
- J'ai l'impression de vous avoir déjà vue, lui déclarait-on.
- Je viens d'arriver en ville, se justifiait Noriko.
Parfois, elle tenait quelques jours, quelques semaines, mais jamais elle ne dépassait plusieurs mois au même endroit. Quelqu'un finissait toujours par la reconnaître et la dénoncer à la Marine. Noriko se retrouvait alors obligée de fuir, de voler de l'argent lorsqu'elle le pouvait, de trouver un bateau, de marchander sa place ou bien d'embarquer clandestinement afin de rejoindre l'île suivante. Lorsqu'elle ne pouvait pas naviguer, elle partait à pieds, se contentant de changer de ville ou de village. Lorsqu'elle n'avait plus d'argent, elle prenait le premier travail qui pouvait lui permettre de survivre une journée de plus.
« Quel âge as-tu ? »
- Je vais bientôt avoir 14 ans. »
« Comment t'appelles-tu ?
- Irina. »
Elle avait choisi ce nom par pur hasard, l'ayant entendu une fois alors qu'elle attendait son déjeuner, au sein d'un restaurant.
« Qu'est-ce que vous savez faire ? »
- Je peux cuisiner, faire du ménage, m'occuper de la literie, gérer les comptes, aller au marché. Je sais également m'occuper d'un bar, je... j'apprends très vite. »
« Je suis désolé, je n'embauche pas en ce moment. »
« Nous sommes complet. »
« Vous avez déjà travaillé dans une boutique de vêtements ? »
« Quel âge as-tu ? Tu me sembles jeune.
- J'ai 15 ans. »
« Nous sommes une petite boulangerie, nous n'avons pas besoin d'employés supplémentaires, je suis désolée. »
Plusieurs fois, on lui avait proposé de vendre son corps, mais elle avait toujours refusé, préférant mourir de faim plutôt que de perdre sa dignité.
« Tu es mignonne, tes cheveux argentés sortent de l'ordinaire, les gens paieraient très cher pour passer une nuit avec toi. Le fait que tu sois jeune est un atout supplémentaire. »
« J'ai entendu ta conversation, je peux te proposer du travail, si tu veux.
- Quel genre de travail ?
- Je t'offrirai un logement et de quoi manger.
- Qu'est-ce que vous me voulez, exactement ?
- Je te donnerai des habits qui te mettront en valeur. Avec le visage que tu as, tu auras beaucoup de succès avec les hommes de cette ville. En échange de ta sécurité, je prendrai les trois quarts de ce que tu gagnes. Tu pourras garder le reste.
- Aller au diable. »
Lorsqu'elle ne trouvait pas de travail, elle ravalait sa culpabilité et volait ce qu'elle pouvait à qui elle le pouvait.
Bien sûr, elle était déjà tombée sur des âmes charitables, des personnes avec du cœur et de l'empathie, malheureusement, le destin la rattrapait toujours et la forçait à prendre la fuite. Trahison, dénonciation, hasard, coïncidence, tout était prétexte à la faire fuir, encore et toujours. Lors de sa première fugue, Noriko était âgée de 13 ans et depuis, sa vie était devenue un véritable enfer. Elle ne pouvait faire confiance à personne, n'avait aucun ami sur qui compter et ne pouvait croire qu'en elle-même. Le soir, que ce soit dans un lit ou dans la rue, il lui arrivait de pleurer toutes les larmes de son corps. Une seule pensée la faisait tenir, elle ne cessait de se répéter que son avenir ne pouvait qu'être meilleur, que c'était mieux ici que chez Mihawk.
Son temps libre, elle le passait à étudier tout ce qui concernait la navigation, elle observait les marins, tentait de se souvenirs des leçons du grand corsaire, se disant que si elle pouvait se payer un petit bateau à voile, elle pourrait bouger plus librement, à condition de réussir à braver Grand Line, la mer de tous les dangers. Elle était partie à bord d'une barque la première fois qu'elle s'était enfuie et cela avait relevé du miracle qu'elle s'en sorte indemne, elle savait qu'elle n'aurait pas la même chance la fois prochaine. Elle passait également beaucoup de temps dans les bibliothèques ainsi qu'à lire les journaux. Si la Marine était à ses trousses, il était évident que les chasseurs de prime n'allaient pas tarder à la chercher également. Elle évitait avec soin les zones militaires et tous les endroits où les criminels et les pirates étaient le plus propice à disparaître. Elle s'était également mis en tête de connaître les plus grands bandits de la région, une adolescente seule et incapable de se battre était une proie facile, n'importe qui serait attiré par la prime qu'il y avait sur sa tête. Elle savait qu'elle devrait se méfier de tout le monde, sans aucune exception. Noriko avait tenu trois années. Elle déménageait et voyageait beaucoup tout en cachant son identité, mais avait réussi à faire de ces habitudes son quotidien. Elle dormait mieux et savait pertinemment comment réagir en cas de besoin. Ce fut vers ses 16 ans qu'elle s'était finalement faite capturée pour la première fois. Durant cette période, elle s'occupait du ménage dans un bar où des pirates avaient l'habitude de venir boire une quantité innombrable d'alcool. Elle était chargée de le faire après le départ des clients à une heure avancée de la nuit. Tout se passait très bien jusqu'à un soir fatidique.
Tout en marchant, Noriko réajusta une mèche de cheveux qui la gênait. Depuis quelques temps, elle avait acquis une perruque noire dotée d'une frange et avait raccourci ses pointes blanches jusqu'à les avoir juste au dessus des épaules pour mieux la supporter. Certaines de ses vraies mèches étaient tressées aux faux cheveux afin de faire tenir au mieux la perruque, ce qui l'assurait de ne pas la perdre, même si elle secouait la tête. Elle ne s'embêtait plus à se faire de fausses taches de rousseur depuis longtemps, ce qui lui évitait de se trimballer du charbon ou du maquillage. Arrivée à sa destination, elle ouvrit la porte de derrière avant de s'engouffrer dans le bar. Il était déjà tard et ce travail de nuit l'épuisait, mais au moins elle était bien payée et pouvait se permettre de rechercher un deuxième travail pour la journée. Elle entendit des éclats de rire provenant de la salle principale et s'y dirigea, sûre de tomber sur son patron. C'était bien lui, accompagné d'une huitaine d'hommes qui semblaient être des pirates. Noriko se sentit tout de suite mal à l'aise et voulut faire demi-tour avant de se faire interpeller.
- Irina !! Tu es en avance, scanda joyeusement le propriétaire de l'établissement.
Tous les inconnus se retournèrent vers elle, la scrutant de haut en bas. Ils étaient tous ivres.
- Bonsoir, répondit-elle timidement en baissant la tête. Je suis à l'heure, je pense que c'est vous qui êtes en retard sur la fermeture, je... je repasserai plus tard ou je viendrai plus tôt demain matin, je ne vais pas vous déranger.
- Ne soit pas timide ! Approche-toi, beugla son patron qui semblait être le plus alcoolisé de tous. Les gars, je vous présente ma perle rare, elle fait le ménage comme personne!
Les hommes observèrent la jeune fille en s'échangeant des regards avec des sourires en coin, mais restèrent silencieux. Le propriétaire des lieux se leva et vint à sa rencontre.
- Monsieur, qui sont ces gens ? Vous les connaissez ? demanda doucement Noriko afin de rester discrète.
- Aucune idée, ils ne veulent pas partir, je fais semblant d'être alcoolisé pour ne pas les énerver.
- Ils se sont montrer menaçants ?
- Non, mais je crois que ce sont des pirates. Il faut que tu m'aides à les servir.
- Je ne suis pas serveuse.
- Maintenant, tu l'es.
- Vous m'avez embauchée pour faire du ménage, rien de plus.
- Ah oui ?
- Oui.
Il se gratta la tête et leva ses sourcils, semblant réfléchir.
- Oui, tu as raison, excuse-moi. Peux-tu m'aider à les mettre dehors ?
- Comment voulez-vous que je fasse ? Ils sont huit et je suis incapable de me battre.
- Ils veulent seulement boire, encore une tournée et je pense qu'ils partiront !
- Est-ce qu'ils vous payent ?
- Je... Ils ont promis de le faire.
- Ne pensez-vous pas qu'ils profitent de votre générosité pour vider votre stock d'alcool ?
- Tu crois ?
Noriko observa les hommes et aperçut des armes tout genre, couteaux, sabres, pistolets, la situation pouvait vite dégénérer.
- Monsieur, s'il vous plaît, mettez-les dehors et fermez les portes, j'ai un mauvais pressentiment. Ils sont tous armés, les choses pourraient mal tourner.
- Les portes sont déjà fermées, ils voulaient être tranquilles.
- Mais pourquoi avez-vous accepter ? s'étonna-t-elle.
- Je n'avais pas le choix, gémit-il.
Noriko poussa un soupir de mécontentement.
- Bien. Dans ce cas, laissez-les finir et prévenez quelqu'un qui puisse venir vous aider. De mon côté, je vais me retirer. Vous pourrez enlever cette journée sur ma paye, ça m'est égal, je ne resterai pas une minute de plus avec ces gens. Je nettoierai demain soir.
- Eeeeh mais attends ! s'excita-t-il en la rattrapant par le bras.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? Vous voulez plus nous servir ? demanda quelqu'un.
- Bien sûr que oui, j'arrive tout de suite, sourit le patron.
Noriko se dégagea de son emprise et recula lentement vers la porte.
- C'est votre fille ? continua l'homme en se levant avant de s'approcher d'eux.
- Non, c'est mon employée, annonça fièrement le gérant.
- Elle travaille tard. Il y a un problème ?
L'invité indésirable faisait au moins trois têtes de plus que Noriko. Ses épaules étaient deux fois plus larges qu'elle et on devinait une montagne de muscles sous ses vêtements. Ses longs cheveux noirs étaient coiffés en demi-queue derrière son crâne et son regard noir était transperçant.
- Elle travaille de nuit, se justifia l'employeur sans réfléchir. Tout va bien, elle était seulement en train de me dire de vous mettre dehors parce qu'elle pense que vous êtes des pirates et doute que vous ayez de quoi payer.
Noriko se sentit dépérir sous son propre poids, cet imbécile cherchait vraiment à les provoquer.
- Monsieur, ce n'est pas...
Elle se tut immédiatement, l'homme qui surplombait la jeune fille de toute sa hauteur la toisait et elle se sentait minuscule en comparaison.
- Des pirates ? Ma foi, ce n'est pas vrai.
- Ah, tu vois.
- Nous sommes des chasseurs de prime.
Le sang de Noriko se figea, elle ne devait surtout pas laissez la panique l'envahir.
- De l'argent, on en a. Et je peux vous le prouvez, continua l'homme en jetant une liasse de billets sur la jeune femme.
Elle suivit l'argent des yeux avant de les ancrer dans le regard de son interlocuteur.
- Si vous voulez bien m'excuser, lâcha-t-elle en se retournant pour tourner la poignée.
- Pas si vite, tonna le chasseur de primes en plaquant sa main sur la porte au dessus de la tête la jeune fille afin de la garder fermée. Tu as bien dit que nous n'étions que de sales pirates ?
- Je n'ai jamais...
- Tu nous traites de voleur ?
- Vous avez de quoi payer, donc à l'évidence non.
Le propriétaire du bar ne lui était d'aucune utilité et était déjà en train de ramasser les billets.
- Je n'aime pas qu'on me traite de voleur, continua l'homme.
- Si vous voulez des excuses, je vous les présente. Maintenant, j'aimerais retourner me coucher, je dois me lever tôt demain, mentit-elle, et du repos en plus me fera le plus grand bien.
- Je te pardonnerai qu'à une condition. Viens trinquer avec nous, déclara-t-il joyeusement en se plaçant entre Noriko et la porte.
- Non merci, je ne bois pas.
- Ce n'était pas une question. Juste un verre.
- Obéit Irina, c'est types ne sont pas des tendres et ils sont armés, je doute qu'ils cherchent à plaisanter, lui chuchota son supérieur en se redressant.
- Et c'est maintenant que vous vous en rendez compte ? s'agaça-t-elle.
- Je te paierai le double de ton salaire durant les deux prochaines semaines. Je t'en conjure, assieds-toi avec eux, ne serait-ce que dix minutes. Tu ne risques rien, je suis là.
- Irina, c'est ça ? Quel nom étrange. Irina, j'ai dit : un verre, ordonna le chasseur de prime très sérieusement avant de terminer sa boisson en en faisant couler sur son menton.
Noriko regarda l'alcool avec dégoût, puis jeta un œil à son patron et remarqua qu'il la suppliait intérieurement.
- Un seul, répondit-elle. Un seul et je m'en vais.
- Formidable ! s'enthousiasma l'homme en précédent Noriko jusqu'à la table.
- Irina... je... ces types commencent à me faire peur. Aide-moi à les faire partir. S'il cassait mon bar, je me retrouverais ruiné.
- C'est l'alcool qui parle, monsieur. Vous devriez prendre un verre d'eau et leur expliquer calmement que vous allez fermer le bar.
- Je n'ai pas bu ! Et je t'ai dit que les portes étaient déjà fermées.
- C'est une façon de parler ! Ces hommes sont dangereux, à quoi pensiez-vous, bon sang ?
- Je suis désolé, je suis tellement désolé, se plaignit-il.
- Bon alors ! ? Vous venez ? aboya l'homme qui semblait être le chef.
- Nous voilà, sourit le patron en se précipitant vers eux.
À contrecœur, Noriko s'avança lentement vers la table, tenant à rester debout.
- Assieds-toi, lui ordonna le chef de la bande à lui appuyant violemment sur l'épaule.
La jeune fille grimaça de douleur, mais obéit sans broncher.
- T'as quelle âge, ma belle ?
Elle resta silencieuse.
- Je t'ai posé une question.
- 16 ans, grinça-t-elle entre ses dents.
- Tu es une bien belle jeune femme pour ton âge. Tu as déjà bu de l'alcool ?
- Non, admit-elle.
Il éclata de rire, suivit de ses congénères.
- Vous entendez les gars ! ? C'est sa première fois !
- Ouais ! ! ! hurlèrent-ils tous en même temps.
Assise au milieu de chasseurs de prime, son patron se tenant en retrait tout en tremblant comme une feuille, Noriko se retrouva avec un verre devant elle. Elle ignorait ce qu'il contenait, mais elle pouvait dire à l'odeur qu'elle n'allait pas aimer.
- Bois d'une seule traite, ordonna une voix.
Le cœur de la jeune fille battait à un rythme très élevé, elle tentait de maîtriser ses émotions, mais la peur commençait à pendre le dessus. Elle ne sentait pas du tout en sécurité et avait toujours cette intuition que la soirée allait très mal tourner. Sans réfléchir plus longtemps, elle attrapa son verre et le porta à ses lèvres. Il y avait l'équivalent de quatre gorgées qu'elle avala rapidement. La chaleur de l'alcool lui brûla la gorge si fort qu'elle se pencha en avant afin de tousser, ce qui provoqua une énième vague de rire au sein de la salle.
- Aller ! Un autre !
- Non merci, souffla-t-elle difficilement en toussant.
- Qui a dit que tu avais le choix ? rigola ce dernier.
- Vous aviez dit un verre, déclara-t-elle en se levant. Je dois y aller maintenant.
Noriko eut du mal à tenir debout, et dû se rattraper à une chaise. Sa gorge menaçait de prendre feu et elle avait envie de vomir. Elle ne savait pas ce qu'elle avait bu, mais elle était certaine que ce n'était pas que de l'alcool.
« Est-ce... de la drogue ? paniqua-t-elle intérieurement. Non. Ça ne peut pas faire effet aussi rapidement. Ça devait être de l'alcool pur. »
Le chef se leva également et l'attrapa par le bras afin de la retourner vers lui.
- Et tu comptes aller où ?
Elle devait rapidement reprendre ses esprits et surtout s'hydrater intérieurement afin de combattre les effets néfastes sur son corps, ainsi, elle garderait toute sa tête.
- Vous me faites mal..., marmonna-t-elle.
- C'est moi le chef ici, et je ne t'ai pas autorisé à quitter cette table.
- S'il vous plaît, je veux seulement rentrer, prévint-elle.
- Pourquoi ? Tu n'es pas bien avec nous ?
- Vous êtes ivres, je pense même que nous devrions tous partir.
- Messieurs, s'il vous plaît, je pense que nous avons tous assez bu pour ce soir, intervint le patron.
Le chef des chasseurs de prime se retourna vers lui et le frappa violemment.
- Reste en dehors de ça, toi ! s'énerva l'homme.
Le petit homme tomba au sol. Noriko en profita pour se dégager et se précipiter vers lui.
- Mais vous êtes fous ! ?
L'agresseur rigola avant d'attraper une chope de bière et de la boire cul-sec. Il essuya son menton à l'aide du dos de sa main, puis poussa un râle de soulagement.
- Aaah je commençais à m'ennuyer. Les gars ! Nettoyez-moi ce bar !
Les hommes présents ne se firent pas prier, ils se levèrent et commencèrent à saccager tout ce qu'ils voyaient dans la joie et la bonne humeur. Le bruit résonnait dans toute la pièce et était assourdissant.
Agenouillée aux côtés de son patron inconscient, Noriko était impuissante. Elle constata avec soulagement qu'il était seulement sonné et qu'il respirait toujours. Lorsquelle redressa la tête, elle se sentit vaciller, l'alcool ne passait pas et elle était certainement en train de découvrir les premières sensations de l'ivresse.
« Je n'ai bu qu'un verre, pensa-t-elle. Ça ne peut pas... qu'est-ce qu'ils ont mis dedans ? Concentre-toi ! Tu dois hydrater la moindre cellule de ton corps. »
Un fracas plus aiguë la fit sursauter, un des chasseurs de prime venait de donner un coup de sabre dans les verres qui séchaient et les avaient envoyés s'éclater sur le sol, projetant des éclats de verre aux alentours.
- Arrêtez ! hurla-t-elle.
- Eh patron, on dirait que cette gamine a encore soif, s'amusa un homme en s'approchant d'elle.
- Sers-lui à boire, cria son interlocuteur qui était occupé à briser une table.
- Avec plaisir, rétorqua le premier homme dans un sourire sadique.
Il récupéra une bouteille à ses côtés et la déversa intégralement sur la tête de Noriko, un grand sourire ornant son visage.
- J'espère que tu aimes le rhum, lui murmura-t-il.
Concentrée sur son pouvoir qu'elle faisait agir à l'intérieur de son corps, la jeune fille ignora la provocation. Elle tremblait de peur et de colère, mais ne savait pas quoi faire de plus. Elle savait qu'elle ne pourrait pas s'enfuir dans son état et quand bien même, elle y arriverait, elle ne pouvait pas se permettre d'abandonner son employeur. Ses cheveux mouillés lui collaient au crâne, le rhum coulait sur son visage et ses yeux commencèrent à la brûler. Au bord des larmes, elle se contenait de secouer son patron afin de le réveiller, tout en restant silencieuse. Un des hommes présents remarqua la scène et pour se moquer d'elle, attrapa le propriétaire par le col de sa chemise et le jeta derrière le bar dans un fracas épouvantable. Noriko se mit les deux mains sur la bouche pour s'empêcher de crier avant de se recroqueviller lentement sur elle-même. Un mal de tête commençait à lui marteler le crâne : les effets de la gueule de bois. Encore un petit effort et elle serait parfaitement sobre et consciente. Seule et à genoux au centre de la pièce, les mains et les jambes tremblantes, elle pleurait à chaudes larmes, rongée par la peur et l'angoisse, attendant que les huit hommes se lassent de tout saccager. Ces derniers continuèrent de massacrer le bar sans lui prêter attention. Lorsqu'ils furent tous essoufflés, ils prirent des bouteilles d'alcool et burent à même le goulot, tout en se racontant des anecdotes, en riant aux éclats et en laissant leur ivresse prendre le dessus.
Le chef des chasseurs de prime prit une chaise, posa une bouteille de rhum à ses pieds et s'installa soudainement face à Noriko avant de lui ordonner de le regarder. Elle obtempéra et obéit, relevant son menton tremblant tout en se mordant la lèvre inférieure. Elle avait réussit à s'hydrater et était désormais parfaitement capable de maîtriser son corps et son esprit.
- Tu as vraiment un très joli visage, lui affirma-t-il en sortant un couteau, il me donne envie de te le tailler en pièce.
À l'aide de sa lame, il lui caressa la joue, puis fit semblant de la lui piquer. Le cœur de Noriko rata un bond, avant de reprendre une course effrénée. Éveillée mais maintenant en proie à la panique, chacun de ses membres tremblaient. Elle se sentait plus ses jambes, son estomac se tordait sous l'effet de la peur ainsi que de l'alcool, sa gorge ne lui brûlait plus mais sa bouche était toujours pâteuse. Son potentiel agresseur se curait les ongles à l'aide de sa lame tout en la dévisageant, semblant réfléchir à ce qu'il allait dire. La jeune fille baissa la tête pour tenter de garder son calme et de trouver une solution afin de se sortir de cette situation.
- Je m'appelle Ibuki, je suis le chef de cette bande, se présenta-t-il finalement avec fierté.
Noriko resta silencieuse, se contentant de fixer le sol en haletant de plus en plus fort, ne sachant quoi répondre.
- As-tu déjà connu un homme dans ta vie ?
Noriko déglutit avec difficulté et sentit son cœur tomber dans ses talons, ne comprenant que trop bien le sens des paroles d'Ibuki.
- Je suis persuadé que ce n'est pas le cas...
Il rangea son couteau et attrapa sa bouteille afin de boire longuement des gorgées de rhum tout en continuant à l'observer. De son côté, Noriko s'ordonnait de se lever et de partir en courant, mais son propre corps refusait de l'écouter, ce n'était pas l'alcool ou la drogue : elle était paralysée d'effroi.
- Tu es vraiment très mignonne, répéta-t-il. Tu as 16 ans, c'est bien ça ? La fleur de l'âge... Mes hommes ont besoin de se détendre un peu, ils ont besoin... de chair fraîche et... jeune. Et j'en ai besoin aussi.
Les hommes ricanèrent à cette remarque.
- Quand j'en aurais fini avec toi, je te découperai ton joli minois pour que tu gardes un souvenir de cette nuit, un souvenir éternel.
Toujours sa bouteille en main, Ibuki se leva soudainement, dégagea sa chaise en arrière d'un grand coup de pied, puis s'accroupît devant Noriko qui demeurait toujours silencieuse avant de s'approcher de son visage. Il lui posa une main sous le menton et la força à le regarder. Il sentait la sueur et l'alcool, ce qui donna un haut-le-cœur à Noriko.
- Tu ne vas pas me causer de problèmes, n'est-ce pas ? Tu ne vas pas me résister ?
Par réflexe, la jeune fille lui cracha dessus, mais ne put rien faire de plus, car elle se retrouva au sol dans un cri de douleur, Ibuki venait de lui éclater violemment la bouteille sur le côté de sa tête.
- Sale peste ! vociféra-t-il en s'essuyant.
Aussitôt, un de ses hommes redressa Noriko sur ses genoux, se plaça derrière elle, lui leva le menton et posa une lame de poignard sur sa gorge, la forçant à rester immobile. À moitié assommée, des larmes roulaient sur les joues de la jeune fille se mélangeant au sang qui coulait lentement de son crâne. Immédiatement, elle agrippa l'avant-bras de son assaillant qui enfonçait la lame dans son cou, sachant que si elle le lâchait, elle se retrouverait égorgée.
- S'il vous plaît... Ne... Ne faites pas ça, implora-t-elle en fermant les yeux. Je peux... Je peux vous être utile.
Ibuki se mit soudainement à rire, l'alcool lui montant à la tête.
- Utile ? Qu'est-ce que tu pourrais bien faire qui me soit « utile » ?
- Je... J'ai des économies, j'ai de l'argent... Je...
- Tu veux acheter ta liberté ? Que je te laisse partir ?
- N... Non, balbutia-t-elle, je veux... Je veux seulement sauver... Acheter mon honneur. Je vous en supplie, prenez tout, mais ne me faites pas de mal...
- On peut dire que tu as du cran, pour une gamine. Tu préférerais être privée de liberté que d'être déshonorée.
- Pitié... haleta-t-elle.
L'homme dernière elle l'allongea violemment sur le sol, tout en gardant son couteau sous sa gorge, puis la fit taire en plus plaquant sa main sur sa bouche et son nez, lui écrasant la mâchoire et l'empêchant presque de respirer. Elle ne voyait plus ce qu'il se passait devant ses pieds, mais sentait la présence d'Ibuki. Une vive douleur lui piqua le cou, la lame du poignard s'enfonçait volontairement petit à petit dans sa chair et Noriko était obligée de tenir le poignet armé si elle ne voulait pas finir égorgée. De son autre main, elle tentait de dégager sa bouche et son nez afin de respirer. Ibuki rigola de plus belle avant de retirer sa chemise, laissant apparaître ses larges épaules imposantes. Il cracha au sol, puis déboutonna son pantalon.
- J'espère pour toi que tu seras très... très docile.
Noriko tenta se de débattre en hurlant, mais son assaillant resserra son emprise. Elle sentit du sang couler de sa gorge, sa peau était entaillée par la lame. Elle donna des coups de pieds dans le vide et gigota comme elle le pouvait. Ibuki lui attrapa ses deux genoux avant de les plaquer au sol à l'aide de tout son poids, ce qui fit douloureusement réagir Noriko. Il lui releva ensuite une de ses cuisses et se glissa entre ses jambes avant de s'allonger sur elle.
- Tu devrais te calmer et te détendre, lui conseilla-t-il avec un sourire sadique. La nuit ne fait que commencer, et nous sommes tous très affamés.
Il fit glisser ses doigts sous son chemisier et commença à défaire sa ceinture. Noriko eut le réflexe de vouloir l'arrêter, mais la douleur qui lui lancinait la gorge l'obligea à agripper de nouveau la lame du poignard, ce qui lui entailla les doigts au passage. Elle étouffa un cri et se rabattit sur le poignet du deuxième homme qui la tenait afin de soulager la pression sur son cou. Grâce à son autre main, elle avait réussi à dégager un petit espace sous son nez qui lui permettait de respirer difficilement. Avec ses mains occupées, son corps écrasé par le poids de son agresseur et sa tête qui tournait à cause du peu d'oxygène qu'elle inspirait, Noriko était tout simplement impuissante et commençait à suffoquer. Ibuki avait baissé son pantalon et s'attaquait désormais à son chemisier tout en déboutonnant lentement le bouton du haut, puis le deuxième, faisant durer le calvaire.
- C'est tout nouveau pour toi, je suis sûr que tu vas adorer...
Il lui déboutonna un bouton en plus, puis s'arrêta d'un seul coup, les mains tremblantes.
- Chef ? demanda un de ses hommes.
Ibuki sentit son cœur s'accélérer et se redressa d'un seul coup.
- C'est... C'est impossible. Ce... C'est... Ce n'est qu'une coïncidence, se justifia l'homme qui tenait Noriko jusque là en la relâchant. Ça... Ne prouve rien.
La jeune fille profita de ce moment pour se redresser sur un de ses coudes et emplit ses poumons d'air, l'esprit toujours embrouillée par la suffocation dont elle avait réchappé. Elle attrapa son cou et le liquide chaud qui se répandit sur ses doigts lui indiqua qu'elle saignait toujours.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda un autre.
- Son bras ! Je veux voir son bras ! ordonna Ibuki en se rhabillant.
Du coin de l'œil, Noriko aperçut un tatouage sur le ventre de son agresseur, mais décida de ne pas s'y attarder. Elle était terrorisée, la peur lui tordait l'estomac, elle avait mal à la tête, le sang coulait de sa tempe jusqu'à ses épaules, et elle devait lutter pour garder ses yeux et son esprit ouverts. Elle remonta son pantalon aussi vite qu'elle le put, avant d'être relevée sans ménagement et de sentir qu'on lui tordait douloureusement l'avant-bras afin de lui remonter sa manche pour arracher son bandeau.
- Mais comment...
L'adrénaline surgit au même moment et la jeune fille profita de la stupeur de ses agresseurs pour se dégager. Elle donna un coup de pied dans l'entre jambes d'Ibuki qui hurla de douleur, et se dirigea vers la porte. Un des hommes voulut la rattraper par les cheveux afin de l'empêcher de fuir, mais son poing se referma sur sa perruque, ce qui eut effet de la faire tomber au sol en arrachant quelques mèches de ses vrais cheveux au passage. Prise par surprise, la jeune fille avait trébuché et était tombée à genoux, gémissant de douleur.
Un silence s'abattit dans la pièce. Toujours au sol, Noriko n'osait plus se relever, ses cheveux blancs étaient désormais voyants et elle savait que son identité avait été découverte. Elle posa sa main sur son crâne ensanglanté avant de commencer à manquer d'air et à ventiler. Elle réalisait seulement maintenant ce à quoi elle venait d'échapper. Un des hommes lui tira sur sa vraie chevelure pour la relever et lui tint les deux mains derrière le dos afin de l'empêcher de gigoter, ce qui la fit grimacer de douleur. Le chef des chasseurs de prime, qui souffrait toujours du coup qu'il avait reçu, s'approcha d'elle avec peine et la gifla violemment.
- Je vais t'apprendre...
Si l'homme derrière elle ne l'avait pas retenue, une main lui tenant les cheveux, une autre ses deux poignets fermement serrés, Noriko serait tombée au sol. La pommette gauche en feu, elle respirait bruyamment, tout en tentant de comprendre ce qu'il se passait autour d'elle. Ibuki leva de nouveau la main, s'apprêtant à la frapper. Il ferma son poing afin de lui faire encore plus mal, mais s'arrêta avant de porter son coup. Il sentit l'alcool retomber d'un seul coup, puis une immense excitation monter en lui. Il attrapa délicatement une mèche de cheveux blancs et la fit tourner entre son pouce et son index, réalisant à peine que Noriko portait une perruque jusqu'à maintenant. Il éclata de rire, puis lui attrapa méchamment la mâchoire et l'observa.
- Les rumeurs étaient donc vraies.... Tu es... Tout... Le collier, le tatouage, les cheveux blancs.
- Chef, c'est vraiment elle ?
- Qu'est-ce qu'on fait ?
- On l'embarque, ordonna-t-il en la relâchant. On ne perd pas de temps et on lève l'ancre.
- Et le bar ?
- Brûlez-le, je ne veux aucune trace.
- ATTENDEZ ! hurla une voix.
Tous se retournèrent, la patron venait de se relever en titubant.
- Je vous en supplie...
- Monsieur, implora Noriko le cœur battant à tout rompre, s'il vous plaît, aidez-moi !
- Je vous en supplie, continua le patron.
- Sais-tu qui elle est ?
- Irina ? C'est mon employée, gémit le propriétaire.
Le chef éclata d'un rire sadique et se tourna vers Noriko.
- Tu es vraiment très forte pour te cacher, tu as vraiment berner tout le monde.
Il s'approcha du vieil homme et continua son monologue.
- Tu vois ces cheveux blancs ? Ce collier ? Ce tatouage ? Elle ne s'appelle pas Irina, mais Noriko. C'est la nièce d'un des sept grands corsaires et cela fait trois ans que tout le monde la cherche.
- Elle... C'est une criminelle ?
- Tu ne comprends donc rien ? Elle est recherchée pour 35 millions de Berrrys, on se moque de ce qu'elle a fait.
- Monsieur ! Ne les écoutez pas ! Je vous en prie ! cria Noriko en se débattant.
- Silence ! se retourna Ibuki en la giflant de nouveau, laissant échapper un petit cri de douleur provenant de la jeune fille.
- Écoutez, je..., commença le propriétaire des lieux.
- Tu as quelque chose à dire ?
- Prenez-la avec vous.
Le monde de Noriko s'effondra sous ses pieds, son propre patron qu'elle avait refusé d'abandonner quelques instants plus tôt venait de la trahir.
- Prenez-la avec vous, je ne dirai rien à personne, mais je vous en conjure, ne touchez pas à mon bar, je ne veux pas être ruiné.
Ibuki laissa passer un petit silence. S'ils partaient tout de suite, ils pourraient toucher la récompense plus rapidement.
- Entendu, finit-il par déclarer. Les gars, on lève l'ancre !
- Viens par là toi, ordonna l'homme qui tenait Noriko en resserrant sa prise.
- Non, non ! Laissez-moi... Lâchez-moi !
Elle ne put contrôler son angoisse plus longtemps et une onde d'eau vint frapper tous les hommes de la pièce. Malheureusement, elle ne fut pas assez puissante et ils furent seulement trempés de la tête aux pieds, les rendant tous silencieux.
- Magnifique, finit par murmurer Ibuki. Il n'y a plus de doute possible cette fois.
Il fit un petit signe de tête à l'homme qui tenait Noriko. Cette dernière sentit un coup de crosse derrière son crâne avant de s'effondrer sur le sol. Elle cligna faiblement des yeux, autour d'elle, la lumière faiblissait et sa vision se brouillait, petit à petit tout devint noir et elle finit par s'évanouir.
Noriko se réveilla dans un lit. Son mal de tête était intense et lorsqu'elle voulut se toucher le crâne, elle se rendit compte que sa deuxième main suivit le mouvement : elle était menottée. Elle se redressa péniblement, ses forces avaient considérablement diminuées et elle pensa que c'était à cause de la fatigue et du coup qui l'avait assommée. Elle se massa le cuir chevelu, tentant de décoller ses cheveux poisseux qui sentaient l'alcool et passant ses doigts sur les zones où ils avaient été arrachés, puis constata qu'on pansement avait été posé à l'endroit où elle avait été frappée avec la bouteille. Sa pommette la lançait également en souvenir de la gifle qu'elle avait reçue, et une énorme bosse était apparue à l'arrière de sa tête. Un bandage était enroulé autour de son cou, masquant la coupure qui lui avait été infligés et ses doigts qu'elle réussit à bouger douloureusement étaient également recouvert de pansements. Tout à coup, elle fut prise d'un élan de panique et baissa les yeux pour constater que quelqu'un avait remis les boutons de son chemiser en place. Elle les rouvrit à la recherche de traces de lutte ou de bleus, mais ne trouva que son collier. Toujours assise dans le lit, elle se palpa les cuisses et l'entrejambe à travers ses vêtements, constata qu'elle ne ressentait aucune autre douleur physique au niveau de son bas ventre et comprit avec soulagement que personne ne l'avait touchée. Elle regarda autour d'elle et remarqua qu'elle était à bord d'un navire, dans une cabine sans hublot, sans le moindre contact avec l'extérieur. Elle continuait de se poser des questions jusqu'à ce que quelqu'un fasse tourner une clé dans une serrure avant de rentrer dans la pièce : c'était Ibuki. Il lui semblait beaucoup plus imposant que dans ses souvenirs et elle se mit soudainement à trembler.
- Tu es réveillée ?
La jeune fille recula et se recroquevilla contre le mur adjacent au lit qu'elle occupait, muette d'effroi.
- Tiens, lui dit-il en lui tendant un verre d'eau trouble. Ça dissipera ton mal de crâne.
Noriko ne bougea pas d'un cheveu, refusant d'avaler quoique ce soit.
- C'est un anti-douleur, tu n'auras pas le même effet qu'hier soir.
Ne bougeant toujours pas, elle se contenta d'attendre. Ibuki soupira sans insister.
- Tu n'as pas à avoir peur, personne ne t'a touchée et personne ne te touchera, ni ne te fera du mal. Ce qu'il s'est passé hier soir n'est qu'un pur et simple malentendu, je ne savais pas qui tu étais, se désola-t-il. Jamais je n'aurais touché à la nièce de Mihawk, je ne suis pas fou.
Elle sursauta en entendant le nom de son oncle. Ibuki prit une chaise et s'installa près d'elle. Pendant ce temps, Noriko tentait instinctivement de retirer ses menottes tout en restant attentive à ce qu'il lui disait.
- Elles sont en granit marin, tu ne risques pas de les enlever et tu ne pourras pas utiliser tes pouvoirs, annonça-t-il en baisssant les yeux sur les mains de la jeune fille en les pointant du doigt.
Il l'observa encaisser cette information et capituler.
- Je suppose que tu en as déjà entendu parler, même si on dirait que tu n'en avais jamais porté. Ta faiblesse te vient de là, c'est une réaction tout à fait normale pour les gens possédant un fruit du démon.
Noriko laissa échapper un petit hoquet de surprise. Les événements de la veille lui revinrent en mémoire, elle avait utilisé ses pouvoirs devant eux, mais ils n'avaient pas semblé étonnés. Au contraire, cela avait confirmé leurs soupçons. Ils savaient... La réponse était désormais évidente dans son esprit : la Marine savait qu'elle possédait le fruit du démon permettant de contrôler l'eau.
- Tu dois avoir beaucoup de questions, soupira-t-il, je vais tacher d'y répondre.
Il se passa un main derrière la nuque et s'étira le cou.
- L'alcool fait vraiment des ravages, j'ai une énorme gueule de bois, s'amusa-t-il.
Noriko ne dit rien et le fixa longuement, tout en restant sur ses gardes. L'homme qui lui faisait face n'avait rien à voir avec celui qui l'avait agressée la veille. Il semblait même être désolé de son comportement. Elle était malgré tout pétrifiée de peur, mais devait garder son sang froid. Cet homme était dangereux, il avait tenter d'abuser d'elle et menacé de vouloir la livrer à ses hommes. Il s'en était fallu de peu, de très peu. Selon les dires de son ravisseur, il lui avait assurée qu'elle ne risquait plus rien et que personne de la toucherait, même si elle avait du mal à le croire. Il ne savait pas qui elle était à ce moment-là, ce qui veut dire que le fait d'être la nièce de Mihawk l'avait sauvée. Son influence l'avait sauvée.
- Tu es méfiante ? Je te comprends. Je suis sincèrement désolé pour hier soir.
Noriko fut sortie de ses pensées, cet homme la dégoûtait et lui inspirait une grande terreur. Elle songea à ce qu'il avait essayé de faire, avec ou sans les effets d'alcool, il puait l'immondice, la perversité, la perfidie et la malveillance, et elle ne put s'empêcher de penser que ce n'était pas la première fois qu'il agissait de la sorte, ce qui fit monter la colère en elle. Malgré cela, elle devait rester calme et tenter de récupérer le plus d'informations possible. Elle serra ses poings et s'enfonça ses ongles dans la paume de ses mains. Ce n'était pas le moment de se montrer hostile, car elle était prisonnière, devait donc se comporter comme telle et obtempérer. Par la suite, elle échafauderait un plan pour s'échapper, mais pour l'heure, elle devait absolument savoir dans quel pétrin elle s'était fourrée. Elle prit une profonde inspiration.
- Comment.... Comment avez-vous su ?
- Ton avis de recherche, lâcha Ibuki en haussant les sourcils face à une telle évidence. Ne me dis pas que tu ignorais que tu étais recherchée.
- Je parlais de... de mon tatouage.
- Tu l'avais recouvert, non ?
- Je... C'était un réflexe, avoua-t-elle en baissant les yeux. Je me suis dit que ce serait un signe distinctif.
- Et tu avais raison. Tu sais, je ne suis pas un pirate, expliqua-t-il en mettant se deux mains derrière sa tête et en étendant ses jambes, lui donnant une posture décontractée. Je suis un chasseur de primes, et ce, depuis des années. Je suis en contact permanent avec la Marine, surtout lorsque je leur livre mes proies. Ce qui veut dire que je connais du monde, des soldats et des hauts gradés qui m'informent des dernières nouvelles. Des rumeurs se sont répandues lorsque ton avis de recherche est apparu, des rumeurs concernant ton apparence.
Noriko se sentir frémir, elle se savait en danger depuis longtemps, mais elle ne pensait pas que les gens s'intéressaient autant à elle.
- Il y a eu une fuite d'informations au sein de la Marine. Tout le monde a entendu parler de ton lien de parenté avec le grand corsaire Mihawk Œil de Faucon, du tatouage ornant ton bras ainsi que de ton collier, et pour finir, le fait que tu contrôles l'eau.
- Comment ? coupa-t-elle. Seul Mihawk était au courant.
- Vraiment ? sourit-il. Quelle conclusion en tires-tu ?
- Impossible...
- Et pourtant... Voyant que personne ne te trouvait, il a été contraint de donner plus d'informations à la Marine afin que celle-ci te récupère au plus vite. De ce fait, les soldats ont reçu de nouveaux ordres, de nouvelles directives et petit à petit, les rumeurs ont commencé à circuler entre eux. Après la Marine, ce fut aux chasseurs de primes de récupérer ces informations et enfin, aux pirates.
- Aux pirates ?
- On parle de plusieurs millions de Berrys pour la capture d'une simple fillette, c'était de l'argent facile pour la plupart d'entre nous. Ils étaient tous intéressés, tous, mais encore fallait-il te mettre la main dessus, s'amusa-t-il. Tu n'as pas fait part d'une grande résistance, j'en conclus donc que tu n'es pas aussi dangereuse que l'on pourrait le croire.
- Pourquoi est-ce que tout le monde me considère comme dangereuse ? Je n'ai jamais rien fait de mal.
- Il semblerait que ton existence même soit une raison suffisante.
Cette affirmation frappa Noriko en plein cœur et si elle avait été seule, elle en aurait certainement pleurer. Le simple fait d'être venue au monde était un crime aux yeux de tous. Ibuki fouilla dans sa poche.
- Ne sois pas blessée, ce n'est pas ce que je voulais dire, rassura-t-il. Pour être exact, c'est la prime sur ta tête qui a alimenté ces rumeurs. 25 millions pour une gamine, et trois ans plus tard, sans aucune nouvelle ni aucun acte de ta part, ni même un changement de photo, cette prime est passée à 35 millions.
Pour justifier ses paroles, il lui montra son avis de recherche. À part la somme, rien n'avait changé, elle était toujours recherchée vive et la photo la montrait toujours âgée d'une dizaine d'années.
- Vous allez me livrer à la Marine ? osa-t-elle demander le souffle court.
Ibuki rigola de cette question.
- Non, ce serait trop facile.
Il se leva de sa chaise et recula vers la porte.
- Et surtout, beaucoup moins amusant, ajouta-t-il en posant sa main sur la poignée. Cette pièce n'a pas d'ouverture extérieure, tu ne pourras pas t'enfuir. Quelqu'un t'apportera à boire et à manger, tu seras bien traitée. Tu peux circuler librement entre cette chambre et la salle de bain qui se trouve à côté de ton lit, mais je t'interdis de t'aventurer plus loin.
Il ouvrit la porte et lui montra la clé qu'il avait dans la main.
- De toute manière, tu seras enfermée. Ne t'en fais pas, nous devrions arriver à destination d'ici deux jours.
- Où allons-nous ?
- Nous avons rendez-vous sur une île si petite qu'il est impossible d'y vivre.
- À qui allez-vous me livrer ?
L'homme eut un sourire diabolique.
- Comme je te le disais, j'ai beaucoup de relations. Nous avons finalement réussi à contacter la seule personne qui était prête à offrir dix fois la somme de ta prime.
Noriko fronça les sourcils sans comprendre, sentant son cœur s'accélérer.
- Peu de gens sont au courant de cette information, continua-t-il fièrement, mais heureusement, j'ai un bon réseau.
Il sortit de la pièce et dans l'entre bâillement de la porte, juste avant de la fermer à clé, confessa quelque chose qui terrorisa Noriko.
- Nous te ramenons à ton oncle.